Du remue-ménage au palais

Du remue-ménage au palais

Post by Mundus, près de Thaar - April 10, 2007 at 12:14 PM

Le Chancelier, après avoir quitté l’Impératrice, alla à son bureau et y resta jusqu’à très tard dans la nuit. Pour tout dire, il ne dormit pas. Installé sur sa chaise, les yeux dans le vague, il restait dans un silence de mort. Se tapotant de temps à autres les lèvres de son index et majeur droits, on voyait parfois les traits de son visage se modifier, comme sous le coup d’une profonde réflexion. C’était effectivement le cas, Mundus s’interrogeait. La scène qu’il venait de voir ne lui disait rien qui vaille. Après tout, c’était peut-être un simple problème d’aigreur d’estomac. Mais quand même, ça le travaillait, il ne pouvait pas s’en empêcher.

Plus il réfléchissait, plus il pensait qu’il fallait être prudent. La situation était réellement explosive, avec les conflits dans le Cercle et les paladins qui perdaient un de leur chef. Bon évidemment, pour le mage, la perte de Kalidor, ce n’était pas grand-chose, mais il n’était pas bête : il savait qu’il pouvait être apprécié et un chef apprécié, s’il est éconduit, ça peut dégénérer. Mundus espérait que ce ne soit que pure paranoïa. Quoiqu’il en soit, ça faisait beaucoup de raisons pour renforcer la protection de l’Impératrice et ça, on ne lui ôterait pas l’idée de si tôt ! Il attendit cinq heures du matin, il n’avait besoin de sommeil pour ce soir.

Il ouvrit la porte de son bureau, dévala les marches quatre à quatre, visiblement pressé. Il avait l’habitude de courir tous les matins, c’était juste le terrain qui changeait, cette fois-là. Après avoir traversé de grands couloirs, descendu de petits escaliers, ouvert quelques portes, il se déboula dans les cuisines, avec force bruits et fracas. Le cuisinier, ses aides et les domestiques étaient déjà debout à travailler. Ils venaient d’émerger d’un sommeil réparateur et s’activaient comme d’habitude dans le palais pour le rendre pimpant et satisfaire à l’estomac de Sa Majesté Impériale. Le voyant, le cuisinier s’exclama :

- Bah alors, Chancelier Mundus ? Qu’est-ce qui se passe ? D’habitude, on ne vous attend pas avant cinq heures trente ! On n’a pas eu le temps de préparer le jeu de carte ni votre assiette de boudins.

- Ah t’es bien gentil de me le proposer mon gars. Non ce matin, j’viens pas pour jouer aux cartes avec vous, mais plutôt pour discuter d’trucs louches, tu vois ?

- Oh. Bah heu si vous voulez, hein. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ?

- T’es le seul à préparer les plats ? Tu les surveilles bien, quand même, tes p’tits gars, j’espère ?

- Ouh, la, ça ne va pas la tête ? Je suis tout seul, je ne peux pas espérer préparer à bouffer pour tout le palais. J’ai mes aides avec moi. Les surveiller ? Bah heu… disons que oui. Un peu. Quand même, quoi.

- Ouais, donc en gros tu les regardes pas. Tu les laisses faire. Dis-moi, mon gars, crois bien que je suis désolé de faire ça, mais ça t’incitera peut-être à devenir un peu plus prudent. T’as combien de gamins ?

Le cuisinier fronça les sourcils, suspectant quelque chose de pas net de la part du Chancelier. Mundus ne s’excusait jamais, enfin quasiment jamais. Et quand il le faisait à l’avance, on avait tout à craindre ! Il finit par donner la réponse, après un petit temps de réflexion. Autant être franc, mentir ne lui servirait pas à grand-chose.

- 5 bons gars, Chancelier Mundus ! Les meilleurs que j’connaisse en tout cas, ce sont mes bonhommes à moi. Ils bossent dans les chambres, ce ne sont pas des costaud.

- Ah ? Ils sont pas costauds ? Mais c’est parfait ça, mon vieux. Tes fils viennent de recevoir une promotion ! Ils deviennent goûteurs officiels de Sa Majesté. Tous les plats que toi et tes aides de cuisine vous préparez, ça passe par leur bouche.

- Ah. Bah ils ont le choix ?

- Evidemment que non ! Allez, à la revoyure les gars !

Mundus s’en repartit, visiblement satisfait. Le meilleur moyen de s’assurer que les plats ne seraient pas empoisonnés et que la sécurité soit renforcée aux cuisines, c’est de placer les fils du cuisinier à la fonction de goûteur. C’était certes machiavélique, le mage avait mit du temps avant de trouver cette solution, ça ne faisait pas partie de sa façon de penser. C’était même à l’exact opposé. Mais bon, au moins c’était un côté de la sécurité qui était renforcé. Mundus était plutôt content de lui, ça ferait une porte de fermée par laquelle aucun malade ou fou de pouvoir ne pourrait passer…

Après s’être occupé de renforcer la sécurité aux cuisines, Mundus continua d’assurer la continuité de son plan. S’assurant que Sa Majesté était partie, il rentra dans ses appartements et regarda les domestiques en pleine activité. Toujours dans la même optique, il demanda à voir la femme de chambre et l’habilleuse de Cybelle. A la différence du milieu des cuisiners, il n’était que peu connu des servantes de l’Impératrice. Après tout, elles n’aimaient ni les cartes, ni le boudin, alors à quoi bon aller leur parler ? Se plantant au milieu de la chambre et croisant ses pattes d’ours sur son torse, il demanda :

- Alors, qui c’est Mildred, la gouvernante ? Celle qui s’occupe de tout ce foutoir, je veux dire ?

- Heu, c’est moi monsieur. Vous êtes ?

- Chancelier Recaedre. Bon, d’où ils viennent les draps ? Et puis les vêtements que vous mettez à Sa Majesté ?

Son regard passa du lit, aux mannequins portant des robes luxueuses mais aussi aux bougies qui éclairaient la pièce. Le mage fronça les sourcils, une idée venait manifestement de lui traverser l’esprit. Il ne laissa pas le temps à la gouvernante de répondre quoique ce soit.

- Et les bougies, aussi ? Vous vous les fournissez où ? C’est important aussi les bougies.

- Heu. Bien monsieur. Les draps passent tous les jours par la blanchisserie du palais où des personnes sont spécifiquement en charge de cette tâche, monsieur. Pour ce qui est des robes, nous les faisons confectionner par les meilleurs tailleurs de la cité, parfois même nous les recevons en cadeaux d’admirateurs anonymes, monsieur. Et enfin, les bougies, j’avoue ne pas savoir, monsieur. Un revendeur de luxe de Haute-Ville, je suppose, monsieur.

- Non, mais vous vous foutez de moi, foutredieux ?! Vous acceptez les robes quand vous les recevez d’on on ne sait où ? Va falloir faire du changement. Déjà la blanchisserie, c’est surveillé par la Garde Impériale ? L’alchimiste qui prépare les produits, il est engagé uniquement par l’Empire ?

- Oui monsieur, c’est exact monsieur. Dix membres de la Garde Impériale qui supervisent chaque secteur. Impossible d’y faire quoique ce soit. Quant à l’alchimiste, monsieur, c’est un ami personnel du Docteur Patreck. Loyauté à toute épreuve, monsieur.

- Et pour les robes, il n’y a aucune sécurité. Ca ça me tue quand même, d’entendre des âneries pareilles ! Bon. Ca va être simple. Vous qui vous chargez du personnel, vous allez me rechercher dix alchimistes qui ne sont pas liés entre eux, d’horizons différents. Chaque fois que vous recevez une robe, vous la faites analyser par les dix, qu’ils recherchent toutes les traces de poisons possibles. Comprit ? Je veux que ça commence demain. Et pour les bougies, faites vérifier aussi celles que nous avons. Prenez-en une au hasard dans le stock.

- Heu bien, monsieur. Si vous voulez, monsieur. Monsieur ? Pourquoi toute cette activité, monsieur ?

- A votre avis ? Faut protéger Sa Majesté et je ne veux pas qu’un zigoto à sang chaud déboule ici avec son poison et ce genre de conneries. Autant prendre toutes les précautions nécessaires. Allez au boulot maintenant.

Mundus repartit dans son bureau. Il passa en revue tout ce qu’il avait fait la matinée et eut l’air satisfait. Comme ça, pensait-il, la sécurité du palais ne pourrait que se renforcer et celle de l’Impératrice aussi. Si ce n’était qu’une aigreur d’estomac, ce qu’espérait le Chancelier, ça ne sera de toute façon pas plus mal. Si c’était un empoisonnement, elle serait à l’abri. Dans tous les cas elle serait protégée.

Bien évidemment, l'information se propagea comme une traînée de poudre, au palais.


Post by Systran Éclador - April 10, 2007 at 2:19 PM

En allant chercher sa paie hebdomadaire, Systran surprit deux serviteurs qui se parlaient du remue-ménage causé par le Chancelier plus tôt. Curieux, il s'approcha d'eux.

-Bonjour! Je peux en savoir plus sur ce que vous dites du Chancelier?

Les serviteurs s'empressèrent de lui communiquer la nouvelles, en bons colporteurs de ragots, et Systran fut surpris de la zèle dont avait fait preuve son supérieur dans ces activités.

Eh bien... j'imagine qu'il a ses raisons...