L'ennui
Post by Cornelius Aigrepont, Ind - February 10, 2008 at 6:22 AM
Cezian avait la même routine depuis bientôt 3 mois. Chaque matin, il se levait de sa couchette inconfortable, buvait l'eau qu'on lui avait apportée, mangeait la pomme et le pain qui l'accompagnaient, posait le pichet vide devant la porte de sa cellule et s'asseyait sur sa paillasse pour réfléchir à sa situation le reste de la journée. Il s'ennuyait ferme.
Il n'avait pas l'occasion d'exercer sa langue de façon démesurée: cinq ou six bonjour et au revoir par jour, c'était tout ce qui sortait désormais de son larynx. En de rares occasions, Orth Usk venait le voir parce qu'il l'avait fait mander. Alors, il parlait pendant cinq ou six minutes avec l'écuyer. Néanmoins, ses journées restaient vides de tout amusement.
Il aurait tant voulu pouvoir gambader dans les pleines chatoyantes des Landes-Unies, le vent dans le dos, l'herbe couchée formant des dessins splendides sur les collines dépourvues de forêts. Il aurait tant voulu pouvoir être appuyé contre le mât d'un navire, les jambes croisées, habillé comme un pirate, scrutant l'horizon, une longue-vue à la main, le cri des goélands accompagnant sa paisible traversée en mer. Il aurait tant voulu chanter avec des Berguenois dans une taverne bondée à l'ambiance festive ou danser avec les N'guelundi autour d'un feu de camp traditionnel, boire du vin d'excellent crû avec des Bréguniens fortunés ou discuter politique avec des leaders Zanthériens. Il aurai tant aimé négocier avec un nain avare ou parler avec un elfe aristocrate, ou mieux encore, philosopher avec un Tsen dans un salon de thé. Il aurait même préféré, plutôt que sa situation actuelle, être à Udossta et subir les représailles d'un peuple hautain et sanguinaire.
Mais c'était impossible. Au lieu de tout cela, des choses qu'il avait vécues et qu'il souhaitait revivre, il était forcé de faire les cent pas dans un endroit extrêment restreint (imaginez, c'était là la plus grande cellule des geôles impériales). Les champignons poussaient sur les vieux murs de pierre de la prison tant l'air était humide. Il n'y avait même pas de fenêtre pour qu'il puisse voir la lumière du jour: depuis son arrivée, la seule lumière qu'il avait vue était celle qui émanait des bougies presque entièrement fondues qui ornaient les chandeliers vieillots et décrépis de la geôle impériale.
Il remuait de sombres pensées tout aussi révolutionnaires qu'avant son incarcération. Décidément, le système juridique était incroyablement lent. Il n'avait toujours pas eu de procès et il commençait à trouver le temps long. La monarchie avait-elle corrompu tout un pays à ce point en si peu de temps?
Fort heureusement, pendant deux jours depuis son arrivée, on lui avait permis de jeter un coup d'oeil aux textes de lois impériaux pour préparer sa défense. Ainsi, depuis un mois, il répétait dans sa tête au moins 50 fois par jour le discours qu'il allait tenir au juge quand il le verrait. Il était prêt, même s'il doutait de revoir un jour le monde extérieur et de pouvoir l'arpenter en toute liberté.