La pierre de Lune.
Post by Yuri Minh Yu, AdC - April 21, 2007 at 5:47 PM
Déjà, je me souviens l'avoir tenue dans ma main. Pierre de lune, pierre des morts. Après le temps, les catastrophes et les événements brusque qui font de la vie celle qui est la mienne, on oublie.
J'étais exténuée. Les malades cloitrés à l'infirmerie périssaient chacun leur tour, sans que je ne puisse rien y faire. Je pouvais estomper leur douleurs avec des recettes. Je pouvais les armer de courage avec des mots, mais je ne pouvais pas les soigner de cette infâme maladie. Quelques fois, lorsque je ressentais le besoin de me ressourcer, je me rendais au Hâvre, taverne gitanne, pour rencontrer des gens, des gens qui avaient encore la joie de vivre. C'est donc dans cette optique que je faisais mon chemin, ce jour là.
Le temps était ensoleillé, comme rarement dans ces contrées pluvieuses. J'avais décidé de me rendre au Havre Mélodieux à pieds. Rien de mieux pour calmer les ardeurs que de prendre une bonne marche, respirer le grand air. Le regard sur l'herbe que mes pieds foulaient, je me suis arrêtée devant un cadavre de femme. Décidément, les morts me suivaient de près. Je ne me suis pas empressée, car, de toute manière, elle ne pouvait pas être plus morte qu'elle ne l'était déjà. Le cadavre était déjà vieux, elle n'émanait plus aucune chaleur. A première vue, la femme était méconnaissable, elle était morte d'un coup, sans doute une hache ou bien une épée reçue en plein front.
Thaar ait ton âme...
Remarquant des traces de violentes batailles, je me suis défait du cadavre, pour vérifier qu'il n'y ait pas d'autres corps, ou que les assaillants soient toujours près. Nous ne sommes jamais trop prudents, après tout. Les traces de pas dans la terre battue révélait que beaucoup avaient foulés les chemins du camp gitan. Que diantre s'était-il passé donc? D'un pas assuré, lent par prudence, je m'avançait, examinant les multiples pas. On aurait cru un exercice de danse repris des dizaines, voir vingtaines de fois tellement le sol avait été foulé. Ce n'est que quand j'ai heurté un passant, ou peut-être était-il immobile, que je me suis arrêtée.
Il y avait foule devant la charmante et généralement animée taverne du Havre Mélodieux. Bien des gens et au milieu se tenait une étrange femme au teint de lait. Ses vêtements d'un rouge vif ne pouvaient faire autrement que d'attirer l'attention. Dans la plus grande des incompréhensions, j'avais pris la peine de m'excuser auprès de l'homme que j'avais malencontrueusement bousculé, puis j'essayais de comprendre la pièce qui se déroulait devant moi. Dans une optique passive, plusieurs hommes et même quelques femmes s'agitaient autour de cette étrange personne, je restais là, pour chercher à comprendre.
Ce n'est que lorsque cette étrange femme ne pointa son index en ma direction que je compris que tout n'était pas une simple jouxte dans le but d'attirer de l'attention. Non, ils cherchaient quelque chose, et étaient décidés à le trouver. Ainsi, je fut entraînée, contre mon gré, dans un navire. Tirée par des forces étranges, voir occultes, j'ai vu quelques uns de mes camarades disparaitre. La dernière personne qui m'ait été donnée de voir était cette magicienne pourpre, qui dans un effort vain, essaya d'aborder le navire. Dernier espoir disparu parmis les vagues du large, il ne restait que moi avec mes assaillants.
Dis-nous ce que tu sais sur la pierre de lune! Avoue tout, parles!
J'ai d'abord choisi de combattre par le silence. Je me suis refusée à interragir avec ces deux acolytes du malin. Dans une forte obstination, je me suis agenouillée et j'ai prié. Sans un bruit, ne leur laissant entendre que l'écho de leur voix. J'ai senti leur excitation, j'ai senti leur colère, puis j'ai senti qu'ils comprirent qu'ils ne tireraient rien de moi de cette manière. Ainsi, ils disparurent dans un nuage de fumée, par magie, où? Je n'en sais rien. Pour combien de temps? Je ne le sais pas non plus. Je suis restée seule avec pour compagnons les matelots du vaisseau brigand pendant plusieurs heures. Je ne saurais dire combien de temps, mais ce fut un bien long moment. L'étrange femme fut la première à revenir. Sans attendre son sanguinaire compagnon, elle se mit à naviguer loin, vers le large. Les vagues avaient un je-ne-sais quoi de réconfortant. Je puisais mon courage dans ce mouvement qui nous berçaient tous avec une tendresse maternelle.
Après plusieurs heures de navigations, nous sommes arrivés à une petite île. Plus petite encore que mes quartiers personnels dans la chappelle de la basse ville. La femme pestiférait des menaces à mon encontre, menaçant de faire chanter Thoralf pour acquérir la pierre de Lune. Mais je n'avais pas l'intention de broncher. Après tout, quel serait le sacrifice d'une vie, contre celui d'un peuple? Sous la frustration du moment, la femme me laissa seule avec son commandant, ou serait-il simplement le chef brigand. De ce que j'ai pu deviner, il s'appelait Urmpur.
Mon obstination à lui dire quelconque mots en vint à me laisser une large baffe sur la joue gauche. J'ai été secouée à un tel point que mon corps entier a pivoté d'un quart de tour vers la droite. Mais on m'a dit si on te frappe sur une joue, tend la seconde, c'est une façon de lutter contre la violence. Donc ainsi, j'ai tendu l'autre joue, en le regardant droit dans les yeux. Mais plutôt que de reprendre, il s'enquit de me donner un coup de poing au ventre. Sous l'impact, mon corps fut soulevé de terre. D'un coup, j'ai perdu tout l'air que j'avais inspiré, la douleur était vive et forte, comme si un boulet de canon venait de me transpercer.
Non, je ne parlerai pas...
J'ai vu dans le regard de l'homme ses intentions meurtrières, et je m'enquis immédiatement de lui dire ce que je pensais.
Vous pourrez bien me tuer, mais ainsi, vous n'apprendrez jamais ce que vous cherchez à tirer de moi.
Une journée avait passé.
Le lendemain, devant mon continuel refus de parler de la pierre, Urmpur décida de monter sur la petite île. L'île avait un long chemin sinueux vers une plaine munie d'une croix de Thaar. Tous les côtés de l'île étaient bordés de hautes falaises avec des pierres en dents-de-requin près de l'eau, qui allait s'y fendre en écume. Dans un regard arrogant, qui lui fut rendu, il pris un malin plaisir à appeler et occir quelques dragons. Devant mon manque de réaction, il appela, un à un quelques uns de ses hommes, frigorifiés par la peur de voir leur destin terminer à ce moment. Oui, il avait trouvé mon point de faiblesse. Comment accepter que d'autres meurent parce que je refusais de dicter des informations qui, à vrai dire, je n'étais pas sûre moi même d'avoir.
Arrêtez..!
Après une rixte de mots où j'étais perdante, où des vies étaient arrachées cruellement, une par une. J'en suis venue à lui retirer son épée. Je n'ai jamais compris comment j'ai pu faire un tel exploit. Il semblait surpris lui même que j'aille réussi ce tour de force. Puis, avant qu'il ne parvienne à mettre la main dessus, j'ai lancé son épée, noire comme les voeux du prince des ténèbres, au fond des océans. S'il ne comptait que sur lui et ce qui lui appartenait, ça lui ferait déjà un objet de torture de moins. Mais mon héroisme fut vain lorsqu'il tua deux autres personnes avec des sorts qui m'étaient inconnus. Des malédictions qu'il s'enquit fièrement de dire. C'est alors que j'ai compris.
J'ai couru jusqu'au bord de la plus haute falaise, jusqu'à en avoir des vertiges. Jusqu'à ce que mon corps vacille dangereusement d'aller s'esponter contre les pics arides des rochers tout en bas. Et c'est à ce moment que j'ai vu naître la peur dans son regard. Oui, même les monstres sanguinaires connaissaient la peur. Maintenant j'avais compris. Urmpur vosciféra, il hurla, menaça. Mais en rien il ne me fit bouger de mon poste. Si je devais me sacrifier pour sauver la vie d'autres innocents, ainsi soit-il. Je fut étonnée de voir son corps trembler par moments, ses yeux s'injectèrent de sang, exorbités, il manifestait une crainte évidente. Ainsi je lui fit faire une promesse. Une promesse qu'il fit sur sa propre personne. Ainsi s'il la trahirait, que les dieux l'entendent. Il serait lui même maudit et condamné.
Promettez que vous ne ferez plus jamais de mal aux innocents...!
Oui, oui bordel, tout ce que tu veux mais retourne au navire!
Promettez..!
JE LE PROMET BORDEL DE MERDE, MONTEZ SUR LE NAVIRE MAINTENANT!!!
Mais le vent souffla, et je perdit pied. J'ai senti mon corps tomber et pendant un moment, je ne vit plus rien d'autre qu'une silhouette qui brillait de milles feux. Aussi blanche qu'un linceul vierge. Et une chanson constituée de milliers de voix d'anges parvint à mes oreilles. La paix. Puis une douleur aride me ramena à moi. Ma main était accrochée à la racine du seul arbre de l'île. Sous l'impact, ma cape fut soulevée et arrachée d'à mon cou, et s'envola au large.
Lorsque le colosse me tint contre lui. Lorsque mes pieds touchèrent le sol, d'une main, je vint soigner une blessure qu'un de ses hommes lui avait infligé avant de mourir. Comme touchée par les dieux, du bout des doigts, sa blessure disparu. Et ensuite s'enquit une discution où enfin je m'adressait à un homme, et non plus à un monstre. Souvent, il faut ressentir la peur pour apprendre à écouter les autres autour de soi.
Après avoir cru bon m'attacher au mât dans le navire, menaçant de briser sa promesse. Que j'aille menacé de rompre la mienne par la même occasion. Il serait si facile de me couper la langue avec mes dents et ainsi mourir noyée dans mon sang. Qu'il entendit raison, et avec d'étranges ailes rouges, me ramena, en volant, vers Systéria. La joue collée au torse du géant, bras dessus-dessous, comme des amants inavoués, nous avons flottés dans les airs pendant longtemps. Lorsque j'ai mis le pied sur terre, dans une ruelle de Systéria, c'est dans un dernier regard que nous nous sommes dit adieu.
Ma disparition aura donc duré trois, peut-être quatre jours. J'ai le visage enflé, le ventre couvert d'ecchymoses. J'ai le coeur gros. Mais je suis en vie, et possiblement que Systéria le sera aussi encore pous quelques temps. Je suis donc rentrée dans la Chappelle, me refusant de contacter Thoralf, de peur de les mener à lui, après tout, peut-être étais-je encore victime d'une ruse...