Saturation à Sainte-Elisa

Saturation à Sainte-Elisa

Post by Thomas Bolton, Emp - March 17, 2008 at 11:51 AM

« M’sieur Bolton, m’sieur Bolton ! Vite, vous d’vez v’nir, à l’hôpital ! »

Thomas releva la tête de ses dossiers et examina le jeune garçon qui se tenait devant lui, l’air à la fois nerveux et surexcité. Il le connaissait, c’était le fils de Norris, l’agent hospitalier. Son père l’utilisait pour transmettre des messages et le gamin adorait ça, ça lui permettait de se promener à travers la ville. Non, il n’en avait pas souvent l’occasion dans la demeure de son père, adjacente à l’hôpital.

« Soit, fais atteler le carrosse, j’arrive. »

Malgré sa personnalité extrêmement retorse, le directeur de Sainte-Elisa avait pris l’habitude de ne jamais demander d’explications au fils de son employé. Quand il venait, c’était toujours pour une bonne raison. Un homme selon son goût, qui sait où son les priorités. Rangeant quelques dossiers dans les étagères, il entendait les sabots des cheveux qui s’approchaient, dans la cour intérieure.

Quelques minutes plus tard, le voila qui descendait du véhicule, devant la porte de l’établissement. Le froid avait bloqué les routes et la population ne s’était pas donné la peine au moment du Grand Gel d’affronter la bise et la tempête pour se faire soigner. Maintenant que la situation revenait à la normale, un nombre extraordinaire de patients éternuant, tremblotant, gémissant attendait dans la salle d’attente.

Faisant un signe à Norris qui s’occupait d’une petite vieille dans un coin de la salle, il lui adresse quelques mots :

« Nous allons avoir du travail. Vous avez bien fait de m’appeler, comme toujours, Norris. Vous les ferez entrer dans mon bureau par ordre de gravité : les cas les plus urgents avant les rhumes. »

L’agent hospitalier acquiesça sans rien rajouter et s’apprêtait à retourner s’occuper des patients quand Thomas ajouta, l’air toujours aussi chaleureux.

« Vous risquez de recevoir le corps de feu monsieur le Chancelier des Universités. Sa Grandeur est morte entre hier au soir et ce matin. Veillez à faire de la place dans le vestibule, le défunt est particulièrement… imposant. »

Le directeur quitta la salle d’attente et son brouhaha pour se rendre à l’étage, dans la pièce réservée aux examens médicaux. Se changeant entièrement, il quitta ses vêtements sobres pour ceux blancs et purs de la charge de médecin. C’était le seul moment où il mettait de côté son vœu d’austérité, pour accomplir son travail.

Le premier malade arriva, un homme d’une quarantaine d’années. Après plusieurs minutes d’examen, suivie l’étude des symptômes. Une pneumonie visiblement. Ce fut ainsi toute la journée : les citoyens mal en point se succédaient dans la salle, cherchant remèdes et soins en tout genre contre toute sorte de maux physiques. La vague de gel avait causé d’énormes dégâts.

De nombreux patients furent sauvés mais pour d’autre, c’était trop tard. Leurs maladies n’avaient pas été prises en charge suffisamment à l’avance, ils avaient attendu beaucoup trop longtemps avant de prendre soin d’eux. Des familles pouvaient enfin respirer, d’autres ne pouvaient que faire leurs deuils…