Un sobre voyage...
Post by Mundus, près de Thaar - May 19, 2007 at 3:47 PM
Attablé à son bureau de fortune, Halvadius Vetinari rédigeait un de ses nombreux essais, à la faible lueur d’une chandelle. Il ignorait superbement la houle qui faisait tanguer « La Chouette de Systéria », et se concentrait uniquement sur les idées qu’il lui fallait coucher sur papier. A force d’habiles manœuvres, il avait réussi à obtenir des matelots ddu capitaine qu’ils déplacent les caisses et lui installent une petite table dans la calle. Soudain, une idée jaillit. Lentement, mais sûrement, elle s’insinua dans son cerveau, se propagea le long de son bras et ordonna à ses doigts de lui donner vie.
Et c’est ainsi que pendant plusieurs heures, dans l’atmosphère sombre et pesante de la calle, Halvadius réfléchissait et écrivait. Cela faisait partie de ses grandes activités favorites. Il en avait d’autres, mais de celles dont on ne se vante pas en public. De celles que l’on gardait pour soi. Un petit crissement retint son attention. Droit devant lui, il entendait le bruit de minuscules petites pattes qui courraient sur le sol. Puis plus rien. Ses yeux cherchaient dans l’obscurité mais la lueur de la bougie l’empêchait de s’accoutumer aux ténèbres. D’un geste, il souffla sur la flammèche et attendit patiemment, dans le noir.
Au bout de quelques minutes, il remarqua de petites formes figées, tout au fond. Des rats. Il passa sa main devant sa bouche et se laissa aller à un sourire. Se levant, tâtant les parois de la calle pour se guider, il se dirigea vers la bête et tendit la main. Le rongeur grimpa avec méfiance, après deux petites secondes de réflexion. Approchant sa main de son visage, Halvadius détailla la si petite créature et constata sa maigreur. De sa main libre, il chercha un morceau de pain qui traînait dans la poche droite de sa longue et sombre robe. Le rat dévora ce repas frugal avec appétit.
- Va, maintenant, petite chose. J’ai à faire.
Il déposa le rongeur par terre et le laissa se faufiler parmi les caisses pleines de marchandises. Tâtonnant encore, il finit par sentir les barreaux de l’échelle sous ses longs doigts fins. Poussant la trappe, Halvadius sortit la tête et se retrouva sur le pont de « la Chouette de Systéria ». Sa longue et maigrelette silhouette se dressait dans la foule des matelots qui s’activaient. La nuit était encore jeune, mais les étoiles brillaient déjà et il fallait redoubler de vigilance. De nombreux récifs pouvaient les avoir en traître. Il s’autorisa une pensée amusée, il avait toujours beaucoup aimé cette expression.
Âgé de quarante-quatre années, il portait des cheveux d’ébène, coupés court. Une fine moustache rejoignait un bouc taillé près du visage. Ses tempes étaient légèrement grisonnantes, sans plus, ce qui rajoutait quelques années de plus à son âge. Il n’était pas beau, il était taillé d’un bois commun. Sa maigreur rajoutait à cette impression. Halvadius restait bien souvent stoïque et ne s’autorisait que très peu des sourires. D’une nature très calme et réfléchie, il excelle dans l’art de la manipulation. La seule chose qu’il déteste vraiment, ce sont les mimes. Allez savoir pourquoi.
Son regard balayait le pont et s’arrêter sur le second du capitaine. Il ressemblait fortement à Hanzo. Ah, Hanzo ! Il fut un temps où c’était son aîné et le voila devenu frais comme un gardon, jeune homme tout droit sortit de son adolescence. Il se doutait de ce qui avait été utilisé pour faire parvenir à ce résultat et ça ne lui faisait ni chaud ni froid : presque tous les moyens sont bons pour arriver à son but et celui-là en faisait partie. Halvadius avait quitté la cité de Medelia à ses dix ans pour suivre une formation spécifique sur l’Archipel T’Sen. C’est là qu’il avait rencontré le Consul de l’Armée des Mercenaires, qui était de vingt-ans son aîné. La maturité d’Halvadius les avait sensiblement rapprochés, souvent ils travaillaient ensemble. Ou plutôt œuvraient ensembles.
C’était de l’art à leurs yeux, ce qu’on leur apprenait. Et puis vint le moment où Hanzo, fraîchement diplômé, partit pour Systéria. Halvadius ne fut pas triste, non, il vint un moment où les routes se séparent. Quant à lui, il avait remporté son diplôme avec brio puis était retourné à Zanther pour officier en tant que diplomate de sa cité natale. Quelle ne fut pas sa surprise, lorsque retournant pour affaire à T’Sen, il croisa son ancien ami, inchangé, à quelques mois de cela. Les retrouvailles furent froides, bien évidemment. Halvadius ne se laissait jamais aller aux effusions. C’est à ce moment-là qu’il prit la décision d’offrir ses services à l’Empire Systérien. Il ira rejoindre son ami une fois ses transactions effectuées.
S’approchant de son second, il énonça, posant ses mains sur la rambarde :
- Bonsoir. Vous êtes encore debout, à cette heure ?
Le vouvoiement était la règle. Il méprisait l’usage du tutoiement, d’une vulgarité totale à ses yeux. Cela mettait toujours une certaine distance, entre lui et ses interlocuteurs et il ne s’en portait pas plus mal. De plus, cela rajoutait à son image et il s’amusait justement des apparences.
- Ah, Halvadius. Je veux vous dire que c'est un plaisir de vous avoir à notre bord. Le ciel est dégagé ce soir, j’avais envie de regarder les étoiles.
- Oui, je vois. Parlez-moi de cette ville, je n’ai jamais été la voir de mes propres yeux. Souvent, j’ai eu ouïe dire que c’était une myriade de culture. Est-ce exact ?
- Vous avez raison, vous y trouverez de tout, elfes comme demi-orques, nains ou gnomes. Et des guildes, plein de guildes.
- Ah. Et des luttes intestines, des intrigues à en perdre la tête je suppose. Cette cité va me plaire, vous savez comme j’apprécie ce genre de choses. Sur ce, je vous salue mon ami, j’ai à faire.
Se détournant de la vision presque onirique des étoiles se baignant dans la mer, il retourna dans la calle. Cette petite sortie lui avait donné des idées et il comptait bien s’en servir afin de finaliser ce qu’il écrivait. Systéria, une ville pleine de promesse, cela va sans dire. Il ne lui restait plus qu’à réfléchir à ce sujet afin de trouver la meilleure façon d’agir. Rallumant la bougie à l’aide d’une lanterne attrapée à l’extérieur, il se replongea dans son ouvrage, bercé par le bruit du vent dans les voiles et par la multitude de pattes qui courraient dans la calle de « la Chouette de Systéria ».