Mauvaises nouvelles
Post by Thomas Bolton, Emp - March 25, 2008 at 7:12 PM
Les couloirs de l’Ambassade étaient silencieux à cette heure de la nuit. Le Consul Bolton n’était pas un homme qui appréciait dormir. Il se contentait de peu et son temps était extrêmement précieux, surtout pendant cette période de trouble. Rester vif et alerte, telle était sa principale préoccupation. Une seule et unique chandelle brillait sur son bureau. Accoudé, l’homme examinait diverses pièces d’un épais dossier, portant un sceau brégunien. Thomas arrivait à percevoir à travers la porte le tictac désynchronisé de l’horloge du vestibule.
Tic, tac, tic, tac... Tic... Tac… Tictactictactic… Tac… Tic, tac, tic, tac.
Les minutes passaient et ses travaux avançaient. Parfois, il prenait quelques notes dans un petit carnet. Qu’annotait-il exactement ? Sans doute des informations importantes, celles à ne pas oublier. Le faible bruit de la pendule s’estompa soudain au fur et à mesure que des pas pressés, nerveux, approchaient. Le regard d’acier du diplomate se braqua sur la lourde porte de chêne. A cette heure-ci, personne ne prenait la peine de travailler. De sa main droite, il ouvrit un tiroir avec une infinie précaution, et y plaça sa main.
On toqua, des petits coups désordonnés et apeurés.
« Entrez. »
Sa main se détendit, le tiroir se referma lentement. Joignant les mains sur le bureau, il dévisagea la petite silhouette qui venait de s’y glisser.
Un jeune garçon à l’air terrorisé toussota. D’un geste de la main, Thomas l’invita à parler, le visage toujours aussi glacial et inexpressif.
« Pardon, heu. M’sieur. C’est que, une dame, m’a d’nné ça pour vous. Pardon, faut pas m’en vouloir. M’a dit que ça s’rait pas grave, m’sieur. J’lai vu sur l’port, elle v’nait de débarquer puis elle a r’filé tout aussi sec sur un autre bateau. Pardon, m’sieur. »
S’avançant d’un pas chancelant il déposa sur le bureau d’un geste extrêmement vif une lettre cachetée d’un sceau. D’un sceau violet. Ca fit sourire le Consul, il ne s’y attendait pas. Ouvrant un tiroir à sa gauche, il sortit une petite bourse qu’il jeta au gamin, et baissa la tête vers la lettre. Le môme disparut tout aussi sec.
« Mauvaises nouvelles... »
Chaque fois qu’il recevait du courrier portant ce sceau, il savait d’avance que ça ne présageait rien de bon. Il se releva et s’avança vers la grande fenêtre, juste derrière lui, son regard balayant les toits de la capitale, apercevant de-ci de-là de la fumée qui s’échappait des petites. Sa main droite tenait la lettre. Après de longues minutes où sa conscience s’égarant dans les méandres de son esprit, il brisa le sceau et déplia le papier…
Mon neveu,
A peine ai-je quitté Zanther que j’apprends ta nomination au poste de Consul ? Toutes mes félicitations, je vois que l’éducation que tu as reçue a pu t’être utile. J’avoue que j’en retire une intense satisfaction. Tu connais de toute façon mes sentiments à cet égard, aussi ne m’y attarderais-je pas. Si j’ai pris la peine de faire un détour par Systéria ce n’est pas pour te féliciter. Tu me connais, j’aime utiliser mon temps à bon escient.
J’ai rencontré un amour de marchand qui venait d’Arnad’Idhren. Visiblement, nous avons des intérêts communs, alors je me suis dit : pourquoi donc ne pas profiter de cette occasion pour installer mes intérêts chez les elfes ? Il faut bien un début à tout. Aussi, me suis-je embarquée de Posdrenia pour aller directement dans les comptoirs des citées portuaires. Mon partenaire m’a fait connaître du beau monde, à Galadh’Einior dont un membre de la famille Na’Meduin. Inutile de t’expliquer leur rang, en tant que diplomate tu le connais.
Bref, des rumeurs de guerres entre les royaumes elfe et nain s’intensifient chaque jour dans la capitale. Ma source est d’importance, c’est un des fils du patriarche Na’Meduin qui m’a confié ce projet. Tu connais les rivalités entre les deux races. Une guerre par décennie est une sorte de tradition et ils ont généralement beaucoup de mal à s’en départir. Tu sais quoi faire de cette information, je présume, mon neveu ?
En quittant Posdrenia j’ai aussi eu le temps de glaner quelques renseignements. Jehan VII prend des potions pour sa longévité, tu ne l’ignores pas. Plus il en absorbe, plus il s’affaiblit désormais. Ca ne durera pas bien longtemps, corps et esprit sont en lambeaux. C’est son aîné qui prend les décisions à sa place. Il est jeune et comme tous les jeunes monarques, il rêve de conquête. Tu vas avoir du travail, mon neveu. Fais honneur à ta tante, d’accord ?
Avec affection,
R. M.
« Ah. Roberta. »
Le temps des choses sérieuses était venu, ce n’était plus le moment de badiner. Du travail l’attendait et ça requerrait énormément de temps et d’investissement personnel…