Le vieillard et l'as de pique
Post by Ghal Windtroper - December 1, 2006 at 2:11 PM
Le vieillard et l'as de pique
La pluie s'abat violemment sur Systéria. A la sortie du coin chaud, les gouttes tombent à un rythme régulier sur la capuche de mon manteau, produisant un grondement tout à fait de circonstance. Le vieillard me regarde droit dans les yeux. Je connais ce regard, celui qui respire la mort et les ennuis. Les gens ne cessent d'entrer et de sortir de la taverne, passant autour de nous comme si nous étions invisibles, alors que j'ai besoin de me sentir vu. J'ai besoin que des gens s'arrêtent, nous regardent et voient ma détresse. Mais non, qui s'arrêterait sur le chemin d'un vieillard et d'un jeune gaillard.
"Je suppose que c'est le moment où vous allez essayer de me convaincre de travailler pour vous ? J'entame la conversation fort, mais je sais très bien qu'il n'est pas là pour tourner autour du pot.
- Le temps est effectivement venu pour vous de prendre une décision, mon jeune ami.
- Je suppose que je n'ai pas vraiment le choix.
- Tout le monde à le choix, même vous. Vous êtes un homme libre."
Les portes s'ouvrent à nouveau, déversant un flot de personnes riant de la bonne soirée qu'ils viennent de passer. Je me tourne sur leur passage pour les voir passer. Le regard dans le vide je réponds au vieil homme.
"M'offrez vous d'exaucer mes désirs ?
- Tout dépend des désirs en question …"
Je fais volte face et regarde le vieillard dans les yeux.
"J'en ai deux …
- Et quels sont ils ?
- Tout d'abord, je souhaite travailler à la bibliothèque impériale … Bien que je doute que vous puissiez m'être d'une quelconque aide.
- Et le second ?
- Vous le connaissez très bien … Puisque vous me refusez vous-même d'y accéder.
- Formulez le tout de même."
Un sourire sadique passe doucement sur son visage. Je ne doute plus un seul instant qu'il va éprouver du plaisir à le refuser une seconde fois.
"Je veux pouvoir fréquenter Umrae quand bon me chante …
- Mais voyons vous disposez déjà de ce plaisir.
- Je crois que vous n'avez pas saisi l'étendue de l'euphémisme "fréquenter""
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Son air se renfrogne immédiatement, pourtant il a perdu sa méchanceté.
"Pourrez vous subvenir à ses besoins ? Me demande-t-il.
- Avec le travail que vous m'offrez je n'en doute pas un seul instant.
- Et sinon ?
- Les scribes sont assez demandés, et les représentations paient bien.
- Moins que moi …
- Dans quelle mesure aurez vous besoin de moi ?
- De façon ponctuelle … et immédiate. Vous devrez vous défaire de tout ce que vous aviez entrepris pour venir faire votre boulot. En dehors de cela, je vous laisse libre.
- Hmmm … Je suppose que la liberté n'en sera que plus temporaire, mais au moins je pourrai fréquenter qui je veux.
- Effectivement, un sourire passa sur son visage. Alors nous considérons le contrat comme signé ?
Mon silence le fait hésiter un instant. La pluie a cessé, et on n'entend plus que les gouttes de pluies tombant des gouttières sur le sol.
"Il n'est pas signé, il reste le point des honoraires à régler.
- Oh, je croyais qu'Elle était votre désir principal ?
- Elle l'est effectivement, mais je crois que vous avez transformé ce désir en une question d'argent. Alors autant la régler tout de suite.
- Bien, et à combien estimez vous votre valeur ?
- Mille pièces par interventions pas moins. Vous n'aurez pas un avocat ou un conseiller digne de ce nom en dessous des cinq mille.
- Voilà donc qui en est trop pour moi … Vous vous permettez de vous comparer aux meilleurs alors que vous n'avez pas encore reçu de formation. Mais soit j'accepte. Mais sans moi vous n'aurez pas ce que vous voulez. Je ne pense pas que vous soyez en mesure de monnayer votre salaire.
- Pas de fausse modestie, vous savez que je suis le meilleur orateur que vous pourrez vous payer à ce prix là !
- C'en est trop pour moi, oubliez moi et oubliez Umrae …
Il fait mine de partir mais avance trop lentement pour être crédible. "Ne faites pas semblant de partir. J'ai dit que j'acceptais." Il se retourne avec un sourire aux lèvres.
*"Vous savez qu'en travaillant pour moi vous prenez des risques ? *Surenchérit-il
- Je le sais parfaitement … Et je suppose que ces risques me feront renier certaines des convictions qui me sont si chères … Mais je ne pense pas avoir le choix.
- Les risques seront très présents, et s'ils ne le sont pas … Je m'arrangerai moi-même pour les créer.
- Je comprends de mieux en mieux la citation que vous m'avez laissé."
Je me mets à la réciter comme si je la psalmodiais Si vis pacem para bellum. Si tu veux la paix, prépare la guerre. Il se contente de me répondre par un sourire narquois.
"Alors, cinq mille pièces, et le contrat est signé ? Conclus-je
- Cinq mille pièces et l'assurance que vous serez disponible à toute heure à tout moment.
- A une condition alors.
Il se retourne pour me refaire le coup de l'homme désintéressé de ma proposition.
"Ecoutez la au moins.
- Allez-y, dit-il toujours en me tournant le dos.
- Chaque soirs, je veux une demi heure ou vous me laisserez en paix avec elle."
Il explose dans un rire tonitruant.
"Vous êtes libre de faire ce que vous voulez, et moi aussi. Je vais réfléchir à votre proposition. Bonne soirée Ghal"
Il part sans se retourner alors que je repasse la porte du coin chaud. Ambraz vient de finir son service. Les poings serrés je m'arrête quelques instants sur le seuil, faisant mine de sécher. En fait, je profite de ces quelques instants pour proférer une malédiction au vieillard.
"Je suis votre as de pique Hanzo, ne l'oubliez pas. Pour qui sème le vent récolte la tempête, et je vous transpercerai au moment où vous aurez le plus besoin de moi."