Au Collège Héraldique

Au Collège Héraldique

Post by Mundus, près de Thaar - June 22, 2007 at 1:33 PM

Le lourd portail en fer forgé réussit enfin à s’ouvrir, émettant de nombreux gémissements et cris stridents. Cela faisait des années que le Collège Héraldique de l’Empire n’avait pas eu tant de passage en ses murs et cela déplaisait fortement au métal rongé du somptueux portique. Ce cri ne fit pas fuir pour autant l’Intendant Recaedre, loin s’en faut. A son bras se tenait Khayzane, sa future épouse. Il lui donnait le bras et c’est ensemble qu’ils pénétrèrent dans l’immense bâtiment. Un des membres de la poussiéreuse institution vint les trouver et leur adresser les salutations d’usages.

- Oh. Votre Grâce Recaedre et Votre Magnificence Hattori ! Quel plaisir de vous voir ici, nous n’avons pas eu d’hôtes de prestige depuis tant d’années. Venez, venez ! Nous allons vous montrer nos merveilles.

Khayzane ne put s’empêcher un sourire devant le vieillard courbé qui s’agitait en tout sens, comme si quelques parasites le démangeaient. Par politesse, son cher ami l’Intendant le lui rendit, une légère lueur amusée au fond de son regard brun. Suivant de près l’homme, qui se prénommait Darnel Egard, le couple franchit l’arche de la grande salle. D’immenses bibliothèques couvraient les murs, des centaines de milliers de parchemins y étaient entreposés. Une seule fenêtre leur prodiguait la lumière du soleil. La poussière tourbillonnait devant les raies de lumière d’or.

- Si vous voulez bien vous donner la peine de vos asseoir. Le Collège est ravi de recevoir Vos Splendeurs. Je reviens, je vais chercher quelques registres qui les aideront à faire leur choix. Veuillez m’excuser.

Une fois le vieil homme sortit de la salle, Khayzane émit un léger rire, amusé et cristallin, mais sans une once de moquerie. Mundus caressait ses favoris, le front plissé, tout à sa réflexion. Leurs fauteuils étaient côte à côte et elle lui prit la main. Son regard parlait déjà pour elle, mais elle ne put s’empêcher de verbaliser :

- Mon cher ami, es-tu prêt à supporter cela jusqu’à la fin de tes jours ?

- Mais je le supporte déjà, très chère. Ma charge me permet de rencontrer des dizaines de personnes comme lui.

- Au moins, nous faisons une bonne action. Cela doit faire des mois que ce Darnel n’a pas du rencontrer âme qui vive, enfermé dans cet établissement. C’est une bouffée d’air frais que nous lui offrons.

- Si tu le dis, Khayzane.

Ils n’eurent pas le temps de continuer que le héraut du collège clopinait déjà vers eux, trois énormes livres dans les bras. A un moment, Mundus crut qu’il allait tomber, le poids des livres semblant le faire ployer encore plus. A un cheveu près son nez toucherait le sol. Assit à son bureau, Darnel passa une main nerveuse et agitée sur la couverture, déversant un flot de poussière sur le duc et la marquise, sans véritablement s’en rendre compte. Cela leur arracha une quinte de toux.

- Alors, duc Recaedre, que désirez-vous comme armoirie ? Avez-vous une petite idée ou alors faudra-t-il vous fier uniquement au Collège ?

- Je me fierais à moi-même. J’ai effectivement une idée globale. Un blason ordinaire avec un fond écarlate. Autour, je veux des plumes où se reflètent des nuances d’or et de rubis. Au centre, un symbole de pouvoir, une main me semble être un choix judicieux. Et un animal, noble et majestueux. La main et l’animal seront en or.

- Oh, je vois que Sa Grâce est déjà relativement bien fixée quant à ses besoins. Je vous jure que votre blason sera des plus splendides, nous le ferons dans la semaine. Et vous, Votre Magnificence ?

- Mon cher ami a déjà quelques idées bien arrêtées mais ce n’est guère mon cas. J’aimerais y réfléchir encore pendant quelques jours avant de vous donner l’occasion de me montrer vos nombreux talents dans l’art de l’héraldique.

- Mais… Madame la Marquise, ce n’est pas raisonnable, voyons. Votre rang ne vous dispense pas d’un tel luxe, il faut au plus vite vous créer un blason, par égard pour votre statut.

Khayzane allait répondre, mais Mundus se pencha en avant, vers le bureau, ses bras toujours ballants sur les accoudoirs. Il fixa le vieil homme qui semblait se rapetisser sur son siège.

- Ma très chère amie vous dit de patienter. Vous patienterez donc jusqu’à ce qu’elle juge nécessaire de revenir vous voir.

- Bien entendu… Heu passons au… paiement vous le voulez bien ?

- Je paierais uniquement lorsque j’aurais votre œuvre sous les yeux. Un Recaedre paie toujours ses dettes, ne l’oubliez pas.

Et sur cet échange glacial se termina la rencontre. Une fois sortis, Khayzane lança un regard contrarié à son futur époux. Elle attendit d’être rentrée au manoir pour lui confier ce qu’elle avait sur le cœur.

- Je suis capable de me défendre seule et tu le sais très bien. J’aurais très bien pu lui répondre. Je déteste quand tu fais cela, même si je sais que c’est pour moi que tu le fais.

- Nous allons bientôt avoir des engagements communs, Khayzane. Je sais que tu es adulte et responsable, mais c’est du devoir de l’époux d’aider son épouse. C’est donc ce que je ferais.

- Mais nous ne sommes même pas mariés, Mundus !

- Justement, à ce sujet, je vais aller rédiger notre futur contrat de mariage. Salutations, ma chère amie.

Installé à son bureau, il commença à réfléchir sur les différents termes et les diverses clauses du contrat. Tout devait être pesé consciencieusement lorsque l’on appartient à la noblesse, il ne l’ignorait pas. Terres, dots, héritiers et héritages, etc… Fatigué par les allées et venues dans la ville, il ne tarda pas à aller se coucher.

C’est deux semaines plus tard qu’il reçut la visite d’un héraut du Collège Héraldique. Un jeune homme cette fois-ci, qui semblait mal à l’aise dans ses vêtements. Il venait tout juste d’être engagé visiblement. Mundus lui arracha la lettre et déroula ses nouvelles armoiries.

- Le lion, excellent choix. Je n’espérais pas mieux. Tu féliciteras ton maître et lui feras parvenir ce titre d’une valeur de 50.000 pièces d’or. Ma dette est payée. Diposes.


Post by Mundus, près de Thaar - August 12, 2007 at 5:23 PM

Une nouvelle fois en l’espace de quelques mois, le lourd portail de fer forgé du Collège Héraldique s’ouvrit. Le crissement créa une panique intense chez les vieux archivistes encore en vie. Il fallait se rendre à l’évidence : cet art si particulier commençait à dépérir et la jeunesse ne s’y intéressait plus. Le seul rempart contre la déchéance résidant dans ces vieillards à la longévité exceptionnelle.

Passer sa vie perdue dans les livres permettait peut-être de vivre plus longtemps, qui sait ? Sans distractions, alcool et autres plaisirs charnels, ils ne risquaient que très peu d’appauvrir leur santé…

- Voyez le Collège, messire Valadon. Il est grand temps d’aller vous chercher un blason et ce temps est arrivé. Entrons.

Ediurd hocha la tête, songeur. Les mots de Mundus l’atteignirent mais son attention était monopolisée par le bâtiment de l’institution. Les deux tombaient visiblement en ruine, mais une atmosphère de vieux livres et de savoirs enfouis le tenait en alerte. Un des serviteurs s’approcha et s’inclina très bas pour les saluer, jusqu’à s’en faire craquer ses pauvres vertèbres.

- Oh, Votre Grâce Recaedre. Et qui donc m’amenez-vous là ? Ah. Sa Grandeur Valadon ! Bien sûr, j’aurais dû y penser plus tôt. Un blason, des armoiries ! Vite, vite, mettons-nous au travail.

Et sur ces quelques mots, les deux membres du Conseil Impérial pénétrèrent successivement dans l’enceinte de la cour intérieure et dans les larges corridors grisâtres et poussiéreux. On entendait les ruminations de vieillards au bord de la sénilité. La solitude crée bien des dommages. Quelques secondes plus tard et les voila déjà assis près du bureau du Directeur.

- Alors, Votre Grandeur. Que désirez-vous ? Nous avons de très beaux modèles en cours de réalisation, si vous voulez bien vous donner la peine de regarder ?

Les modèles en cours de réalisation trônaient sur les pages jaunies d’un ouvrage visiblement très ancien. Mais qu’importe, les différentes armoiries conservaient leur esthétisme. Les yeux d’Ediurd parcouraient les nombreuses pages, attentif au dessin qui sera le futur emblème de sa famille.

- Vous n’avez rien de plus bleu ? Légèrement foncé, si possible. J’ai une préférence pour cette couleur.

- Ah le bleu. Messire est un connaisseur. Mais le bleu est cher, très cher.

Le Directeur jeta un regard en coin à Mundus, qui trônait sur son siège, attentif et droit. L’expression toujours aussi sévère et peu avenante. L’Intendant souffla du bout des lèvres :

- Moins cher cependant que l’écarlate de mon blason. Montrez-lui.

Et c’est alors qu’Ediurd remarqua la belle armoirie qui fixa son choix…

- Hum. Celui-ci ? C’est que… le bleu et puis la teinte or, c’est… humm. Cher.

- Combien ? Nous n’avons que peu de temps alors dépêchons.

- C’est que… bien. 30.000 pièces.

Mundus fronça les sourcils et dévisagea longuement le vieil homme de ses prunelles sombres et glaciales.

- Vous avez fait moins de cas lorsque je vous ai passé commande. D’où vous vient ce gêne soudain ?

- Oh rien. C’est juste que… On raconte que… ben. Que le comte est sans-le-sou.

- J’avais haute estime de votre institution. Je pensais que les érudits tels que vous n’accordaient pas d’importance aux ragots de la populace. Me serais-je trompé ?

- Hum. Non, bien sûr que non…

Après avoir réglé les derniers détails, l’Intendant et le Chancelier ressortirent. Les deux hommes discutèrent un instant de divers sujets inhérents à leur charge. Puis vint le moment de se quitter. La cérémonie des prétendants allait commencer et il restait beaucoup à faire…

- Pour l’or, l’Empire paiera vos armoiries. Sur ce, je vous quitte, messire Valadon. Au revoir.


Post by Ediurd Valadon Mort - August 12, 2007 at 6:28 PM

C'est seulement cette atmosphère de savoir qui permis à Ediurd d'entrer dans le bâtiment. Une place rempli de vieux qui passait leur temps enfermé et à garder leur nez dans les livres ne le séduisais pas trop. Pourtant, il était un homme de culture.

Voyant le tout en ruine, ça le mit quelque peu mal-à-l'aise espérant que le bâtiment tienne le temps qu'il se choisisse un blason. C'étais à se demander aussi comment ses vieux faisaient pour rester enfermer aussi longtemps dans une place comme celle-ci sans profiter des choses quotidienne de l'extérieur.

Cheminant à travers les couloirs qui à chaque pas soulevait un nuage de poussière, Ediurd tentait d'oublier les quelques cris des vieux en essayant d'avoir une idée claire de son blason pour ressortir le plus vite possible du collège. Mais ils arrivèrent plus vite que le Comte ne le pensaient au bureau du directeur.

Le vieillard se mit donc à l'oeuvre de lui montrer les modèles en cours de réalisation mais aucun ne lui plaisait. La plupart avait pour signe une arme quelconque et ça ne l''intéressais pas en plus des couleurs pitoyables qu'ils avaient.

Ediurd demanda alors la couleur bleu mais un bleu foncé et pas un de ses bleus ciel clair comme il y avait dans les modèles en cours de réalisation. Le vieillard approuva son choix mais lui dit par contre que le bleu était très cher. Ediurd leva un sourcil et fini par hausser les épaules. Le vieillard lui montra alors le blason. Le Comte ne put s'empêcher d'admirer de plus proche le blason sous les yeux. Tout était à sa convenance et il l'accepta.

Pendant que le vieillard parlait un peu à Mundus, Ediurd examinait toujours le blason sous les yeux quand il entendit la parole du vieillard disant qu'il était sans-le-sou. Ediurd releva la tête et fixa le vieillard un instant. Il ne put s'empêcher de sourire quelque peu devant cette phrase si osé.

Ils finirent par sortir enfin après avoir réglé les différentes choses qu'il devait. C'est alors que l'Intendant lui dit:

Le sourire au lèvre, Ediurd lui répondit:


Post by Thomas Bolton, Emp - July 1, 2008 at 9:51 PM

*Le sombre carrosse du nouvel Intendant pila devant la lourde porte de fer forgé qui coupait le collège héraldique du reste de la cité. L’édifice était impressionnant. Malgré les années et son état de décrépitude avancée, il restait debout, défiant toute logique. Un vieillard, encore plus décrépi que le bâtiment, se tenait à l’entrée pour recevoir son hôte de marque. Cela faisait des années qu’aucun noble n’était venu consulter les maîtres de cet art si particulier. *

« Oh, Seigneur Bolton. Soyez le bienvenu dans notre grande et glorieuse institution ! »

La voix était chevrotante. Chaque son semblait peiner à sortir de la bouche du centenaire. Le pas restait vif cependant. Le spectacle était cruel, mais singulièrement divertissant. Voir ce petit bonhomme parcourir la cour intérieure, trottinant et manquant de tomber, se prenant les pieds dans sa toge une fois sur deux… Sans compter la couche de poussière qui le recouvrait ! Thomas s’en moquait, mais pas la silhouette fine et élancée qui sortit du véhicule avec une moue dégoûtée.

Arrivé dans l’antichambre, le scribe remarqua la nouvelle présence et se confondit en révérences…

« Oh, Votre Grâce ! Quel honneur que vous nous faites. Ah, je me souviens comme si c’était hier du passage de feu votre époux. Un homme respectable, oui. Très sûr de lui, d’ailleurs. Il avait son blason sous son crâne, je le dis toujours. »

*Armika ne lui adressa pas même une parole. Elle continuait d’agiter son éventail, battant vigoureusement des cils pour chasser la poussière qui menaçait de lui sauter à la gorge. L’Intendant tourna un instant la tête vers elle, parfaitement stoïque, puis emboîta le pas du vieillard qui déjà s’éloignait vers son bureau. *

« Je me nomme Darnel, je serais votre héraut. Je me chargerai de réaliser le blason qui vous correspondra le mieux. »

*La duchesse épousseta furieusement le siège sur lequel elle était invitée à s’asseoir. Voyant que ce serait peine perdue, elle resta debout, derrière le siège de Thomas. *

« Avez-vous une idée du type d’armoirie que vous souhaitez voir arborer sur les documents officiels, monseigneur ? »

« Vous suivrez mes instructions à la lettre. Je veux un écu ancien, entièrement noir et liseré d’or. Au-dessous, la devise, que voici. Fond noir et lettres d’or. »

*Thomas sortit d’une poche de sa toge un petit bout de papier qu’il fit glisser sur le bureau, vers Darnel. Il tourna la tête pour éviter le petit nuage de poussière qui venait de s’élever. Le héraut l’examina et hocha la tête puis ajouta : *

« Et ? »

*Il semblait attendre quelque chose, tout comme Armika Recaedre, d’ailleurs, qui le fixait d’un regard scrutateur. *

« J’ai terminé, monsieur Darnel. »

*Dans un même ensemble, la duchesse comme le vieil homme hoquetèrent, surpris. *

« Mais… il faut le remplir, vous savez ? Rajoutez des éléments, mettre un animal ou un symbole quelconque. »

« Vais-je être obligé de me répéter, monsieur Darnel ? »

*L’Intendant se pencha en avant sur son siège, les coudes sur les accoudoirs, son regard gris d’acier plongé dans celui du vieillard, qui capitula rapidement. *

« Heu non… mais heu... soit, si vous le désirez. Ce sera sobre et austère. Ca ne coûtera pas cher non plus étant donné la pauvreté des couleurs. »

« Mais… vous n’allez pas prendre ça, quand même ! »

*Ah, cette fois-ci c’était à Armika de réagir. C’était tellement prévisible. C’était en partie pour ça qu’il l’avait convié à venir. Mieux valait qu’elle soit au courant dès le début. Pivotant sur son siège, il se tourna vers elle. *

« C’est d’un sinistre ! Ce n’est pas luxueux, ça ne fait honneur à rien, pas même à ton nom ! »

« Je vous rappelle que vous ne le porterez pas. »

« Ce n’est pas la question. Tout de même, c’est tellement vide. J’exige quelque chose de plus… noble, voyons ! Pensez à votre rang. »

« Je ne changerai pas d’avis, Votre Grâce. »

*Elle allait répondre. Ca se sentait. Une réplique cinglante dont elle avait le secret. Mais finalement elle se résigna. *

« Je n’ai pas dit mon dernier mot, monseigneur. »

*Darnel toussa. Ou plutôt cracha ses poumons sur la table, ce qui souleva un énième nuage de poussière. Armika se détourna aussitôt, la mine figée dans une expression de dégoût… Elle qui appréciait la propreté, elle se faisait violence. *

« L’affaire est faite. Bien le bonsoir, Darnel. »

*C’est d’un pas beaucoup plus vif qu’ils repartirent, Thomas suivant de près la duchesse qui ne demandait qu’une bonne goulée d’air frais et un bain, visiblement. *

« Peste soit de la poussière ! Comment peut-on vivre dans un tel endroit ! »

*Au même moment, dans un petit bureau éloigné, les hérauts discutaient assemblés autour de Darnel. Plusieurs livres étaient ouverts devant eux. *

« Mais si, puisque je vous le dis ! Je l’ai vu quelque part, c’est sûr. »

« Je suis persuadé que non, tu dois forcément te tromper. »

*Un vieil index pointa un chapitre sur l’héraldique de Zanther. *

« Tu vois, c’est le style tout craché. En plus, selon les instructions, ça y ressemble drôlement. Ca alors, ça va nous changer des plumes et des froufrous. »

La semaine suivante, l’Intendant de Systéria reçut ses nouvelles armoiries…