Correspondance des misérables.

Correspondance des misérables.

Post by Azmaïl, Mort - May 3, 2007 at 7:08 PM

Voici la terrible histoire du Duc de la Myre et de ceux qui l’ont côtoyé lors de sa période la plus sombre et la plus hypocrite. Les lettres qui s’ensuivent sont en ordre chronologique ce qui explique un décalage entre certaines requêtes et leur réponse. L’intégralité des correspondances sera confinée dans ce recueil au fur et à mesure que la transcription et l’archivage de ces dernières seront faits. Ne vous méprenez pas à mêler la fiction à la réalité, ni même une quelconque parodie; simplement l’esprit tortueux de ce noble et ses amis. N’accusez personne de tels méfaits. Laissez-vous simplement, chers lecteurs, bercer par les malheurs des riches de cette Correspondance des misérables.

Lettre du Duc de la Myre à Dame Arielle Misange

Chère enfant,

Pardonnez-moi si cette formule vous importune, mais à mon âge les plus épanouies des fleurs me semblent aussi nouvelles que les bourgeons à peine formés. Il me fit tant plaisir, à votre anniversaire, de constater que vous êtes en pleine éclosion et que, timidement, vous commencez à affirmer votre destin de femme. Vos yeux malicieux trahissaient votre nouvelle vie de raison, avantageant aussi vos traits en entier et vos manières de dame de cours. Quelle fut donc ma surprise lorsque votre père s’indigna lorsque je me permis de complimenter votre robe et que je vous baisai le cou tandis que nous dansions! À tout le moins, je m’attendais à ce qu’il s’indigne de votre réponse à ce dernier, mais jamais sur mon geste qui se voulait bien poli! Il est vrai que M Misange a toujours affirmé sa profonde foi en Thaar et ses affaires vont bon train grâce à son exclusivité avec l’Ordre du Soleil. Celui-ci fait rayonner l’or dans votre demeure en échange de quoi vous fûtes promise à son service. Hélas, il me peine de vous confier cette nouvelle, alors que vous voilà déjà à votre seizième été, mais l’hiver devait bien poindre un jour. Dans tel cas, permettez-moi de vous prêter assistance et ainsi vous arracher à la volonté de votre père. Bien entendu, je me montrerais grossier de ne point le faire et pleutre de ne pas oser cette fantaisie de vous avoir à mes côtés en tant que pupille. Souffrez donc que je requière de vous la plus grande discrétion dans les méandres de cette affaire qui ne doivent point parvenir à l’oreille de votre père. Ce dernier s’en trouverait fâché et vous mènerait derechef en pension auprès des templiers. Je compte donc rencontrer votre père dans les jours suivant l’envoi de cette lettre. De cette façon, vous serez en mesure de vous préparer à me recevoir de la façon qu’il convient à une promise aux vœux.

L’exercice sera de m’ignorer et de ne point retourner tous les regards que je poserai sur vous. Je tenterai, croyez-le, de vous charmer, mais vos traits devront souffrir de l’indifférence que vous leur imposerez. Lorsque nous introduirons la conversation à propos de votre condition, feignez un malaise et quittez la pièce. Cette diversion aura l’effet de troubler votre père de telle sorte qu’il sera plus réceptif à une voie qui pourrait être bénéfique pour votre petite personne. À la fin de l’entretien, montrez-vous polie, mais refusez que je vous baise la main. En d’autres temps, je m’en montrerais peiné, mais je suis prêt à accepter ce refus pour votre salut.

Lorsque vous recevrez cette lettre emplie d’espoir, votre père en recevra une différente qui le distraira suffisamment longtemps pour que vous lisiez et cachiez la vôtre.

Dans l’attente de vous voir auprès de moi,

Christian.


Post by Azmaïl, Mort - May 3, 2007 at 7:21 PM

Lettre du Duc de la Myre à Monsieur Tybalt Misange

Cher ami, agréable couturier,

Les larmes envahissent mes yeux à toutes les occasions de penser à vous. J’insiste, avant d’aborder une intention secondaire, que vous acceptiez mes plus honorables excuses à propos de notre dernière rencontre il y a de cela une année qui, tragiquement, déboula en dispute pour un geste que je me repends d’avoir osé commettre. Nul jour et nul rêve ne peuvent effacer la honte que je causai à votre précieuse enfant, aimante d’une lumière bien plus grande que la mienne. Sachez que je n’expliquerai pas mon geste, cela poserait un froid encore plus grand entre nos deux personnes. Je me fais vieux et maladroit, et souvent mes gestes ne reflètent pas les idéaux de mes pensées.

La chère Arielle se porte bien? Je serais sincèrement peiné que ce bouleversant évènement ait entaché sa pureté native reçue de sa divine éducation. Il me vient à l’idée de lui écrire afin d’excuser mon geste, mais les mots me manqueraient et je n’oserais porter une telle disgrâce à mon rang. Il me plairait de la rencontrer, certes, mais en de quelle manière pourrais-je le faire, elle qui s’y refuserait?

Me vient alors, en guise de réconciliation, l’idée que vous m’invitiez un jour prochain afin que nous discutions affaires. En effet, j’ai recueilli sous mon aile une femme de mercenaire du nom d’Izabel. Son mari se trouvant actuellement en fort mauvaise posture pour honorer son serment de protection du royaume, j’eus la gentillesse d’héberger cette colombe en échange de quoi elle me rend quelques menus services et me distrait. Après tout, les journées passées seul au manoir sont paraissent si longue. Pardonnez cet aparté, je reviens au thème des affaires. Je désirais donc habiller convenablement cette dame pendant qu’elle se trouve au sein de mon royaume de façon à empêcher de folles rumeurs calomniant sur une supposition que j’hébergerais une paysanne. Évidemment, mon rang, encore une fois, ne me permettrait point une telle accusation; voilà pourquoi je désire camoufler sa visite du mieux que mes moyens le peuvent.

Par la même occasion, peut-être pourrions-nous discuter d’une consolation entre votre fille et moi ainsi que du prix à un tel pardon? J’insiste sur le prix, car aussi cher qu’il soit, jamais il ne pourra égaler celui des termes de notre amitié.

Sur cette fin quelque peu brutale, je me dois de vous laisser à vos affaires pour rejoindre les miennes. La pauvre dame, endeuillée, gémit mon nom dans la pièce voisine et il me tarde de voir de quels maux l’affligent. Vous me saviez médecin, et me voilà désormais amoureux de cette science et tout le bien qu’elle pourrait procurer.

Thaar guide vos pas, et votre réflexion.

Votre client, digne ami,
Christian de la Myre


Post by Azmaïl, Mort - May 4, 2007 at 7:16 PM

Lettre de Monsieur Misange au Duc Christian de la Myre

Distingué correspondant,

Ne parlons plus de cette querelle, vos sens étaient sous l’emprise du vicieux alcool et vos esprits se faisaient prisonniers d’un corps qui ne répondait qu’à la fatigue et l’abus. Le geste me choqua sur le coup et je ne pourrais qualifier la colère qui s’insémina dans tout mon corps; mais avec le recul d’une année, je puis me compter fort heureux d’avoir tempéré mon animosité. Ma seule consolation est celle que vous soyez repentant de vos torts.

Pour ce qui a trait à ma charmante fille, elle semble ne conserver qu’un vague souvenir de cette soirée. Après l’avoir plusieurs fois questionnée, elle est partie en hurlant que je ressassais des souvenirs bien trop anciens pour elle; vous savez comment ils sont à cet âge. Un problème de plus grande nature m’accable bien plus cependant puisque cette dernière me semble réticente à entrer dans l’Ordre comme le font toutes ses amies. En toute honnêteté, cela me chagrine et je ne trouve guère les mots pour lui exprimer. Vous seul, habile aux jeux de verbe, sauriez la convaincre que son bonheur et son épanouissement se trouvent entre les murs de la cathédrale où le dieu soleil rayonne de ses valeurs.

Sachez aussi que votre geste m’a beaucoup ému. J’ai entendu parler de la rumeur courant au sujet d’une femme qui avait empoisonné son mari pour rejoindre son amant; cette dernière mérite d’être châtiée pour son infidélité plus que pour le fait du meurtre. J’espère qu’elle sera rapidement prise, cette ignoble fugitive n’ayant aucun respect pour le genre humain. Et vous, malgré ces tragiques évènements, consentez à héberger une jeune veuve à qui l’on a enlevé sa joie de vivre; car loin de moi l’idée de vous tenir comme complice de la première, votre jugement est bien trop juste. Cette charité dont vous faites preuve et le dévouement que vous avez pour cette femme éplorée me poussent à offrir, j’insiste, une garde-robe complète pour la pauvre femme. Certes le réconfort est bien moindre que toute votre compassion, mais je crois que cela lui ferait tout de même plaisir.

Aussi, nous n’aurons donc plus besoin de nous rencontrer pour que vous vous occupiez davantage de votre amie. Inutile aussi de mander un de vos serviteurs à mon domicile, j’enverrai ma fille porter les vêtements. Elle pourra aussi passer la journée avec Izabel pour alléger votre noble tâche et que vous puissiez vaquer à d’autres activités plus instructives pour l’âme. Si jamais la tâche semble la revigorer, je suis même disposé à vous la confier pour le prochain mois afin qu’elle prenne soin de la femme et vous laisse aux activités qui incombent à votre personne.

J’ajoute par le même fait que je dois quitter ma résidence de ville sous peu à cause d’une commande mal honorée par mon fournisseur. Vous savez comment sont les affaires, il faut parfois se déplacer soi-même afin d’éviter les mauvaises surprises. Toujours est-il que je ne reviendrai que le mois prochain, d’où l’idée de mettre Arielle sous votre tutelle avisée. J’attends donc impatiemment votre réponse dans les jours prochains avant de quitter cette cité mille fois bénie.

En saluant votre courage, votre ami,
Tybalt Misange.


Post by Azmaïl, Mort - May 9, 2007 at 9:23 PM

Lettre de Monsieur Misange au Prêtre Izak Olgen

Témoin de la lumière divine, digne fils des vertus,

\tJe vous écris en hâte afin de confesser une bévue de conscience. Souffrez qu’une amitié ait aveuglé l’espace d’un instant ma raison et ait accordé à mon noble ami de la Myre la compagnie de ma fille en soulagement au fardeau qu’importe la guérison d’une inconnue. Bien bon est-il de supporter une femme à ses côtés et il me répugne de confesser mon soulagement d’être loin de ma fille les jours prochains. Vous savez, malgré le fait de son innocence, elle demeure une enfant et malgré que Thaar conserve sur elle un œil favorable, il n’en demeure pas moins que son statut de femme fait d’elle un poids considérable pour un père engagé dans ses affaires et veuf d’une regrettée épouse. Cependant, là se trouve mon péché, je sais mon ami quelque peu réticent à mes affaires religieuses et j’ai donc peur qu’une visite prolongée chez ce dernier n’amplifie les questionnements inconvenants de ma fille. De ce fait, je vous demande d’intervenir en ma faveur auprès des dieux et de mander une guide spirituelle auprès de ma fille durant son séjour chez le duc afin qu’elle ne perde pas de vue la lumière bénie de notre très sainte cathédrale. En même temps, il serait bien de la préparer à la déclaration de ses vœux de prêtrise qui s’en viennent à grands pas.

\tDevant m’absenter sur-le-champ, je vous demande donc, vénérable prêtre, d’observer ma requête d’un œil favorable et de consentir à écrire vous-même à ma fille ainsi qu’au duc afin de leur faire part du dénouement de la situation.

Partant donc en toute confiance,
Tybalt Misange


Post by Azmaïl, Mort - May 9, 2007 at 9:25 PM

Lettre de Dame Misange au Duc Christian de la Myre
Mon cher Duc,

Sachez que je ne suis plus l’enfant que vous avez côtoyé. Mes déboires de jeunesse sont le fruit d’une incompréhension du monde qui m’entoure et surtout de ma méconnaissance de vos atours. J’eus été folle que de vous écrire par amour ou par bonheur, je le fais donc afin de vous faire état de mes avancements. Tout d’abord, je suis entouré de cette lumière si éblouissante qu’il m’arrive trop souvent d’en détourner mon corps et mon esprit. Qui plus est, sans doute n’avez-vous pas répondu à mon père, paradoxalement à votre autre plume qui est si prompte à tremper dans le premier encrier venu, et de toute manière il vous serait futile de le faire compte tenu de son départ. Avant cela, outre de vous écrire, il a aussi rédigé une missive à l’intention de son cher ami, le prêtre Izaak, qui aime sans doute plus l’or de mon père que sa ferveur religieuse. Il demande donc que je sois accompagnée, pauvre et innocente proie de vos pensées divergentes, d’une dame de bonne foi et dévouée à cette lumière qui me déplaît tant afin de me brûler les tympans de mille conseils fantasques et sans importance pour une femme de ma prestance. Vous devriez donc, ne vous déplaise, recevoir une sainte missive dans les prochains jours pour annoncer ma venue avec une dame des plus attirantes, mais ô combien inaccessible pour un être aussi immoral que vous.

En fait, sachez qu’il me vient à l’idée un petit jeu que je suspecte sujet à vous intéresser. Cette femme aux valeurs thaariennes et bien confinée dans ses retranchements, je vous mets au défi de l’attirer entre vos soies et qu’elle s’y glissera de manière tout à fait libre. Vous aurez très peu de temps, je vous l’accorde, pour réaliser cet exploit, or, je vous considère suffisamment habile pour réussir ce tour de force. Je serai seule arbitre de votre réussite et ma présence dans votre demeure m’assurera une franchise quant au respect des règles fixées. S’il vous convient d’accepter un tel pari et de vous en montrer vainqueur, en ce cas je consentirai à m’abandonner à vos charmes. Je doute que cette Izabel vous satisfasse pleinement et surtout à la juste mesure de vos prouesses charnelles. Conservez donc un peu d’encre afin de bien écrire le testament de votre victoire.

\tComme il serait aventureux de présager une telle situation avant même que j’aie reçu la réponse d’Izaak. Après tout, serait-ce un beau templier qui me sera envoyé; dans un tel cas, je devrai moi-même assurer l’exercice de séduction. Navré de vous faire languir de la sorte, très cher, mais il le faut bien sans quoi j’aurais le même air de ces femmes de joie dont vous devez tant apprécier la compagnie.

\tJe cesse donc mon écriture dès maintenant afin que mon courrier personnel vous fasse parvenir ma missive avant qu’il ne fasse nuit. Il serait, comprenez, étrange qu’une jeune fille élevée avec des principes moraux si élevés écrive à un homme à des heures si reculées.

Agréablement vôtre,
Arielle Misange.