La croisade de l’espoir
Post by Mathéo Balgor, AdC - December 1, 2006 at 7:16 PM
Prologue
Les rêves sont-ils faits pour être vécus? Si oui, alors qu’en est-il de nos désirs, de nos envies, de nos passions? Et de cette quête acharnée qu’est la recherche de soi? Animé par de telles questions, jusqu’où un homme peut aller pour trouver ces réponses? Pour cet homme, le rêve est aussi un espoir, souvent le plus secret des secrets. Ses désirs et ses passions forment un tout mais souvent, il se doit de les éloigner, de les confiner dans une cage très loin de son cœur. Parfois pour le bien de tous, d’une ville, d’un royaume, un homme de foi doit détruire ses rêves pour permettre à ceux qu’il protège d’en avoir… Ce sacrifice, il le fera de lui-même par amour pour ces derniers. Les gens diront alors que cet homme est brave, qu’il se tient stoïquement droit. Ils diront de lui qu’il est vertueux, spiritueux et sans failles… Mais est-ce vraiment le cas? Et si le si grand et fort guerrier était en fait le plus faible des hommes? S’il n’était en fait qu’un simple caillou terne au pied d’une montagne verdoyante? Quand cet homme voit son destin tomber, quand il voit sa vie s’envoler et tout autour mourir, que reste-t-il de lui? Quand il se voit tomber et tomber toujours et inlassablement plus bas de fois en fois, que reste-t-il de lui? Et si les ténèbres le gagnent et le rongent… si le mal qu’il vécut jadis, ancré en lui le tue à petit feu et ressent sa fin approcher, que reste-t-il de lui? Quand il ne reste là, au fond de ses yeux plus aucun espoir, quand il se regarde dans la glace et ne voit plus que le reflet d’une épave, que celui qui avait été jadis n’est plus… Que restera-t-il de lui? Ce n’est qu’une fois au bout du monde que cet homme trouva la réponse à cette question… Et il y a un bon moment déjà, je fus cet homme…
Post by Mathéo Balgor, AdC - December 1, 2006 at 7:20 PM
Chapitre 1
Le cœur en déroute
Il y a de très grands mystères en ce monde, des mystères qui le resteront peut-être bien pour toujours. Je ne suis guère un sage, encore moins un scientifique ou bien un mage aux grandes facultés magiques, non loin de là, hélas… Je ne suis qu’un simple guerrier, un guerrier de Thaar… Et j’ai encore bien des choses à comprendre, dont une grande énigme, celle qui, il y a de cela 7 ans, me fit face quand je quittai la maison familiale; Où allait donc ma destiné? Cette question qui me hantait encore il y a à peine 1 an a trouvé sa raison d’être. Oui j’ai finalement su pourquoi Thaar m’avait amené jusqu’en son temple ce jour de printemps, il y a 7 ans… Oui j’ai compris ce qu’il attendait de moi. Tel un fils aimant j’ai suivi mon père à travers les vastes contrée du mystère et de l’imprévu. J’ai suivi mon destin et le chemin de la lumière m’est apparu aussi brillant que le soleil. Ce chemin est pourtant escarpé et rempli de rocher, rempli de serpents et de scorpions. Il est tortueux et ardu, il est la limite imposée par notre esprit, il est le seul obstacle connu d’un homme cherchant sa voie, cherchant ce qu’il est et son destin. Non je ne suis qu’un homme ordinaire, un homme qui durant toute sa vie, chercha. L’homme est le plus grand chercheur que l’humanité toute entière ait porté, car il est le seul être vivant à avoir perdu sa raison d’être il y a bien longtemps. Oh comme j’ai cherché, j’ai cherché et cherché encore et encore, j’ai d’abord cherché autour de moi, cherché autour des autres, j’ai cherché dans mon royaume. Mais pourquoi chercher dans le monde une chose si précieuse qui est en fait en nous?
J’ai, durant 7 longues années, chaque jour repoussé mes propres limites afin de voir jusqu’où je pourrais aller. La foi me portait, elle était ma force! Je me sentais invincible, impliable grâce à elle, je me sentais intouché par le mal et la souffrance… Chaque jour de mon existence était gratifiant car j’avais réussi l’entraînement que les maîtres paladins nous faisaient subir. J’en oubliais la fatigue, j’en oubliais la douleur physique que cela me procurait, j’en oubliais mon corps… J’en oubliais ma vie? J’avais 16 ans quand j’ai commencé mon entraînement. Parmi les plus puissants, le jeune homme que j’étais voulait s’imposer, se tailler une place et le faisait férocement. Le combat était toute ma vie, quand j’étais dans l’arène j’oubliais tout, que gagner m’importait. Au nom de Thaar, je combattais avec un feu intérieur qui dévorait tout. Ma ferveur pour mon dieu me poussait toujours plus loin dans mes limites et bien évidemment, rarement je ne sus m’arrêter. Les années passèrent, ma vie était un rêve. J’avais ma place dans l’ordre, j’étais un des plus fervent selon plusieurs de mes connaissances. J’avais réussi à démontrer à mes collègues que le petit Mathéo bagarreur et impulsif, maintenant devenu un homme, méritait amplement son droit d’être un membre de l’Ordre du Soleil. Ce droit, chèrement obtenu, rien au monde n’aurait pu me l’enlever… C’est ce que je croyais…
A l’aube de mes 18, ou était-ce mes 19 ans? Je ne sais pas, je n’ai jamais su mon âge exact. J’ai toujours supposé avoir passé le cap de l’adolescent mais peut-être était-ce grâce à mon entraînement qui me faisait paraître plus vieux? 4 ans de dur entraînement m’avait peut-être vieillit prématurément. Mon corps finit par se sculpter peu à peu, prenant le physique de ces guerriers puissants et endurants. Mais ce fut à cet âge-là, que ma vie se bouleversa. C’est à dire il y a un 1 an, maintenant… Je me souviens clairement de ce qui se passa, oui… très clairement. Cela faisait environ 2 ans que je m’étais imposé un rude entraînement, que j’exécutais rituellement chaque jour. Chaque matin, en me levant, je me couchais au sol et je faisais 30 pompes, 30 redressements assis, rien de gros direz-vous… Puis ensuite, tout dépendant de l’endroit où j’avais dormi, je faisais à la course 2 tours de quartier, souvent le campement gitan car à l’époque, je suivais Sharon partout. Ensuite, quand j’avais terminé mes tours du campement, je prenais la route à pied vers les bains publics de la moyenne ville. Et à cet endroit, je continuais mon entraînement en passant du chaud au froid, du froid au tiède, du tiède au chaud et la plupart du temps, je restais dans le bain glacé durant plusieurs minutes afin d’habituer mon corps à l’extrême froideur. Sharon se vantait toujours de ne pas ressentir le froid étant une demi-elfe. Je dois avouer que je faisais cela par orgueil plutôt que par souci du froid. Un esprit compétitif s’était installé au courant du temps entre elle et moi. Notre amour, puissant ne manquait jamais de piquant. Défi après défi, je les relevais du mieux que je pouvais. Mais malgré mes efforts, qu’un humain j’étais, et un humain face à un elfe n’est rien. Je crois que c’est pour cela que notre amour s’est estompé peu à peu. Peut-être que je n’acceptais pas le fait qu’un elfe, encore moins une femme ne me catapulte au sol en moins de deux. Mon père jadis de son vivant, m’avait élevé dans le respect de la femme à l’homme, ma mère rarement ne prenait de décision. Mon orgueil masculin face à Sharon en prenait de sacré coup, je dois dire!
Ha, Sharon… Mon amour… Malgré nos jeunes âges, j’étais le seul à l’époque qui l’aimait d’un amour immense. J’avais 13 ans à l’époque quand je lui ai déclaré ma flamme. J’aimais Sharon depuis longtemps et à l’époque Léonor était ma fiancée. J’étais allé vers Sharon car Léo avait disparu et ce durant 5 mois. Sans aucune nouvelle, sans aucun mot. J’ai cru alors qu’elle m’avait abandonné. Mon amour pour Sharon était trop fort pour me taire encore longtemps. Alors que tout le monde de Sharon n’était de froideur et souffrance, moi, un jeune garçon des bas-quartier, plus pauvre encore qu’un gitan, avait gagné son cœur car j’avais su l’écouter. Cette Sharon que tous détestaient par son attitude et ses manières rustres, elle n’était que pour moi. J’ai connu tellement de bonheur avec elle, elle et Thaar étaient mon univers. J’ai commis aussi tellement de bêtises pour elle, j’ai fait de grandes choses pour que sa vie soit meilleure. J’ai sacrifié ma liberté pour qu’elle soit heureuse enfin, qu’elle oublie la torture, la douleur et la mort qu’elle endura jadis. J’ai toujours réussi, et j’en suis fier. Mais pauvre de moi, comme j’étais mou devant elle, ma déesse sauvage comme je l’appelais! Mou et peut-être un peu trop soumis, je crois. Je dois dire que quand Sharon aime, c’est souvent pour toujours et à jamais. Elle m’a aimé, ô pour m’aimer; elle m’aimait! Trop, je crois même. J’ignore comment est-ce arrivé, j’ignore pourquoi et à quel but les sentiments que j’avais pour elle se sont estompés… Et parfois, ses manières rustres qui jadis me faisaient rire ont fini par me vexer au courant du temps. C’est sans doute parce qu’elle ne m’écoutait jamais. Passer 7 ans avec quelqu’un qui ne nous écoute jamais, c’est guère facile! Il y a aussi le fait que comme j’étais humain, j’étais plus fragile qu’elle alors évidemment elle me disait toujours de rester derrière, de ne pas attaquer, de ne pas faire de bêtise. Je crois que c’était à ce moment-là que j’avais l’impression d’avoir une mère plutôt qu’une fiancée! Non je n’ai jamais pu accepter cela, le fait qu’elle se tire à deux mains liées, tête baissée dans le danger et que moi, ô pauvre humain, devait rester loin, loin du combat. Non je n’ai jamais accepté cela. J’ai pourtant voulu lui faire comprendre mais elle ne m’a jamais vraiment écouté. C’est ainsi que mon amour pour elle, peu à peu s’est effrité. Sans arrêt, quand je chassais avec elle, j’avais l’impression qu’elle seule était la plus forte, qu’elle seule pouvait soigner, qu’elle seule pouvait tout faire et que moi je ne devais que de suivre car j’étais pas assez fort pour elle. J’étais pourtant fier de moi, j’avais appris à maîtriser la magie divine que Thaar générait en moi, grâce à lui je pouvais soigner n’importe quelle blessure, n’importe quel poison. Je me sentais utile grâce à mes dons mais cette joie fut de courte durée. Un beau jour je vis Sharon utiliser elle aussi la magie divine mais point grâce à Thaar, sa magie venait plutôt de Melurine la déesse de la vie et de la nature Elle était devenu sa prêtresse… Alors une question me hanta un bon moment, pourquoi se sentait-elle obligée de faire comme moi? Pourquoi m’a-t-elle encore une fois écarté? Je me suis de nouveau senti inutile et mis de côté…
Le temps passa, il passe toujours le temps mais ne revient jamais. Je devins de plus en plus fort, de plus en plus résistant et je partais seul en chasse, étant ma propre limite, n’ayant rien pour me retenir. Ma masse hérissée de pointes, mon bouclier et mon ostard, je n’avais que cela pour compagnons. J’ai fini par prendre goût bien malheureusement à la solitude. Je devins froid, peu à peu, tellement plus loin d’elle. Bien sûr, elle le remarqua et m’en parlait très souvent. Me disant combien elle avait froid sans moi. Mais alors pourquoi, si c’est le cas, m’avait-elle toujours éloigné quand il était temps pour moi de la protéger, pourquoi moi, qui suis guerrier ne pouvait pas lui montrer combien j’étais preux et fort! J’ai compris alors que son amour devenait peu à peu possessif. Elle me voulait que pour elle et c’est pourquoi, quand je partais très longtemps, mes entraînements, mes croisades et toutes ces heures ou, complètement mort de fatigue, je dormais et dormais.. et… dormais! A mes 18 ans, cette période de ma vie se résumait qu’à un seul mot : entraînement. Je passais mes jours, mes temps libres et mes congés à m’entraîner. Je ne vivais que pour le dépassement de mes limites, je pouvais partir des semaines entières simplement pour m’entraîner. Ma ferveur était à son plus fort! Sharon se sentait de plus en plus seule et avait de plus en plus froid sans moi jusqu’au jour où, bien malgré moi, les disputes éclataient trop souvent, jusqu’au jour où je dus faire un choix déchirant, où je dus abandonner soit Sharon ou soit Thaar. Sacrifier mon bonheur conjugal ou mon titre d’acolyte et de renoncer à monter les échelons jusqu’à mon rêve, devenir un paladin reconnu par tous. Le rêve de mon père, le rêve de toute une famille. Je dus choisir entre elle ou eux… Un choix terriblement déchirant, un choix qui m’a détruit. 6 ans avait passé et jusqu’à maintenant j’avais réussi à jongler entre Sharon et mon devoir d’Acolyte. J’avais un juste milieu tortueux mais existant. Elle m’avait même offert pour mon 18ème anniversaire une superbe maison juste à côté du temple de Thaar. Elle m’avait comblé de bonheur ce jour-là, cette maison je l’avais souhaitée depuis très, très longtemps. Mais même cela n’a pas guéri nos plaies ouvertes…
L’année qui suivit mon 18ème anniversaires fut un fiasco total. Les disputes étaient trop fréquentes, aussi fréquentes que mes absences. Je crois que Sharon n’en pouvait plus d’être seule, et moi je n’en pouvais plus de subir ses caprices pour cause, je me donnais trop à mon devoir et à mon entraînement. Mais ô combien j’aurais dû l’écouter à ce moment-là… Je me souviens il y a un an, je me donnais corps et âme à mon devoir, sans relâche, sans arrêt jamais! Toujours en patrouille, toujours à marcher, marcher et marcher encore afin de m’assurer que la ville dormait en paix. J’étais aussi trop souvent à l’entraînement, en promenade autour de Systeria pour pourfendre les impies qui fleurissaient en Malbois. Je mangeais presque plus, seul mon devoir comptait. J’étais devenu totalement fou… Je dois avouer aussi que j’avais peur. Mon ancien mentor, Ilmertus était tombé aux mains des impies sans avoir la moindre chance de survie, ces barbares de la Horde Sanglante l’ayant détruit, tué… Traîné dans la boue et craché dessus… J’étais persuadé que s’il avait passé plus de temps à l’entraînement, il aurait su se défendre contre eux. J’avais en moi, une grande haine envers le malin, envers tous ces souvenirs noirs qui souvent me revenaient en tête. Mon père, ma mère, Ilmertus, se traite de Clavius qui tenta par 3 fois de me tuer sans y parvenir. Tout le mal que mes amis, Amy, Kaladrion, Félix, Almael et Leonore ont dû subir parce que je n’étais pas là, parce que je n’avais pas su les protéger ou parce que j’avais été trop faible. Le remords me grugea. Mes 19 ans furent marqués par un soleil noir, une souffrance intérieure énorme. La fatigue que j’avais accumulée les derniers mois, Sharon qui en rajoutait épais par-dessus ma tête, mes souvenirs qui ne mouraient pas, c’est ça qui me tuait peu à peu. Puis un beau matin, alors que je revenais de patrouille je m’écroulai au sol, à bout de tout. Je n’en pouvais plus. J’ai cru alors que Thaar m’avait abandonné, que tous mes efforts pour lui plaire n’avaient aucun effet. Je venais de passer 7 ans de ma vie, à charcuter mes passions et mes désirs au compte de l’entraînement toujours en espérant que l’Archevêque me fasse l’honneur de me faire monter en grade. Non, même en 7 ans, il ne m’avait jamais félicité… J’avais donc tout fait ça pour rien? J’ai perdu la foi ce jour-là. J’ai perdu confiance en moi, j’ai perdu cette flamme qui me gardait en vie. Ma foi qui était mon énergie me quitta. Je suis devenu à ce moment-là une épave, un zombie, un monstre qui effrayait mon entourage. Mes idées étaient devenues noires, j’étais sombre et sans vie. Comment pouvais-je être tombé si bas? Comment mon amour jadis pour la vie devint qu’aversion et haine? J’étais tombé, j’étais déchu… Moi qui avais juré à Kalidor que jamais au grand jamais je n’allais tomber. Moi qui aurais crié sur tous les toits comment Moi, Mathéo Balgor Ilandil était le plus fort! Moi qui n’avais jamais perdu la foi, alors que tous les plus grands paladins avaient douté un jour. Le remord fini par me gagner et écrasa ce qui me restait de force…
Je me promenais en ville le soir, j’avais l’air d’un mort-vivant tellement je n’avais plus d’énergie. Les gens qui me connaissaient me disaient bonjour, et moi, je m’en moquais éperdument. C’est à ce moment que j’ai décidé de toucher à l’alcool. Les gens disaient que ça faisait oublier, mais moi, tout ce que j’ai eu avec l’alcool ce sont de grands maux de tête le matin! Ha, j’étais devenu ce que j’avais toujours craint. Je ne demandais pas de l’aide, même si je l’aurais fait, j’aurais rien eu. Si j’étais allé au temple, l’on m’aurait congédié. Si j’avais été voir mon père adoptif, Evrior, il m’aurait renié. Si j’avais demandé à Kalidor de l’aide, il en aurait sans doute profité pour me caller étant donné qu’il avait lui-même tombé récemment, mais s’en était sorti grâce à sa foi et je ne pouvais plus sentir personne, trop haineux. Personne ne pouvait m’aider maintenant. J’étais trop bas, trop sombre. Un soir, complètement soul, je suis allé me coucher dans la chambre que Sharon avait préparée à l’ambassade gitane au cas où j’aurais du dormir là. Trop faible pour rentrer, j’y suis allé dormir un peu. De longues heures passèrent, puis 2 jours. Je me réveillai avec le pire des pires mal de tête jamais vécu et me précipitai vers la sortie pour prendre un peu d’air et un bain pour me détendre. Mais à ma grande surprise, la porte était barrée! Je ne l’avais pourtant pas barrée en entrant. Je pris donc ma clef mais en la posant dans la serrure elle resta prise. J’étais prisonnier! Enragé, j’ai tenté de la défoncer mais rien n’y fit, j’étais séquestré. En fouillant je trouvai des vivres, un peu de bière pour survivre et j’y restai durant 5 jours. Je pus me reposer, récupérer des forces et faire autre chose que de boire, je lisais, écrivais, dormais!
Finalement, Sharon vint à mon secours, je pus sortir enfin de cette chambre! J’avais retrouvé un peu de calme intérieur, et je sentais une irrésistible force me pousser vers elle, de la prendre dans mes bras. Simplement, il n’aurait pas fallu qu’elle me dise pourquoi j’avais été enfermé. A ma grande surprise, c’était elle qui m’avait séquestré, elle avait fait changer la serrure durant mon sommeil sans me le dire et venait dormir avec moi la nuit sans que je m’en rende compte tellement je dormais profondément. Elle me confia qu’elle ne put faire autrement car je restais trop loin d’elle trop longtemps. Qu’elle en était rendue à m’attacher pour me voir. Pris d’une soudaine colère contre elle mais aussi d’une prise de conscience, je compris ma folie, je compris que j’avait été dans le tort et que j’étais vraiment devenu un monstre. C’est pourquoi, le lendemain je me rendis au temple pour prier, prier comme je ne l’avais jamais fait en 7 ans! Prier jusqu’à ce que j’en tombe de fatigue… Implorant le grand Thaar de m’aider, de m’apporter enfin la réponse… J’y priai 2 jours sans relâche. Priant dans l’espoir que Thaar me pardonne. Ma réponse, elle vint enfin au bout de ces 2 jours. Alors que j’étais endormi sur le sol devant l’autel sacré, j’ai senti en moi une force soudaine m’envahir. Je me suis levé, droit et fort et j’ai posé mon regard sur la croix de Thaar. Ai-je à ce moment, halluciné? Mais il me semble avoir vu une lueur au-dessus qui soufflait vers moi une douce brise. En mon cœur j’ai senti le soudain besoin de partir, comme si Thaar lui-même avait proposé à mon âme un choix, rester là, dans mon état noir ou alors de le suivre! J’ai donc sans poser de questions, sans perdre une seconde, pris mon armure et mes armes à la maison et j’ai couru, couru en suivant toujours le souffle. Quand je m’arrêtai, je me rendis compte que j’étais au port. J’ai suivi alors mon instinct, il me dictait de sauter à bond d’un navire en direction d’un autre continent. Si Thaar voulait que j’entre dans ce bateau alors je devais le faire pour mon salut! Je payai donc mon entrée et j’y embarquai sans même savoir où il allait. Sans non plus dire au revoir à mes amis et à Sharon. J’étais trop en colère contre elle de toute façon et Thaar ne m’y avait pas conduit.
Je restai un bon moment sur le pont, je regardais la mer, le flot frappant la cale du bateau. J’étais enchanté par ce que je voyais, le ciel, la mère et le vent salin, tout était simplement divin. J’ai compris pourquoi mon vrai père, Verlonn Balgor avait pris la mer après de décès de ma mère. J’avais 13 ans à l’époque, je me souviens bien. Ma mère était sortie laver des vêtements au puits et un gigantesque rat lui avait sauté dessus et l’avait mordue. Ce rat noir venait du quartier maudit, il s’était échappé. Ensuite, elle agonisa durant un très long moment, mon père n’ayant pas d’or ne put la soigner à temps. Même si je lui donnai le médicament, ma mère refusa de les prendre disant que si Thaar avait décidé de mettre fin à son existence, qu’il fallait la laisser aller. La douleur n’est rien comparée à ce qui l’attendait au royaume de Thaar; la paix éternelle et le bonheur. Quand ma mère décéda enfin, mon père partit sur la mer pour ne jamais revenir au port. L’on m’avait dit qu’il avait été atteint par la fièvre jaune et qu’avant d’infecter tout le navire il s’était attaché à un boulet de canon pour se jeter par-dessus bord. Était-ce vrai? Était-ce faux… Et s’il était encore vivant quelque part? Qu’importe, je me disais que rien n’arrivait pour rien en ce monde, c’était parce que mes parents étaient morts qu’Evrior m’avait adopté. Et sans lui, je ne serais jamais devenu ce que je suis maintenant. Je ressentis une paix intérieure en moi, le vent de l’océan me grisait et me calmait. Puis je tournai la tête vers Syateria qui était devenue toute petite à l’horizon.
-Pardonnez-moi… Mais je devais le faire… Pour moi, pour ma vie mais aussi pour vous…
Je fixais l’île qui de minute en minute rapetissait. Je pensais alors à Sharon, elle qui avait tout fait pour me retenir une dernière fois. Je pensais à elle et je me doutais bien que cette fois serait peut-être la dernière… Je me doutais bien que je ne reviendrais peut-être jamais sur Systeria mais je devais le faire, je devais! Et alors que l’île disparut complètement pour laisser place à l’océan à perte de vue, Thaar venait se coucher lentement sur la mer. Langoureusement il y entra pour laisser la place à la nuit…. C’est ainsi que mon long périple commença, c’est ainsi qu’une quête intérieure se préparait pour moi; la croisade de l’espoir…
Post by Mathéo Balgor, AdC - December 10, 2006 at 10:32 PM
Chapitre 2
Liriell
**D**e mémoire d’homme, je me suis toujours demandé comment les dieux qui contrôlent notre univers ont fait pour créer le ciel, les étoiles et la lune… De si grandes merveilles… Je me surprends à les observer parfois, en pleine rue, sans raison apparente. Maintenant, depuis mon retour de mon long périple, je me rends compte que la dernière fois où j’avais observé le ciel, la nuit, remontait très loin dans ma vie. Je devais avoir 12 ans… Oui je me souviens, cela était pendant la guerre et les révoltes opposant l’empire contre le peuple. Mes parents et moi nous nous étions enfuis de Systeria en prenant la sortie de la basse ville et nous avions trouvé refuge au cœur de la forêt. Quelques barbares affiliés à la Horde Sanglante nous avait recueilli et logé durant les représailles de l’armée. Je me souviens alors m’être couché dans l’herbe la plus touffue, bras sous la tête et avoir observé le ciel, durant toute la nuit. Le ciel était simplement magnifique, les étoiles brillaient d’une intensité incroyable. La lune, de son premier quart veillait sur notre campement. Cette nuit là, je me demandai comment les dieux avaient pu créer de si magnifiques et si lointaines choses.
Cette nuit claire et étoilée qui avait peuplé mes songes d’enfant ressemblait à celle que j’avais vu, la nuit où je m’étais embarqué dans le navire marchand. Oui elle était identique mais pourtant je ne la regardais point de la même manière. La douce innocence de mon cœur d’enfant avait laissé sa place à un regard désabusé et austère d’adulte. Le ciel pour moi à ce moment là n’avait plus rien d’attrayant et me semblait des plus banals. Qu’un fond noir tacheté de points blancs. Ce n’est évidemment pas cette raison là qui me poussa cette nuit là à rester sur le pond. Je dois dire que la présence des marins, de leurs chants et de leurs stupides histoires de requin ne m’intéressaient pas le moins du monde. Toujours dans cet état de dépression, je préférais me tenir à l’écart au cas ou j’aurais éclaté. Je me savais alors dangereux pour mon entourage et une seule confrontation m’aurait coûté cher. Non, ce n’est pas les représailles des marins qui m’inquiétaient. La plupart n’avaient pas ma carrure et ma grandeur, un coup de masse bien placé et j’aurais vidé le navire. Non ce n’était pas cela que je craignais mais plutôt la colère d’une haute instance divine. Je restai donc à l’écart de ces hommes durant deux longues heures à laisser mon âme vagabonder sous le doux souffle nocturne du vent salin. Le bois du pond craquait à chacun de mes pas, malgré mes efforts. J’espérais surtout rester silencieux afin de ne pas soulever l’attention des vigiles sur les mats. Tout ce que je voulais cette nuit là était la tranquillité. Je ne voulais voir personne et encore moins parler avec eux. Mon cœur pleurait encore, mon âme souffrait encore et la plaie que ma décadence avait causée à mon orgueil était si énorme que le moindre bruit me faisais grogner. J’étais trop impulsif et à fleur de peau.
C’est à l’abri de cinq tonneaux de sardines que je trouvai refuge. Certes l’odeur me répugnait mais au moins j’étais caché des regards indiscrets qui hantaient ce navire. Je me laissai choir au sol mollement, épuisé de toutes ces émotions qui m’ont dépassé. Je songeais alors à ces derniers mois, à ce que j’avais fait et ce que je n’aurais jamais du faire. Je pensais à l’alcool, comme il m’aurait plus de pouvoir poser mes lèvres sur l’embouchure d’une bonne bouteille de vin. Comme j’aurais aimé en avoir une pour oublier cette douleur qui me dévorait de l’intérieur. Tous les remords qui me persécutaient étaient ma punition pour avoir succombé à ces péchés. Comme Thaar me paressait cruel après tout ce que j’avais enduré ces dernières années. Comme j’aurais aimé oublier. Puis dans mon éternelle agonie silencieuse j’ai porté mon regard vers le ciel… Le ciel… Cette immensité noire et infinie. Je restai sous le choque un bon moment, elle était magnifique, simplement magnifique. Les étoiles, la lune… ce souvenir lointain d’une nuit semblable me revint en mémoire et je me souvins avec exactitude de tout. Les yeux grands ouverts je revoyais enfin la beauté du ciel comme je l’avais vu jadis et il me sembla retrouver une paix intérieure à ce moment là. Je laissai mon regard vagabonder d’une étoile à une autre pour retrouver l’étoile que j’avais vu dans mon enfance. Je souris un court moment, me sentant libéré pour la première fois depuis des années. Libéré de mes peines, libéré de mes maux. Si par contre j’étais en paix avec moi-même, je n’avais point envie de le partager. Je savais qu’à tout moment quelqu’un aurait pu surgir et me déranger dans ce moment de calme. Cette paix d’ailleurs ne dura pas malheureusement. J’avais pourtant prié pour ne pas être dérangé. Comble du malheur, ma prière ne fut pas exaucée…
Quelques temps après m’être assoupi sous ce ciel magnifique, un bruit sourd de bois frappé suivi de sons rappelant quelqu’un courant sortis me de mes songes. Je restai immobile et tendis l’oreille pour entendre d’où venait ce son étrange. Ma réponse ne tarda pas à venir alors que je sortis la tête de derrière un tonneau. Rien, il n’y avait rien à l’arrière. Je haussai les épaules et retournai m’étendre auprès de ma cachette. C’est à ce moment là, les yeux à peine fermés que je su que je n’étais pas seul, non. Je n’ouvris pas les yeux, je restai immobile malgré tout. Je suivais le souffle haletant de cette créature qui avait trouvé refuge à mes cotés. Le plus drôle était le fait qu’elle ignorait que je le savais! Peu de temps après, la même porte se fracassa sur le mur de bois suivi de pas hâtif, lourd et d’insulte gras, je haussai un sourcil discrètement.
-**Espère de sauvage, attend un peu que je t’trappe! T’vas l’regretter d’avoir voler ce pain! Sort de ta cachette ou c’est toi qui s’ra servi au menu d’ce soir!!!! Tu m’entends!!!!?? **
Les pas lourd vinrent vers moi, en faite je me croyais mieux cacher que cela je dois dire! J’ouvris lentement les yeux pour poser mon regard sur celui me faisant maintenant face. Il était simplement énorme! Un gros bedonnant en tunique blanche à bouton! Mon regard fut attiré par un tintement de métal, dans sa main il tenait un énorme couteau de cuisine prêt à trancher ma tête. Moi, toujours calme, bras sous ma tête je le fixais et il en faisait tout autant. A croire qu’il n’avait jamais vu un guerrier de Thaar modestement étendu au sol comme un souillon. Oui je dois avouer, je n’avais plus vraiment de classe. Il se pencha légèrement vers moi pour mieux me voir, son gros ventre prenant trop de place. Il me dévisagea, puis commença à taper le plat de son couteau contre la paume de sa main. D’une grosse voix, il me demanda alors si j’avais eu connaissance de quoi que ce soit.
-Une gamine dites-vous…
-Pas grande, avec une tunique bleue, ouais… Reprit-il de son jargon d’haute mer.
-Une gamine, pas très grande en tunique bleue….
-Ouais, vous l’avez vu p’être? Cette mauvaise graine m’a volé un pain!
-Un pain….
En moi-même je ne pu m’empêcher de sourire, un sourire intérieur à voir l’expression de son visage. S’il s’énervait pour un simple pain, je n’imaginais pas sa colère pour un gros fruit ou un repas entier. Et moi je riais dans ma tête, car la sienne ne me revenais pas. Mais je ne voulais en aucun cas m’attirer plus de regard et je repris mon sérieux.
-Non, je n’ai rien vu, j’avais les yeux fermés…
-Grmbl……!
-Et de toute façon, ce bateau est petit vous la retrouverez, n’est-ce pas…
-Mouais… Reprit-t-il en se grattant l’arrière de sa tête. Mais si vous la voyez, v’nez m’le dire!
Le gros cuisinier repartit après avoir observé autour. Ses pas lourd faisaient grincer le plancher humide qui aurait sans doute cédé s’il n’avait pas été renforcé par des poutres. Il me rappelait Lucrèce avec sa démarche quelque peu talonnée. Je refermai enfin les yeux, content que cet homme soit reparti préparer ses harengs indigestes. Je me grisai enfin du silence qui avait tardé à revenir me bercer. Mais on m’observait encore… Oui je le ressentais. Moi qui aurait cru enfin avoir la paix… Je m’efforçais de ne pas bouger, de ne rien démontrer mais ce fut plus fort que moi…
-**Tu ferais mieux d’aller te cacher ailleurs… **Dis-je alors d’une faible voix.
J’ouvris les yeux discrètement et du coin de l’œil je posai mon regard sur un petit pied qui sortit de l’ombre. Puis tout doucement, je vu une mèche de cheveux, un visage et deux grands yeux sombre me fixer. Je tournai la tête vers elle pour mieux la voir. Voilà que la gamine que le gros cuisinier recherchait était à mes côtés. Elle sortit de sa cachette doucement pour venir se mettre à genoux devant moi. La faible lueur de la lune venait faire briller ses yeux noisette et reluire sa mince tunique bleutée. Le cuisinier était aveugle ou bien complètement à coté de la plaque, cette créature n’avait rien d’une gamine, mais alors pas du tout! Il faisait noir oui mais je distinguais parfaitement ses formes, elle était en faite une jeune femme… Je restais figé sur elle, la brise faisait flotter ses cheveux. J’étais hypnotisé par sa beauté, ses grands yeux qui me fixaient et me charmaient. Une sirène, pensais je, une ange de la nuit ou peut-être même une succube venue me tenter dans mon éternelle faiblesse. Nous sommes restés un moment à nous observer, puis elle m’adressa la parole faiblement, comme si elle craignait d’être entendu…
-**Je vous en prie… Ne le dites pas… **
-Et pourquoi? Lui demandais-je alors.
-Ces hommes sont des brutes… Des barbares… J’était prisonnière dans la cale et ils espéraient me vendre au marcher noir… Je vous en prie ne dites rien, sinon il me tuerons…
Je haussai un sourcil un moment, surpris par ce qu’elle venait de me dire, je savais ces marchands rustres mais à ce point? J’étais tombé sur un navire d’esclave faisant route vers un continent inconnu et la plus belle des créatures, à genou devant moi me suppliait de l’aider. C’était bien mon jour… Qu’avait donc en tête Thaar? Était-ce sa punition ou bien une épreuve? Moi qui avait par dessus tout souhaité ne pas être importuné, encore moins par une femme. Mais pourquoi fallait-il que ce soit sur moi que cela tombe? Je la dévisageai un temps. J’espérais alors que mon silence la fasse partir. Mais en vain, elle me fixait toujours, de ses grands yeux implorant. Comme si je n’avais que cela à faire, sauver les jeunes dames en détresse… Je soupirai, sachant très bien que si Thaar m’avait mené en ce bateau qu’il y avait bien une raison. Je me redressai lentement, lui faisant face. Mes jambes repliées quelques peu, je posai mes coudes sur mes genoux et je la fixai encore un moment.
-Et ton prénom?
-Je me nomme Liriell…
-Et bien Liriell… J’ignore pourquoi tu m’es apparue, et pourquoi je vais encore me sentir obligé d’aider quelqu’un…
-Ho! Je vous en prie, ne me laissez pas retourner en bas…. Je ferai tout ce que vous voudrez!
-Hum… Je n’irai pas jusque là… mais bon… je suppose que je pourrais…
Ma phrase a peine terminer, Liriell me sauta dans les bras en répétant sans cesse merci, merci, merci… Je grognai puis cela fut suivi d’un soupir. Allons, que pouvais-je bien faire après tout… La laisser se faire tuer? C’était contraire à mes aspirations et mes principes. Je lui tapotai le dos, et tentai de la repousser un peu.
-Ca ira Liriell, ça ira… Je vais tenter de te marchander avec le capitaine, on verra bien...
-Le capitaine! Ho non non, non, non! Il ne faut pas!
Et alors? Je m’en moquai en faite, décidé à la libérer du joug de ces hommes cruels. Je me levai, saisi par une conviction rare, secouai mes vêtement et rajustai mon armure de sanguine. La jeune fille resta près de moi, terrorisée par ce qui allait s’en suivre. Elle se précipita sur moi alors que je commençais à avancer vers la cabine du dit capitaine.
-Nonnn! Il ne faut pas!!
Je la repoussai quelque peu durement, j’étais à bout de nerf.
-Ça ira je te dit! Cesse de me coller ainsi et laisse moi marchander ta libération. Tu veux mon aide ou pas? Écarte toi alors.
-Mais il vous tuera!
-Ne sois pas ridicule, je fais le double de la plupart des hommes ici, ce serait un miracle si ton capitaine me dépassait…
-Mais….
-Suffi maintenant, tu vas me suivre et ne plus rien dire.
Je dois bien avouer, que.. j’aurais pu lui parler autrement. J’étais énervé en faite, je venais de perdre ma quiétude et j’allais perdre toute ma fortune pour sauver une va-nu-pieds qui me collait sans cesse. J’allais devoir rester sur ce navire et l’endurer encore longtemps de toute façon alors aussi bien la délivrer qu’avoir un autre remord sur le dos. Nous marchions donc vers la cabine du capitaine, Liriell juste derrière qui tenait fermement ma cape. Je soupirai, j’en avais déjà assez. La porte de la cabine nous apparue enfin, elle était de métal noir et il y avait de vieux symboles gravés dans le bois qui entourait l’arche. Je pris une longue inspiration et cognai à la porte. Mes trois coups sonnèrent tel un marteau sur une enclume et un écho sembla retentir dans toute la pièce.
-Qui est-ce?
Une voix insolite perça la porte, une voix féminine, sombre et autoritaire.
-Je suis l’acolyte Mathéo, je demande à voir le capitaine au sujet d’une de vos esclaves, Liriell.
Un soudain silence se fit entendre, puis dans un grand grincement de fer rouillé, la porte s’ouvrit enfin. Nous entrâmes alors, à pas lents. Je fus immédiatement saisi par la beauté de la pièce. De grand rideaux de soies ornaient les murs, plusieurs statues accompagnaient avec beauté les meubles luisant de très haute facture. J’observai avec une grande attention les tapisseries, j’étais abasourdi devant tant de finesses pour un capitaine barbare. Puis la porte se referma soudain, en un grand claquement. Je me retournai promptement pour observer mes arrières, j’étais bien nerveux. C’est alors que je vu le capitaine, droit devant moi ou était-ce plutôt un corsaire? Je fronçai les sourcils, et m’en approchai de quelques pas. Je pu détailler avec facilité sa chevelure sombre épaisse et bouclée qui ondulait sur ses épaules, son élégant habit de velours noir ainsi que son chapeau qui cachait son visage. C’est alors que j’eus un doute, un très gros doute. Je détaillai son corps, calculant frénétiquement mes chances s’il advenait à m’attaquer, et je remarquai qu’il n’avait en rien la stature d’un homme, encore moins sa grandeur. Je reculai alors, incertain. C’est alors qu’il leva la tête et je vis son visage.
-Par Thaar, vous… êtes une femme?! M’écriais-je, surpris.
-Cela vous surprend?
A vrai dire, non, plus rien ne puis me surprendre. Je la fixai avec attention. Elle était aussi belle qu’elle semblait farouche. Elle posa sa main sur son cimeterre, prête à dégainer à tout moment et j’en fis de même sur le pommeau de ma masse Vengeresse. Liriell tremblait, elle avait très peur et recula de plusieurs pas. La corsaire sourit, une grande confiance en elle comme si elle me voyait minuscule. Quand à moi, ma colère se contenait mal.
-Que me veux-tu ,beau jeune homme?
-Je suis venu vous acheter Liriel!
-Me l’acheter? Depuis quand les ribaudes de son genre intéressent un si beau et grand guerrier de ton genre? Serais-tu à ce point désespéré pour désirer t’en acheter une? Alors soit, mais as-tu simplement de quoi payer? Tu ne sembles guère riche, d’ailleurs.
-Je ne cherche pas les ennuis dame, je ne veux que la libérer de vos chaînes.
-Les ennuis? Ho mais tu les as déjà trouvés, à la minute où tu as posé le pied dans ma cabine…
-Est-ce que 2000 écus serait suffisants?
-Tu te moques de moi? Cette fille vaut le double et encore!
-Alors je vous en offre 6000 écus et vos hommes nous ficherons la paix, le reste du voyage
-6000 écus… Intéressant… Je ne t’aurais pas cru si riche au premier regard!
-Alors? Votre réponse?
La corsaire nous observa un bon moment, semblant réfléchir à cette proposition qui lui semblait très satisfaisante. Elle éclata de rire et s’avança vers moi, laissant tomber toutes ses défenses et son attitude brutale.
-Messire Mathéo, tu es dure en affaire, tu me plais! Mais soit, elle est à toi!
-Inutile de m’envoyer des fleurs, je vois toujours venir le pot. Répliquais-je aussitôt en lui balançant le sac d’or, alors qu’elle défaisait les bracelets de chaîne autour des poignets décharner de la jeune fille.
La corsaire se mit à rire, visiblement je l’amusais beaucoup. Puis quand Liriell fut enfin libre, la femme vint me prendre dans ses bras lentement, je restai de glace. Elle me regardait d’un regard envoûtant, tentent de me charmer par ses atouts des plus intéressant. Mais je n’étais pas homme de vice, je la repoussai solidement et empoignai la main de Liriell. Nous sortâmes alors de cette cabine de l’horreur pour enfin regagner le pont Quand je posai mon regard vers le ciel, le soleil de Thaar était lentement sorti de l’eau, et apparaissait dans un magnifique panorama de feu et de braise. Le matin était enfin venu… Je me suis mis à apprécier ce spectacle qui me charmait, lentement je m’avançai vers la proue du bateau et posai mes mains sur la rempare de bois humide. La mer… Si belle et si immense. Comme tout ceci était magnifique. C’est vrai, je n’avais jamais pris le temps d’observer la nature, le ciel la nuit, la lune et l’océan. Je m’étais toujours contenté de la côtoyer et de ne jamais la déranger mais jamais je ne l’observais dans sa magnificence. Je su alors que j’avais raté bien des choses durant les sept dernières années. Minable, je me sentais minable et bien petit face à l’océan si grand.
-Mathéo? Je… je te remercie pour m’avoir sauvée… Maintenant je suis… libre grâce à toi…
-Je ne pouvais pas te laisser ainsi, tout comme je ne peux pas laisser les autres jeunes filles périrent dans la cale de ce navire d’impies. Lui dis-je tout en me retournant vers elle.
-Alors que feras-tu? Dis… Tu nous aideras?
-Peut-être bien…
Le reste du voyage me parut ordinaire et sans grand amusement. Liriell me suivait partout où j’allais et ne restais guère très loin de moi surtout la nuit. Elle était inquiète et avait peur des hommes, je la comprends, après tout ceux qu’ils lui ont fait subir. En moi, je rageais, je me disais que même hors Systeria le mal vivait et faisait souffrir. Cette damnée corsaire n’avait aucun respect pour les femmes, aucun! Je la croisais très souvent et elle me souriait de façon carnassière comme si j’étais en faite qu’un morceau de viande très intéressant ce qui n’était pas sans attirer la foudre de ses hommes. Mais je m’en moquais, tout ce qui m’importait était Liriell et les autres jeunes filles. Parfois, je pouvais en voir une ou deux laver le pont, recoudre une voile ou cirer les bottes de la capitaine. Cela me révoltait mais il valait mieux pour moi et mes plans que je me tienne à carreau, je ne souhaitais pas me battre inutilement, surtout contre elle, la démone sans coeur. Alors je me disais en moi-même « Courage, les filles, tenez bon, vous serez bientôt libre de leurs griffes, je vous le promets. » Je gardais espoir et peu a peu, ma confiance en moi-même me revint. J’allais peut-être me mettre à dos tout un navire mais au moins, j’allais sauver les esclaves. C’est tout ce qui m’importait…
Trois jours passèrent, puis cinq puis huit puis dix puis vingt… vingt longs jours de solitude et de calme. Vingt jours de ciel étoilé et de levé de soleil. Vingt jours de paix. J’aurais du pourtant être heureux, j’aurais pourtant du ne rien vouloir d’autre. Mais je n’avais pas prévu qu’un jour je finirais par m’ennuyer de ma terre natale, Systeria. Je m’ennuyais de ses pâturages, de ses collines que je n’avais jamais pris le temps de regarder, je m’ennuyais du royaume, de mes amis, de Sharon. Mon père adoptif me manquait… En faite, tout ce qui appartenait à mon passé me manquait, c’était mieux résumé. Parfois Liriell venait tout contre moi telle une petite fille et me demandait à quoi je pensais, je lui répondais alors « à mes erreurs passées ». Elle me souriait toujours, elle était en faite très gentille et semblait capable de m’écouter. Je lui parlais alors de Systeria, de Thaar, je lui racontais comment je devins un aspirant paladin et mes aspirations futures. Elle écoutait toujours d’un silence parfait et finissait toujours par s’endormir au creu de mes bras, bien malgré moi. Je n’avais jamais l’impression d’avoir une jeune fille contre moi mais une enfant près de son père. Combien de temps donc, avait-elle subi l’esclavagisme? N’avait-elle donc jamais eu de famille? Une enfance? Je la regardais longuement, toute ma colère disparaissait… Peut-être était-ce parce que j’avais appris à la connaître et à apprécier sa compagnie, je l’ignore mais tant qu’elle restait avec moi, plus aucun homme ne lui ferait du mal, plus aucun!
Ce soir là, le ciel portait une lune plaine, une magnifique lune d’un jaune éclatant. J’étais à l’avant du bateau à fixer l’horizon dans sa splendeur accoutumée. Liriell, toujours près de moi chantait une douce mélodie alors qu’elle tressait ses longs cheveux cendrés.
-A quoi penses-tu Mathéo? Et ne me dit pas tes vieux pêchers! Dit-moi autre chose.
-Je me demandais simplement ce que Thaar me réservait au-delà de ces eaux. A quel destin je me livre?
-Hooo moi je sais!
-Vraiment?
-Il t’a envoyé me sauver voyons! Quoi d’autre??
-Bien sur, bien sur….
Peut-être n’avait-elle pas tord en faite… Quand j’avais prié Thaar au temple il y avait un an, juste avant de partir, je l’avais supplier de me donner une seconde chance. Peut-être m’avait-il justement conduit ici dans le but de lui montrer que j’étais toujours digne de lui? Et si c’était le cas, qu’attendait-il encore de moi?