Dans le bureau du Surintendant...

Dans le bureau du Surintendant...

Post by Thomas Bolton, Emp - May 27, 2008 at 10:58 PM

Le soleil se couchait sur Systéria. Les rayons mordorés traversaient les grandes vitres du bureau du Consul, au palais impérial. Le ministre, les mains derrière le dos, attendait. L’air songeur, son regard ne quittait pas la colonne de fumée qui montait d’une petite clairière, au loin, dans l’épaisse forêt qui bordait la capitale. Les bûcherons. Ils sont fascinants. Des semaines d’isolement au loin, dans les bois. Et une force de caractère difficilement ébranlable. Pourquoi y pensait-il tout d’un coup ? Oh, rien, une intuition.

La porte s’ouvrit pour laisser entrer le secrétaire Cressen. Ce dernier se dirigea vers l’épaisse bibliothèque pour y ranger ses dossiers avant de revenir vers le bureau. Il conservait un porte-document dans la main. Thomas remua légèrement les mains pour lui faire signe de commencer son exposé, sans pour autant se retourner. Ses yeux au gris d’acier continuaient de fixer la fumée à l’horizon.

« Bien le bonsoir, monsieur le Consul. Je vous apporte ceci de la part de l’hôpital Sainte-Elisa. La directrice des recherches, madame Majere, a tenu à ce que vous l’ayez le plus rapidement possible, monsieur. »

*Le serviteur ouvrit le porte-document et en sortit une feuille de papier frappé du sceau du laboratoire pharmaceutique. Le ministre se retourna et attrapa la feuille pour la parcourir rapidement. Son visage gardait pour le moment un air neutre. *

« Vous l’avez lu, monsieur Cressen ? »

« J’ai pensé que ce serait préférable, monsieur. »

*Son supérieur ne répondit pas. Pas immédiatement. Laissant la feuille sur son plan de travail, il retourna près de la grande vitre pour revenir à ses pensées. D’ordinaire, Cressen serait partit au moment même où Thomas se serait désintéressé de lui. Quelque chose l’en empêchait, cette fois-ci. *

« Dois-je faire quelque chose, monsieur le Consul ? »

« Non, monsieur Cressen. Je rajouterai cet élément dans les dossiers médicaux du Conseil et préviendrait la Confrérie demain matin. »

« C’est extrêmement embarrassant, monsieur. »

*Le visage du ministre, sec et arborant une expression glaciale, restait tournée vers la lumière décroissante du soleil. *

« Je ne m’attendais pas à cela, je dois l’avouer. Qu’il soit atteint d’une psychose, cela me semble évident, mais que son sang soit impur, cela m’étonne. Il a fallu que cet imbécile soit d’origine démoniaque. »

« Je pensais que cela vous arrangeait, monsieur. »

« D’un certain côté, oui. D’un autre, non. J’accorde plus d’importance au deuxième. Une nouvelle fois, je serais la cible de mes détracteurs. Tant que la Confrérie ne valide pas les résultats de madame Majere, on pensera que j’ai usé de mon influence pour me débarrasser d’un ennemi potentiel. Cette période de latence sera préjudiciable. »

« Si le tout est vérifié, on louera votre clairvoyance, monsieur le Consul. »

« C’est le contraire, qui me préoccupe, monsieur Cressen. Vous pouvez disposer. »

*Le secrétaire fit mine de quitter la pièce quand son visage s’illumina soudain. Se retournant, il fixa le dos de son supérieur, toujours planté près de la fenêtre et ajouta : *

« Monsieur Neumanoir a accepté votre réponse au sujet du diplomate Aigrepont, mais avec beaucoup de gêne. J’ai pris soin d’envoyer un dédommagement, de mes propres fonds, en votre nom. »

*Décidemment très efficace. Neumanoir était connu pour être âpre au gain. Un simple hochement de tête lui répondit, et Cressen s’en contenta. Les deux hommes se comprenaient bien, aucun besoin de palabres inutiles… *


Post by Thomas Bolton, Emp - June 24, 2008 at 3:45 PM

*Les étoiles brillaient par une nuit sans lune, au-dessus de la capitale de l’empire systérien. Au palais, alors que les serviteurs comme les nobles dormaient d’un sommeil profond, deux hommes discutaient dans un des bureaux du ministère des affaires étrangères. Thomas Bolton ainsi que son secrétaire, monsieur Cressen, abordaient des sujets sensibles concernant dossiers qui nécessitaient d’être traités en urgence. Ces individus étaient singulièrement similaires, même si l’on pouvait noter quelques différences. *

« Comment le Conseil souhaite-t-il réagir, monsieur ? »

« Le Conseil approuve, mais il devra y avoir un éclaircissement sur les modalités de fusion ainsi qu’une période d’essai, monsieur Cressen. »

*Cressen griffonna alors furieusement sur son calepin quelques annotations dont il aurait besoin plus tard. Il en feuilleta ensuite les pages, puis tapota de son doigt son écriture en patte de mouche. *

« Que fait-on pour madame H. ? Elle n’est pas digne de confiance, dit-on. Elle serait trop portée sur le babillage, monsieur le ministre. »

« J’ai eu confirmation de madame Mel’Viir, à ce sujet. Elle croit avoir l’avantage, je vais le lui laisser pendant encore quelques temps. »

« Et pour la haute trahison, monsieur le Consul ? »

« Madame H. est intelligente, malgré son exubérance. »

*Le secrétaire se douta que ce devait être le dernier mot. Thomas se redressa et alla se placer devant la grande fenêtre de son bureau pour admirer la vue, les mains jointes derrière le dos. Un bref sourire à la nuit, alors que la plume du serviteur crissait sur le papier. *

« Faites parvenir la convocation que vous trouverez sur votre bureau à la baronne d’Estré, monsieur Cressen. »

« Mais… ? »

*Non, c’était inutile. La porte était close, évidemment, mais le ministre avait plus d’un tour dans son sac. *

« Ne laissez pas la fenêtre ouverte quand il vente, vous ne retrouverez plus vos papiers. J’ai pris soin de la refermer en sortant. »

« Bien, monsieur. Quelle est la nature de cette convocation ? »

« Analyse de sang. »

*Un hoquet de surprise, vite étouffé. Le ministre ne releva pas. *

« J’ignore tout de cette affaire, monsieur le ministre. Ai-je égaré un dossier ? »

« Non, je ne voyais pas l’utilité de vous en informer. J’ai reçu plusieurs rapports concernant la baronne, des rumeurs, des suppositions, des hypothèses. Mais aucune preuve. Le Prince Consort est extrêmement déçu par une partie de sa noblesse. Je rétablirai cette confiance. Madame Majere devra une fois de plus faire preuve de ses talents. »

*Le but était-il si altruiste ? Peut-être que oui, peut-être que non, c’était impossible à dire. Le plus simple avec le Consul, c’était d’imaginer la réaction logique qu’il pouvait avoir. Il se produirait alors l’exact contraire. *

« Des nouvelles de l’Association, monsieur ? »

« Aucune, je me répète inlassablement. Si je n’ai aucune nouvelle d’ici le mois prochain je transfèrerai la réforme vers les Gitans. Vous pouvez disposer. »

Et le silence étendit à nouveau son doux voile sur le palais impérial…


Post by Thomas Bolton, Emp - July 21, 2008 at 11:11 AM

L’aide-diplomate Hattori venait de quitter le bureau de l’Intendant Thomas Bolton quand le secrétaire de ce dernier entra par la porte qui se trouvait à l’autre extrémité de la pièce. D’un pas hâtif, il se dépêcha de rejoindre son supérieur.

« J’ai quelques difficultés à comprendre, monseigneur. »

Le ministre releva la tête et détailla soigneusement son subalterne, un léger sourire sans joie sur ses fines lèvres pâles.

« C’est le but, monsieur Cressen, c’est le but. »

« Le diplomate vous ment honteusement pour obtenir un congé, vous en avez la preuve et pourtant vous augmentez ses accréditations, Votre Seigneurie. »

« C’est exact, monsieur Cressen. »

« Il peut faire ce qu’il veut de l’aide-diplomate, désormais. Si j’en crois les rapports qui me parviennent à leur sujet, ça risque d’être extrêmement… conflictuel, monsieur l’Intendant ? »

« Possible, monsieur Cressen. Possible. »

« Je n’en vois toujours pas l’intérêt, sauf votre respect monseigneur. »

« Moi si, monsieur Cressen. Tout ceci sera extrêmement stimulant. Déterminant, même. »

Le secrétaire tripotait nerveusement le coin d’un rapport qu’il tenait sous le bras, alors qu’une intense réflexion était à l’œuvre sous son crâne. Non, décidemment, il n’arriverait jamais à comprendre parfaitement les plans que tramait son supérieur, malgré les années de service à ses côtés.

« Avant que je ne parte, Votre Seigneurie, monsieur Frentchek s’impatiente. Que dois-je faire ? »

« Il recevra bientôt sa réponse. Laissons-le cultiver pendant encore un jour ou deux les hypothèses farfelues qu’il imagine au sujet de notre futur entretien, monsieur Cressen. Ca ne peut pas lui faire de mal. »

« Et au sujet du projet Kelev’Rah ? Les assurances ? »

« Je dois rencontrer monsieur Pandora dans les jours qui suivent, ça attendra bien encore quelques semaines. Sa réponse sera envoyée dès que le rendez-vous avec le représentant de l’Association aura eu lieu, monsieur Cressen. »

« Soit. Bien le bonsoir, monseigneur. »

Thomas hocha distraitement la tête et se plongea à nouveau dans ses dossiers. De nombreuses choses devaient être réglées, mais des réformes importantes étaient en cours et ne souffraient pas l’attente…


Post by Thomas Bolton, Emp - December 21, 2008 at 8:34 AM

L’Intendant observait la cour intérieure du palais du haut de la petite tour située au-dessus de son bureau. Une longue-vue dans la main, il détaillait les allées et venues des domestiques ainsi que celles des courtisans. La vie du palais avait quelque chose d’insignifiant, vue du dessus. Un bien étonnant portrait des mœurs humaines…

Une nourrice dodue discutait avec vigueur avec une femme de chambre toute menue. En parlant, elle faisait des grands gestes. Un courtisan un peu distrait qui ne regardait pas où il allait se prit un énorme poing sur le nez en passant trop près de l’imposante gouvernante. Un filet de sang jaillit, ainsi que des cris.

« Mais regardez ce que vous faites, chienne ! », hurla d’une voix aigüe le bonhomme malmené.

« Ne me parlez comme ça, voyons, où je dis à votre femme ce que vous avez essayé de me faire, quand j’étais seule avec le nourrisson, la dernière fois ! », répliqua la nounou, outrée, avec une voix tonitruante.

Le ministre esquissa un sourire et braqua son outil sur un autre endroit. Les cris s’estompaient déjà. Un homme richement habillé était assis sur un banc. Son visage n’exprimait strictement rien, son regard était curieusement las. Régulièrement, toutes les dix minutes environs, il sortait une montre à gousset en or et regardait l’heure. Il reprenait ensuite sa position initiale. Parfois, il fixait les domestiques qui passaient pour les quitter du regard dès qu’ils franchissaient la porte principale.

Un toussotement se fit entendre derrière Thomas.

« Bien le bonjour, Cressen. »

Le secrétaire approcha et regarda par la fenêtre la silhouette sur son petit banc. Elle n’était pas définissable de là.

« Oh, vous vous intéressez à Monsieur le Duc de Systéria. Il n’a jamais quitté cette place, que ce soit avant ou après l’ascension de son épouse à la Régence. »

L’Intendant fixait toujours le mari de la princesse emprisonnée et répondit d’un ton monocorde…

« Effectivement, un véritable homme de paille. Ce n’est pas lui qui posera des problèmes. Avez-vous procédé aux modifications demandées, Cressen ? »

« Oui, monseigneur. Les précepteurs des trois enfants de Mala ont bien compris l’importance de vos requêtes. Ils ne s’éloigneront pas de vos directives. Chacun de leur geste, chacune de leur parole vous seront rapportées. »

« Et qu’en est-il de nos hommes de l’ombre ? »

« A leur poste, de jour comme de nuit. Tout sera scrupuleusement vérifié. »

D’un geste sec, le marquis replia la longue-vue et se retourna vers son subalterne. D’un geste de la main, il l’invita à disposer. La progéniture de Mala n’était pas une menace à proprement parlé, Cybelle avait d’ailleurs relativement bien réagit même si rien n’avait été calculé politiquement. Les garder au palais était plus prudent que de les en éloigner. Et ainsi, il n’y aurait pas de rancune supplémentaire.

L’aîné était un juriste de talent, de cinq années plus vieux que le prince Maemor. Le puîné avait déjà commencé à apprendre la maîtrise des armes et se montrait tout particulièrement doué. La cadette, deux ans plus vieille de l’héritier de la Couronne montrait des prédispositions à la magie. Un trio de talent, à vrai dire, mais qui bien éduqué pouvait devenir facilement contrôlable…

Une surveillance était quand même nécessaire, au cas où…


Post by Thomas Bolton, Emp - December 25, 2008 at 2:19 AM

Dans la tourelle qui surplombait son bureau, l’Intendant Bolton continuait d’observer la vie du palais à l’aide de sa longue-vue. Un œil fermé, l’autre solidement collé contre la lunette, un visage toujours aussi neutre, il détaillait chacune des allées et venues des habitants de l’impressionnant édifice. Lentement, il pivota pour faire face à l’aile nord. Par une fenêtre, il put voir la jeune princesse Isaleia, désormais âgée de sept ans, effectuer divers gestes compliqués. Le résultat ne se fit pas attendre, une pendule prit son envol et tournoya dans la pièce.

Des bruits de métal dans la cour intérieure troublèrent son attention. Intrigué, il baissa la longue-vue pour voir le prince Maemor, âgé de neuf ans désormais, qui s’entraînait avec son maître d’arme. Le garçon était rapide, mais il avait encore beaucoup à apprendre. Il lui manquait des muscles. Ce n’était pas quelque chose que Thomas pourrait lui apprendre convenablement, c’était certain. Quelques minutes plus tard, l’attention du marquis se posa sur le mari de Mala.

Le regard vide, il fixait sa montre, assit sur le même banc. Il ressemblait à un pantin habillé de vêtements de luxe. Etait-il déjà comme ça avant son mariage avec la sœur aîné de Cybelle ou était-ce la vie en couple avec cette femme dévorée par ses pulsions qui l’avait rendu ainsi ? Selon les bruits qui courraient, il avait justement été choisi pour son attitude molassonne.

Une petite toux retentit derrière lui. Cressen avec un objet compliqué en main.

« Bonjour, monseigneur. »

« Bien le bonjour, Cressen. Qu’est-ce que vous m’apportez ? », dit l’Intendant, repliant d’un geste sec sa longue-vue et tendant sa main au gauche à son secrétaire.

« Le prince Feredìr m’a donné ceci pour vous. Apparemment, vous en auriez besoin selon ses dires. »

C’était une plume d’oie, tout ce qu’il y avait de plus commun. La seule différence c’était dans sa solidité. Une petite fiole de verre ronde était fixée dessus par un petit mécanisme compliqué. Elle était remplie d’encre et reliée à un bout pointu en acier. Plus besoin de tremper le bout dans l’encrier, maintenant. Un sourire amusé vint danser quelques instants sur les lèvres de Thomas alors qu’une lueur vive passait dans son regard.

« Ingénieux, Cressen, très ingénieux. Je remercierai Son Altesse lors de son prochain cours. »

« Bien, Votre Seigneurie. L’heure de nommer un nouveau Chef d’Etat-Major est venue, je crois. »

Le ministre se retourna et concentra à nouveau son attention sur la cour intérieure. Maemor et son maître d’armes avaient laissé la place à la Garde Impériale et son entraînement quotidien. Le Chevalier-Capitaine Al Kazar était parti dans une diatribe vigoureuse sur la nécessité de maîtriser parfaitement tous les arts du combat. L’élite, toujours l’élite. Ce mot revenait sans cesse. C’était une bonne façon de les conditionner.

Quelques minutes après, Saevan lança deux de ses recrues dans un combat. Souvent, il intervenait pour critiquer le port du bouclier – trop faible ! – ou la mauvaise position de la lame – trop haute, trop de possibilité de voir le coup contré. Bref, il se concentrait sur son travail.

« Le choix a été fait, Cressen, l’annonce paraîtra demain. Il n’y aura pas une surprise, mais bien deux. Si vous cherchez certains dossiers du Conseil comme le cas Brégunien vous ne les trouverez plus j’ai restreint leur accès. Une précaution que je pense nécessaire. »

« Soit, monseigneur. Autre chose, monseigneur ? »

« Vous pouvez disposer, Cressen. »

Et le secrétaire repartit d’un pas discret tandis que son supérieur retournait à son bureau pour examiner de nouveaux rapports qui venaient de lui parvenir. De nombreuses questions trottaient dans la tête du fonctionnaire : qu’allait faire le marquis ? Lequel des deux candidats allait être choisi ? Al Kazar ou Franz ? Quelle pouvait bien être cette deuxième surprise à laquelle personne ne s’attend ? Rapidement, il secoua la tête comme pour chasser toutes ces questions. Avec l’Intendant, il valait mieux attendre la réponse plutôt que tenter de la découvrir par soi-même…


Post by Thomas Bolton, Emp - January 11, 2009 at 3:05 AM

Tout commença à la lecture d’un simple courrier…

À Sa Majesté l'Impératrice Cybelle de Systéria, Respectée et Bonne Souveraine de l'État de Systéria,
À son Altesse le Prince-Consort Alur'Indel El'Aglar, mon fils estimé,
À sa Magnificence Thomas Halvadius Bolton, Intendant de Systéria,

J'ouvrirai cette lettre en vous présentant le respect que j'ai pour les vôtres ; mon fils vous ayant été offert en étant pour moi la marque ultime.

Je vous annonce bien sûr que les landes elfiques entreront dans votre partenariat, mais nous tenons à ce que le tout soit fait dans le respect de la nature, qui nous fait vivre, mais qui est tout aussi vivante que nous et qui mérite à ce titre d'être traité comme telle.

L'éternité elfique qui m'a été offerte par cette vie pouvant toucher sa fin un jour, il y a certaines choses que je veux réaliser avant. Aussi, plutôt que de vous envoyer un émissaire, je vous annonce que ma fille Essëlinäe, deuxième descendante de mon sang, et moi-même, nous rendrons personnellement à Systéria. Nous espérons de tout cœur que vous verrez toute l'attention positive d'un tel déplacement.

Nous planifions discuter de ce pourquoi vous nous aviez écrit, mais j'ai aussi le désir avoué de poser les yeux sur ma descendance lointaine, mes petits-enfants. C'est un geste qui pourra se répercuter chez les miens, sachez-le, puisque le sang humain et elfe n'est pas toujours respecté dans les terres ancestrales elfiques.

Veuillez agréez, respectée Souveraine, éclairé Premier Ministre, mon fils, ma considération la plus haute.

Feredìr El’Aglar,
Patriarche de la famille El'Aglar,
Souverain du Royaume des sages.

Après une brève rencontre avec le dignitaire elfe chargé de lui apporter la précieuse réponse du roi d’Arnad’Idhren, l’Intendant Bolton réintégra rapidement le palais pour donner une série de directives strictes et sévères pour préparer l’arrivée de l’hôte de marque. Jamais l’empire n’avait reçu d’invité aussi distingué que le patriarche de la famille El’Aglar. Une visite extrêmement importante mais Ô combien dangereuse et soumise à controverse…

Cressen attendait devant les grandes herses, c’est ensemble qu’ils grimpèrent les nombreuses marches pour accéder aux quartiers du marquis.

« Les trois amiraux vous attendent dans votre bureau, Votre Seigneurie. Ils étaient au ravitaillement quand je les ai informés de votre volonté. »

« Parfait Cressen. »

Quand la porte s’ouvrit, les officiers se raidirent. Tous nerveux dans leurs uniformes, ils redoutaient toute entrevue avec l’homme le plus alambiqué de Systéria. Ils le saluèrent cependant selon le protocole et se turent immédiatement. Thomas resta debout, devant eux. Les paroles qu’il prononça furent froides et sèches, mais rigoureusement claires.

« Messieurs, je vous charge d’escorter le navire de l’ambassadeur Mathilien d’Avrisël jusqu’à Galadh’Einior. Ensuite, vous patienterez à quai jusqu’à ce que Sa Majesté El’Aglar ne décide de prendre la mer pour rejoindre Systéria. Vous l’escorterez, lui et sa flotte, jusqu’à la capitale. »

Son regard sévère se tourna vers l’amiral Bonport – il portait bien son nom, celui-là ! C’était un homme loyal, relativement petit.

« Avec la Bonne Impératrice, vous décrirez de grands cercles autour de la délégation. Faites votre rôle, soyez sûr qu’aucune menace n’approche du convoi. »

« Bien, monseigneur. »

« Quand à vous, messieurs, restez près du navire de Sa Majesté et soyez prêt à le défendre à tout moment. Méfiez-vous de tous les pavillons. Je compte sur votre haute connaissance des flottes étrangères pour déjouer tout subterfuge. Des questions ? »

Le tout était prononcé sur un ton très calme, très serein. Chacun des ordres de Thomas était posé, clair et sans équivoques.

« Non, monseigneur », répondirent-ils en chœur.

Une fois les trois hommes congédiés, le secrétaire particulier de l’Intendant pénétra dans son bureau.

« C’est l’occasion idéale pour les bréguniens de frapper, monseigneur. »

« Je ne l’ignore pas, Cressen. Les espions du Saint-Empire non plus. Il va falloir augmenter de façon drastique la sécurité lors de son séjour à Systéria, un seul individu mal intentionné dans une foule peut détruire les relations entre nos nations. Et je ne vous parle pas de l’instabilité politique au Royaume des Sages si leur roi venait à tomber dans la patrie d’une dynastie hybride qui est de son sang… »

« Mais nous apprécions la difficulté, monseigneur. »

Les fines lèvres pâles de l’Intendant Bolton s’étirèrent en un sourire énigmatique.

« Evidemment, Cressen, évidemment. »

Et tout était encore à faire, tout était encore à organiser…


Post by Thomas Bolton, Emp - January 12, 2009 at 2:16 AM

Quelques individus étaient rassemblés dans le bureau de l’Intendant. C’était le deuxième et dernier groupe de la journée. Personne ne les avait vus entrer, mais ils étaient bels et bien là. Ils n’avaient pas d’expression particulières, ils représentaient à eux seuls toutes les couches de la société multi-culturelle qu’était Systéria. On avait des marchands, riches et pauvres, des paysans plus ou moins bien fagotés, etc.

« Le Saint-Empire a toujours eu un œil posé sur la capitale. Ils ont même été jusqu’à installer des artefacts magiques pour décupler la puissance des magies de transport et ce sous la barbe de la Confrérie Pourpre. Je vous rappelle que la guilde est sensée être la première puissance mondiale en matière de flux magiques. »

Un sourire sans joie doublé d’un ton glacial ponctua sa dernière phrase.

« Il y a eu parmi vous quelques succès. Quelques individus arrêtés. D'autres ont disparu. Tout simplement. »

Cette fois-ci, un sourire plus mauvais apparut sur les lèvres du ministre alors qu'il agitait distraitement la main.

« Cette fois-ci je veux plus de résultats. Vous êtes payés, je suis en droit d'attendre de la qualité. Un service tel que le vôtre ne peut se permettre de commettre des erreurs. La visite du roi elfe plus qu’autre chose doit se dérouler sans heurts. Vous avez tous ici conscience de ce que cela peut représenter. »

L’Intendant se détourna alors vers son bureau sur lequel étaient posés de nombreux dossiers. Il en prit un en particulier – qui, au demeurant, ne se distinguait pas des autres – et l’ouvrit. Ses longs doigts fins parcoururent le texte.

« Vous trouverez ici quelques noms de personnes susceptibles de nous causer quelques ennuis. Echanges de courrier avec Briganne, contenu de lettre incompréhensible, attitudes suspectes… Je veux des surveillances accrues. Bien évidemment, il est totalement exclu de négliger les autres pistes qui se présentent à vous. »

Les noms furent présentés, mémorisés et le document réintégra le dossier. Thomas écarta légèrement les mains et enchaîna :

« Des questions ? »

« Que fait-on lorsque nos soupçons sont confirmés, monseigneur ? », demanda un des paysans mal fagoté. Une nouvelle recrue, nota Thomas.

« S’il s’avère que l’individu fraye avec Briganne, je suis sûr que vous trouverez une solution pour vous vous assurer qu’il ne puisse nous être d’aucun souci. »

Une lueur énigmatique brilla un moment dans le regard d’acier du premier ministre. C’était suffisamment clair pour être compris de suite. Aucun besoin d’épiloguer. Voyant que personne d’autre n’avait de questions, Thomas les congédia.

« Vous savez par où sortir. Disposez. »

Et personne ne remarqua leur sortie. Elle n’était pas particulièrement discrète, certains passages peu connus étaient parfois empruntés, mais pour une grande partie, elle passait simplement inaperçue.


Post by Thomas Bolton, Emp - January 12, 2009 at 3:04 AM

Alors que la ville entière dormait à poing fermé depuis plusieurs heures, une lueur restait allumée à une fenêtre de l’aile nord du palais. L’Intendant avait l’habitude de travailler jusqu’à très tard dans la nuit. Il était aussi connu pour être le premier à travailler au palais, vers les cinq heures du matin. Se ruinait-il la santé ? Il n’en avait pas l’air, en tout cas. Quoiqu’il en soit, les dossiers se réglaient au rythme du tictac désynchronisé de son horloge fétiche.

Des bruits de pas précipités se firent entendre dans le couloir, accompagnés d’un halètement croissant. Quelqu’un arrivait en courant, un jeune page à en juger par le rapprochement des pas et le bruit de sa respiration. Il franchit la porte du bureau et s’inclina dans la foulée. La vitesse le fit tomber la tête la première sur le parquet.

Il se releva, chancelant et bredouillant quelques mots d’excuses.

« Oh, navré, monseigneur, je ne voulais pas. Pardonnez-moi, je suis vraiment confus ! »

C’est un regard sévère et un silence de mort qui lui répondirent.

« C’est qu’il y a un carrosse, près du palais, avec une grande dame dedans. Elle dit qu’elle doit vous parler, elle m’a donné ça, elle a dit que vous comprendriez. »

D’une main tremblante, il sortit une rose violette qu’il tendit à Thomas. Ce dernier esquissa un sourire amusé et murmura dans un souffle…

« Ca faisait si longtemps… »

Quelques minutes plus tard, le page congédié, les chandelles éteintes et le marquis sortait déjà du palais, passant les grandes herses et grimpant dans le véhicule sombre frappé d’un blason violet. A l’intérieur, une femme entre deux âges l’attendait, toute vêtue de violet, agitant un éventail violet qui faisait voleter ses mèches de cheveux, eux-mêmes maintenus par un ruban violet.

« Madame. »

« Ah, Thomas ! Je vous quitte Consul et citoyen et je vous retrouve Intendant et marquis. Je vois que vous avez su tracer votre bonhomme de chemin. »

Sa voix était joyeuse et vivifiante.

« Le règne de Mala, bien joué ! C’était d’un divertissant, à voir de l’étranger. Enfin, passons… »

« Avez-vous ce que je vous ai demandé, Madame ? »

Le ton de Thomas restait purement et simplement monocorde. Il la regardait droit dans les yeux.

« Vous avez de la chance, j’ai d’excellents contacts. »

*D’une main gantée – là encore, de violet –, elle ouvrit un des bancs près d’elle et en sortit un épais dossier. L’Intendant l’attrapa et en examina brièvement le contenu. *

« Ca me sera utile. Merci. »

« Alors, à part ça, comment ça se passe ici ? J’ai vu que tout ce qui a été laissé par la folle en rose a été vendu. Ah, n’a-t-on pas idée de marcher dans un piège aussi grotesque ? »

« Au contraire, Madame, au contraire, c’est parfois très utile. »

« Cette fausse information du roi elfe mourant. Pile à ce moment-là ! Vous ne vous êtes douté de rien ? C’est étonnant, mon neveu. »

Thomas lui dédia un de ses sourires les plus machiavéliques.

« Qu’est-ce qui vous fait dire ça, ma tante ? »

Sa réponse provoqua l’hilarité de la femme en violet qui émit un rire sonore et mélodieux.

« Oh, concernant Briganne, n’espérez pas avoir un œil direct sur le Conseil des Seigneurs, c’est peine perdue. »

« Je connais les limites d’un tel projet, Madame. Mais j’ai entendu parler de certains postes de secrétaires particuliers qui se libéraient… Nous verrons bien. »

Et les deux individus se quittèrent. Le carrosse fit route vers le port tandis que le ministre retourna dans ses quartiers, au palais. Le premier rouage du mécanisme était enclenché…


Post by Thomas Bolton, Emp - January 13, 2009 at 12:31 AM

Plusieurs jours après avoir reçu le mystérieux dossier de Madame, l’Intendant examinait quelques missives qu’il venait tout juste de recevoir. De prime abord, le sceau qui les cachetait était simple et sans marque distinctive. Mais un petit poinçon – d’une forme que ne divulguera pas le récit – permettait au ministre de savoir exactement d’où elles venaient. Quant au contenu, ça aurait pu ressembler à une transaction tout à fait ordinaire, à un marchandage entre individus pour des perles.

Mais ça ne l’était pas.

De nouvelles lettres furent rédigées peu de temps après, indiquant pour la plupart que le prix convenait et que la marchandise pouvait commencer à être livrée. D’infimes mais solides rouages s’ajoutaient à la complexe mécanique qu’était en train d’élaborer le ministre de Cybelle. Pas plus tard qu’hier, c’était quelques silhouettes rencontrées sur le port, discrètes et mal à l’aise.

« Votre venue ici n’a éveillé aucun soupçons ? »

« Aucun, monseigneur. J’ai de la famille ici. »

« C’est exact. De la famille. Et vous y êtes si attaché… »

Le ton était neutre mais la signification était singulièrement claire pour l’interlocuteur. Un nouvel accord fut conclu. Ca ne se faisait pas en un jour, mais en plusieurs semaines. Il fallait trouver la bonne graine et la bonne façon de la cultiver. C’était un travail ardu et complexe, mais Thomas avait la main verte. Il faut bien avouer que la base de la pyramide hiérarchique peut facilement adhérer à de nouvelles opinions, si tant est qu'on lui en donne l'occasion…

Tout ce travail, ce fut pour Briganne. Mais ce ne fut pas le seul. La ligue de Zanther et ses juntes de mécontents. Un peuple oppressé, envieux de la condition des citoyens d’Exophon dont les habitants, désormais libre, étaient attirés par l’or comme le papillon de nuit vers la flamme d’une bougie. Thomas considérait qu’il y avait une faille chez tous les individus. Parfois, elle était plus visible que d’autres. Il suffisait simplement de l’exploiter.

Une œuvre qui servirait Systéria.

« Tout se passe comme prévu, monseigneur ? »

« Pour le moment, Cressen, pour le moment. »

« Puis-je assister monseigneur de quelque manière que ce soit ? »

« Non, Cressen. La première étape se déroule bien, les fonctionnaires à la base des administrations peuvent être utilisés facilement. C’est lorsque nous tenterons d’aller plus avant dans ce projet que cela deviendra plus difficile. »

« Bien, Votre Seigneurie. »

L’Intendant quitta ensuite son bureau pour se placer devant le jeu d’échec qui trônait sur une table de bois austère, près de la cheminée de pierres grises. Son regard étudia la configuration des pièces – apparemment, un jeu était en cours – puis sa main se dirigea vers un pion qu’il avança d’une case. Le tout, en politique comme aux échecs, c’est de ne pas se presser. Chaque coup agit, le maître-mot, c’est l’anticipation.

Il aurait été facile d’avancer rapidement ses pions sans prendre le temps de définir la situation. Obtenir des informations sur les Brouxg, les d’Avalis et même sur lui. Mais Ô combien dangereux. Et ce n’est pas l’affrontement direct que recherchait l’Intendant, c’était la stabilité. Les renseignements afflueraient en leur temps et ce temps n’était pas encore venu.

Bientôt, oui, bientôt…


Post by Thomas Bolton, Emp - January 14, 2009 at 12:53 AM

Quelques jours plus tard, l’Intendant continuait toujours son minutieux travail. Chaque rouage devait être placé à un endroit précis. Une simple erreur et toute la mécanique pouvait se gripper. Une tactique différente était employée ailleurs qu’à Briganne et à Zanther. Aux Landes Unies, de nouveaux diplomates avaient été dépêchés sur place. Des avocats systériens avaient proposés leur service pour l’administration du Grenier d’Enrya. Dans le flux de marchands, il y avait toujours de nouvelles têtes...

Aussi étrange que cela puisse paraître, Udoss’ta possède quelques comptoirs de négociants étrangers dans des enclaves près du port. Un nouveau s’était ouvert, dédié à des importateurs de l’empire de Cybelle. A Kar Bed’Joul, la situation était sensiblement la même qu’aux Landes. De nouveaux marchands, deux ou trois diplomates de plus pour aider à transmettre plus efficacement les informations dans un pays si vaste.

Systéria entreprenait une grande entreprise afin d’augmenter son commerce. Mesures nécessaires après le règne de Mala, après tout, qui avait vidé le Trésor et réduit la réputation des systériens de par le monde. Une façon de redorer son blason.

Et pendant que certains fonctionnaires bréguniens et zantheriens grattaient du papier, l’Intendant commençaient à placer ses pions. En début d’après-midi, quatres individus furent reçus au palais. Ils portaient la barbe, étaient vêtu comme des marchands de l’Association. Le ventre d’un des quatre personnages était bien rebondi. Une discussion eut lieu avec eux dans la Salle des Congrès, en compagnie d’un corps de secrétaires. Lorsque vint la signature des contrats, les cinq hommes se rendirent dans le bureau de Thomas.

« Parfait messieurs. Vous aussi mademoiselle », dit-il en fixant un des quatre barbus.

Visiblement, ils n'étaient pas tous ce qu'ils semblaient être...

« Suite à notre dernière discussion, je vous ai établis à chacun un parcours précis sur les terres du Saint-Empire. Un des cardinaux a besoin d’un nonce à ses côtés, ce sera vous. »

L’index de Thomas fixa un des hommes.

« Je sais que vous êtes habitué aux affaires cléricales. »

Le marquis se tourna vers un de ses hôtes.

« Vous trouverez votre cursus dans ce document. Le Seigneur de la région administrative de Posdrenia est à la recherche d’un secrétaire particulier. Une oreille sur le Conseil des Seigneurs peut nous être utile. Je vous le confie, mademoiselle. »

L’homme barbu au ventre rebondi esquissa un sourire satisfait, attrapant un document que lui tendait Thomas.

« Brillantes études à l’université de Briganne, droit, économie, lettres, géopolitique. Un candidat parfait. Vous ne serez pas la seule à posséder un tel cursus. Passage de quelques années à l’école de Medelia. N’hésitez pas à user de votre charme non plus. »

La dernière phrase ne sembla pas choquer la jeune femme. Elle devait visiblement s’y attendre. Ne restait plus que deux cas à régler.

« Ils ont besoin de fonctionnaires supplémentaires à l’ambassade, je crois. Les relations internationales de Briganne sont tellement intéressantes, je ne vois pas comment nous pourrions nous en passer. »

Un nouveau dossier fut glissé sur la table de pierre vers un des espions de l’Intendant. Celui qui n’était pas encore passé s’imaginait réaliser les tâches les plus complexes mais les plus prestigieuses. Un poste auprès d’un cardinal, d’un seigneur du Conseil… Qu’est-ce qu’on pouvait bien lui réserver ?

« Quant à vous, je vous ouvre les portes de la domesticité. »

Une moue déçue apparut alors sur les lèvres du futur domestique du palais.

« Ne faites pas cette tête. Vous savez tout comme moi que les informations les plus importantes sont parfois échappées en présence du bas peuple… »

L’image du prince Miran habillé en domestique, timide et mal à l’aise, revint à l’esprit de Thomas… Il chassa rapidement ce souvenir et désigna la cheminée.

« Assimilez tout ceci et brûlez ces documents. »

Et la prochaine demi-heure fut celle de quatre employés de l’Intendant qui mémorisaient toutes les informations sur leur nouvelle vie. Pendant ce temps, le ministre rédigea un contrat commercial sur lequel il apposa son sceau. Une fois les documents brûlés, il raccompagna les officiels de l’Association aux herses, le document en main.

Une semaine plus tard, une jeune femme au visage ambitieux posait le pied à Posdrenia. Vêtu richement, l'œil alerte et vif, elle se dirigea vers sa nouvelle demeure. L'heure était aux réceptions mondaines pour se faire connaître.

A peu près au même moment, un moine d'une cinquantaine d'année quittait son monastère des campagnes autour de Briganne pour se rendre en ville, lettres de recommandations en main.

Quelques jours plus tard, le palais du Saint-Empire organisait une campagne de recrutement pour renouveler les serviteurs. Dans la foule, un jeune homme d'environ dix-sept ans qui ne demandait qu'à faire ses preuves...

Et enfin, au sortir d'un cabinet de juristes, un nouveau fonctionnaire se présenta au palais pour postuler à la diplomatie des d'Avalis...


Post by Ex-Lumina - January 18, 2009 at 12:03 PM

*Le zèle excessif du cardinal Auguste de Maximilien n'avait d'aussi effrayant que celui du peuple qui buvait ses paroles aveuglément. Peu après sa prise de parole publique, l'homme d'église se retira dans ses appartements avec une poignée de conseiller, d'un un nonce nouvellement accueillit dans ces lieux saints de la ville de Briganne.

La Cathédrale de la Lumière Immortelle - un bâtiment de lumerca et d'or scintillant dont la valeur devait être équivalente à toute la richesse des Landes Unies et dont l'architecture et l'art pourrait être enviée de la princesse de Xiaojing - reflétait bien l'importance de la religion sur les terres du Saint-Empire.

Le cardinal prit place à son bureau, délaissant ses richissimes habits publics en trop avant de procéder. Il emboîta la conversation d'une routine et d'un sérieux déroutant. Même bien préparé, le nouveau nonce dû cacher sa surprise.*

« Le Conseil des Seigneurs a décidé d'augmenter la taxation de quelques pour cents dans les campagnes. La dîme en souffrirait. Allez une fois de plus rappeler à ces messieurs que les intérêts de notre nation passent par la sainte lumière d'abord et par l'administration ensuite. »

=======

*Le Seigneur de Posdrenia, le Duc Bastien de Truïn, était un homme veuf, bedonnant et légèrement dégarnit. Sa vie de luxe l'avait éloigné du peuple, mais ce dernier était suffisamment fier de ses origines pour ne même pas songer à la rébellion contre le système en place qui leur donnait une si grande force sur le plan international.

Dans son riche manoir qui surplombait la ville portuaire, il entra dans le bureau qu'il avait confié à sa nouvelle secrétaire. Il observa la femme un bref instant, remerciant intérieurement les cieux qu'une femme aussi qualifiée et aussi belle ait été mise sur sa route.*

« J'ai terminé le document sur les pêches de Posdrenia cette année, votre grâce. Notre récolte a connu une hausse de quatre pour cents comparée aux deux dernières années. C'est une bonne nouvelle considérant que notre population est également en croissance. »

L'homme examina méticuleusement le document d'un œil aguerri avant de se prononcer - apparemment l'apparence de la demoiselle ne suffisait pas à ce qu'il ait confiance en son travail -.

« Encore une fois, vous êtes à la hauteur de vos qualifications. J'aurai besoin de présenter un rapport des natalités de la région administrative de Posdrenia au prochain Conseil. Commencez à plancher là-dessus, vous serez aider des différents registraires qui se sont chargés des recensements dans les différentes villes avoisinant la métropole portuaire. »

=======

Le chef Beauregard était connu pour être un homme de peu de mots. Peu jovial, il était chef des cuisines du Palais Royal de Brégunia uniquement pour son talent, mais certainement pas pour son attitude. Il bousculait ses subalternes et ignorait totalement les domestiques les plus récents, dont un tout nouveau.

« Empotés ! Dépêchez-vous ! Si j'entends une plainte je m'en prendrai à vous tous je vous le dis. ATTENTION ! Moins de sel espèce d'inconscient ! »

*Un peu déboussolé, le nouveau pu tout au moins compter sur la jeune Hoshi qui, malgré une timidité exubérante, était d'une bonté rafraîchissante dans l'enfer survolté et dangereux du cœur du Saint-Empire, siège du pouvoir d'un Roy qu'il ne croiserait jamais. *


Post by Thomas Bolton, Emp - January 18, 2009 at 10:56 PM

Après avoir reçu et apporté une réponse aux différents courriers qu’il avait reçu de Briganne, l’Intendant continua sa partie d’échec. L’heure était venue de placer de nouveaux pions. Les diplomates et nouveaux marchands s’étaient déjà bien installés sur Verte-Colline et Kazad’Iaur. Les fonctionnaires achetés par le ministre commençaient à donner des résultats, à Zanther.

« Les démarches auprès de la Ligue se déroulent bien, monseigneur ? »

« Relativement bien, Cressen. Un de nos fonctionnaires a été arrêté, à Xerdonia, mais à cause d’une ancienne affaire de pot de vin, nous ne serons pas impliqués. Les juntes sont très faciles à percer, leurs services de contre-espionnage sont bien trop rigides pour être efficaces. Quant à Exophon, la fin du mercantilisme nous permet d’y faire quelques entrées. »

Et ce jour-là, trois individus pénétrèrent dans le bureau du ministre. Une femme, deux hommes. Ils avaient un visage ni beau, ni laid, dans la norme. Ils avaient tous un point commun, une sorte de marque de fabrique : teint pâle, cheveux et yeux sombres. Le type zantherien.

Thomas se tourna vers un de ses hôtes, un homme au faciès sévère et aux épaules carrées.

« Vous vous rendrez à Xerdonia, au nord. Vous êtes colonel, vous avez fait vos classes à Xerdonia puis vous êtes parti à Medelia et Exophon – avant sa révolution, cela va de soi – pour parfaire vos talents et apprendre les techniques et stratégies militaires des cités rivales. Vous tenterez de vous faire une place au sein de l’Etat-Major. »

Un dossier fut glissé sur la lourde table de pierre avec toutes les informations possibles sur la vie de ce nouveau colonel xerdonien. C’était au tour de la femme, maintenant, elle était d’âge mûr.

« Medelia, la plus vieille et la plus ancienne cité-état. Vous y ouvrirez un établissement pour y pratiquer le plus vieux métier du monde. »

La nouvelle maquerelle ne cilla pas, elle se contenta d’acquiescer.

« Nombre de militaires et de fonctionnaires aiment se rendre dans les maisons closes. La chambre d’une femme crée une certaine atmosphère propice à dévoiler des secrets. »

Un document fut donné à la femme, il contenait des informations sur le personnage ainsi qu’un titre de propriété : un grand manoir cité dans le centre même de Medelia. Des lettres de créances falsifiées, semblables à des vraies, s’y trouvaient.

Quant au dernier, un homme d’une trentaine d’année, sa mission le conduisit à Exophon.

« La nouvelle république patricienne. Vous êtes un étudiant, nouvellement diplômé des écoles de finances de la cité, instaurées par le Consul d’Olanno. Vous recherchez un poste. Secrétariat particulier, mais vous êtes ouvert à toute suggestion cohérente. »

De nouvelles informations lui furent transmises dans un dossier. Une fois qu’ils eurent fini de lire, les papiers furent brûlés – sauf diplômes, titres de propriétés et lettres de créances qui furent conservés.

Après leur départ…

« Des nouvelles des Landes, monseigneur ? »

« Il semblerait qu’un nouvel accord économique soit à l’étude avec Brégunia. Je vais tâcher d’en savoir plus afin de faire échouer les négociations. Vous pouvez diposez, Cressen. »

Et une semaine plus tard, un nouveau colonel posa le pied sur le sol de Xerdonia, devant un des postes frontières. Dès son arrivée, il commença à beugler des ordres et à faire des remontrances aux soldats bien trop oisifs...

Des nouvelles affiches furent posées à Medelia. Une maison-close venait d’ouvrir, en plein centre. Emplacement parfait, ancien manoir rénové et meublé de façon exquise, filles et garçons disponibles, prix défiants toutes concurrence !

Quant à Exophon, on vit un jeune arriviste diplômé tenté de se faire une place parmi les patriciens…


Post by Thomas Bolton, Emp - January 31, 2009 at 1:46 AM

Une matinée, plusieurs semaines après le déploiement de ses services au cœur même de la Ligue de Zanther, l’Intendant était occupé à rédiger plusieurs comptes-rendus, destinés à être archivés. Tous, sauf un seul. Il ne s’interrompit pas quand son secrétaire, monsieur Cressen, pénétra dans le bureau et laissa échapper sa sempiternelle petite toux signifiant qu’il était présent. Ce ne fut qu’après une longue minute où sa main grattait toujours le papier que Thomas leva la tête.

« Bien le bonjour, Cressen. »

« Bonjour, Votre Seigneurie. Vous m’avez fait demander ? »

« C’est exact. J’ai besoin que vous mettiez ceci en lieu sûr. »

La main gauche du ministre fit glisser un document sur sa lourde table de pierre. C’était un épais dossier dont le contenu n’était pas visible. Il était scellé par un cachet de cire noire frappé des armoiries Bolton et d’un ruban de la même couleur. Il ne devait pas être ouvert, visiblement. Le secrétaire l’attrapa et le porta contre lui comme s’il s’agissait d’un trésor extrêmement précieux.

« Que dois-je en faire, monseigneur ? »

« Vous le mettez en lieu sûr. Vous ne brisez ce sceau en aucun cas, hormis s’il m’arrive quelque chose. Je dois me prémunir contre certains secrets et une disparition, brutale ou non signifiera que ceci pourra être divulgué. »

Le fonctionnaire hocha la tête et se retourna. Arrivé à la porte, il fit volte-face et fixa son supérieur.

« Rien de grave, monseigneur ? »

« Non, rien de grave. Je préfère prendre certaines précautions, tout simplement. »

« Soit. Oh, à propos. Que dois-je faire de monsieur F. et de monsieur E. ? »

« Continuez la surveillance. Je ne pense pas qu’ils représentent un danger, mais ils méritent notre attention. »

« Bien, Votre Seigneurie. Des nouvelles de Zanther ? »

« Aucune pour le moment, les choses se mettent en place lentement. Ils ont besoin de discrétion. Disposez, Cressen. »

« Bien, monseigneur. Au revoir, monseigneur. »

Et le secrétaire repartit comme il était venu, discrètement, le dossier en main. Où allait-il le mettre ? C’était un mystère. Que contenait cet étrange rapport ? Personne ne le savait, sauf l’Intendant. Qui pourrait avoir la chance de l’examiner ? Ca encore, ça n’était pas dit. Le premier ministre faisait simplement preuve de prudence et pour cela, on ne pouvait l’en blâmer.

Chacun retourna à ses activités. L’un utilisant des corridors et des passages oubliés, l’autre étudiant de nouveaux moyens de faire fonctionner la mécanique impériale. La stabilité avant tout, n’est-ce pas ?


Post by Ex-Lumina - February 2, 2009 at 12:33 AM

*Le colonel avait les bras croisés en observant la masure devant lui. Il frotta un peu la pierre terne broyée qui formait une route jusqu'à la porte d'entrée qui se présentait à lui, ses bottes lustrées réfléchissant la lumière du jour.

Quelques supplications ponctuaient la scène, des cris de femme qui enterraient ceux de l'agonie d'un homme. Cris qui duraient. Longtemps maintenant. Trop longtemps. Le colonel pénétra dans la maisonnette de bois d'un pas ferme, pétrifiant les soldats à ses côtés.

Ses yeux glissèrent sur le corps mort du propriétaire de la maison, puis sur la femme qui pleurait en serrant son enfant entre ses bras. Ses trois soldats l'entouraient, mais visiblement ils étaient pris d'une moment d'hésitation. La voix ferme, lourde et monocorde, le colonel s'adressa à la mère de famille.*

« Nous avons appris que votre aîné a quitté nos terres pour la cité d'Exophon. Vous connaissez les conséquences. Nous ne tolérerons aucun risque. »

*Le colonel dégaina son sabre et l'enfonça dans le crâne de l'enfant, au sein même des bras de sa mère qui tentait de le protéger. Spectacle sanglant. Le militaire observa les soldats, leur intimant impérativement de procéder d'un simple regard.

Alors qu'il quittait la chaumière, la mère poussa son dernier cri derrière lui. Les soldats, quant-à eux, verraient leurs jours écouter dès que son rapport serait produit. Une telle hésitation était signe d'une faiblesse dont il fallait se débarrasser.*

=======

*Elle dû mordre sa lèvre et retenir ses pleurs lorsque l'homme lui assena un coup violent au milieu même de l'acte. Elle sentait le souffle ardent de désir de l'homme contre sa peau nue alors qu'il s'acharnait à prendre le dû de son or sans autre considération.

Lorsqu'il eut terminé sa rude besogne, il quitta la pièce après s'être rhabillé, laissant la femme à sa disgrâce et à ses blessures. Courageusement, elle se redressa, se recoiffa, ajouta un peu de poudre à son visage, puis redescendit à la recherche du prochain client.*

=======

*Le secrétaire particulier marchait sur la route le menant à sa demeure lorsqu'il remarqua, dû à un entraînement lointain, peut-être, l'ombre discrète se faufiler dans une ruelle vers laquelle elle n'avait probablement pas de raison innocente de se diriger. Il fit mine de rien, poursuivant sa route chez lui où il continua le travail de sa journée avant de se coucher tôt, sous l'attention alerte des oreilles de ses murs.

Jour après jour, malgré ses qualifications et sa formation, il était constamment épaulé -ou peut-être surveiller- par des tuteurs, qui eux-mêmes étaient également aidés par d'autres.

Il en vint à ne même plus s'étonner lorsqu'une ombre plus maladroite que celle qui la suivait elle-même faisait valser la flamme de sa bougie, lorsqu'il rédigeait un travail ou un autre.*

=======

Nulle lettre ne parvint à Systéria ; les Cité-États étaient bien trop fermées pour que quiconque y vivant ait à envoyer quoi que ce soit à l'extérieur sans attirer l'attention. Quand au secrétaire, il fit le choix conscient, probablement sage, de ne rien envoyer.


Post by Thomas Bolton, Emp - February 6, 2009 at 2:29 AM

Dans le bureau de l’Intendant, un petit groupe d’individus attendait. Ils représentaient à eux seuls toutes les couches de la population systérienne. L’Intendant se tenait debout, devant la grande fenêtre de son bureau, les mains jointes derrière le dos. Son regard fixait le paysage, un air songeur sur son visage. Il attendait quelque chose. Mais quoi ? Finalement, c’est un de ses invités qui brisa le silence. Un demi-elfe d’une trentaine d’année, vêtu comme un marchand ambulant.

« Rien pour ma part, monseigneur. Ca murmure un peu partout, il y a des rumeurs, des ragots mais qui tiennent plus de rancœurs entre voisins que d’informations véridiques. Je les ai toutes passées en revue, vous avez mes conclusions dans ce rapport. »

Il s’avança d’un pas, déposa un dossier sur le bureau et revint à sa place. Thomas hocha la tête mais ne se retourna pas. Il attendait la suite. Une femme semblant appartenir à la haute société, cette fois-ci, prit la parole :

« Deux fonctionnaires impériaux ne se présenteront pas à leur poste, demain matin. Après interception du courrier et analyse, il s’avère qu’ils communiquaient avec les services de renseignements bréguniens. Malheureusement, je n’ai rien sur la tête pensante, c’étaient des informateurs qui s’adressaient à la base, pas au sommet. »

Elle s’avança et déposa elle aussi un dossier sur la table de pierre. Mêmes gestes de la part du ministre, qui restait muré dans un profond silence. Un jeune homme d’à peine dix-huit prit la suite.

« Pour ma part, j’ai réussi à intercepter l’emploi du temps de la Famille El’Aglar, monseigneur. Apparemment, les fonctionnaires étaient à l’origine de certaines fuites. J’ai pris la liberté de procéder à une simple modification du document, ainsi les curieux auront une idée totalement erronée des déplacements des elfes à travers la ville. »

Là encore, un nouveau rapport fut glissé sur le bureau. Un nain à l’air particulièrement grognon prit alors la parole. Sa voix était rauque, grave et son ton brutal.

« J’ai pu infiltrer un groupuscule anti-elfe. A première vue, ça n’a rien à voir avec Briganne. Mais à force de creuser j’ai découvert qu’une partie de leur financement vient d’en dehors du pays. M’étonnerait pas qu’ils viennent fouiner pour nous mettre des bâtons dans les roues. Je continue l’infiltration je vous en dirais plus en temps voulu. Pas de rapport, donc. »

L’Intendant se retourna et fixa un à un chacun des individus présents. Ses sourcils se froncèrent.

« Il manque monsieur Petitpied. Savez-vous ce qu’il est advenu de lui ? »

C’est le nain qui intervint.

« Non, monseigneur. Plus de nouvelles depuis des lustres. J’ai fouillé sa maison, mais tout avait été retourné, c’était un véritable bordel. Et même ses petites cachettes étaient vides. Aucune piste. »

Au même moment, on toqua à la porte. Cressen entra avec un colis de taille moyenne. Ça empestait.

« Je crois que nous avons reçu des nouvelles de ce monsieur Petitpied, Votre Seigneurie. »

Et effectivement, la boîte contenait la tête de cette petite-personne qui avait eu le malheur d’être bien trop curieux et pas assez discret.

« Voila qui est réglé. J’enverrai quelqu’un étudier son cas. En attendant, continuez votre travail. Sa Majesté sera bientôt là sur les terres de Systéria, je ne veux aucun heurt. Un transfert a été effectué dans chaque établissement bancaire où vous entreposez vos fonds. Vous pouvez disposer. »

Ils s’inclinèrent et repartirent, chacun par un chemin différent, se fondant dans la foule. Quant à l’Intendant, il attrapa encre et parchemin et commença à rédiger une série d’instructions. Qui en sera le destinataire ? Ca, le récit ne le révèle pas…


Post by Thomas Bolton, Emp - March 5, 2009 at 8:26 AM

Et dans le bureau du Surintendant, un officiel de la Confrérie Pourpre fut invité. Les gardes en faction devant les grandes herses avaient pour ordre de laisser passer le fameux mage que le premier ministre attendait pour garder contact avec l’extérieur durant la quarantaine. Voir un vieil homme tout décati approcher du château ne les enthousiasmait pas, mais malgré son âge et son apparente faiblesse, il ne semblait pas malade.

Un homme un peu plus petit que la moyenne, vêtu de vêtements sombres et austères trottina littéralement vers l’érudit, deux ou trois dossiers sous le bras. Sur son nez, il portait des petites lunettes en demi-lune. C’était le stéréotype parfait du fonctionnaire dévoué, consciencieux et obsessionnel.

« Je suis monsieur Cressen, secrétaire particulier de Sa Seigneurie. Veuillez me suivre je vous prie. »

Après un passage dans deux cours intérieures et après avoir grimpé plusieurs escaliers, ils arrivèrent devant deux lourdes portes de métal. L’employé de l’administration les ouvrit pour laisser entrevoir une pièce sobre. Du parquet en chêne, une cheminée aux pierres rigoureusement taillées. Quelques bibliothèques, deux coffres et deux tableaux représentant Cybelle.

On racontait qu’il y a de nombreuses années, quand le Surintendant Recaedre était en poste, le sol était de marbre blanc, habillé d’un somptueux tapis. Une décoration luxueuse. Ce n’était plus le cas à présent. L’esthétisme avait été abandonné au profit de la simplicité : tout était rigoureusement fonctionnel et c’est ce qui importait.

La silhouette fine et sombre de Thomas Bolton se découpait devant l’immense baie vitrée qui donnait sur la forêt. Ses deux mains de pianistes étaient jointes dans son dos.

« Bien le bonsoir, monsieur Emrys. Asseyez-vous. »

Le marquis se retourna lentement et invita le vieil homme à prend place sur les petits bancs de bois. Il s’installa ensuite dans la lourde chaise de pierre.

« Je ne vous propose pas à boire, nous avons bien plus important à faire. J’ai quelques questions à vous poser. »

Sans laisser le temps à l’érudit de dire un mot ni même de saluer, il enchaîna directement sur ses questions :

« Ce nuage, qu’il soit d’origine surnaturelle ou non est quelque chose de palpable. Peut-on envisager de le repousser à l’aide de magie de télékinésie ? Le champ de force du palais peut-il être renforcé pour empêcher quiconque d’y entrer, mais non d’en sortir ? Avez-vous découvert la cause ? Est-ce magique ? »

Le Surintendant se tut alors, battit lentement des paupières comme s’il réfléchissait intensément et rajouta une dernière chose.

« Le roi elfe, à son arrivée, m’a dit ressentir des forces magiques puissantes. Des forces qui n’émanaient pas de l’Ancienne. La Confrérie peut-elle être en mesure de localiser ces forces et de voir s’il y a un lien entre ces deux événements ? »

Chaque fois qu’il parlait, le ton du premier ministre était monocorde. Aucune expression ne venait le troubler. Il parlait posément, calmement et énonçait clairement chacune de ses questions…


Post by Myrddin Emrys, CP - March 5, 2009 at 7:24 PM

*Bombarder de question il prit quelques secondes avant de répondre. *

Bon, en premier lieu, non je ne pense pas que nous puissions le repousser avec la magie de télékinésis, car si nous sommes en mesure de le faire, le nuage ne fera que se déplacer vers la forêt avoisinante. Certes le problèmes sera régler à cours thermes mais éventuellement tout les arbres et animaux périsseront et infecterons tout la faune de l'île et éventuellement la ville sera infectées.

Il prit une autre petite pause pendant lequel il fit apparaitre un verre d'eau qu'il vida sans se poser de question.

Sinon, la seule manière que la confrérie peux renforcer le bouclier c'est en empêchant toute forme téléportation, ce qui est déjà fait sauf à l'entrée. Seul quelques mages dont moi peuvent venir à moins qu'un idiot décide de courir dans le gaz pour vous rejoindre c'est pourquoi je vais m'arranger pour poster des gardes près des grilles pour éviter cela.

Sinon nous n'avons toujours pas trouver la cause mais l'ensemble des chercheurs pourpres se relaient pour trouver tout ce qui peux aider à l'élimination du fléau. Je vous tiendrait au courant dès que j'aurai des avancements la dessus.

Pour finir oui, la confrérie devrait être en mesure de localiser ces forces magiques.

Il sourit quelque peau surintendant et aborda un autre sujet par la suite. On pouvait voir une grande fatigue, visiblement il ne perdait pas son temps à dormir ces temps-ci.

Bon, grâce à une porte dimensionnelle, je peux si vous le désirer faire évacuer l'ensemble des fonctionnaires du château sans danger. Il seront transporter à l'académie ou nous pourrons trouver un moyen de relocaliser ceux dont la maison est infectées.

Pour ce qui est des familles royales, la confrérie est prête à les accueillir, mais nous ne sommes pas vraiment équipé pour recevoir de tel inviter. Malgré tout je vous conseille de faire évacuer la totalité du château, la confrérie ne peux pas encore garantir que le gaz ne se répandra pas par delà les murs de la forteresse. La confrérie sera en mesure d'escorter la famille royale ou elle désirera allez.

Si vous désirer de maintenir tout le monde en quarantaine, je vais m'arranger pour faire venir des vivres chaque matins de la même manière que je suis venue ce matin.

Des question?

L'érudit parlait assez rapidement et insistait sur la nécessité à évacuer la forteresse.


Post by Thomas Bolton, Emp - March 6, 2009 at 5:33 AM

Le Surintendant laissa l’érudit répondre à chacune de ses questions avec une patience extrême. Il l’écoutait attentivement mais ne ponctuait pas le récit par des marques d’écoute. C’était une véritable statue, figée par sa rigidité habituelle. Une fois qu’il eut fini, il répondit sur un ton tout aussi serein et clair que précédemment :

« Et qu’en est-il de la télékinésie pour compacter ce nuage ? L’enfermer dans une zone précise ? »

Le regard d’acier de Thomas remarqua la fatigue du vieil homme. Néanmoins, le marquis n’en fit pas mention. Dans tous les cas, aurait-ce été réellement utile ? Non, tout un chacun se démenait à trouver une explication, un remède ou à soigner les malades.

« Je prends votre invitation au sérieux. Le palais sera donc évacué pour les fonctionnaires, la délégation elfique et la famille impériale. Quelques gardes impériaux serviront d’escorte à Sa Majesté, mais je reste ici avec un de vos mages et le gros de la Garde. Je ne veux pas que la sécurité du palais faiblisse et je m’oppose à un transfert des prisonniers. »

C’était prononcé d’une telle façon qu’il était inutile de songer à le contredire. Quelque chose disait à l’érudit que tout contre-argument ne serait pas écouté. En outre, on disait du ministre qu’il détestait se répéter…

Thomas attrapa sa canne, se releva et invita l’érudit à le suivre dans les escaliers. Pendant ce temps, il eut tout le loisir d’écouter sa réponse.

Il le conduisit vers les appartements impériaux d’où partirait Cybelle, son mari et leurs enfants…


Post by Thomas Bolton, Emp - May 12, 2009 at 11:20 AM

Depuis la crise, de nombreuses semaines s’étaient écoulées. Une grande fête avait eu lieu, pour récompenser les plus braves systériens, ceux qui s’étaient opposés avec force, vigueur et bravoure devant le fléau démoniaque qui avait menacé de mettre la capitale à feu et à sang. Médailles militaires, promotions, élévation sociale sous fond de bonne musique et de mets délicieux. Après que le nouveau ministre des affaires étrangères, Madame Balgor, eut quitté le bureau du Surintendant, monsieur Cressen pénétra dans la pièce.

Une pile de dossier sous le bras, il dédié un sourire sincère à son supérieur hiérarchique. Il allait dire quelque chose, quand il remarqua la balance posée sur la table de pierre, toute tordue. Il écarquilla grands les yeux puis fixa de nouveau le premier ministre, la même expression sur le visage. Thomas comprit son étonnement et lui fournit une brève explication, d’un ton toujours aussi neutre, plongeant son regard sur une lettre posée sur son bureau.

« Madame Balgor est venue avec sa fille parler des affaires d’Etat. La petite s’est amusée avec pendant que nous discutions, Cressen. »

Une petite toux outrée se fit entendre.

« Hum hum. Il y en a qui ne savent pas tenir leurs enfants. Je ne les comprendrais jamais, monseigneur. »

Devant l’absence de réponse, le principal sujet de sa venue lui revint en mémoire. Le sourire qu’il avait en pénétrant dans la pièce apparut à nouveau sur son visage.

« Je voulais féliciter monseigneur pour l’obtention de son duché. Vous voilà donc au sommet de la haute aristocratie, monseigneur. Vous égalez en prestige votre prédécesseur. »

Les remerciements du duc lui parvinrent sous la forme d’un simple signe de la tête. Apparemment, ça ne changeait rien pour lui.

« Je suppose que nous continuerons comme avant, monseigneur. »

« C’est exact, Cressen. », fut la seule réponse du Surintendant à son égard.

« Ainsi, madame Balgor est le nouveau Grand Ambassadeur. Puis-je vous demander ce qui a motivé votre choix, monseigneur ? »

« Oui, vous le pouvez Cressen. Mais vous n’aurez pas forcément de réponse. »

Un sourire amusé se forma alors sur les lèvres du petit fonctionnaire qui se doutait déjà de ce qu’allait dire le duc. Mais après tout, ça ne coûtait rien de demander, non ?

« Avant de partir, vous ferez afficher ceci sur la Place du Marché, ça concerne le Mécénat Impérial. »

« Bien, monseigneur. Au revoir, monseigneur. »

Et le secrétaire s’éclipsa discrètement, comme d’habitude. La nouvelle ministre… Certains évoquaient la possibilité qu’ils soient amants, mais ce n’était certainement pas ça. Cressen connaissait bien son supérieur et ce n’était pas lui. Et puis, le duc avait-il vraiment une libido ? C’était à s’y méprendre ! Non, il devait y avoir un complexe mélange de raisons politiques, sociales et professionnelles qui s’entremêlaient sous le crâne du Surintendant. Quant à les démêler… ah ça ! il en était bien incapable.


Post by Thomas Bolton, Emp - May 14, 2009 at 7:57 PM

Quelques jours plus tard, deux lettres aux intérêts contradictoires se rendirent sur le bureau du Surintendant, le duc Thomas Bolton. L’une provenait de l’Association, avec un sceau officiel doré et particulièrement bien voyant. L’autre, plus discrète, voulait passer inaperçue. Elle était envoyée par Koenzell Pandora, ancien Trésorier de la guilde des marchands, nouvellement recrue de l’Armée des Mercenaires. Le hasard fit que ce fut la seconde qui fut lue d’abord.

Elle n’était pas très longue, la lecture fut brève. Le contenu était cependant singulièrement intéressant. A ce point qu’il avait arraché un sourcil arqué au premier ministre pendant plusieurs secondes (quel exploit, quand on connaît son potentiel d’impassibilité !). Le son d’une clochette retentit et Cressen arriva dans le bureau sans perdre une seconde.

« Monseigneur ? »

« Vérifiez dans les archives un acte de propriété ou un acte notarié faisant état d’un don par monsieur Koenzell Pandora d’une demeure de Moyenne-Ville. Code administratif B8. Vous avez une heure, Cressen. »

Sur ce, le secrétaire particulier acquiesça, s’inclina et fila aussitôt vérifier dans son ingénieux système de classement si quelque chose de ce genre pouvait y figurer. Le temps qu’il avait passé à tout réorganiser tenait de l’inhumain. Si des démons de l’Ordre pouvaient exister, Cressen serait sans aucun doute un tiefling du rangement !

L’autre missive, celle de Phydias, faisait écho à celle de Koenzell. La confirmation du transfert d’une demeure. Oh, l’ancien Trésorier avait voulu jouer avec le feu, ce n’était pas prudent de sa part. Qu’espérait-il ? Un soutien du Surintendant face au Juge de l’Economie ? C’était mal pensé.

Une bonne demi-heure plus tard, Cressen reparu dans l’encadrement de la porte.

« Strictement rien, monseigneur. Même pas la plus petite trace de mention de cette demeure, monseigneur. »

« Bien. Il semble que l’ancien Trésorier ait quelques comptes à rendre à Madame la Duchesse d’Orbrillant. Tentez de m’utiliser comme protection alors qu’il est lui-même en tort dénote un manque cruel de jugement. Je vais l’annoncer à l’Association. »

Le temps de rédiger une réponse claire et courte au marchand et Cressen était déjà en route pour rendre l’avis de la direction de Sainte-Elisa.

« Cette histoire se terminera au Tribunal. »

Sans aucun doute. Sauf si, bien évidemment, Lucrèce était devenue une femme douce et pleine de compassion…


Post by Thomas Bolton, Emp - October 24, 2009 at 10:19 PM

Plusieurs semaines plus tard et d’autres sujets d’importance vinrent à être évoqués dans le bureau de Sa Seigneurie. Le duc était debout, bien droit devant les grandes fenêtres de la tourelle qui surplombait son bureau. D’un regard aussi froid et sévère que d’ordinaire, il fixait la ville. Les citoyens s’agitaient dans les rues pour vaquer à leurs nombreuses occupations. Par ici, un huissier de l’Association expulsait une famille qui ne pouvait plus payer son loyer. Par là, un clerc de l’Ordre du Soleil distribuait des fruits et du pain aux nécessiteux… Bref, rien qui ne diverge.

Un bruit caractéristique de gonds grinçants se fit entendre. Son secrétaire particulier venait de le rejoindre. Il tenait entre ses mains des documents fourrés dans une pochette en cuir, soigneusement maintenue fermée par une cordelette de lin. Il se contenta de tousser, pour signaler discrètement sa présence, attendant que le premier ministre ne daigne s’adresser à lui. Ce dernier regardait quelques étincelles colorées qui s’échappaient d’une des nombreuses fenêtres de l’Académie Pourpre.

« Je vous écoute, Cressen. »

« Votre annonce ne fait pas encore d’émules, monseigneur. Nous n’avons reçu qu’un accusé-réception de la Fraternité à l’heure où nous parlons, monseigneur. »

« Bien. Très bien. Oserai-je penser que c’est déjà un progrès ? », lança-t-il d’un ton neutre en arborant un sourire malicieux.

« La Confrérie supporte notre démarche, en la personne de mademoiselle Eringyas, qui propose d’associer les œuvres au concours qu’elle organise, monseigneur. »

« Oui, j’ai reçu une lettre de sa part. Je lui répondrai d’ici quelques jours. Autre chose, Cressen ? »

Le secrétaire semblait hésiter, comme si quelque chose le titillait. Allait-il laisser libre cours à sa curiosité ou se contrôlerait-il ? La question lui fut fournie sur un plateau par nul autre que Sa Seigneurie.

« Qu’est-ce qui vous démange, Cressen ? »

La perche était trop bien tendue, pourquoi ne pas la saisir ?

« Et bien, c’est que… monseigneur… je m’interroge… Et d’autres nobles du palais, d’ailleurs. »

« A quel sujet ? »

« Au sujet de cette annonce, monseigneur. Deux grandes opinions s’opposent, si je puis dire, monseigneur. »

« Poursuivez, je vous prie. », lui ordonna le Surintendant, malgré la formule de politesse.

« Et bien, certains pensent que vous souhaitez favoriser la Fraternité, augmenter son influence, développer son réseau à travers la cité, monseigneur. »

Alors qu’il énonçait la première théorie, une lueur énigmatique apparut quelques secondes dans le regard du duc.

« Et la seconde… disons que certains pensent que vous faites cela pour les détruire, monseigneur. Pour les mettre devant leur incapacité à assurer les pouvoirs que leur confient la Couronne. »

Là encore, une nouvelle lueur brilla dans le regard du premier ministre, pour s’estomper et finalement disparaître.

« Amusant. », lâcha Sa Seigneurie d’un ton froid.

« Oserai-je vous demander quelle est votre position à ce sujet, monseigneur ? Sauf votre respect, monseigneur. »

« Oui, vous pouvez. Mais je ne vous fournirai aucune réponse. Ce serait bien trop simple, vous ne croyez pas ? »

Et sur ces mots, le secrétaire sut qu’il était temps pour lui de retourner à ses tâches administratives. Au fond de lui, il savait déjà qu’aucune des différentes hypothèses n’était la bonne. Pour avoir côtoyé son maître pendant des années, il savait que le personnage ne voyait pas le monde en noir et blanc…

Quelles étaient ses véritables intentions ? Ca resterait un mystère.


Post by Thomas Bolton, Emp - October 31, 2009 at 11:56 AM

Quelques jours plus tard, Sa Seigneurie examinait les nouveaux rapports qui venaient juste de lui parvenir par l’entremise de monsieur Cressen, son premier secrétaire. Son regard sévère engloutissait une à une les lignes d’arguments plaidant soit en faveur d’une guilde, soit en faveur d’une autre. Lorsqu’il eut terminé, il referma les documents d’un geste sec et les empila sur un côté de son bureau. Il aurait sans doute à y revenir plus tard. Ses yeux se fixèrent alors sur le petit fonctionnaire, qui attendait juste devant lui.

« Vous avez retrouvé le dossier que je vous ai demandé d’aller chercher, Cressen ? », lança-t-il d’un ton monocorde.

« Oui, monseigneur. J’en ai fait une copie pour que vous puissiez en disposer à votre guise. », annonça le subalterne tout en posant le fameux objet de leur discussion devant son supérieur.

Le Surintendant examina la couverture du cuir et jeta un bref coup d’œil aux fines pages qui portaient son sceau ainsi que celui de la Couronne et de l’ancienne Garde des Sceaux Alssaël. Une lueur énigmatique brilla alors dans son regard.

« Ce me sera très utile s’il se fait trop encombrant. Merci Cressen. »

« Souhaitez-vous autre chose, monseigneur ? »

Thomas secoua lentement la tête et fit signe à son interlocuteur de disposer. Néanmoins, quand ce dernier atteint la porte, il fut vite rappelé.

« Attendez. J'ai effectivement besoin d'autre chose. »

Le fonctionnaire resta silencieux, se contentant de se retourner pour faire face respectueusement à celui qui était son maître.

« Faites enquête sur monsieur Polymaro. Que monsieur Mautfaucon se penche sur son cas, ainsi que nos quelques amis outre-mer. »

« Bien monseigneur. Je lance les directives de suite. », dit-il avant de franchir la porte.

Que pouvait donc bien manigancer Sa Seigneurie ? Pourquoi se penchait-il sur le cas de ce vigneron timide à la personnalité effacée ? C’était pour le moment un mystère, aux yeux du secrétaire. Toutefois, il savait bien qu’avec le Surintendant, il y avait toujours anguille sous roche. Tout ceci était soigneusement calculé, effectué à desseins… Mais lesquels ?

La réponse se délivrera au compte-goutte.


Post by Acturus Polymaro, Mort - November 1, 2009 at 1:25 AM

Pris dans ses nombreuses commandes et sa volonté de se lancer dans la haute-couture, le timide marchand ne savait strictement rien des décisions des hautes instances. Était-ce de bon ou mauvaise augure? Seul le "sur-sur-sur-sur-surintendant" le savait. Parions qu'il s'agira plus qu'une dégustation de vin lorsque son troisième crue sera enfin prêt.


Post by Thomas Bolton, Emp - November 1, 2009 at 11:53 AM

Une semaine plus tard, dans le même bureau, à Systeria, les premiers éléments de l’enquête parvinrent au Surintendant, non pas par la bouche de Cressen, mais par celle de Montfaucon lui-même. L’individu était de taille moyenne, vêtu avec une élégance sobre, très propre sur lui. Il entretenait soigneusement un petit bouc poivré-sel qui contrastait avec ses cheveux d’ébène, coupés courts, qui commençaient à grisonner sur les tempes. L’individu ne semblait pas vieux pour autant, il semblait entre deux-âges, impossible à réellement définir.

Une chevalière en argent brillait également à son doigt. Si on l’observait de près, on pouvait voir l’emblème d’un oiseau en son centre, peut-être une pie, peut-être un pinson, c’était difficilement définissable. C’était le genre d’individu qu’on pouvait sans conteste assimiler à un marchand aisé, ni trop riche, ni trop pauvre. Bref, quelqu’un qui pouvait passer inaperçu dans la dense foule systérienne qui parcourait les avenues de la capitale à longueur de journée.

« J’ai quelques renseignements qui sont susceptibles de vous intéresser, Votre Seigneurie. », annonça-t-il d’une voix qui comportait une petite once de ruse, voire de malice.

« C’est bien pour cela que vous êtes un de mes meilleurs hommes, Montfaucon. Poursuivez, je vous prie. », lui répondit sur le même ton froid le Surintendant.

« Comme vous le savez, Acturus Polymaro est brégunien. Sa famille est assez modeste et a un parcours relativement… atypique quand on connaît le cloisonnement social du pays. Son père, Mitilis, était un artisan. Sa mère, Gashelle, venait sans doute d’une classe moins aisée, si j’en crois les informations que j’ai pu obtenir à son sujet. »

Tout le long de la présentation, le duc ne cessait de fixer Montfaucon, sans ciller d’un pouce, parfaitement concentré, comme s’il tentait de mémoriser un à un tous les renseignements qu’on lui confiait.

« De leur union naît Acturus et quinze ans plus tard, Natashel, sa sœur. Elle est aujourd’hui cloîtrée dans un pensionnat. Les gens racontent beaucoup de chose au sujet de cette dernière. Elle n’aurait jamais été désirée, ce me semble. Bref, il y a plusieurs années, maintenant, l’échoppe du père a brûlé. Les économies de la famille ne permirent pas de rouvrir, aussi s’en allèrent-ils vivre à la campagne, dans une vieille ferme. Propriété familiale. Il y a un peu plus d’un an, le père est décédé des suites d’une longue maladie. Le médecin du village s’avérait incompétent. »

Le premier ministre était songeur suite à ces dernières informations. Il se lissait machinalement les lèvres de son index et de son majeur de la main droite. Quelque chose le gênait. Il dodelina légèrement de la tête, ferma les yeux quelques courtes secondes, puis les rouvrit et les braqua à nouveau sur Montfaucon.

« Qu’est devenue la mère ? »

« Remariée, Votre Seigneurie. Je n’ai pas encore d’informations à son sujet. »

« En ce cas, je vous conseille de résoudre ce problème. Vous n’avez rien de plus sur son passé ? »

« Non, Votre Seigneurie, mais je ne crois pas être le mieux placé pour cela. »

« C’est exact. Prévenez Varen et demandez-lui d’agir en ce sens. »

« Soit. Je reviendrais lorsque j’aurais toutes les informations. », acquiesça l'espion avant d'exécuter une révérence extravagante et de quitter la pièce.

Et les deux hommes se quittèrent. Déjà, de nombreuses informations avaient été révélées, mais elles semblaient encore bien trop superficielles. De nombreux éléments méritaient d’être éclaircis…


Post by Thomas Bolton, Emp - November 2, 2009 at 3:17 PM

Deux semaines plus tard, dans la même pièce, certaines questions trouvèrent leurs réponses. Sa Seigneurie se trouvait devant l’âtre, son regard sévère fixant les flammes qui dansaient sous ses yeux. Derrière lui, Montfaucon, de son attitude désinvolte, examinait une statuette sans grandes fioritures qui traînait sur une étagère. Un petit sourire suffisant ornait ses lèvres, alors que ses doigts parcouraient la fine lance que tenait la petite représentation d’un soldat. Un silence pesant régnait dans le bureau du Surintendant. Apparemment, quelque chose manquait à l’appel.

Toc. Toc. Toc.

Et ce quelque chose venait finalement d’arriver. La porte s’ouvrit pour laisser entrer un homme de taille moyenne mais de bonne corpulence, dodu, le ventre bien arrondi qui arborait un double-menton relativement conséquence. Il était chauve et ses yeux étaient d’un gris semblable à celui du duc. Son expression était étrangement indéfinissable. Parfois, il semblait jovial, d’autres fois extrêmement sûr de lui. Autour de lui émanait une aura de mystère que le ridicule de son apparence ne parvenait pas à effacer.

« Navré pour mon retard, monseigneur. Il y a des voyages qui sont bien plus longs qu’on ne les prévoie. », introduisit-il comme excuse, d’un ton qui se voulait particulièrement mielleux.

« Peu importe Varen. Maintenant que vous êtes tous deux présents, commençons, voulez-vous ? », débuta le premier ministre d’un ton froid qui ne leur offrait pas d’autres choix.

« En ce cas je laisse la parole à mon homologue. », annonça Varen, en réajustant le long gilet qu’il portait par-dessus une toge ample.

« Avez-vous trouvé le fin mot de cette histoire, Montfaucon ? »

« Oh oui, Votre Seigneurie. Et ce fin mot tient en un seul ! C’est le crime. »

Il y eut un petit moment de silence, comme si Montfaucon s’attendait à ce que son petit effet produise quelque chose. Il n’en fût rien.

« Et quand on dit qu’il ne paie pas… », soupira-t-il de façon légèrement théâtrale.

Une nouvelle fois, sa mimique ne produit pas d'effets... Il continua sans demander son reste.

« Notre éplorée Gashelle s’est remariée et pas avec n’importe qui. Le fils d’un riche marchand. Et figurez-vous que c’est ce même marchand qui a incendié l’échoppe de notre pauvre artisan. Une histoire de gros sous, Votre Seigneurie. Malgré son âge, elle est encore apte à corrompre le cœur des hommes. »

« Certaines femmes peuvent beaucoup, Montfaucon. », rajouta de ce même ton mielleux Varen, en esquissant un petit rire qu’il étouffa presqu’aussitôt.

« Autre chose ? », coupa d’un ton tranchant Sa Seigneurie.

« Non, j’en ai terminé pour ma part. Varen aura sans doute d’autres renseignements à vous confier. »

« Vous pouvez disposer. Vous bénéficiez d’ores-et-déjà du paiement pour votre travail. »

« Votre Seigneurie est trop bonne, assurément. », lança-t-il en exécutant une révérence, avant de quitter la pièce.

« Poursuivez, Varen. »

Le gros homme dodu se tordit les mains, hésita quelques instants avant de répondre puis finalement, prononça :

« J’ai appris beaucoup. Les gens papotent tellement. Ils racontent, ils bavardent, ils persiflent, ils sont si… naïfs, monseigneur. »

« Venez-en au fait, Varen. »

« Et bien, concernant leur passé, je ne peux pas dire que Gashelle fut une mère extraordinaire. On raconte qu’elle prenait du bon temps à… battre sa progéniture. A les manipuler, à leur mentir. Et le père, me direz-vous ? Et bien le père s’occupait de son échoppe. C’était un bon samaritain, mais bien trop faible pour tenir tête à notre tigresse. »

Le Surintendant écouta avec un vif intérêt ce qui lui racontait son interlocuteur. De telles informations pouvaient ne rien signifier et en même temps signifier beaucoup. Entre de bonnes mains – tout du moins entre des mais rusées –, elles pouvaient être foncièrement utiles.

« J’ai rencontré ce fameux médecin. Le genre que Sainte-Elisa ne produit plus, si vous voulez mon avis. Pour lui, le seul remède équivalait à une bonne vieille saignée. Ce qui n’arrangea pas le cas du pauvre vieux Mitilis. Je n’ai aucune certitude, mais mon petit doigt me dit qu’il y a du poison dans l’air. Gashelle court après l’or, imaginez-la dans une ferme en ruine ? », pouffa-t-il alors qu’il racontait l’histoire tragique de la famille Polymaro.

« Et maintenant Varen, qu’en est-il ? »

« Une bataille judiciaire. Le vieux et riche marchand est mort, les deux fils veulent toute la fortune pour eux tous seuls. De véritables gamins, si vous me permettez l’expression. La mère se bat pour en conserver la primauté avec son nouvel époux. »

« Ah, c’est intéressant. Vous entendez beaucoup de choses, Varen. Peut-être trop… », lui confia Thomas dans un murmure.

« Mais c’est bien pour cela que je suis utile à Sa Majesté, monseigneur. »

« Faites-lui perdre cet héritage. », trancha le Surintendant d’un ton impérieux.

« Oui, monseigneur. Je le chuchoterai à mes oisillons. », énonça doucement l’obèse avant de quitter la pièce avec une étonnante légèreté.

La question était de savoir si le duc aurait le bras assez long...


Post by Acturus Polymaro, Mort - November 3, 2009 at 2:35 AM

Décidément, il s'en passe des choses dans la haute gouvernance à l'inssue des gens et dans ce cas-ci, Acturus. D'ailleurs, on pouvait se demandr pourquoi on retrouvait une petite affiche "fermé" dans la porte de l'Aelier de notre timide marchand. Y'avait-il un lien quelconque?


Post by Thomas Bolton, Emp - November 6, 2009 at 2:10 PM

Un mois plus tard et Sa Seigneurie se retrouva à nouveau face à Varen. Le gros homme était vêtu du même type de vêtements que la dernière fois, sauf que les couleurs avaient changé – même elles restaient toujours aussi vives. L’obèse se tenait les mains, il venait juste d’arriver. Il était un peu en retard. D’ordinaire, c’était le Surintendant qui faisait patienter ses invités et non le contraire. C’était un écart de conduite qu’il tolérait rarement. Toutefois, quand l’individu était utile et extrêmement efficace, il fermait les yeux. C’était similaire à… un échange de bons procédés. Ainsi, Varen faisait à nouveau une entrée remarquée.

« Milles excuses, Votre Seigneurie. », dit-il à son supérieur, peinant à reprendre son souffle.

Le duc haussa les épaules, il passait l’éponge.

« Je vous écoute Varen. Avez-vous de bonnes nouvelles à m’apporter ? », enchaîna d’un ton glacial le premier ministre.

Ayant toujours quelques difficultés à recouvrer une respiration normale, l’espion mit quelques secondes avant de répondre. Pendant ce court laps de temps, la porte du bureau s’ouvrit pour laisser passer la silhouette de Montfaucon. Il alla se placer dans un coin et commença à se lisser lentement le bouc, l’air songeur.

« Oh ! De très mauvaises nouvelles, Votre Seigneurie ! Très mauvaises. », haleta l’obèse, réussissant petit à petit à retrouver sa contenance habituelle.

Thomas arqua un sourcil, attendant la suite. Il avait l’habitude des tournures rhétoriques de son employé – si tant est qu’on pouvait le définir comme tel…

« L’époux de Gashelle, le pauvre. Il est mort il y a trois jours des suites d’une terrible maladie. Foudroyante, elle l’a terrassé en l’espace d’un mois. »

D’un coin de la pièce, on entendit le ricanement de Montfaucon, très amusé par la nouvelle mais aussi de la façon dont son imposant collègue s’amusait avec les mots.

« Ce qui est surprenant, Votre Seigneurie, c’est qu’il semble avoir attrapé les mêmes maux que le père d’Acturus. C’est ce que m’ont piaillé mes oisillons. »

« Je gage qu’ils n’ont pas été étrangers à cette affaire. Excellente nouvelle, Varen. Maintenant que le seul lien la reliant à son beau-père a disparu soudainement, je présume qu’elle ne touchera pas un sou de la masse successorale. »

« Pas un, Votre Seigneurie, pas un ! »

Lentement, le Surintendant se tourna vers Montfaucon, qui semblait se délecter littéralement de la conversation. Ce métier lui allait comme un gant, il était fait pour les intrigues et pour les manigances les plus complexes, les plus biscornues. Les dorures de ses gants noirs se reflétaient dans ses yeux avides.

« Et vous ? »

« Et bien, j’ai pris quelques libertés, monseigneur. Je me suis dit qu’elles seraient probablement de votre goût. J’ai contacté le fils cadet. Dans quelques jours, il attaquera Gashelle en justice, non pas pour récupérer l’héritage de son père qu’il touchera pas défaut, mais pour obtenir celui de son défunt frère. »

Un sourire froid se dessina alors sur les fines lèvres pâles du duc. Appréciait-il la manœuvre ?

« Une initiative intéressante. Maintenant que les fonds de son époux sont gelés par l’office notarial, elle ne pourra guère financer longtemps les avocats qui assureront sa défense. Son cas est bientôt réglé. »

« Bientôt, monseigneur ? Je pensais que c’était déjà fait. », lança avec une surprise non feinte Montfaucon.

Varen, quant à lui ne dit rien. Il restait là, à observer son maître d’un air légèrement amusé. Il n’en resterait pas là, non. Et les choses évolueraient d’une façon… étonnante.


Post by Thomas Bolton, Emp - November 7, 2009 at 9:13 PM

Trois semaines passèrent sans que Sa Seigneurie ne reçoivent d’informations particulières. Puis un beau matin, alors qu’il se promenait dans les jardins impériaux, il fit la rencontre d’un des nombreux jardiniers qui s’acharnait à tailler une haie comme jamais on n’en avait taillé ! C’était un homme bien en chair, habillé de vêtements de facture franchement moyenne. Il portait une grosse barbe bien fournie, brune et était coiffé d’un gros turban. Thomas passa devant lui sans pour autant l’apercevoir. Néanmoins, quelque chose attira son attention aussi fit-il demi-tour relativement rapidement.

Son regard d’acier détailla alors l’homme au visage qui semblait avoir subit les affres du temps et d’un métier parfois ingrat. Il resta planté là pendant de longues secondes, jusqu’à ce que l’homme lui adresse un sourire amusé et suffisant que le duc connaissait particulièrement bien. Le sourire était contagieux, il s’afficha également sur les lèvres du premier ministre, exprimant un amusement sincère.

« Varen. Impressionnant. »

Et quelques minutes plus tard, les deux hommes se retrouvèrent dans le bureau du Surintendant. Ils furent rejoints quelques temps plus tard par Montfaucon, qui continuait de suivre l’affaire, quand bien même la pensait-il clôturée depuis la dernière fois. Tout ce joyeux petit monde put donc reprendre le cours normal de leurs intrigues alambiquées. Le Surintendant invita d’un bref geste de la main l’obèse à détailler les informations qu’il avait désormais en sa possession, pendant que l’autre espion réajustait ses épais gants noirs luxueux.

« Voila, monseigneur. C’en est fini de l’ascension sociale de notre chère Gashelle, il me semble. Les attaques répétées du fils cadet ont eu raison de ce qu’il lui restait pour subvenir à ses besoins. »

« Pourtant, malgré son âge, elle pourrait encore séduire. Moi-même, d’ailleurs… », lança Montfaucon non sans une pointe d’humour déplacé.

Le faux jardinier pouffa, mais pas le duc.

« Disons que… qu’est-ce qui nous dit qu’elle ne recommencera pas ? »

« Elle est maudite, dit-on. Deux fois mariée, deux fois veuve, deux fois la même maladie qui la prive chaque fois de son époux. Non, rajoute à ça un extrémisme thaarien typiquement brégunien. Elle n’ira pas bien loin. »

Thomas laissait les deux hommes débattre sur le sujet et sur ce qu’il supputait lui-même depuis un bon moment déjà. Finalement, il y mit un terme en se réintroduisant dans la conversation, imposant le silence d’un geste impérieux de la main.

« Justement, parlons-en. Où est-elle allée ? »

« Oh et bien vous souvenez-vous de cet adorable petit lopin de terre où elle a vécu après l’incendie de l’échoppe de Mitilis ? Et bien, c’est ce qui reste de ses possessions actuellement. »

Lentement, la main droite du premier ministre alla se glisser dans un dossier qui traînait sur un coin de son bureau pour en sortir un document. A première vue, ce devait être une sorte de contrat, mais rien n’était moins sûr. Varen et Montfaucon s’approchèrent pour examiner la feuille de papier. Le premier émit un léger rire franchement amusé. Quant au second, il ne put empêcher de pousser une exclamation.

« Votre Seigneurie ! Si je m’attendais à ça… Vous comptez vraiment faire ça ? »

La réponse était évidente, tout le monde le savait. Aussi n’y eut-il aucune confirmation orale.

« Je vous charge de faire la liaison, Montfaucon. Montrez-vous… Disons… ferme et inflexible. »

L’intéressé se mit alors à rire, exécuter sa révérence et quitta le bureau. Quant à Varen, on put voir le jardinier continuer de travailler sur sa haie jusqu’à la fin de sa journée…


Post by Thomas Bolton, Emp - November 15, 2009 at 12:05 PM

Quelque part, dans la campagne profonde de Brégunia, Montfaucon observait le superbe paysage. Certes, Systeria n’était pas dépourvue de superbes vallons, de puissantes montagnes, mais au cœur du Saint-Empire, tout semblait beaucoup grand. La véritable Grande Sœur qu’on évoque dans les cours d’Histoire. Il s’interrompit dans ses réflexions lorsque son regard se posa sur une vieille grange qui menaçait presque de s’écrouler. Le petit corps de ferme à côté, qui servait d’habitation, ne semblait pas non plus être en très grande forme. C’est d’un pas ferme mais presque léger qu’il s’y rendit tout en chantonnant un petit air sans queue ni tête.

Vêtu d’un habit gracieux de bourgeois – qui ne différait que très peu de son habituel accoutrement systérien – il contrastait furieusement avec ce décor délabré. Mais c’était un peu cela qui caractérisait l’homme. On l’attendait peu dans des endroits insolites et pourtant… Pourtant il en surprenait plus d’un. D’un geste confiant, il frappa vivement à la porte. Pas de réponses. Ne s’avouant jamais vaincu, il persista encore et encore jusqu’à ce qu’une réponse lui parvienne.

« Quoi ? Qu’est-ce que vous voulez ? Vous n’avez rien d’autre à faire que d’embêter les gens, comme ça ? », maugréa une voix féminine.

L’envoyé du Surintendant ricana légèrement, ce qui eut pour effet d’énerver encore plus l’habitante des lieux.

« Mais voyons, est-ce une attitude à avoir face à une proposition commerciale, madame Jiovlashi ? », lança-t-il d’un ton frivole.

Des bruits de pas se firent entendre, quelques gémissements également, quand la femme essaya d’ouvrir la lourde porte de bois aux gonds rouillés. Finalement, ils se retrouvèrent face à face. Elle était vêtue d’une de ses anciennes robes, tachée et décousue par endroit. Non, décidemment, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, avec ses cheveux en bataille.

« Figurez-vous que j’ai appris vos mésaventures. Et je ne suis pas une âme qui laisse les gens mourir de fin. Alors, quand j’ai vu votre exploitation, je me suis dit que je ne pouvais pas laisser un tel potentiel périr ! »

« Grmbl. Entrez, tant qu’à faire. », concéda-t-elle, encore méfiante.

Elle ne lui proposa rien à boire. Il en fut soulagé. A voir l’état de ce qui semblait être sa cuisine…

« Ne perdons pas plus de temps, je vous sais femme de tête mais aussi femme d’action. Je vous propose de vous acheter vos terres, pour une coquette somme. Oh mais je vois votre regard furibond, non, je ne vous expulserai pas, rassurez-vous. Je vous en propose la gestion. »

Elle plissa les yeux, renforçant son air de vieille mégère rôdée par les années, comme si elle tentait de percevoir où se situait le vice caché.

« Tout sera rénové. La grange sera réaménagée, le corps de ferme également. Vous aurez un petit personnel pour entretenir les terres, qui seront réutilisées. »

« Ah oui ? Et pourquoi quelque chose me dit que ça ne sent pas l’honnêteté, cette histoire ? »

« Ah, mais j’ai un contrat en bonne et due forme, qui respecte le droit brégunien et le droit du pays du propriétaire, figurez-vous. »

« Comment ça, le droit du propriétaire ? Je croyais que c’était vous, le futur propriétaire ! »

« Oh non, moi je ne suis qu’un intermédiaire. Je vous sens toujours aussi sceptique… », soupira-t-il.

Il ouvrit sa besace et en sortit plusieurs documents. Apparemment un contrat en plusieurs exemplaires. Il les lui plaça sous le nez, avec une plume et un encrier évidemment et la laissa lire. Arrivée à la moitié du contrat, elle hoqueta de surprise.

« Quoi ? C’est quoi cette entourloupe ! Vous ne me ferez pas croire qu’il peut faire ça, tout de même ? »

Montfaucon se pencha délicatement vers elle et lui murmura à l’oreille :

« Vous avez le choix entre signer ce contrat et vivre une vie décente ici ou bien rester dans la poussière, la fange et le fumier. »

Il lui dédia alors un sourire incroyablement charmeur.

« Evidemment, on prête de superbes propriétés au fumier en ce qui concerne le teint et la vigueur de la peau. Mais je vous sais au-dessus de ce genre de chose, n’est-ce pas ? »

Elle le foudroya du regard, prit quelques secondes pour réfléchir et finalement, haussa les épaules d’un air satisfait en apposa sa signature sur chacun des exemplaires.

Trois semaines plus tard, Montfaucon, revenu à Systeria pour l'occasion, faisait son rapport au Surintendant. Ce dernier attendait les dernières nouvelles pour pouvoir poursuivre la conduite de son plan alambiqué.

« Le contrat, monseigneur. Signé en bonne et due forme. Elle accepte les conditions. A l’heure où je vous parle, la grange est dotée de nouvelles infrastructures qui permettront de traiter la production, le corps de ferme est totalement réparé, il loge madame Jivloshi et deux aides. C’est une petite exploitation, pas besoin de plus de monde. »

« Magnifique, Montfaucon. Je suppose que quelqu’un garde un œil sur elle ? Je ne veux pas qu’elle traite ses employés comme elle a traité sa progéniture. »

« Oh rassurez-vous. Le comptable que nous lui avons imposé est à même de faire face à ce genre de chose. La menace de voir cette soudaine prospérité disparaître est suffisante pour la tenir en laisse. »

Le duc hocha la tête, rangea les documents dans un dossier spécial et le posa sur la pile de rapports qui trônait sur un coin de son bureau.

« Et la terre, vous avez planté les pieds de vigne ? »

« Oui, monseigneur. Je ne serais pas revenu. Tout est prêt pour le propriétaire. »

« Bien, en ce cas il ne me reste plus qu’à le contacter. Cressen, vous enverrez une convocation à Polymaro, je le veux dans mon bureau le plus tôt possible. »

« Bien monseigneur. »

Cressen quitta la pièce, rejoignant le secrétariat de Sa Seigneurie, quant à Montfaucon il s’éclipsa pour mener à bien une autre mission que le premier ministre lui avait confiée. L’intrigue touchait à sa fin.


Post by Thomas Bolton, Emp - April 26, 2010 at 6:47 PM

Un beau matin, un des employés de la Plume Impériale vint livrer le courrier du jour au secrétariat du palais. Dans sa sacoche, plus d’une vingtaine de missives provenant de toutes les couches de la populace. Que ce soit les plaintes des nobles, les réclamations de membres de la bourgeoisie ou bien de simples lettres de roturiers réclamant le soutien du tribunal contre une décision de guilde jugée injuste… il y en avait pour tous les goûts ! Et dans toute cette paperasse, un document tout simple qui ne se distinguait pas particulièrement des autres. Rien n’indiquait sa provenance.

Et ce morceau de papier si commun fit son petit bonhomme de chemin à travers le palais, passant entre les mains d’une bonne demi-douzaine de fonctionnaires, trimballé de bureaux en bureaux, jusqu’à atterrir finalement sur celui du premier ministre de Systeria, le duc Thomas Halvadius Bolton. On ne l’avait pas ouverte, le sceau était intact. Fou aurait été celui qui aurait osé jeter un œil dans le courrier que l’on adressait au Surintendant. Assurément, il aurait perdu sa place. Ou pire encore ! Avec le duc, on ne savait jamais à qui on avait vraiment affaire…

Qu’en est-il de notre austère personnage ? Levé peu avant l’aube, il était d’ores-et-déjà au travail. Il s’interrompit quelques instants, en pleine rédaction d’un quelconque dossier, pour entreprendre la lecture de son courrier. D’un geste sec, il utilisait son coupe-papier avec agilité, déchirant prestement l’enveloppe. Une missive passa, puis deux, puis trois, jusqu’à ce que son regard d’acier, d’un gris clair, ne se pose sur l’écriture fluide au style rigoureux et élégant. C’était notre fameuse lettre, qui avait finalement accompli la dernière étape de son très long voyage.

De sa main gauche, le premier ministre attrapa sa canne et se releva, la lettre dans sa main droite, pour aller se placer devant la grande baie vitrée qui illuminait son bureau – à savoir le lieu où il passait le plus clair de son temps. C’est alors qu’il commença la lecture du document. Une lueur très vive brillait tout au fond de son regard froid alors qu’il assimilait les informations qu’il recevait au fur et à mesure que ses yeux allaient et venaient sur cette écriture si… si peu familière. Un passage sembla l’amuser puisqu’il laissa échapper quelques mots entre ses fines lèvres pâles.

« Oh, non, je n’ai pas de tels spécimens. Mais j’en ai quelques uns qui sont utiles. »

Juste après, une autre phrase semblait avoir retenu son attention. Quelque chose sur le papier semblait l’avoir fait sourire.

« Non, nous n’aurons rien à gagner à agir de la sorte, effectivement. L'ai-je jamais voulu ? Non, je ne crois pas. »

Lentement, le Surintendant fit volte-face, déposa la lettre sur son bureau et alla se placer devant l’échiquier qui trônait sur une petite table, non loin de l’épaisse cheminée où flambaient de puissantes flammèches. D’un geste vif, il attrapa le roi blanc et l’examina longuement, les yeux voilés, comme s’il était plongé dans une intense et profonde réflexion. Après quelques secondes, il acquiesça, satisfait.

Le soir venu, avant de quitter la pièce, il plaça une lanterne allumée sur le rebord de la fenêtre et coinça un petit ruban noir entre les deux battants, qui flottaient à l’extérieur au gré du vent.

« Soit. J’accepte de vous rencontrer, prince de Brouxg. »

Puis il quitta la pièce et retourna dans ses appartements, dans l’aile sud du palais…


Post by Thomas Bolton, Emp - May 7, 2010 at 5:43 PM

Deux semaines plus tard, monsieur Cressen entra dans le bureau de son maître, quelques heures après le coucher du soleil. Une pile de dossiers sous le bras, il se dirigea silencieusement vers l’épaisse bibliothèque et entreprit de les classer consciencieusement dans les étagères correspondantes. Suite à cela, il alla se placer près de l’âtre pour se réchauffer les mains. Le Surintendant, quant à lui, travaillait toujours, attablé devant ce qui semblaient être des plans d’urbanisme. Après quelques secondes à fixer les superbes flammèches orangées qui dansaient dans la cheminée, le secrétaire particulier se permit quelques mots :

« Je pense que Madame doit être arrivée. Le navire a accosté il y a à peine une heure, monseigneur. Dois-je la faire monter ? »

Le duc hocha la tête, satisfait d’apprendre la nouvelle et lui fit signe de disposer pour faire ce qui était convenu. Et justement, quelques minutes plus tard, une femme entra dans la pièce, vêtue d’une superbe robe de soie violette, portant un élégant chapeau violet sur lequel trônait une superbe plume noire. A sa main, un éventail où s’entremêlaient dentelles noires et violettes. Thomas Bolton se leva et d’un geste ample du bras, l’invita à s’installer en face de l’échiquier. Ce qu’ils firent au même moment, d’ailleurs.

Ils ne se saluèrent pas de suite, se contentant de se fixer droit dans les yeux, leurs deux regards d’acier s’affrontant silencieusement sans qu’aucun n’en sorte vainqueur. Puis, la femme examina avec attention l’échiquier : une partie semblait en cours. Avec qui pouvait bien jouer Sa Seigneurie ? La réponse viendrait sous peu… D’une main gantée de noir, elle déplaça le fou de quelques cases en diagonale.

« Vous avez fait bon voyage, Madame ? », demanda de son ton monocorde le premier ministre.

« Ah, tu me connais, Thomas. J’adore les voyages en mer ! Rien de tel que l’air marin et le bruit grinçant de la coque pour se dégourdir l’esprit. Et puis… ça serait malheureux, dans mon métier, si je n’appréciais pas ces séjours. », ajouta-t-elle en esquissant un sourire franc.

Le duc plissa les yeux tout en analysant la nouvelle disposition des pièces puis protégea un de ses cavaliers dont les défenses étaient sérieusement compromises.

« Il n’y a pas à dire, c’est tout de même plus facile en face à face. Les courriers mettent tant de temps… », dit-elle, ponctuant ces mots par un rire cristallin.

D’un geste délicat, elle déplaça une de ses tours, adoptant une tactique plus offensive.

« En parlant de courrier, je suppose que vous avez reçu le mien, Madame. »

« Bien entendu. C’est très intéressant ce petit marché. J’ai beau étudier le problème, j’ai des difficultés à cerner l’entourloupe. Une chose est sûre, tu as bien fait de l’accepter. Un refus n’aurait fait que rendre Systeria totalement aveugle. Au moins, tu peux prendre en compte certaines données. »

Elle le désigna de son éventail, qu’elle agita rapidement dans sa direction pour l’inviter à jouer. Ce qu’il fit en capturant son deuxième fou. Elle ne l’avait pas vu venir.

« Echec, ma tante. »

A nouveau, elle sourit de toutes ses dents, qu’elle avait fort blanches, tout en lui décochant un clin d’œil malicieux.

« Je vais tâcher d’en savoir plus sur ce militaire de haut rang, mais je doute en apprendre beaucoup. Mon commerce a des difficultés à s’installer durablement à Briganne. Même mes clients les plus hauts placés ont la langue liée. », lança-t-elle à Thomas en lâchant un long soupir.

Un coup plus tard et elle réussit à mettre son roi à l’abri.

« Mais je dois l’avouer, la dynastie De Brouxg est bien plus divertissante que la précédente. Enfin des adversaires de poids. »

Sa Seigneurie se contenta de hocher la tête, approuvant visiblement ce qu’il venait d’entendre.

« Je vais également avoir besoin d’un service. Dans quelques mois, vous recevrez un nouveau-né, dans notre propriété de Médélia. Vous veillerez à lui trouver une nourrice et à pourvoir à son éducation. »

Une moue étonnée se forma alors sur le visage de cette femme sans âge…

« Tu me surprends, je n’aurais pas cru cela de toi. Je le confierai au Professeur Méricet pour ce qui est de son apprentissage. »

« Excellent choix. Vous le garderez environ seize ans, puis vous me le renverrez. », acheva le duc en déplaça sa reine noire.

Elle fixa longuement le jeu et secoua la tête comme pour chasser une mauvaise migraine.

« Echec et mat, Madame. »

« Le voyage m’a épuisé. », se contenta-t-elle de répondre en guise d’explication.

Un sourire sans joie se forma sur les fines lèvres pâles du Surintendant, alors qu’il lui répondait :

« Sans doute, Madame. Sans doute… », lâcha-t-il solennellement.

« Oh, voyons, ne sois pas si taquin, Thomas ! Tu devrais me ménager, voyons ! », lui lança-t-elle sur un ton léger.

Ils récupérèrent alors chacune des pièces pour les replacer correctement sur l’échiquier. Tout pouvait désormais recommencer. Toutefois, il se faisait tard, aussi se quittèrent-ils. Avant de passer la porte, la femme en violet sembla se rappeler quelque chose :

« Au fait, comment va-t-elle ? »

« Elle progresse. Lentement, mais sûrement. Elle a choisi un excellent terrain, mais je déplore ses frasques. Elle est beaucoup trop émotive. »

Alors Madame hocha la tête et disparut, s’enfonçant dans la pénombre au fur et à mesure qu’elle descendait les longs escaliers de bois qui la conduirait au rez-de-chaussée…


Post by Thomas Bolton, Emp - May 20, 2010 at 7:19 PM

Deux individus pénétrèrent dans le bureau du Surintendant. La silhouette ascétique du premier ne laissait aucun doute quant à son identité. Le second, au contraire, n’avait jamais été vu au palais. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, à la barbe et aux cheveux gris, aux épaules larges et carrées. Sans doute devait-il s’agir d’un combattant, militaire ou non, à moins que ce ne soit un maître bâtisseur. Toutes les hypothèses étaient permises pour les domestiques ou courtisans qui croisèrent celui qui semblait avoir été invité par le premier ministre.

Arrivé dans la pièce, le duc désigna une chaise en face de l’échiquier qui trônait sur une petite table pour que l’homme puisse s’assoir, non loin de l’âtre, alors qu’il s’installait en face. Son regard sévère examina alors les pièces qui s’éparpillaient selon une stratégie complexe et alambiquée sur le plateau de jeu. Son interlocuteur restait silencieux, laissant à Thomas tout le loisir de diriger la conversation, ce que ce dernier ne tarda pas à faire en sortant de son mutisme.

« Je suis curieux, Commandant. Je me pose d’innombrables questions quant à la raison de votre présence ici. », lui confia-t-il de son sempiternel ton monocorde.

« Je ne vais pas vous mentir, monseigneur, vous savez certainement que je suis dans l’impossibilité d’y répondre. », annonça le vieil homme sur un ton affable.

Le Surintendant le dévisagea longuement, braquant sur lui son regard inflexible.

« Je suis persuadé que vous ne représentez pas un élément gênant pour la Couronne Brégunienne ou le Prince Miran. Informé ou non, nous aurions rapidement pu venir à bout de votre expédition, sauf votre respect, Commandant. »

Le militaire ne semblait nullement gêné par ce qu’il venait d’entendre. Après tout, ce n’était que la pure vérité.

« Vous conviendrez que pour une telle mission, je n’avais pas besoin de garnir mon régiment. Nous avons déjà perdu une puissante arcaniste. »

Le duc hocha légèrement la tête. Il en était conscient.

« Qui plus est, j’imagine que la nouvelle d’une telle mission aurait été plus néfaste qu’autre chose si vous étiez réellement une épine dans la dynastie De Brouxg. Non, décidément, Commandant, je continue de m’interroger sur les raisons de tout ceci. »

« Je suis navré de ne pouvoir répondre aux questions que vous vous posez, Surintendant. »

Une fois encore, son invité semblait particulièrement sincère.

« Je devrais vous tuer, logiquement, selon les termes de l’accord. »

« C’est effectivement ce qui était prévu. Je suis venu ici pour cela. »

Le premier ministre secoua la tête, indiquant qu’il n’allait pas honorer les termes de ce contrat.

« Je n’aurais pas l’utilité de vous tuer. Votre mort ne m’apporterait rien. Evidemment, je pourrais vous emprisonner à vie dans les geôles du palais. »

« Je préfèrerai être exécuté, monseigneur. »

Thomas ignora superbement sa remarque, enchaînant directement.

« Ou bien vous assigner à résidence et vous fournir un certain confort jusqu’à ce que votre vie s’achève. Toutefois, je ne vais pas amputer le Trésor pour cela. Aussi ai-je décidé de choisir une autre alternative. »

Les yeux vifs du militaire le détaillaient avec une extrême attention. Sur ses genoux, il avait toujours ses notes et ses ouvrages, qu’il tenait soigneusement.

« A partir d’aujourd’hui, vous mènerez une vie hors du temps, une vie pieuse et recluse au sein du monastère thaarien qui se trouve à l’extérieur de la cité. »

Le Commandant semblait satisfait de la décision.

« Je suis heureux de terminer mes jours en suivant Thaar, monseigneur. Je vous en remercie. »

« Nous n’avons plus rien à nous dire. En tous les cas, je saurais où vous trouver. Je vais faire prévenir le Prieur que vous porterez dorénavant la bure. Voulez-vous que je transmette un mot de votre part au prince Miran ? »

« Non, monseigneur. Eux aussi sauront me trouver… Mais je m’interroge, êtes-vous le joueur ou le pion ? »

« Les deux, Commandant. C’est ce qui rend le jeu si excitant. »

Puis les deux hommes se quittèrent, Thomas confiant quelques instructions aux gardes d’élites qui conduiraient le brégunien tout droit vers sa nouvelle existence. Suite à cela, le secrétaire particulier, Cressen, pénétra dans la pièce. S’ensuivit une brève conversation…

« Le monastère, monseigneur ? »

« Oui, Cressen. Le monastère est un lieu reclus, les moines ont pour consigne et pour philosophie de vivre hors de notre siècle. Ils n’ont pas le droit de quitter l’enceinte du prieuré sans l’accord explicite du Prieur. Ils n’ont pas le droit d’entrer en contact avec l’extérieur non plus. »

« En somme, vous l’avez mis en prison, monseigneur. »

Le Surintendant braqua sur lui son regard gris à l’intérieur duquel brillait une vive lueur.

« C’est une question de point de vue, je suppose. »

Le Saint-Empire de Brégunia réservait bien des surprises. Nul doute que de nouvelles surprises surgiraient très bientôt…


Post by Thomas Bolton, Emp - May 21, 2010 at 11:43 AM

Quelques jours plus tard, monsieur Cressen, secrétaire particulier de Sa Seigneurie, pénétra dans le bureau de ce dernier, plusieurs parchemins et un épais dossier sous le bras. Avant de le déposer ce dernier devant son maître, il se dirigea vers la grande bibliothèque qui trônait contre le mur de pierres pour y ranger les feuilles dans les rapports correspondants. Il faudrait bientôt en descendre plusieurs aux archives, car les étagères commençaient à ployer sous la masse d’informations qui s’y trouvait. De toute façon, le premier ministre était connu pour avoir une excellente mémoire. C’est à croire que tout le contenu des archives était entassé dans son crâne.

« Je vous apporte les dernières conclusions des émissaires du Collège, monseigneur. »

Le duc tendit une main impérieuse, agitant ses longs doigts fins pour inviter son subalterne à lui confier le dossier. Il l’ouvrit d’un geste sec, feuilleta les pages et prit connaissances des nouveaux renseignements. Rapidement, il attrapa une feuille de papier et l’étrange plume à encre que lui avait offert le prince Feredìr. Il griffonna pendant une petite minute et rendit le tout à Cressen.

« Vous ferez parvenir cette synthèse aux représentants des guildes dans les plus brefs délais, je vous prie. »

Le fonctionnaire hocha la tête et jeta un bref coup d’œil à ce qu’on venait de lui donner. Il haussa un sourcil de surprise.

« Il ne reste plus qu’à statuer sur la gestion de l’agriculture si je comprends bien. Tous les points semblent avoir été traités. Sans émissaire de la Fraternité, semble-t-il. »

Le Surintendant braqua sur lui son regard sévère et haussa les épaules.

« Cela fait des mois que cette affaire stagne. Malgré mes appels incessants pour leur offrir la parole, malgré les multiples allongements du délai qui leur est alloué par la Couronne, ils refusent systématiquement de défendre leurs opinions devant le Collège. Grâce à monsieur Sengir, nous avons au moins pu connaître le contenu de leurs débats vis-à-vis du commerce de bouche, de l’agriculture et des droits martiaux. »

Relevant ses lunettes demi-lune, le petit homme se replongea dans la lecture de la synthèse des votes. La révélation le laissait dubitatif.

« Certes, l’Empire n’a pas cherché à museler la Fraternité, monseigneur. Etant donné toutes les actions entreprises pour les inviter à fournir leurs conclusions, on ne peut pas dire que Sa Majesté n’aura aucune légitimité pour agir, monseigneur. »

Quelque chose dans son ton fit comprendre à Thomas que Cressen semblait vouloir ajouter quelque chose mais que l’hésitation était trop forte pour qu’il enchaîne. Aussi, se mura-t-il dans le silence et l’invita-t-il à continuer d’un signe de la main.

« Si toutefois ils nomment un émissaire, monseigneur… »

Le premier ministre leva les yeux au ciel, un sourire sans joie se formant sur ses fines lèvres pâles. Il interrompit son subalterne.

« La plupart des débats ayant eu lieu, je doute que les émissaires reconsidèrent l'ensemble des questions évoquées, quand bien même un représentant émerge du lot. Il est trop tard pour cela. Enfin, seul l’avenir nous le dira, je présume. »

Décidément, c’était un dossier bien compliqué, pensa un Cressen perplexe. Il était bien content d’être cantonné à des tâches purement administratives. La gestion des intérêts de chacun, ce n’était pas un domaine qui le passionnait, loin de là !


Post by Thomas Bolton, Emp - June 13, 2010 at 11:54 AM

Le soleil s’était couché depuis plusieurs heures, laissant la capitale de Systeria profiter de la fraîcheur de la nuit. Pour la plupart, les citoyens étaient profondément endormis, épuisés par le dur labeur qu’ils avaient accomplis pendant la journée. Au palais, cependant, une lueur diffuse s’échappait encore d’une des hautes tours de l’aile ouest : le Surintendant Bolton était encore en train de travailler. Ca ne surprenait plus personne, désormais. Les années s’étaient succédé et les gens avaient fini par s’y habituer. Une fine bruine tombait au dehors, obligeant les insectes à trouver un abri sec sous l’écorce des arbres, dans des souches creuses au sein de la vaste forêt qui s’étendait à perte de vue aux abords de la somptueuse cité.

La grande baie vitrée du bureau de Sa Seigneurie était légèrement entrouverte afin qu’une petite brise renouvelle l’air de la pièce. Le duc était attablé devant son pupitre de travail, occupé à rédiger un quelconque rapport destiné aux archives, lorsque les lourdes cloches de bronze de la cathédrale se mirent à sonner. Douze coups, douze notes pratiquement identiques résonnant dans la nuit, se répercutant sur les toits de la ville. Oh, ils ne réveillèrent que très peu de monde, seuls les citoyens au sommeil léger en furent incommodés. Les autres… Eh bien il faut dire que les autres en avaient l’habitude. C’était une tradition ancestrale aussi y étaient-ils tous habitués depuis leur plus jeune âge. Oh non, ça ne les troublait plus !

Lorsque le silence fut revenu, le premier ministre s’interrompit. Relevant la tête, il tendit l’oreille. Il avait remarqué un très léger bruissement, presque inaudible. Lentement, il se retourna et fit face à la fenêtre, toujours ouverte. Soudain, sans crier gare, un papier surgit, comme porté par le vent jusque dans la pièce. C’était donc cela ce son, il n’avait pas rêvé. D’un geste sec, il l’attrapa au vol. C’était une missive et curieusement, elle était à peine humide. Il se leva et boitilla jusque vers la vitre pour la refermer. Son regard d’acier regardait à l’extérieur, dans l’espoir de trouver un quelconque indice sur l’expéditeur, sur l’étrange façon dont elle était parvenue jusqu’à lui. Evidemment, il ne trouva rien. C’eut été étonnant.

Bredouille, le message dans sa main gauche, emprisonné entre ses longs doigts fins, il retourna s’installer devant la lourde table de pierre sur laquelle reposaient d’innombrables feuilles de toute sorte. Il le déplia et posa ses prunelles d'acier sur les lignes soigneusement écrites. La lecture ne fut pas longue. D’un air impassible, il l’examinait. A aucun moment il ne broncha, aucun tic nerveux ne permit de dire ce que le contenu provoquait comme réaction chez cet homme dont le stoïcisme était légendaire.

« Vous dissipez un nuage de brume dont je mesurais l’ampleur sans pouvoir nourrir de réelles certitudes. »

Lorsqu’il eut terminé, il attrapa sa plume, griffonna trois lettres en bas de page et plia le document avant d’aller le placer dans un des compartiments secrets que recelait son bureau. Une fois fait, il reprit place sur son austère chaise de pierre.

Son regard sa voila, il semblait plongé dans une intense réflexion.

« L’une des plus secrètes… Oui, assurément, mais pas des mieux gardées. »

De longues secondes s’écoulèrent, alors que se reflétaient dans ses durs yeux gris les vives lueurs rouges et orange qui s’échappaient de l’âtre.

« Vous l’aurez, votre défi. En temps et en heure. »

Sur ces mots sibyllins, le Surintendant se releva, rangea certains dossiers, ordonna certaines missives qui traînaient encore sur son plan de travail, attrapa sa canne et quitta son bureau pour se rendre à l’autre bout du palais et regagner ses appartements pour se coucher au côté de son épouse qui dormait déjà à poings fermés…


Post by Thomas Bolton, Emp - July 21, 2010 at 5:35 PM

Devant l’âtre brûlant où dansaient de vivifiantes flammes aux couleurs orangées, le Surintendant examinait un paquet de lettres. Elles n’avaient rien de particulier, aucun signe distinctif ne permettait d’en déterminer la provenance d’un seul coup d’œil. L’une d’entre elles, cependant, était rédigée sur du papier d’excellente facture. On ne trouvait pas ce genre de support n’importe où et seuls ceux qui en avaient les moyens pouvaient s’offrir un tel luxe. Le lecteur les examinait avec une attention toute particulière. Quelques fois, il se permettait quelques commentaires, murmurés à sa propre attention.

« Le retour des De Montblanc et des De Valos. Un intéressant présage qui n’augure rien de bon. Mais pour qui ? »

Le papier de celle-ci était souillé de-ci de-là de taches de gras. Si on la respirait, on pouvait sentir une légère odeur d’épices, qui n’était pas si désagréable, d’ailleurs. Enfin, le duc ne devait pas vraiment y faire attention, ce n’était pas le but de cet examen minutieux.

« Des pions dangereux au service d’une cause dont ils ne sont même pas sûrs d’appréhender les véritables objectifs. »

Alors qu’il prononçait ces quelques mots, il froissa le document et le jeta dans la cheminée. Les flammes grandirent de quelques centimètres durant une fraction de secondes avant de retrouver leur état initial. Le premier ministre attaqua alors une autre liasse de lettres. Les messes basses continuaient.

« Systéria n’est pourtant pas réputée pour enseigner la stratégie militaire mieux que Brégunia. »

En passant au paragraphe suivant, Sa Seigneurie laissa échapper un rire très léger, sans pour autant exprimer une joie quelconque. Le son glaçait plus les sangs qu’autre chose.

« Votre chauvinisme. Amusant. Vous êtes parmi les plus tolérants de votre peuple, si j’en crois vos écrits. »

La seconde lettre de cette liasse l’intéressa plus. Le nom du signataire plus particulièrement. De Veldur, cela faisait plusieurs années qu’il n’avait pas entendu ce nom et encore moins l’avoir vu rédigé noir sur blanc.

« Une collecte d’informations. »

Celle-ci n’alla pas rejoindre les flammes. Non, pas encore, c’était trop tôt. La conserver, lire et relire ces quelques phrases lui serait certainement très utile dans les semaines à venir. Ce fut alors le tour de la dernière en date d’être examinée sous toutes les coutures.

« Pauvre pion naïf. Au moins, on ne peut vous reprocher de servir les intérêts de votre pays. Vous ne m’en voudrez pas si je compromets cette entreprise. Après tout, j’agis moi aussi en faveur de ma nation. »

Le ton était chaque fois très neutre. Aucune note de ressentiment, pas de colère ou de sadisme pur et dur. C’était un simple enchaînement de mots, très factuel. Le Surintendant restait très calme et posé, comme à son habitude. Les dernières missives furent ensuite rangées dans un petit coffret qui fut glissé dans un des compartiments secrets de la pièce. Apparemment, elles avaient dû être interceptées et recopiées par un secrétaire du duc pour ne pas gêner leur acheminement. Il retourna ensuite s’asseoir devant le jeu d’échec qu’il appréciait tant.

« Montblanc, Valos, Veldur. Une diplomate au service de la famille d’Avalis. Le cercle d’antan serait-il en train de se reformer ? »

Ses réflexions allaient bon train lorsqu’il fut interrompu par son subalterne, monsieur Cressen, qui poussa la porte et s’éclaircit la voix.

« Monseigneur, la marquise Taur’Amandil est arrivée. »

Sur un geste de la tête, il comprit qu’il faudrait qu’il la fasse entrer. Elle se présenta alors devant lui, inclina légèrement du chef et s'avança au sein de la pièce, avant d'aller s'assoir en face de son hôte, qui l’y invita d’un signe de la main.

« Vous avez un informateur brégunien dans les rangs de l’Ordre, madame Balgor. », lui dit-il du tac au tac sans autres formes d’introduction, ne prenant même pas la peine d’échanger les politesses mondaines de circonstances.

Son regard sévère se plongea alors dans les prunelles de la demi-elfe alors qu’un horrible sourire sans joie se dessinait sur ses fines lèvres pâles…


Post by Sarä Taur'Amandil, OdS - July 23, 2010 at 7:28 AM

Dans le bureau du Surintendant
Sans protestations en plus!

Hôpital Sainte-Élisa... Quelques minutes avant d'être convoquée ...

« Et bien docteur... Mon problème c'est... c'est gênant. » L'homme était tout rouge, incapable de s'exprimer. De quoi pouvait-il bien souffrir? Ça la marquise se le demandait.

« Il faudra néanmoins me le dire si...nous voulons terminé cette consultation un jour. » La médecin était rarement lasse, mais après trente minutes avec un patient qui n'était pas capable de dire ce qu'il avait, elle commençait drôlement à l'être.

« J'ai mal au...En bas. Ma femme dit que c'est pas normal.» Et naturellement l'homme pointait dans sa zone la plus érogène, il pointant tout ce qui faisant apparemment la virilité masculine.

L'instant aurait pu devenir plutôt étrange et désagréable pour Sarälondë, car ce genre de consultations où l'on n'est jamais certain des véritables motivations du patient sont effectivement déplaisantes, mais il n'en fut rien. L'irruption de Cressen à Sainte-Élisa durant que le patient était en train de déboutonner son pantalon était tellement la bienvenue! Dès que l'homme aux petites lunettes fit savoir que la marquise était convoquée par le surintendant, une infirmière en averti de suite la demi elfe à couette blanche. Cette dernière arriva juste au bon moment, l'homme était toujours en caleçons.

« Heuuu Docteur Taur'Amandil Ba...Balgor vous êtes convoquée par le surintendant Bolton à son bureau au palais. »

« Haa...Ha bien vous direz au docteur Dembart de prendre ma relève avec ce patient. » En voilà un qui serait heureux...

« Humpftt... »

« Prenez bien soin de vous monsieur, je me tiendrai au courant de votre dossier. » Avec le timbre de la petite voix claire de la médecin de renom, on aurait pu croire à un léger sarcasme...

« Mouain....Bonne journée docteur. » Le patient était moins enthousiaste... Peut-être mine de rien venait-il de s'épargner beaucoup de problème avec la justice cependant.

[…]

Sarälondë faisait maintenant face à face avec l'austère Surintendant. La mine de la marquise était sérieuse et anxieuse, comme toujours. Dans son regard limpide on décelait, aisément dans le cas de Thomas, une grande tristesse intérieure qu'elle contenait... Justement au fond d'elle dans les circonstances. La demi elfe savait très bien qu'elle n'était surement pas convoquée au palais pour parler de ses états d'âme. D'ailleurs... elle découvrirait bien assez vite les raisons de cette convocation.

« Vous avez un informateur brégunien dans les rangs de l’Ordre, madame Balgor. »

« Je vois... Hum hem...Il y a plusieurs personne venant de Brégunia dans l'Ordre de qui s'agit-il et... Comment le savez-vous? »

Et c'était repartie pour une autre histoire..!


Post by Thomas Bolton, Emp - July 23, 2010 at 1:39 PM

Juste après qu’elle ait posé sa question, le Surintendant lui répondit. Contrairement aux habitudes, il ne la laisserait pas mariner. D’un certain côté, il n’avait aucune information à lui extorquer et aucune raison de vouloir la mettre mal à l’aise. L’air sérieux qu’elle arborait sur son visage aux traits semi-elfiques montrait qu’elle l’avait bien compris.

« L’acolyte Emilien Heildemar. », lança-t-il d’un ton monocorde.

Négligemment, de sa main gauche, il alla déplacer un pion blanc sur l’échiquier qui se trouvait en face de lui. Suite à cela, sa main s’attarda au-dessus des pièces blanches qui restaient, comme s’il hésitait à en choisir une et désigna finalement un fou blanc.

« Qui communique avec mademoiselle Hannah de Veldur, diplomate et fille de madame Linelle de Veldur. »

Son regard d’acier continuait de fixer son hôte, alors qu’il lui distillait les informations au compte-goutte. D’un index impérieux, il tapotait négligemment le pion qu’il venait tout juste de bouger.

« Il lui livre des informations sur les autorités du clergé, sur la vie au sein de la cité. Il déplore la structure sociale de Systéria également. »

D’un geste vif, il attrapa le fou entre le pouce et l’index et l’approcha de son visage, entre Sarälondë et lui-même.

« Des informations basiques pour le moment, données avec une grande naïveté, je pense. Ca n’enlève rien, cependant, aux effets néfastes qui pourraient se répercuter sur notre nation. »

Il ajouta une dernière chose avant qu’elle ne puisse enfin répondre.

« Veldur, un nom qui vous évoque sûrement d’anciens dossiers. Ceux de Valos et de Montblanc ressortent également du néant. Autant d’avertissements qui nous poussent à être plus vigilants. »

Qu’attendait-il d’elle, exactement ? Sans doute allait-elle le lui demander. En attendant, la balle était désormais dans son camp…


Post by Sarä Taur'Amandil, OdS - July 26, 2010 at 9:07 AM

Profitons-en!
Il ne la dévisage pas.

Complètement silencieuse, Sarälondë regardait fixement le surintendant alors que celui-ci allait droit au but en parlant de l'acolyte Brégunien et de tous ses camarades plus ou moins agréables. Pour une fois que le regard d'acier de l'homme ne la mettait pas mal à l'aise au possible... Elle allait en profiter pour le détailler de manière plus attentive. Emilien Heildemar était un nom familier à la marquise puisqu'elle l'avait rencontré précédemment dans les jardins du temple de l'Ordre du Soleil. La discussion s'annonçait particulièrement intéressante.

Lorsque que Thomas eu terminé son exposé, la petite dame aux jeunes traits elfiques prit parole. Le timbre de sa voix était celui que le sérieux premier ministre connaissait bien. Clair, posé mais aussi présentant cette réserve qui l'habitait et ce malgré l'appellation plus familière qu'elle se permettrait d'utiliser. Jamais Sarä n'était impolie ou désagréable avec celui qui était son supérieur depuis... des lustres. Leur relation professionnelle c'était comme le mariage... Pour le meilleur et pour le pire jusqu'à ce que la mort les sépare!

« Les noms me sont familier, surtout celui de l'acolyte. Je l'ai rencontré il y a environ deux semaines je crois... Et j'avais été... Dérangée par le fait qu'il est originaire de Briganne, il me posait beaucoup de questions. L'inquisiteur de Nogar et moi-même sommes vigilant avec ceux-là... »

Elle prit une petite pause pour prendre une inspiration plus marquée puis se gratter le grain de beauté le plus visible sur son visage, soit cette énorme mouche près de l'œil gauche. Il ne dit rien... Connaissant les tics nerveux de la conseillère de l'Ordre, il pouvait aisément se douter que la presque mademoiselle Taur'Amandil n'avait pas tout à fait terminé. De toute manière... Ce n'avait jamais été dans ses habitudes que de couper la parole.

« Je suis très contrariée d'apprendre qu'il fournit Briganne en...Renseignements. Maintenant j'hésite entre deux choses... Le pincer directement ou encore le prendre à son propre jeu d'une façon que je ne sais pas encore. »

Une autre petite pause, le temps de scruter l'échiquier, et elle reprit parole.

« Je crois que de connaître ce que cherche le pion pourrait nous indiquer ce que cherche les autres pièces du jeu. Qu'avez-vous l'intention de faire de votre côté Thomas? »

Délicatement ses lèvres rosées se pincèrent avec un petit air agacée. Naturellement cet agacement ce n'était pas Thomas qui le provoquait, et ce dernier pouvait amplement s'en douter, c'était plutôt l'ensemble de la situation. Briganne se manifestait un peu trop à son goût dernièrement... Et en ce qui concerne le jeu d'échec, personnellement la marquise n'y toucha pas.

Elle ne savait pas jouer aux échecs.


Post by Thomas Bolton, Emp - July 26, 2010 at 5:32 PM

Le Surintendant écouta la marquise avec attention, ayant délaissé ses pions pour braquer son regard d’acier sur elle. Il la laissait développer le fil de sa pensée sans jamais l’interrompre. Une fois qu’il fut certain qu’elle eut terminé, il répondit de son célèbre ton monocorde :

« Le pincer, comme vous dites, ne constitue pas une réponse productive. Vous évincerez un individu qui aurait pu être potentiellement utile. »

Suite à quoi il se leva pour se diriger vers la grande cheminée où dansaient de superbes flammes orangées. Son regard se perdit un instant, voilé par une profonde réflexion intérieure. Finalement, au bout de quelques secondes, il murmura quelques mots.

Le reste de l’entretien ne serait pas décrit ici par souci de confidentialité. Nul doute que les deux individus y trouveraient leur compte…


Post by Thomas Bolton, Emp - July 28, 2010 at 9:14 PM

Acturus Polymaro venait tout juste de déposer sa lettre de démission devant les membres du Collège des Guildes qu’une nouvelle frayeur lui tombait dessus. Mais avant, posons un peu le décor : le soleil commençait sa longue descente vers la ligne d’horizon. Déjà, le ciel se teintait d’une superbe teinte orangée, strié de nuages rosés. C’était un des petits spectacles du quotidien qu’offrait la Nature à ses ouailles. L’esthétique était frappante et pourtant, ils étaient peu nombreux les citoyens qui levaient la tête vers cette étonnante démonstration de sa toute puissance.

Ceci étant dit, revenons au pauvre bègue en état de choc. Il devait être en train de se lamenter dans sa demeure quand des coups sourds résonnèrent. On frappait à sa porte dans un bruit particulièrement intimidant. Lorsque le vigneron s’approcha de la petite fenêtre, il put voir deux hommes à la carrure exceptionnelle et à l’air menaçant. Les deux gorilles attendirent un moment avant de frapper à nouveau, ce qui arracha un sursaut de terreur à Acturus. Oh, avait-il bien fait de revenir à Systeria ? Parfois, il devait souhaiter ne jamais être revenu…

Sur la pointe des pieds, à la limite de la psychose paranoïaque, il se dirigea vers la porte de l’arrière-cour. Pensant échapper à ses possibles agresseurs, il l’ouvrit en douceur pour éviter d’avoir des ennuis. Il poussa alors un cri étouffé, sursautant, les jambes flageolantes, en s’apercevant que deux autres gorilles attendaient à l’arrière de la maison. Avant qu’il n’eut pu faire demi-tour pour s’enfuir se cacher quelque part, une grosse patte l’attrapa par le col pour le retenir. D’une voix grave et rauque, hargneuse, un des deux hommes lui annonça :

« Votre rendez-vous avec Sa Seigneurie approche. »

« Qu…que…quel rend.. rend… rendez-vvvv vous ? », réussit à articuler miraculeusement monsieur Polymaro.

« Celui qui est prévu, monsieur. Nous vous escortons au palais. »

Apparemment, il y avait bien un rendez-vous. Parfois, le duc Bolton ne pensait pas qu’un accord préalable de son interlocuteur était nécessaire pour convenir d’un entretien. Chacun avait ses propres conceptions, après tout ! Le bègue, donc, fut jeté dans un carrosse de bonne facture, sans signe distinctif. Il fut assit entre les deux plus gros hommes de main qui avaient pour mission de venir le trouver dans sa demeure. Lui, le malingre, le faiblard, encadré par des monstres de la nature. La situation avait tout du ridicule, sauf pour l’ancien Seigneur-Marchand, transi de peur.

Quelques minutes plus tard, il se retrouva dans le bureau du premier ministre, en face de ce dernier. L’escorte fut congédiée, ils étaient seuls. Dans son grand fauteuil, le duc braquait sur lui son regard d’acier. Il était d’une extrême sévérité.

« Bien le bonsoir, Polymaro. Vous êtes pile à l’heure. Nous allons évoquer vos problèmes actuels, voulez-vous ? »

Devant le silence qui accompagnait sa question, Thomas enchaîna :

« Plusieurs démissions de suite, une vente de tous vos biens, vous enchaînez les erreurs. Elles sont toutes plus catastrophiques les unes que les autres. »

Toujours rien. Après tout, ce qu’on venait de lui asséner, Acturus le savait déjà tout au fond de lui.

« Si vous souhaitiez mourir, vous auriez pu le demander aux bréguniens. C’est une peine qu’ils se seraient bien donnés je pense. Or, vous oubliez plusieurs petites choses et je vais vous les rappeler. »

Attrapant sa canne, le Surintendant se redressa et alla se placer devant la grande cheminée qui permettait de chauffer cette pièce à la décoration austère. Le bègue, naturellement, le suivait du regard.

« J’ai mis en œuvre des moyens très importants pour vous récupérer. Des moyens dont vous ne soupçonnez même pas l'étendue. Ai-je fais tout ceci pour rien ? »

Il rabattit sa canne devant lui et posa ses deux mains sur le pommeau d’argent. Soudain, il donna un coup très sec sur le parquet, ce qui fit sursauter encore une fois le pauvre vigneron.

« Madame Yu a par je-ne-sais-quel miracle réussi à vous sauver. Elle a donné sa vie pour vous. Nous ignorons tous deux les raisons exactes qui ont motivé ses actes, mais pensez-vous qu’elle ait souhaité sauver un pauvre homme pour le voir s’enfoncer encore plus dans une misère crasse ? J’en doute. »

D’un pas lent, mais parfaitement serein et régulier, le duc s’approcha de son interlocuteur, approchant son visage de celui de son hôte. Il avait encore plus l’air d’un vautour !

« Si vous n’avez aucun respect pour ce que j’ai fait pour obtenir votre libération, respectez au moins ce qu’a fait Madame Yu pour vous. Honorez sa mémoire en utilisant cette expérience pour mûrir, pour trouver l’assurance nécessaire et continuer vos projets. En agissant comme vous le faites actuellement, vous la salissez. Est-ce réellement ce que vous souhaitez ? »

*Et il se tut. Un silence pesant, une atmosphère lourde s’établit alors dans la pièce. Immobile, le Surintendant ne bougeait pas d’un cil. Il restait là, imperturbable, juste en face de son hôte, complètement imperturbable. La balle était dans son camp… *


Post by Acturus Polymaro, Mort - July 30, 2010 at 9:08 PM

Comme la description faite par le narrateur derrière sa Seigneurie est juste à propos des réactions du bègue, nous sauterons directement dans le bureau de la Surintendance.

Acturus restait toujours recroquevillé en regardant fixement le sol, comme si le simple regard glacial de Monsieur Bolton était tout aussi intimidant que les deux fiers à bras de sa Seigneurie. Ses mains étaient fortement jointes près de sa poitrine. La blancheur de ses doigts démontrait une forte pression dû à son immense stresse et son insécurité. Le bandages sur ses mains encore blessées, se tordait. Lorsque sa Seigneurie se tournait pour avoir explication, le bègue haussa les épaules dans d’un mouvement crispé; un réflex de protection. Ce geste de tortue, il s’y était conditionné avec tout ces mois de torture. Durant des mois, lorsque l’on s’approchait de lui c’était pour lui faire mal. Comme à son habitude, il bredouillait d’innombrable mot avant de former enfin une phrase compréhensible aux oreilles du Surintendant.

N-n-non mon-mon-monsieur le S-s-s-s-su-surintenant. Je .. el-elle m’a de-de-d-demandé de re-re-reprendre ma v-v-vie en m-m-main s-s-si je m’en so-so-sortais…

Dit-il pour ensuite enchaîné encore avec cette terrible difficulté de s’exprimer du à son niveau de stresse et sa paranoïa maintenant.

J-j-j’ai f-f-fais une e-e-erreur a-a-avec c-c-cette l-l-lettre à sa f-f-f-fille…j’ai j-j-juste vou-voulu f-f-faire mon t-t-travail… j’ai p-p-pas p-p-pensé… les-les g-g-gens v-v-veulent m-m-ma m-mort, ils-ils me dé-détestent tous… et si j’ose p-p-parler des Min-Minh Yu je … je s-s-sens qu’ils me po-po-poignarde de-de-d-leur re-re-regard… je ne m-m-me s-s-sens pl-plus en sé-sé-sécurité n-n-nul p-p-part.. m-m-même plus ch-chez moi à s-s-systéria… T-t-tout le mon-monde me dé-déteste… tou-tout le monde…

*Plus il parlait, plus sa voix s’amenuisait jusqu’à en devenir un chuchotement. Comme si le son de ses propres paroles l’affectait et le faisait souffrir encore. *

Je ne s-s-suis p-p-p-pas f-f-fait pour ê-ê-être une p-p-p-p-p-p-personne im-importante.. t-t-tout ce que je vou-vou-voulais c-c-c’était une-une v-v-vie t-t-tranquille… je n-n-n-n’ai j-j-j-j-jamais vou-voulu t-t-t-tout ça... Je ne s-s-sais pl-plus quoi f-f-faire… je ne s-s-sais pl-plus… Je vou-voudrais re-re-recommencer co-comme a-a-avant…

Sa dernière phrase était un faible murmure. Sans doute trop en détresse pour s’écouter, il venait inconsciemment de donner une piste de solution à prendre? Tous n’étaient peut-être pas perdu dans sa grandissante paranoïa.

À ce moment, il se retenait de ne pas tomber dans le récit larmoyant alors qu’il exprimait sa détresse à l’une des seules personnes qui l’écoutait? Il était peut-être dommage de voir son travail sur le bègue durant des années en train de se désintégrer devant lui. Était-ce le pire défi de sa Surintendance? Acturus représenterait-il l’échec de sa Seigneurie? Qui sait ce qui se tramait dans l’esprit de Monsieur Bolton…
Quoi qu’il en soit, les événements étaient clairement trop intenses pour la fragile personne qu’était Acturus. Il se noyait visiblement…


Post by Thomas Bolton, Emp - July 30, 2010 at 10:24 PM

Le Surintendant se redressa, sa main droite sur la canne, et se dirigea vers l’immense baie vitrée qui donnait sur la vaste forêt qui bordait l’aile nord du palais. Il semblait réfléchir, digérer le discours que venait de lui faire le pauvre vigneron. Il était à bout, le bègue national, il n’en pouvait plus et se laissait envahir, petit à petit, par un état confus très insidieux, très pernicieux. Le duc prononça quelques mots :

« Bien entendu, je vois une autre explication à vos dernières actions. Une explication très simple et très dangereuse pour vous. »

Très lentement il se retourna, ménageant particulièrement ses effets, renforçant son aura sévère. L’atmosphère se faisait plus pesante, plus oppressante. L’ancien Seigneur-Marchand devait espérer une seule chose : sortir le plus rapidement possible de la pièce. Malheureusement, ça ne serait pas le cas pour tout de suite. Il devrait encore subir un long interrogatoire.

« Les bréguniens vous ont laissé la vie sauve, ce qui est une chose relativement exceptionnelle, en soi. »

Le premier ministre retourna alors d’un pas régulier et serein vers son hôte, qui était loin d’afficher la même tranquillité, ça non ! Une nouvelle fois au cours de cet entretien, il approcha son visage de celui de son ancien patient.

« Vous auraient-ils demandé des informations ? Souhaitent-ils vous utiliser pour récupérer des renseignements pertinents ? »

Un sourcil arqué, le regard perçant, il ne cessait de fixer l’artisan, qui restait immobile, ne sachant pas encore quoi répondre. Il n’eut pas à se donner cette peine, puisque son interlocuteur enchaîna directement :

« Ce qui expliquerait vos multiples démissions. Vous souhaitez vous expulser vous-même des processus décisionnaires de l’Association et de l’Etat pour vous rendre inoffensif à l’encontre de votre patrie. »

Encore une fois, Acturus n’eut pas le temps de répondre.

« Vous devez bien vous douter ce qui arrive aux pions inutiles des bréguniens, non ? »

Finalement et heureusement pour Acturus, le Surintendant se redressa. Le vigneron pouvait enfin reprendre sa respiration !

« Est-ce que je me trompe, Polymaro ? »

Cette dernière question sonnait la fin du petit exposé que venait de donner le duc Bolton. Avait-il raison ? S’était-il égaré en chemin ? Ou bien était-ce l’œuvre d’un stratagème alambiqué pour lui tirer autrement les vers du nez ?


Post by Acturus Polymaro, Mort - August 2, 2010 at 9:03 PM

Sans regarder directement sa Surintendance dans les yeux, il laissait plané plusieurs minutes avant de donné réponse, créant une atmosphère encore plus lourde et froide. D’abord, faiblement le mouvement de tête s’amplifiait progressivement pour affirmer les dires du Surintendant.

Oh sans doute espérait-il pouvoir s’enfuir, se cacher derrière les rideaux comme il l’avait fait avec la Grosse et espérer cette fois-ci de ne pas être vue. Alors qu’il ouvrit la bouche pour demander de partir, le sévère regard du Surintendant était suffisant pour le ravisé. Il abaissa la tête et vint poursuivre les explications que sa Seigneurie attendait sans aucun doute.

Je-je leur ai t-t-tout dis ce que je sa-sa-savais… je ne v-v-veux plus r-r-rien sa-savoir… Je ne v-v-veux pl-plus a-a-avoir le s-s-sentiment de t-t-trahir tou-tout le monde… il-ils me dé-déteste t-t-t-tous m-m-m-maintenant… Je v-v-veux re-re-re-recommencer ma v-v-vie di-di-différement. Être ou-ou-oublié, re-re-redevenir le s-s-simple m-m-marchand de sy-systéria…

Sa paranoïa se faisait toujours sentir quoi qu’une pointe encore de lucidité paraissait. S’il advenait que le Surintendant demande des détails sur ce qui avait été dit, Acturus coopérait bien docilement en priant Thaar que tout ce cauchemar cesse et qu’il puisse reprendre une vie « normal ». Plus de commerce, plus de titre et bientôt plus de femme, il n’avait plus rien à perdre comme l’on dit.

Une crainte restait et une fois de plus, il le demandait.
Es-es-est-ce que je v-v-vais re-re-re-retourner en p-p-p-prison ?* Il montrait involontairement à sa Seigneurie une grande vulnérabilité. Le simple fait de revoir ces lieux serait lui remémorer douloureusement ses atroces souvenirs qui n’étaient pas encore bien loin dans sa mémoire…*


Post by Thomas Bolton, Emp - August 2, 2010 at 11:04 PM

L’attitude et la réponse du bègue lui permirent de confirmer l’hypothèse qu’il venait tout juste d’émettre. Les bréguniens étaient plus insidieux que cela : la torture physique n’était que la première partie de leur plan pour détruire un individu. Une autre forme de torture, plus pernicieuse, plus destructrice perdurait, quand bien même ils relâchaient leur prisonnier. Ce dernier continuait pendant de nombreux mois de subir des pressions qu’il s’infligeait lui-même, en réaction à des semaines de mauvais traitements. Sur une personne déjà faible, comme Acturus, le résultat était bel et bien catastrophique.

« Dites-moi ce que vous leur avez révélé. Dans le détail. Et n’oubliez rien, je vous prie. », demanda-t-il poliment mais d’un ton particulièrement impérieux.

Voyant que le bègue hésitait, attendant une réponse à sa dernière question, le premier ministre décida d’apaiser toute suite l’angoisse terrible que le vigneron devait subir. Faisait-il preuve de compassion ou voulait-il calmer l’artisan uniquement pour obtenir des réponses ? Les mauvaises langues choisiraient d’office la seconde option.

« Pourquoi vous jetterai-je en prison, Polymaro ? Pour avoir craqué sous la torture ? Ne soyez pas stupide. »

Toujours en face d’Acturus, la main sur le pommeau d’argent de sa canne, il fixait le jeune homme qui ne pouvait s’empêcher de trembler. Pauvre, pauvre petit artisan… S’insinuer dans des intrigues géopolitiques avait de quoi briser plus d’un individu !


Post by Acturus Polymaro, Mort - August 3, 2010 at 6:59 PM

Sous les bonnes? paroles du Surintendant, son hésitation s’en allait sans pour autant que son terrible malaise disparaisse lui. De par ses difficultés à s’exprimer, le bègue lui raconta donc toute l’histoire. À commencer par son arrivée et sa rencontre fortuite avec Monsieur DeGrandPoing, son emprisonnement, l’intervention de Yuri Minh Yu, la surprenante action d’Acturus pour lui sauver la vie, la mort du Brégunien et leur transfère à Briganne, ses échanges avec la défunte t’sennoise. Il continua avec visiblement d’importante séquelle psychologique la suite concernant sa torture de lui et sa mère pour des informations qu’il pouvait détenir. Le bègue, avec un sentiment de culpabilité très palpable, avoua qu’il leur a tout donné les informations concernant les dossiers qu’il connaissait. Il fini donc avec son serment imposé à la couronne de Briganne.

À la fin de son récit, son émotion avait été piquée au vif en repassant ce cauchemar dans son esprit et il ne peut s’empêcher de laisser échapper quelque sanglots. Il avait fait un effort considérable pour se retenir jusqu’à la fin de son histoire afin de ne pas interrompre le fil du récit. Sans doute le Surintendant l’avait-il remarqué lorsqu’Acturus prenait ici et là de bonne inspiration afin de retarder ses larmes ou lorsqu’il serrait de plus en plus ses mains soudées ensemble malgré ses blessures en plus de sa voix tremblotante et serrée à la gorge.

Fait peut-être banale à la première vue, mais à sa rencontre avec le Surintendant, Acturus ne portait pas à sa chemise la médaille qu’il s’était mérité un peu avant son départ pour Briganne. D’ailleurs, il vint porter sa main à sa besace pour la présenter à sa Seigneurie. Comme quoi il enchaînait erreur par-dessus erreur.

« Je-je-je ne l’a mé-mé-mérite pl-plus… je n-n-n’ai r-r-rien d’un hé-héro ou d-d-d-d’un h-h-homme ho-ho-honorable… »

La médaille semblait avoir suivie Acturus dans sa misère étant donnée son horrible état. En effet, son malheureux séjour à Briganne l’avait complètement brisé. Comme une brulure une fois le feu passé, la douleur persiste encore après l’accident. Acturus avait visiblement du mal à supporter le poids de sa décision et ce sentiment de trahison. Après coup, il aurait peut-être préféré mourir dans les geôles du Palais.


Post by Thomas Bolton, Emp - August 3, 2010 at 9:56 PM

Durant tout le discours du pauvre artisan, le Surintendant était resté immobile, planté au milieu de la pièce. Ses deux mains étaient posées sur le pommeau d’argent de sa canne d’ébène. Alors qu’Acturus faisait la liste de tous ses malheurs, de toutes ses mésaventures, exprimant sur son visage ou par sa voix toutes les émotions qu’il avait endurées à chaque fois, le premier ministre conservait cet air stoïque qu’on lui connaissait si bien. Etait-il sans cœur ? Etait-il capable de ne rien éprouver ? Etait-il réellement ce monstre que la légende populaire dépeignait avec force détails ? Oh, c’était peu probable, mais sans doute y avait-il une quelconque part de vérité.

Les sanglots du vigneron ne lui arrachèrent aucun geste de compassion, aucune remarque d’apaisement. Il restait là, apparemment insensible, à le regarder essuyer ses larmes, la voix brisée par les ravages du traitement infligé par les bréguniens. Pauvre petite chose, abandonnée à elle-même, victime de la cruauté d’un monde qu’il n’avait même pas voulu intégrer. Pris malgré lui dans les rouages mystérieux et implacables des intrigues des deux nations, il n’avait pas su résister. Qui aurait pu, d’ailleurs ?

Lorsque d’une main tremblante, son interlocuteur lui tendit la Palme d’Honneur, le duc consentit enfin à lui répondre.

« Cessez ces simagrées. Tous les héros craquent sous la torture, tous les hommes d’honneur commettent des fautes. S’il y a trahison, il ne s’agit que de celle de votre corps. »

Non, il ne prendrait pas cette médaille, ne bougeant pas d’un cil.

« Gardez-la, ce sera le souvenir de votre combat, Polymaro. »

Chaque fois qu’il avait ouvert la bouche, son ton était tranchant et glacial. Curieusement, par effet de contraste, le sens de ses paroles était emprunt de compréhension. Sur quel pied fallait-il danser ? C’était difficile à dire car extrêmement déroutant.

« Je m’occupe de votre cas. Je vous ordonne de prendre contact avec mademoiselle Eäm’Arylth afin de mettre en place une cure de repos. C’est la seule chose dont vous avez besoin à l’heure actuelle. Vous n’êtes bon à rien dans cet état, Polymaro. »

Lentement, il s’approcha de la porte pour l’ouvrir en grand. Toutefois, avant de chasser le Seigneur-Marchand, il se tourna vers lui pour lui laisser l’occasion de réagir à ce qu’il venait de lui confier…


Post by Thomas Bolton, Emp - September 26, 2010 at 2:08 PM

Plusieurs semaines plus tard, alors qu’il cherchait un rapport dans la grande bibliothèque de son austère bureau, le Surintendant retrouva un étrange cylindre à l’armature métallique qui semblait contenir une missive. Quand il l’agita, il entendit le son significatif d’un liquide dans une petite fiole. Dès qu’il eut l’objet en main, il se remémora le mystère qui tournait autour de cet étrange mécanisme. L’énigme avait été résolue voilà bien des années, mais jamais la réponse n’avait été utilisée pour accéder à la lettre. Lentement, le premier ministre retourna s’assoir près de l’âtre. Un sourire sans joie se forma alors sur ses fines lèvres pâles, pendant qu’il examinait la complexité de ce qu’il avait entre les mains.

« Vous avez été plus patient que je ne le pensais, laborantin Dusyel. », murmura-t-il d’un ton songeur.

Le duc se rappelait comment l’alchimiste, encore bien jeune à l’époque, l’avait placé devant cette énigme alambiquée. Il avait trouvé la réponse après un cheminement très obscur, mais n’en avait jamais fait l’usage. Le chercheur était bien trop impulsif à l’époque, il voulait lui apprendre la patience et à contrecarrer sa frustration. Finalement, Esmeral c’était extrêmement bien débrouillé. Jamais il n’en avait refait mention depuis que le Directeur de Sainte-Elisa lui avait annoncé sa décision de ne pas l’ouvrir. Aujourd’hui… et bien aujourd’hui était un jour bien différent.

« Le nom de l’épine. Vous aviez eu une bien drôle d’idée. »

Alors qu’il parlait, il fit pivoter les différentes parties du cylindre dont les fins rouages émirent de petits cliquetis métalliques. Les lettres défilaient, une à une, jusqu’à ce que Thomas finisse par écrire le mot qui lui permettrait d’accéder au contenu. Une erreur et la petite fiole d’acide se briserait pour dissoudre le parchemin. Toutefois, le Surintendant savait qu’il ne se trompait pas. Disons que ça ressemblait beaucoup à une forte intuition. Finalement, après quelques secondes de manipulation, il entendit un cliquetis beaucoup plus sonore. L’objet s’ouvrit dans ses mains et le papier glissa au-dehors. D’un geste vif, il l’attrapa et commença à en faire la lecture.

Son regard d’acier s’arrêta un moment sur le croquis qu’avait fait Esmeral, fronça les sourcils et détailla ce qui semblait être une recette. Une liste d’ingrédients était inscrite avec plusieurs instructions qui expliquaient comment les combiner pour arriver à un résultat précis. Diverses annotations supplémentaires expliquaient les résultats de cette expérience alchimique de haut niveau. Lorsqu’il termina sa lecture, le duc fronça les sourcils, perplexe. Ce qu’il tenait dans les mains pouvait causer d’énormes pertes en peu de temps. L’idée de jeter le papier au feu lui vint à l’esprit, mais il la balaya très rapidement. Si une telle chose était possible, elle serait recréée un jour ou l’autre.

A ce moment-même, monsieur Cressen, secrétaire particulier de Sa Seigneurie, pénétra dans la pièce et salua son maître. Il déposa en silence des dossiers sur la table de pierre et rejoignit le premier ministre près de l’âtre brûlant. Il lui fit un bref inventaire des affaires en cours : le dossier d’instruction de Garibald Adalard, des nouvelles de la situation au sein de la Ligue de Zanther, les perquisitions et saisies de l’Association et bien d’autres sujets encore. Pendant qu’il le faisait, Thomas était retourné près de la table où était posé le jeu d’échec et rédigeait une lettre qu’il cacheta à l'aide du sceau de la Surintendance.

« Monseigneur a-t-il besoin d’autre chose ? »

« Oui Cressen. Faites livrer ceci à la Confrérie Pourpre le plus rapidement possible. »

« Bien, monseigneur. Tout de suite, monseigneur. », dit le secrétaire tout en s’inclinant bien bas, avant de quitter la pièce.

Ah, Esmeral Dusyel ! Aujourd’hui disparu, le laborantin préféré de Yuri Minh Yu verrait ses travaux perdurer dans le temps…


Post by Thomas Bolton, Emp - October 22, 2010 at 12:47 PM

Peu après l’aube, alors que le Surintendant commençait à examiner son courrier du matin, monsieur Cressen entra dans le bureau de son supérieur. Chose étonnante, il n’avait pas ses sempiternels dossiers avec lui, qu’il gardait quasi-continuellement sous son bras droit. Non, cette fois-ci, il portait avec délicatesse un petit coffre de bois, finement ciselé, de la taille d’une boîte à bijoux. Alors qu’il relevait le regarde pour le poser sur son secrétaire particulier, le premier ministre remarqua que ses phalanges étaient blanchies sous l’effort. Le coffret devait poser son poids.

« Notre service a jugé bon de vous faire transmettre ce coffret, monseigneur. », déclara simplement le fonctionnaire.

Le duc fronça les sourcils puis hocha la tête, comme s’il savait de quoi il s’agissait. C’était sans doute le cas.

« Il doit s’agir de notre fameux interlocuteur de Zanther, je présume. », répondit de sa voix monocorde le Surintendant.

« C’est exact, monseigneur. Le coffret a été analysé par nos meilleurs éléments. Aucun résidu de magie quelconque, les tests aux poisons sont tous négatifs et les alchimistes n’ont détecté aucune trace d’éléments explosifs. Son contenu est inoffensif, monseigneur. Bien évidemment, nous ne l’avons pas ouvert. »

En déroulant son bref exposé, Cressen déposa l’objet en question en face de son supérieur hiérarchique. Ce dernier effleura les gravures dans le bois de ses mains aux longs doigts de pianiste. La serrure n’avait pas été forcée et cachait toujours le contenu des regards indiscrets. Si Sa Seigneurie souhaitait l’ouvrir, il lui faudrait confier cette tâche à un professionnel.

« Toutefois, monseigneur, je pense qu’il y a un détail que vous devriez connaître. », déclara l’homme aux lunettes demi-lune, tendant la petite note qui était à l’origine attachée à la boîte.

Si vous voulez des réponses, regardez en-dessous. Elle vous en donnera peut-être.

Détruisez cette note après l'avoir lue.

Un sourire sans joie se forma sur les fines lèvres pâles du premier ministre qui froissa le papier et l’envoya d’un geste sec dans l’âtre brûlant où il se consuma en l’espace de quelques secondes.

« Nous avions le choix entre l’absurdité ou une prise de contact préméditée, Cressen. Je vois que nous avons désormais notre répondre. »

D’une main impérieuse, le duc repoussa le coffret vers son subalterne, qui le reprit dans ses mains de gratte-papier.

« Dois-je en commander l’ouverture discrète, monseigneur ? »

Sa Seigneurie quitta son inconfortable siège de pierre et se rendit en face de la grande baie vitrée qui illuminait la pièce. Ses mains jointes dans le dos, il laissa son regard errer sur la cité pendant quelques secondes avant de répondre. Il secoua la tête.

« Non. Faites-le parvenir à son destinataire par la voie normale. Je ne souhaite pas savoir ce qu’il y a dans ce coffret. »

Cette phrase aurait pu en surprendre plus d’un ! Beaucoup taxait le premier ministre de curiosité maladive et mal placée. Même son secrétaire se laissait aller à le penser, parfois. Apparemment, ils se trompaient tous. Thomas pressentit la question qui allait lui être posée et enchaîna directement :

« Quelqu’un souhaite que nous ouvrions cette boîte, je n’apprécie pas que l’on me force la main. Qui plus est, l’ouvrir ne revêt aucun intérêt à mes yeux. »

Suite à cela, il leva la main gauche et balaya légèrement l’air. Cressen prit son congé et exécuta les instructions de son supérieur. Le coffret de bois fut donc réinjecté dans la mécanique de la Plume Impériale et put atteindre Elethiel d’Exophon, son destinataire. Rien n’aurait pu laisser penser qu’il avait été intercepté.

Rien… excepté si le destinataire savait qu’une petite note avait été accrochée à la boîte de bois. Petite note qui ne s’y trouvait plus, car consumée par les flammes. Le Surintendant avait-il fait exprès ? Etait-ce un oubli volontaire ? Extrêmement probable, diront certains. Elethiel pourrait alors se demander si le premier ministre avait bel et bien examiné le contenu et fait refermer le coffret. Une question qui resterait sans réponse...


Post by Thomas Bolton, Emp - October 24, 2010 at 10:46 AM

Revenons à cette histoire de cylindre métallique. Le Surintendant avait d’ores-et-déjà contacté Koenzell Pandora pour organiser une rencontre avec un chercheur de la Confrérie et mettre sous clé une des expériences les plus dangereuses d’Enrya. Faute d’emplois du temps similaires, la date avait sans cesse été repoussée. Sa Seigneurie décida donc de prendre les devants et de provoquer l’entretien, avec ou sans l’accord du pauvre mage. Aussi, un matin, deux gorilles du palais vinrent tambouriner à la porte des quartiers d’un des avocats les plus connus de la capitale.

« Koenzell Pandora ! Ouvrez ! », hurla de sa grosse voix un des deux hommes.

Quelques secondes plus tard, l’alchimiste vint leur ouvrir. Il avait à peine eu le temps de s’habiller.

« Si c’est pour une vente à domicile, je ne suis pas intéressé. », dit-il avant de faire mine de fermer la porte.

Le garde du corps qui avait frappé glissa alors son pied pour bloquer la fermeture. De sa gigantesque main, épaisse comme un battoir, il la repoussa avec une délicatesse qui jurait cruellement avec son apparence physique.

« Le seigneur Bolton vous attend pour votre rendez-vous de neuf heures. »

Koenzell fronça les sourcils, étonné. Il n’avait pas été informé !

« Mais ? Vous êtes sûrs ? Je n’ai pas pris de rendez-vous avec le Surintendant. »

« Sa Seigneurie dit que si. Venez. », lâcha-t-il d’une voix qui ne laissait aucune place à la contestation.

Et sur ces bonnes paroles, le petit groupe se rendit directement au palais, dans le bureau du duc qui attendait, bien enfoncé dans son large fauteuil de pierre, les bras croisé. Son regard examinait une série de cartes représentant les multiples petites îles qui entouraient l’Archipel de Systéria. Lorsque le mage pourpre fit son entrée, il releva la tête.

« Merci messieurs. », lança-t-il à l’adresse des deux gorilles, qui prirent leur congé.

D’un geste impérieux, il détendit son bras droit et désigna le banc en face de lui.

« Vous êtes à l’heure, Pandora. J’apprécie la ponctualité. Asseyez-vous donc, nous avons à parler. Vous devez vous souvenir de cette lettre que je vous avais envoyé, au sujet d’une affaire qui concernait la sécurité nationale. »

Le duc se redressa sur son siège, attrapa un morceau de parchemin et le fit glisser jusqu’à Koenzell. Elle représentait un micro-organisme. Vu son apparence, il n’avait rien d’inoffensif.

Devant le regard éberlué de l’alchimiste, le seigneur Bolton rajouta quelques mots en agitant un document roulé et fermé par un ruban.

« J’ai ici ce qui semble être la recette pour mener à bien un tel projet. Il s’agit de créer une bactérie dévoreuse de chair. Selon les travaux de cet ancien membre de la Confrérie, rien ne semble en mesure de l’arrêter. Pour le moment, du moins. »

Le Surintendant conservait soigneusement la fameuse recette dans sa main, ne la lâchant pas, ne serait-ce que pour la poser sur son bureau.

« Je souhaite confier ces renseignements à la guilde qui me semble la plus en mesure de les garder sous clé. Bien évidemment, avec le cas Menrul, j’aurais tendance à me méfier. Pouvez-vous me certifier que le compte-rendu de cette expérience sera conservé dans le quartier de haute sécurité de la Recherche ? Pouvez-vous, Pandora, engager la responsabilité de la Confrérie sur cette affaire ? »

Le regard d’acier du premier ministre semblait devenir de plus en plus sévère, alors que son ton devenait de plus en plus tranchant.

« Vous en profiterez pour mener toutes les recherches possibles afin de trouver une parade à ce micro-organisme, au cas où d’autres réussiraient à la produire. Est-ce clair, Pandora ? »

Enfin, le seigneur Bolton se tut et laissa tout le loisir à son interlocuteur de lui répondre…


Post by Koenzell Pandora, Cp - October 27, 2010 at 9:14 AM

Les yeux bien petit, l'alchimiste tentait bien que mal de se réveiller. Il était plutôt rare de se réveiller dans le bureau du surintendant de plus à une heure si.. matinal.

« Il nous est facile de sceller une salle pour y faire des recherches et y entreposer des document dangereux. Vous n'avez pas a vous inquiéter de ce côté. »

Koenzell porta ses mains à ses yeux pour tenter d'y voir plus clair. C'est peine s'il a pu distinguer les expression de sont interlocuteur depuis le début de l'entretien.

« Votre choix de nous remettre ces informations est sans nul doute le meilleur pour ce cas. Si je comprend bien, vous souhaitez que nous donnons vie à cette organisme et que du même coup nous trouvions une sorte d'antidote si je peu me le permettre. »

Il posa le bout de ses doigts sur sa tempe gauche le temps de réfléchir tout en déviant son regard vers l'extérieure.

« Je dois m'avouer plutôt emballé par ce travaille, mais est-ce vraiment sage de créer cette chose sur nos terres? Les risque de propaguation de cette chose nous reste encore inconnu. Notre laboratoire extra-planair n'est toujours pas en place avec les nombreux changement chez les commerçants. Auriez vous une solution rapide à la chose ou un lieux sécuritaire sur l'une de nos îles? »

*Le regard du mage se plongea dans celui du surintendant. Un regard qui se voulait des plus sérieux laissant tout signe de fatigues derrière lui. C'était un projet de taille que l'empire présentait devant lui. Il est sur qu'il aurait aimé en être informé plus tôt vu tout ce qui en découle ou plutôt ce qui en découlera. De nombreuses précotion allaient devoir être mis en place. Il ne restait qu'a savoir ce que le surintendant avait derrière la tête. *

- Sa m'apprendra a travailler toute la nuit... - Pensa-t-il en attendant la suite que lui réservait Thomas.


Post by Thomas Bolton, Emp - October 28, 2010 at 7:31 PM

Le Surintendant laissa donc son interlocuteur s’exprimer tout son saoul avant de répondre. Les différentes interventions de Koenzell Pandora ne lui arrachèrent aucun signe particulier : pas d’expression singulière sur le visage, mais toujours cet austère masque stoïque. Il ne marquait même pas son attention par diverses marques d’écoute, comme un simple hochement de tête ou de « hmm hmm » bien employés. Non, le chercheur aurait pu parler à une statue, il se serait retrouvé exactement dans la même situation. A la différence près que le duc, lui, répondait.

« Le cadavre de Lenne Vespari n’était-il pas sensé être gardé sous haute protection, lui aussi, Pandora ? »

Le premier ministre ne laissa pas le loisir au demi-elfe de répondre. La question devait plus être rhétorique qu’autre chose. Peut-être cherchait-il à faire simplement comprendre que toute erreur aurait de lourdes conséquences.

« Raviver cet organisme ne me semble pas la meilleure des choses à faire, sauf si vous avez une confiance absolument inébranlable dans la fiabilité de vos systèmes de sécurité. Monsieur Dusyel a réussi à le créer dans un simple laboratoire et à le circonscrire, voire à le détruire, puisqu’aucune manifestation n’a eu lieu. Je présume que vous pouvez faire de même. »

Le seigneur Bolton glissa sa main dans le tas de paperasses qui traînait sur son bureau et en sortit un dossier relié de cuir, qu’il donna à Koenzell.

« Ce n’est pas à moi de dire à la Confrérie où faire ces expériences. Je souhaite simplement que vous me teniez au courant de l’évolution de vos recherches. Trouvez une parade sera l’objectif principal. Si vous n’avez rien d’autre à dire, ces messieurs vont vous raccompagner. », dit-il alors que les deux gorilles faisaient leur entrée dans la pièce.

Thomas tapota lentement le rapport qu’il venait de confier à l’érudit.

« Prenez-en soin. »

Puis il laissa sa phrase en suspend, au cas où le mage souhaitait ajouter une dernière chose avant de quitter la pièce…


Post by Koenzell Pandora, Cp - November 2, 2010 at 8:31 AM

L'érudit se contenta de déposer sa main sur le dossier de Thomas et de la tirer vers lui avant de prononcer quelques paroles d'un très vieux langage.

« Kel Bet An Por » Un série de petites serrures firent leur apparition tout autour du dossier. « In Jux » Un petite lueur pourpre penchant vers le rouge vint sceller le tout.

« Si vous me le permettez, je vais disposer. Beaucoup de travaille reste a faire avant de pouvoir vous donner des nouvelles pertinentes. »

Koenzell prit le dossier dans ses mains et le déposa avec soin dans son sac. Dès ce moment, il attendait qu'on l'escorte jusqu'à l'entré du palais comment les hommes du surintendant avaient l'habitude de faire après que les deux individus se soit salué convenablement.


Post by Thomas Bolton, Emp - December 10, 2010 at 11:43 AM

Plusieurs semaines plus tard, après la rencontre avec Koenzell Pandora, le Surintendant étudia un autre cas qui nécessitait son attention. Plusieurs secrétaires se succédaient dans son bureau pour déposer tantôt un dossier, tantôt une liasse de lettres. Certains sujets étaient d’importance, d’autres non. Dès qu’un bourgeois s’effrayait de perdre son patrimoine ou de perdre un privilège, il tentait d’en appeler au premier ministre, sachant très bien que la réponse ne serait peut-être pas à la hauteur de ses espérances. Voire qu’elle lui annoncerait une perte plus cruelle encore. Mais la cupidité, l’avidité ou bien l’orgueil en poussaient plus d’un à accomplir une telle démarche.

Monsieur Cressen pénétra alors dans la pièce avec une lettre en main. Elle venait de l’Impératrice en personne. Le visage du fonctionnaire exprimait une certaine perplexité. Il tendit le message à son supérieur et guetta sa réaction. Ce dernier en fit une lecture rapide et arbora un sourire amusé. Il releva la tête et fixa son subalterne de ses prunelles grises.

« Vous inquièteriez-vous, Cressen ? », lâcha-t-il d’un ton égal.

L’homme aux lunettes demi-lune haussa les épaules, hésita quelques secondes, puis lança :

« Tout de même, monseigneur. Le contenu est bref mais… virulent. »

Le duc en convint d’un hochement de tête.

« Isaleïa est réfléchie, mais par certains côtés, particulièrement impulsive. Je ne m’en formaliserai pas. »

« En ce cas, monseigneur, tout est pour le mieux. », répondit Cressen d’un ton rassuré.

Il faisait confiance au jugement de son supérieur, depuis toutes ces années de collaboration.

« Paradoxalement, cette attitude peut être un atout sur la scène internationale. Elle pourra facilement jongler avec les puissances étrangères. »

A ce moment, un autre secrétaire pénétra dans le bureau et vint donner un document estampillé par le sceau de l’Ordre du Soleil au seigneur Bolton. Ce dernier brisa le sceau et prit connaissance du contenu avant de rédiger une brève réponse qu’il redonna au messager.

« J’ai quelques difficultés à comprendre les démarches de l’Association, ces derniers temps. », lâcha-t-il tout de go.

Cressen parut choqué de la remarque.

« Vraiment, monseigneur ? », hoqueta-t-il de surprise.

Un sourire froid se forma alors sur les fines lèvres pâles du premier ministre. Le secrétaire fut à nouveau soulagé.

« Il y a quelques jours, une graine de zizanie a été semée avec l’Armée des Mercenaires, suite aux affiches du duc rouge. Maintenant, c’est au tour de la Confrérie et la voilà qui s’attaque directement au patrimoine de l’Ordre du Soleil. »

Voyant où il venait en venir, son secrétaire particulier termina sa phrase :

« Si l’Association souhaite faire passer des réformes ou des règles pour ses quartiers au sein du Conseil, elle aura de grandes difficultés à obtenir la majorité des suffrages, en effet. »

Le Surintendant haussa alors les épaules.

« Peut-être ont-ils une stratégie cachée. Ca ne m’étonnerait pas, venant de Shaytan et d'Elea. Sinon, c'est un cruel manque de sens politique. Nous verrons bien. »

Ah décidément, les bonnes vieilles habitudes reprenaient rapidement leurs marques après l'avènement d’Isaleïa…


Post by Thomas Bolton, Emp - January 1, 2011 at 2:28 PM

Dans son bureau, au sein du palais systérien, le Surintendant s’entretenait avec un interlocuteur peu commun. En effet, contrairement aux habitudes, ce n’était pas monsieur Cressen aux lunettes demi-lunes et aux vêtements sobres incroyablement bien repassés. C’était une femme d’âge mûr, à la silhouette frêle et au sourire particulièrement doux. Les deux individus étaient attablés devant un jeu d’échec, l’un en face de l’autre. Sur leurs visages se lisaient une grande concentration. La femme avança un chevalier pour prendre un pion. Ce geste décocha un sourire amusé à l’homme en noir, qui captura le chevalier et mis le roi blanc en échec.

« Vous avez toujours trop exposé la Couronne aux dangers qui la guettaient, mon amie. », lui confia-t-il d’un ton monocorde.

Son interlocutrice ne sembla pas vexée par la remarque. Bien au contraire, ça la fit rire.

« Mais vous avez toujours été là pour désamorcer les pièges sur mon chemin, Thomas. »

D’un geste calculé, elle vint lui prendre un autre fou, qu’il avait dû laisser sans protection à un autre endroit du jeu.

« Vous êtes plus forte que vous ne le laissez croire. »

« Malheureusement, je n’ai jamais été capable de le transposer à la véritable politique. », lâcha-t-elle en soupirant.

Le premier ministre releva la tête pour l’observer longuement de son regard d’acier.

« Je commenterai par une banalité : nous avons chacun nos qualités. »

Elle ne répondit pas, revenant au jeu. Un silence profond s’installa alors dans la pièce alors qu’ils continuaient la partie, jusqu’à son déroulement.

« Echec et mat. »

Elle haussa les épaules en couchant son roi blanc.

« Votre départ pour les terres elfiques approche, je présume ? »

« C’est exact. Mais il y a tellement de choses à régler, d’affaires à clore malgré la succession. Vous connaissez Alur’Indel, il aime terminer tout ce qu’il a commencé. »

Le seigneur Bolton hocha la tête, connaissant bien le Prince-Consort pour l’avoir côtoyé un nombre incalculable de fois. Leurs premières entrevues avaient été extrêmement tendues : l’elfe se méfiait de lui. Au fil du temps, néanmoins, il s’était rendu compte que les actions du ministre n’avaient pas pour but de lui nuire, mais bien de soutenir Systéria. Un respect mutuel s’était établi entre les deux hommes.

Interrompant ses pensées, Thomas se leva pour se diriger vers son bureau et y attraper une lettre qui contenait sa propre écriture. Il la tendit.

« Tenez, Cybelle. C’est ce que je compte envoyer à votre fille dans la journée. »

L’impératrice-douairière prit le document et en commença la lecture. Dès la première ligne, elle écarquilla les yeux, franchement surprise. Elle décolla même son regard du papier pour le fixer. Voyant qu’il conservait cet air impassible qu’on lui connaissait si bien, elle reprit là où elle s’était interrompue.

« Vous êtes sûr, Thomas ? »

« Ai-je jamais fait quelque chose dont je n’étais pas sûr, Cybelle ? », rétorqua-t-il.

« Tout de même, elle est bien jeune… »

« Mais capable. J’ai permis à Systéria de se forger des alliances conséquentes, j’ai développé et modernisé la flotte, mis en place un système de renseignements efficace et maintenu le pays pendant des années. Isaleïa possède toutes les cartes en main pour débuter son règne dans une relative stabilité. »

« Mais pourquoi partir ? »

Un sourire sans joie effleura les fines lèvres pâles du premier ministre systérien, qui prit quelques secondes avant de répondre.

« Le prince Miran de Brouxg est en train de profiter des changements politiques à Zanther pour y renforcer l’influence brégunienne. La Ligue, unie, représente un contre-pouvoir efficace. Ce n’est pas le cas actuellement. »

« Pourquoi vous ? Vous pourriez les laisser se débrouiller, Thomas. Pour Systeria. »

« Comme je vous l’ai dit et comme votre fille me l’a fait comprendre, mon rôle sur l’Archipel est sur le point de s’achever. J’estime la mécanique systérienne suffisamment bien huilée pour continuer de fonctionner. Zanther est minée par des politiques trop nationalistes. Je n’ai pas cette vision étriquée. »

Cybelle secoua la tête puis finit par pousser un long soupir.

« Et votre femme ? Vos enfants ? »

« Ils sont libres de rester ici à poursuivre leur propre route. Je pense toutefois que madame mon épouse m’accompagnera. »

« En ce cas… j’espère que nous nous écrirons. Moi à Arnad’Idhren, vous à Zanther. Est-ce une ère qui s’achève, Thomas ? »

« Non, mon amie. Simplement une page de l’Histoire qui se tourne. »

*D’un geste du bras, Thomas l’invita à reprendre la partie d’échecs. C’était sans doute une des dernières qu’ils jouaient face à face… *


Post by Vent d'Hiver - January 3, 2011 at 6:46 PM

Que de choses à faire et si peu de temps pour les accomplir ....

Rajustant une mèche rebelle de sa coiffure d'autre part impeccable, la jeune Impératrice lisait avec un intérêt mitigé un ouvrage nouvellement parvenu en sa possession. Qu'il lui semblait loin le temps où elle n'était encore que princesse. Où elle n'avait pas l'impression de ployer sous une charge infinie. Et pourtant, elle devait reconnaître aimer cela. Cette tension permanente, ces obligations à devoir tout connaître, maitriser ou du moins en donner l'impression. Oui, elle avait été éduquée pour cela et par un maitre en la matière.
Quelques coups discret sur la porte la sortirent de ses pensées.

- Entrez

S'inclinant respectueusement, Sieur Cressen, le secrétaire particulier du Surintendant fit son entrée.

- Bonjour, Impératrice. Le consul m'a chargé de vous portez ceci.

Tout en parlant, il s'avanca jusqu'au bureau où il déposa un pli. Puis saluant à nouveau, il débuta la complexe mais non moins protocolaire marche à reculant de mise en présence de la personne régnante.

- Restez Cressen, le sujet doit être d'importance pour qu'il vous envoie à cette heure ... si matinale.

Et c'est en présence de l'imperturbable Cressen que notre jeune demie-elfe prit connaissance des choix du Surintendant.

- Ainsi donc il a décidé de partir. Cette décision, bien que soudaine, ne me surprend pas.

Reposant délicatement le plis, elle se redressa et se dirigea vers l'une des grandes fenêtres de la pièce donnant sur la cité. Le jour n'était pas encore levé, mais à l'horizon l'on devinait les premiers rayons d'une matinée promettant d'être ensoleillée. La ville en contrebat commençait à s'éveiller. Bientôt, elle grouillerait d'activités telle une fourmilière.

- Attendez dehors, vous lui apporterez ma réponse.

Sans se détourner du paysage, s'offrant à elle. L'impératrice prenait conscience de la lourde et interminable tâche qu'elle devrait d'ores et à présent affronter seule.


Post by Thomas Bolton, Emp - January 22, 2012 at 11:14 PM

Peu avant que la plupart des membres de la noblesse ne se retrouvent déchus de leurs titres, le Surintendant Bolton, encore détenteur de son duché, s'entretenait avec un comte. L’individu avait la cinquantaine passée, des cheveux grisonnants, des épaules carrées signe d’un homme encore vigoureux qui n’avait pas délaissé les activités physiques face à l’oisiveté. Ses yeux d’un bleu clair et limpide brillaient d’une vive intelligence. Son bouc et sa moustache, poivre-et-sel, étaient soigneusement taillés. Ses vêtements étaient sobres mais d’excellente facture : de quoi montrer sa richesse sans pour autant qu’elle ne soit ostensible.

« C’est une proposition pour le moins surprenante, monseigneur. », lui dit-il d’un ton ferme.

Un sourire sans joie se dessina sur les fines lèvres pâles du premier ministre. Il ne répondit pas, laissant le silence s’installer dans la pièce aux allures zanthériennes.

« Mais je dois dire que je suis tenté de l’accepter. C’est une vision de la politique et du monde que je partage, aussi ferai-je tout pour pouvoir lui donner une forme concrète. »

Le Surintendant s’attendait à une telle réponse. C’est bien pour ça qu’il avait choisi ce comte-là et pas un autre. Une nouvelle fois, il demeura silencieux.

« Je m’étonne toutefois que vous partagiez cette vision des choses. Vu le bilan de vos nombreuses années à la Surintendance, une telle idée ne me serait jamais venue à l’esprit, monseigneur. »

Le duc dodelina légèrement de la tête. Bien enfoncé dans son fauteuil, dans une attitude presque négligée, il fixait son interlocuteur de son regard aussi sévère que d’ordinaire.

« Ne pensez pas qu'il s’agisse d’un volte-face. J’ai agi de cette manière car c’était la meilleure façon de faire évoluer les choses et de protéger l’Archipel. Méfiez-vous des apparences, tout simplement. »

Le noble lui rendit ce même sourire qui ne transmettait ni joie, ni chaleur.

« Quand est-ce que les résultats seront publiés ? », s’enquerra-t-il.

Le Surintendant haussa les épaules, puis agita brièvement la main comme s’il chassait une mouche un peu trop gênante.

« Très bientôt. La surprise sera palpable, je pense. Vous pensez pourvoir y faire face ? »

« Parfait... », murmura le comte avant de s’interrompre.

Il semblait choisir ses mots avant d’ajouter quoique ce soit.

« Et pour tout vous dire, je n’y ai jamais prêté une grande importance. »

La réponse alluma une lueur étrange dans le regard d’acier du premier ministre.

« Nous nous sommes donc trouvé un point commun. Bien, mettons fin à cet entretien. Nous ne nous reverrons plus avant un très long moment, désormais. »

« En effet. Je vous souhaite une bonne continuation, monseigneur. »

« De même. Je vous souhaite qu’elle soit fructueuse... »

Et suite à cet étrange échange, les résultats de l’enquête sur la noblesse furent publiés. Le comte, parmi la liste de nombreux courtisans du palais, se retrouva déchu de son titre. On raconte qu’aujourd’hui, grâce à sa fortune, il vit convenablement dans une de larges propriétés en centre-ville...

Ah, la richesse. Si elle n’apporte pas le bonheur, elle apporte au moins le confort !


Post by Thomas Bolton, Emp - January 29, 2012 at 5:01 PM

Le Surintendant était attablé à son bureau de pierre, examinant une liste de rapports qu’on venait de lui transmettre. Certains comportaient des signatures très connues dans la cité, tandis que d’autres restaient anonymes. Le premier ministre en fit une lecture détaillée, puis fit mander son secrétaire particulier, en faisant tinter une clochette qu’il gardait près de lui. Le subalterne l’entendit, son bureau étant juste en-dessous de celui de son maître, et s’empressa d’accourir pour effectuer la tâche qu’on allait forcément lui attribuer. Il pénétra dans la pièce, assombrie par la luminosité déclinante du soleil et réajusta ses petites lunettes demi-lune.

« Monseigneur ? », s’enquerra-t-il d’un ton on ne peut plus professionnel.

« Veillez à mettre ces dossiers en lieu sûr, je vous prie. »

Le petit homme acquiesça sans rien ajouter. Il savait évidemment à quoi l’ancien duc faisait allusion. Depuis son premier jour dans l’administration impériale, l’aide-diplomate Bolton avait pris un soin tout particulier à mettre de côté les informations qui pouvaient lui être utiles. Et à lui seul. C’est une habitude qu’il n’avait pas perdu, au fur et à mesure des années. Ça se révélait d’autant plus utile depuis qu’un certain Comte de Gremory se permettait de pénétrer dans son bureau pour fouiller l’ensemble de ses documents !

Avant de partir, Cressen déposa un paquet de lettres sur la table. Une attira l’attention de Thomas, qui la décacheta tout en se rendant devant son jeu d’échec.

Cavalier en E-5.

Vous ne m’en voudrez pas, j’espère ?

Amitiés, Augusta.

Un sourire amusé se forma sur les fines lèvres pâles du zanthérien alors qu’il déplaça le cavalier et retira sa tour du jeu. Il examina quelques secondes le jeu d’échec, la nouvelle disposition des pièces, puis griffonna au dos du billet une réponse.

Reine en E-5.

Aucunement. Auriez-vous été distraite ?

Amitiés, T.H.B.

Il se détourna, puis alla poser le petit mot sur le tas de dossiers que Cressen avait dans ses bras. La lettre partirait dès le lendemain pour Medelia.

« Oh à propos, monseigneur, avant que je n’oublie. Un mercenaire a été aperçu en train de rôder près de l’écurie du palais. Et je crois bien l’avoir déjà vu sur la route, lorsque nous sortons en ville avec le carrosse. », signala le secrétaire à son supérieur.

Le Surintendant haussa les épaules.

« Ce doit être un des mercenaires que le Major Maeda a mandaté pour m’espionner. Il n’est pas bien dérangeant. »

Le subalterne fronça les sourcils, choqués qu’on puisse faire espionner son maître.

« Ne devrions-nous pas agir contre ce genre de pratique, monseigneur ? »

« Allons, je doute que les informations qu’il glane lui soient utiles. Et puis, nous utilisons tous les mêmes méthodes à travers la cité, non ? »

Monsieur Cressen ne répondit pas, dodelina de la tête l’air de peser l’argument, puis décida qu’en effet, il ne servait à rien de s’en offusquer… Et sur ce dernier échange, les dossiers furent mis en lieu sûr et la réponse à la Patricienne fut renvoyée tout droit vers Medelia.


Post by Thomas Bolton, Emp - January 29, 2012 at 11:22 PM

Le lendemain, le Surintendant fut aperçu dans les rues de Systéria, marchant auprès de Schrana Edenoir, la noble qu’il avait déchu il y a peu, en même temps que certains grands noms de la cité. La femme était magnifique : des lèvres pulpeuses, des courbes attirantes, des boucles blondes soyeuses, un regard de braise doublé d’un sourire chaleureux… Des charmes qui auraient pu en faire succomber plus d’un, mais certainement pas Thomas Bolton. Stoïque dans l’âme, zanthérien de naissance, austère de conviction, autant de boucliers qui avaient su désarmer toutes les passes d’armes de l’ancienne Dame.

Elle pénétra dans le palais en même temps que lui, mais leurs routes se séparèrent. Le premier ministre réintégra bien vite son bureau pour reprendre la gestion des affaires courantes.

« Monseigneur ? J’ai vu que vous étiez avec madame Edenoir. Que vient-elle faire au palais ? », demanda son subalterne, curieux.

Le Surintendant, attrapant une pile de lettres, lui répondit distraitement en haussant les épaules.

« Elle devait s’entretenir avec le Prince-Consort. »

Cressen resta silencieux devant la réponse. Il se demandait si son maître essayait de plaisanter ou s’il s’agissait d’un langage codé. N’arrivant pas à se décider, il émit une petite toux gênée.

« Mais monseigneur… Depuis que Cybelle est partie faire le tour d’Enrya, le Prince-Consort est retourné au Royaume des Sages. »

Thomas releva la tête d’un geste sec, les yeux plissés. Depuis qu’il était revenu, il n’avait pas eu le temps de rencontrer un seul membre de la famille impériale et ne s’était pas renseigné sur leurs activités. Il n’avait pas besoin de cette information pour administrer convenablement Systéria. Néanmoins, la révélation était de taille ! Que faisait-elle donc au palais si Cybelle et son mari ne s’y trouvait pas ?

« Allez me chercher le garde préposé au registre, Cressen. »

Quelques minutes s’écoulèrent le temps que l’homme soit remplacé et qu’il arrive jusqu’au bureau du Surintendant. Y être convoqué n’était jamais de bon augure. Quand on l’interrogea :

« Mais monseigneur, je pensais qu’il s’agissait de votre invitée. Je n’ai pas posé de questions, vous recevez tout le temps du monde. », répondit-il d’un ton sincère.

« Et qu’elle emprunte la porte sud et moi la porte nord ne vous a pas mis la puce à l’oreille ? », demanda le ministre d’un ton tranchant comme un couperet.

Le garde ne répondit pas. Toute réponse aurait aggravé son cas.

« Mutez-le aux écuries, Cressen. Et informez son remplaçant : je veux une extrême rigueur dans l'application nos règles de sécurité. Je serai moins tolérant la prochaine fois. »

Schrana Edenoir était donc entrée au palais et s’y promenait librement, sans titre de noblesse, sans privilège particulier. Au nez et à la barbe du Surintendant !

« Faites donc fouiller le palais de fond en comble et qu’on me la ramène. »

Mais finalement, après de longues heures de recherche, sans qu’on l’ait vu ressortir, Schrana Edenoir demeure introuvable. Elle avait sans doute dû quitter le palais sans que l’on s’en rende compte. Néanmoins, la raison de sa présence dans l’édifice le plus célèbre de la capitale restait un mystère. Un mystère que comptait bien éclaircir le Surintendant…

En attendant, une série de consigne fut donnée.

A la Garde,

L’entrée du palais est strictement interdite à tous les membres de l’ancienne noblesse.

Mention spéciale : si madame Schrana Edenoir est aperçue, elle sera conduite immédiatement dans mon bureau.

Tout manquement à cette procédure est synonyme de radiation sans espoir de réintégration.

T.H.B.