Rencontre diplomatique

Rencontre diplomatique

Post by Thomas Bolton, Emp - March 28, 2008 at 8:16 PM

Une large malle. C’était le seul bagage qu’apportait le Consul de Systéria pour son voyage diplomatique vers le Bastion Berguenois. Aucun domestique ou secrétaire ne l’accompagnait non plus. Pas de grande suite à perte de vue. Une tradition brusquement modifiée qui ne manqua pas de surprendre l’amiral. Faisant preuve de bon sens, ayant entendu les diverses rumeurs sur la sympathie du ministre, il ne releva pas.

Avant de pénétrer dans sa cabine, Thomas se retourna vers l’officier bardé de diverses médailles et lui annonça d’une voix nette et précise :

« Vous hisserez le pavillon berguenois à côté du nôtre, amiral Duquesne. »

« Mais… c’est ridic… »

Le visage auparavant stoïque du ministre devant soudain extrêmement glacial. Ses yeux gris semblaient percer le crâne de son interlocuteur. Sa voix fut tout aussi attrayante.

« Je vous demande pardon, amiral ? Ridicule ? Contentez-vous d’exécuter cet ordre. Ce sera le seul de la traversée, alors ne m’obligez pas à prendre des mesures dès maintenant, amiral. »

« Hum. Bien, Monsieur le Consul. »

Et effectivement, l’antipathique passager ne sortit presque jamais de sa cabine tout le long du voyage, si ce n’est pour regarder parfois l’horizon ou voir le soleil se coucher. Quelques jours après le départ du « Dame Cybelle », le diplomate fit signe au commandant d’approcher. Une longue-vue dans la main, il regardait à tribord.

« Tenez, que voyez-vous, Amable ? »

« Rien. Ah. Si, effectivement, des vaisseaux de guerre, une flottille. »

« Quel pavillon ? »

« Brégunien… »

Hochant la tête en silence, le Consul laissa l’amiral à cette découverte et retourna dans sa cabine. Les jours suivants, les bâtiments de Posdrenia continuaient de les suivre à bonne distance, sans toutefois oser une approche. Alors que le navire entrait dans les eaux territoriales des berguenois, la flottille disparue. Rien d’intéressant ne se passa jusqu’à l’arrivée au palais du roi Aldarik IV…

Une fois le pied sur la terre ferme, Thomas, l’amiral et sa malle furent conduis à Bergheim sous escorte de la garde royale. C’était en milieu d’après-midi, un soleil pâle éclairait la cité recouverte de neige. L’immense palais, le plus fortifié d’Enrya paraît-il, trônait sur une colline, surplombant la vallée. Du haut des créneaux, on embrassait du regard une grande partie du pays de gelé. Un bruit fort détourna l’attention du diplomate, alors qu’on relevait le pont-levis.

La salle du trône empestait la sueur, l’alcool et la nourriture. C’était un lieu de ripailles et de fêtes où les hommes se saoulaient tout en engouffrant de larges morceaux de viandes et en mettant les mains aux fesses des servantes à la croupe large. On était loin de la délicatesse de Systéria et de la sophistication de Briganne. Le Consul s’amusait intérieurement, s’imaginant la tête de la Duchesse Recaedre au milieu de cette Cour. Aldarik IV, guerrier massif, siégeait au milieu de ses deux fils, encore plus puissamment bâtis que leur père.

D’un claquement de doigt, le systérien fit signe à l’amiral d’approcher la malle du trône pour l’ouvrir. D’épaisses fourrures sur lesquelles reposaient de très nombreuses pierreries se révélèrent aux membres de la famille royale. Thomas ne les quittait pas du regard, jaugeant chacune de leurs réactions. Mais il ne fallait pas être devin pour connaître l’impact d’un tel présent sur des berguenois. Vint le moment du salut.

Approchant d’un pas feutré, ponctué par les claquements de sa canne sur le sol, notre ascétique bonhomme s’inclina à la mode de Systéria. Puis, se relevant, arborant un très large sourire qu’on ne lui connaissait pas au palais de l’Impératrice il écarta les bras et prononça une formule de salutations en patois du nord. Ca fit tout de suite bonne impression. Le roi se releva pour lui donner l’accolade, tout comme les deux princes.

C’était si facile…

Vint le temps de la négociation…

« Alors, Consul, qu’est-ce qui vous amène à Bergheim ? La dernière visite, c’était pour me prendre mon cadet. Vous auriez pu le garder, quand même ! »

Ah, on y venait. Tellement prévisible.

« Comme vous le savez, Majesté, cette visite a un seul but : renforcez nos relations économiques et diplomatiques. Nous n’avons pu faire ceci grâce au sang, mais il y a d’autres manières, fort heureusement. »

« Bon. Montrez-le moi ce traité, qu’on aille fêter votre arrivée ensuite ! »

Le Consul sortit du petit sac qu’il avait toujours avec lui un document relié de cuir. Il contenait de nombreux termes du jargon juridique et diplomatique. Le quatrième Aldarik le lut avec attention, une lueur qui brillait dans son regard.

Pas aussi bête qu’il ne le laisse croire…

« Vous savez, monsieur Bolton, ça m’intéresse tout ça. Mais faut pas croire qu’on ne sait pas ce qui se passe. Vous l’auriez fait si vous aviez pas eu ces pédants de Briganne aux fesses ? »

Coriace, le bougre.

« On ne peut rien cacher à Votre Majesté. Tôt ou tard, ce traité aurait pu être signé. Nous ne vous le proposons pas uniquement par intérêt personnel. Voyez les attaques souterraines d’Udossta. Nous ne voulons plus de veuves éplorées pour nos deux nations. Vous connaissez les dérives impérialistes de nos voisins. Ensemble, nous repousserons ces nations belliqueuses. »

Après quelques secondes de silence, Thomas poursuivit.

« Avec notre aide, ces raids pourraient cessés. Quant à Systéria, elle sera protégée des prétentions bréguniennes. Nous avons toujours été en bons termes. Quant à eux… supérieurs, parfaits, les meilleurs. Devons-nous subir leur rengaine éternellement ou nous unir pour y faire face ? Protégeons-nous-en ! Rabattons-leur leur foutu caquet ! »

Qui aurait pu croire que le Consul s’adaptait si facilement ? Un observateur systérien en aurait été fort étonné. Heureusement, aucun n’était dans la pièce pour le rappeler.

« Oh. Vous avez raison, sacrebleu ! Marre de leur saloperie d’puissance économique et militaire. Ils n’ont même pas voulu nous filer un coup de main alors qu’ils arrêtent pas de cracher sur les noirauds dans leurs lettres. Au diable les bréguniens ! »

Attrapant un cachet de cire, Aldarik IV apposa le sceau de sa dynastie à la fin du traité. Le Consul, avec l’autorité dont il était investi, fit de même. Le traité d’alliance et de protection mutuelle entrait maintenant en vigueur.

« Venez, foutredieu. Maintenant, on fête ça ! J’fais venir tous les diplomates et on va s’en payer une tranche ! »

Et c’est à ce moment que les festivités commencèrent…

[H.R.P. : La suite à mon retour.]


Post by Thomas Bolton, Emp - March 31, 2008 at 7:54 PM

La fête battait son plein. A peine les grandes portes furent ouvertes que le Consul put apprécier le spectacle qui s'offrait à lui. Il se déroulait comme il l'avait imaginé : des hommes ivres dont les rires gras résonnaient dans la vaste salle. Déjà, Aldarik lampait une longue gorgée de bière tout en faisant signer à ses fils d'approcher. Thomas se déplaça lentement vers eux et murmura au cadet de la couronne berguenoise le souhait suivant :

« Arrangez-vous pour que le diplomate de Briganne soit prévenu au dernier moment, Votre Altesse. J'insiste. »

Le colosse roux éclata d'un rire gras en hochant la tête.

Ah ! Si facile.

Tous les ambassadeurs, une fois informés, se rendirent au palais pour assister aux festivités. Ce n'était plus un simple accueil, c'était devenu un hommage véritable aux nouvelles relations entre les deux nations. Le Consul se mêlait parmi eux pour les saluer tel que le protocole l'exigeait. Selon l'interlocuteur, son visage devenait plus ou moins expressif. Sans cesse, il s'arrangeait de façon à plaire à tous sans que ça ne se remarque.

Enfin arriva messire Velonius, Diplomate Extérieur du Saint-Empire au Bastion. Les raisons de la fête ne lui furent pas révélées. Aldarik IV le héla à partir du trône où il était avachit, une pinte dans la main. Thomas le salua sans un mot, d'un simple signe de tête rigide et glacial.

« Bienvenue, Chevalier ! Venez fêter comme il se doit la nouvelle alliance entre Bergheim et Systéria ! »

Cela pouvait passer pour de la franchise, cependant le Consul y décela une once de provocation. Non, décidemment, Sa Majesté n'était pas aussi rustre et simple qu'il ne le laissait paraître. L'avait-il sciemment dévoilé à Thomas ?

Déjà, le diplomate brégunien grimaçait. Au même moment, des musiciens entamèrent une mélodie du nord, dont la voix grave et mélodieuse était portée par une femme, ponctuée par d'imposantes et sourdes percussions.

Se levant de son siège d'invité d'honneur, monsieur Bolton dévisagea son homologue qui affichait un air vexé, comme piqué au vif. Son pas lent accompagné des claquements secs de sa canne sur l'épais dallage accompagnait le tempo. Juste devant le Chevalier, il se pencha en avant et lui murmura à l'oreille :

« Ne négligez jamais la fourmi, car elle peut œuvrer aussi bien que le titan. »

Puis il se redressa et braqua son regard d'acier inflexible et glacial vers son interlocuteur. Très lentement, son visage inexpressif vit un sourire froid naître puis jouer sur ses lèvres...

Encore une seconde, pas plus.

Voila.

Hochant à nouveau la tête en guise de salut, il retourna à sa place, savourant l'eau-de-vie berguenoise qu'on lui proposait.

Deux jours plus tard, plusieurs festivités après, le Consul utilisa les services des mages du Nord et se retrouva enfin sur la terre ferme, à Systéria. D'un pas ferme, c'est avec un traité d'alliance tout neuf et décoré de divers sceaux officiels qu'il se dirigeait vers le palais. Au même moment, la nouvelle se répandait à travers toutes les ambassades mondiales...