Les Malheurs de Mala
Post by Thomas Bolton, Emp - October 6, 2008 at 5:32 PM
Cressen entra dans le bureau de son supérieur de sa démarche discrète habituelle. Lentement, il déposa sa sempiternelle pile de dossier devant Thomas. La seule différence avec les autres jours, c’était la lueur maligne qui brillait dans son regard.
« Monseigneur, l’Impératrice-Régente a été couronnée. »
« Je le sais, monsieur Cressen. Je pense qu’il est temps de lui apprendre les réalités du pouvoir et ce que signifie véritablement le port d’une couronne. »
Le secrétaire sourit de plus belle et c’est d’une voix tremblante de joie, comme celle d’un enfant pressé de faire une bêtise, qu’il répondit.
« Oh, oui ! Votre Seigneurie n’a pas tort, quels serviteurs ferions-nous, sinon ? »
Le baron esquissa un sourire amusé qui resta quelques secondes sur ses fines lèvres pâles.
« Commençons par le commencement. Où la Régente se trouve-t-elle ? »
« Dans la Salle du Trône, monseigneur. Elle reçoit des membres de la noblesse. Le moment rêvé, en d’autres termes. »
La main de Thomas attrapa la première feuille de la pile déposée par Cressen et en commença la lecture. C’était un inventaire qui contenait tout ce que Mala avait pu recevoir comme présents depuis son Couronnement : une trentaine de robes, une quinzaine de diadèmes luxueux, des parfums, etc.
« Parfait. Faites confisquez le tout par les Gardes Impériaux, inspection de sécurité oblige. Vous mettrez cette note sur le bureau de la Régente pour lui expliquer ce qu’il est advenu de ses présents. Vous pouvez disposer. »
Le secrétaire salua et s’éclipsa sans un mot. Quelques minutes plus tard, le bureau de la Régente fut vidé de tous les présents reçus et le courrier de son Intendant fut déposé bien en évidence sur la table. Voici ce que la princesse put y lire.
À Son Altesse Impériale la Régente Mala De Systéria,
Par la présente, je vous informe que tous les présents que vous avez reçu des dignitaires de l’empire et des ambassadeurs étrangers ont été transférés vers le laboratoire Minh Yu, branche laborantine de l’hôpital Sainte-Elisa afin d’analyser les tissus, pierres précieuses et contenu des parfums. Ces mesures n’ont pour but que de vous prémunir de toute attaque extérieure. Nombreux sont les poisons que peuvent utiliser les ennemis de la droiture contre votre règne éclairé.
Votre rang de princesse vous permettait auparavant de récupérer chaque cadeau – si toutefois il était considéré comme sain – dans un délai d’une semaine. Les mesures de sécurité misent en place auprès du porteur de la Couronne et du pouvoir absolu sont cependant plus drastiques. Aussi, récupèrerez-vous tous les objets dans deux mois. En effet, les laborantins doivent étudier un panel beaucoup plus large de toxines pour le garant de l’unité de votre nation.
Je prie Votre Altesse Impériale d'agréer l'hommage de mon profond respect,
T. H. Bolton, Intendant de l'Empire
C’est un cri hystérique qui accueillit la nouvelle, une fois que Mala fut retournée se vautrer dans le luxe qu’on venait de lui offrir. Mais qu’y pouvait-elle ? Après tout, ces mesures de sécurité n’avaient pour but que de protéger sa vie. Il faudrait vivre avec…
Le lendemain, Cressen entra dans le bureau de Thomas pour lui apporter des nouvelles fraîches.
« Monseigneur, j’apporte de graves nouvelles. »
L’Intendant arqua un sourcil et agita légèrement la main pour inviter son serviteur à développer.
« Neufs robes offertes à l’Impératrice-Régente ont dû être brûlées. On a détecté un agent irritant qui aurait pu créer, sur des peaux fragiles, de petites rougeurs. C’est fâcheux, c’étaient les plus belles des trente-deux, Votre Seigneurie. »
« Autre chose, monsieur Cressen ? »
« Oui, monseigneur. Six parfums ont été détruits, ils contenaient des agents allergènes. Etant donné ses antécédents, la Régente n’aurait pas été réceptive à leur effet, mais nous ne pouvons lui faire courir le risque que cela se produise. Et deux diadèmes n’ont pas été remis, les plus beaux en platine et diamant et en rubis et or. On craint que le métal ait été soumis à une mauvaise fonte. »
« Parfait, monsieur Cressen. Je vais envoyer une nouvelle note à l’Impératrice. Il reste toujours deux mois de tests. Disposez. »
Et Mala reçut une nouvelle lettre de son Intendant…
À Son Altesse Impériale la Régente Mala De Systéria,
Par la présente, je vous informe que les tests préliminaires réalisés sur les présents que vous avez reçus nous ont permis d’exclure plusieurs menaces potentielles. Neufs robes ont dû être brûlées. On a détecté un agent irritant qui aurait pu créer, sur des peaux fragiles, de petites rougeurs. Un risque que nous ne pouvons faire courir à la détentrice de la Couronne. Voici l’inventaire :
- la robe de soie damasquinée ourlée d’or et incrustée de diamants
- la robe de satin bleue nuit ourlée d’argent et incrustée de diamants
- la robe de satin verte émeraude ourlée d’or
- la robe de velours rouge sombre brodé aux armoiries De Systéria
- la robe de soie blanche brodée aux armoiries de votre nom, incrustée de rubis
- la robe en calicot noir, ourlée de fils d’argent d’Arnad’Idhren
- la robe de flanelle azurée, incrustée de petites topazes
- la robe de nuit en taffetas violet et aux manches de dentelles de Briganne
- la robe de nuit de velours vert sombre aux manches de mousseline
Ce n’est pas tout, cependant, six parfums ont été détruits, ils contenaient des agents allergènes. Selon vos antécédents médicaux, vous n’auriez pas été réceptive à leurs effets, mais nous ne pouvons vous faire courir un quelconque risque : les consignes de sécurité sont claires. Voici l’inventaire :
- le parfum aux essences de roses et de framboise
- l’essence de myrtille aux esquisses de pensées
- le parfum elfique de Galadh’Einior, aux essences d’arbres
- l’essence d’Archibald Medelas, parfumier de Posdrenia
- le parfum de lavande au nuage de lys
- le parfum de pêche aux esquisses de passions
Enfin, deux diadèmes, l’un en platine et diamant et l’autre en rubis et or ont été écarté et remis aux enchanteurs impériaux pour destruction : on craint que le métal ait été soumis à une mauvaise fonte. Le reste des objets ont passé les analyses préliminaires ou devraient le faire bientôt. Dans deux mois vous les retrouverez. Je vous informerai si de nouvelles pièces peuvent mettre en danger votre intégrité physique.
Je prie Votre Altesse Impériale d'agréer l'hommage de mon profond respect,
T. H. Bolton, Intendant de l'Empire
Le premier rouage se mettait en place...
Post by Ex-Lumina - October 7, 2008 at 7:40 AM
*La crise de la souveraine avait été magistrale lorsqu'elle avait retrouvé la lettre de Thomas au lieu des présents de son règne. Le Palais en témoignerait encore pendant des âges. Certaines légendes raconteraient assurément plus tard dans l'Histoire que Mala de Systéria se transformait en un terrifiant animal sauvage enragé lorsqu'elle entrait en colère.
Thomas ne reçu de cette colère qu'une espèce de réponse incohérente et illisible tant la rage l'avait marquée. Un observateur aurait peut-être même pu croire voir de la salive sur le papier ; sa Majesté aurait-elle écumé sur son écrit ? La légende s'en renforcerait assurément.
Occupée à profiter les avantages de son règne, Mala n'y songea cependant bientôt plus. Insouciante, certaines mauvaises langues pourraient critiquer sa courte présence d'esprit, mais celui qui le ferait y perdrait certainement la vie.
C'est lorsqu'elle reçu l'inventaire détaillé de ce que Thomas avait fait détruire qu'elle s'enflamma à nouveau.*
" Sale.. mais.. sale.. SALE IMBÉCILE !
LES GENS M'ADORENT ! ILS N'IRAIENT PAS ME FAIRE DU MAL !
QUEL TARÉ CE TYPE !! "
Le reste avait été une fois de plus dénué de toute cohérence..
Post by Thomas Bolton, Emp - October 7, 2008 at 5:58 PM
Dans son bureau, l’Intendant observait avec amusement les notes qu’il avait reçues de sa souveraine. Il ne chercha même pas à les décrypter, tant les tâches d’encre – et de salives ! – rendaient l’exercice difficile. Il se doutait que le récit ne devait contenir que des récriminations à son égard, mais se doutait que rien ne serait fait. Si elle supprimait ou réduisait ces mesures, tout comploteur chercherait à profiter des failles. Thomas pouvait continuer en paix.
« Monseigneur ? Je vous ai fais parvenir un nouvel inventaire d’objets que nous avons confisqués pour analyse. Malheureusement, la moitié a dû être écartée. »
« Malheureusement, monsieur Cressen ? Au contraire, rien n’est trop bon pour préserver la Régente. Voyons voir… Oui, vous enverrez la liste des objets détruits. »
Et Mala fut donc une nouvelle fois renseignée sur les somptueux cadeaux qu’elle aurait dû recevoir et qu’elle aurait pu exhiber…
À Son Altesse Impériale la Régente Mala De Systéria,
Par la présente, je vous informe que les tests préliminaires réalisés sur d’autres présents que vous avez reçus nous ont permis d’exclure plusieurs menaces potentielles. Sur les douze cadeaux, nous avons dû en mettre six hors d’état de nuire. Les voici :
- Une tapisserie réalisée par Esmaylan Na’Seryn, le célèbre tisseur de Galadh’Einior, représentant Votre Altesse Impériale la Régente pourfendant la déliquescence de son empire, auréolée de lumière et irradiant de volonté et de charisme. {traces infinitésimales d’un champignon allergène}
- Une vase de T’Sen, envoyé par le duc systérien Adelard. Pièce unique datant de la Deuxième-Ere, au moment de l’expansion culturelle et artistique promue par la famille princière. La peinture d’or était de toute beauté sur la porcelaine aux reflets nacrés. {pigments possiblement irritants}
- Un buffet berguenois, envoyé par l’ambassadeur du Bastion. Une pièce en chêne massif, travaillé dans le plus pur style nordique, au bois travaillé par leurs meilleurs ébénistes et menuisiers. Aurait appartenu à Sa Grandeur le Régent Medelberg. Aurait été du plus bel effet dans votre boudoir. {enduit possiblement allergène}
- Une caisse de vins et d’alcools fins des Landes Unies, envoyée par notre ambassadeur sur place pour célébrer votre accession à la Régence. Des crus très anciens pour la plupart au goût exceptionnel. {une moisissure a été retrouvé sur le bouchon d’une des bouteilles}
- Une rivière de diamants roses portant la griffe de Maximilien Denoster, orfèvre réputé de Briganne. Il réalise souvent ce genre de pièce pour la dynastie De Brouxg qui est friande de ses créations. {un des diamants provient d’une mine de Nguelundi que l’on dit maudite par les shamans.}
- Une série de robes aux couleurs vives : roses, rouges, vertes, bleues et violettes, brodées de fils d’or et d’argent provenant du grand couturier brégunien Justinien Mallester. {une robe de coton contenait les traces infimes d’un champignon irritant pour la peau et causant de petite rougeur. Toutes brûlées par mesure de sécurité}
Dans deux mois vous les retrouverez. Je vous informerai si de nouvelles pièces peuvent mettre en danger votre intégrité physique.
Je prie Votre Altesse Impériale d'agréer l'hommage de mon profond respect,
T. H. Bolton, Intendant de l'Empire
Une fois que Cressen fut revenu, le baron le prit une nouvelle fois à partie pour modifier un peu la vie de Cour…
« Je pense, monsieur Cressen, qu’une souveraine si traditionnaliste, ne peut accepter la façon dont la noblesse et les courtisans évoluent désormais. J’ai retrouvé un ancien protocole datant du règne d’Edegar II. Il est temps de le réhabiliter. »
« Je vois que Sa Seigneurie fourmille d’idée pour restaurer le lustre de la Cour et assurer à Son Altesse Impériale la Régente une vie qui sied à son rang. »
« Bien entendu, monsieur Cressen, bien entendu. »
Et une nouvelle lettre fut envoyée à Mala de Systéria…
À Son Altesse Impériale la Régente Mala De Systéria,
Par la présente, je vous informe qu’en vertu des traditions ancestrales de la Dynastie à laquelle vous appartenez, et de laquelle vous vous réclamez légitimement, j’ai décidé de vous offrir une vie digne du plus grand des souverains. J’ai obtenu, grâce à d’habiles recherches, d’anciens documents datant du règne de votre aïeul, Edegar II, empereur éclairé duquel vous tenez bon nombre de vos qualités.
La vie à la Cour est, comme vous devez le constatée, cruellement déréglée. Il n’y a aucun ordre, les domestiques et les nobles se croisent dans les couloirs. Les règles de préséance sont bafouées. Je me souviens même qu’un garde aurait osé, un jour, vous toucher. Pour régler ces problèmes logistiques, j’ai trouvé la solution idéale : le rétablissement de la Vie Parfaite.
Un manuel sera bientôt édité pour les courtisans afin de réhabiliter immédiatement cet ancien art de vivre, aujourd’hui perdu par quelques années de décadence. Vous m’honoreriez de le respecter à nouveau. Sachant à quel point vous êtes une femme de tête et de volonté, j’ai autorisé son application pour demain.
Je prie Votre Altesse Impériale d'agréer l'hommage de mon profond respect,
T. H. Bolton, Intendant de l'Empire
Et le lendemain matin, à 6h55, alors que Thomas était déjà attablé à son bureau pour régler divers dossiers d’importance, des trompettes retentirent dans les quartiers de la Régente. Le son se propageait dans tout le palais avec une clarté étonnante. Se trouver à côté devait être extrêmement douloureux, surtout de si bon matin…
« Votre Majesté Impériale, c’est l’heure ! », clama un héraut à la voix de stentor.
Alors que Mala se remettait péniblement de ses émotions, une petite foule pénétra dans ses quartiers. Un médecin tout d’abord, qui vint l’examiner et plusieurs femmes de la noblesse, toute parmi la Haute-Aristocratie.
« Votre Majesté Impériale, il faut s’habiller ! », clama une nouvelle fois le héraut récalcitrant.
Une duchesse avança pour mettre Mala debout et lui présenter une bassine d’eau froide pour les ablutions du matin… C’est alors qu’une autre se précipita pour lui arracher la bassine des mains. Le héraut s’interposa.
« Votre Grâce d’Adenpor, c’est à Sa Grâce De Gardamain de permettre à Sa Majesté Impériale de s’habiller, son rang prévaut puisqu’elle est filleule de l’oncle de Madame la Régente. »
D’Adenpor repartit se mettre sur le côté pour épier le Lever de Mala en maugréant, pendant que Gardamain se gargarisait de pouvoir participer au cérémoniel. Cependant, au moment où elle allait aider Mala à mettre les jupons, une marquise fit irruption dans la pièce pour se précipiter vers l’autre duchesse.
« Navré, Votre Grâce de Gardamain, mais Sa Magnificence la Marquise de Baulieu prévaut sur vous. Malgré son titre, elle est cousine de l’oncle de Madame la Régente. »
Et le petit manège dura jusqu’au moment du bouillon, petit-déjeuner traditionnel des empereurs systériens jusqu’au règne d’Edegar II. Le pire restait à venir : la messe dans la chapelle du palais, de 10h à … 13h00.
Une dure journée s’annonçait, c’était la journée de tous les souverains De Systéria…
Post by Esmeral, Adc - October 7, 2008 at 7:16 PM
Pendant ce temps au laboratoire...
Toc toc
Esmeral ouvrit la porte, et découvrit avec surprise une ribambelle d'objet divers et variés, pour la régente Mala, d'un air las il ouvrit la porte entièrement et laissa entrer les "coursier" charger du transport des objets à analyser, décidément le laboratoire ressemblait plus a une brocante qu'a un laboratoire, et dire qu'il n'avait le droit de rien garder juste d'analyser et de voir bruler les objets non conformes, les milliers de pièces d'or qu'il voyait partir en fumés...decidement ce travail lui en aura fait baver sur tout les points
Post by Thomas Bolton, Emp - October 8, 2008 at 6:37 PM
La journée allait être décidemment très longue pour Son Altesse Impériale la Régente Mala de Systéria. La cérémonie de l’habillement avait duré trois heures, tant les nobles aux préséances les plus hautes se battaient pour enfiler tel ou tel vêtement à celle qui les gouvernait. La princesse qui appréciait les mets fins au réveil eut la désagréable surprise de constater que son petit-déjeuner ne serait composé que d’un bouillon. Oh, certes, il était bon, mais ce n’était… et bien, qu’un bouillon.
Dix heures, donc et la Régente, accompagnée par la centaine de courtisans se rendit à la chapelle pour écouter la messe célébrée en l’honneur de Thaar. D’ordinaire, le rite ne durait qu’une demi-heure. Le nouveau codicille validé par l’Intendant en augmentait la durée à trois heures. Déjà que ce n’était jamais très stimulant, mais là, l’ennui atteignait des sommets ! Ajoutez à cela un curé vieillissant à la lippe grasse et au ton amorphe et c’était catastrophique. Mala ne pouvait se permettre de récupérer sa nuit, car la préséance la plaçait en avant, visible pour tous. Et les sièges étaient d’un confort… précaire.
D’autres courtisans, en revanche, semblait s’y faire…
« Rrrrrrrrrzzzzz. »
Et un chuchotement indigné répondait :
« Enfin, Edmond ! Ressaisissez-vous ! Que va penser la Régente ? »
Oh assurément, elle mourrait d’envie de faire pareil…
Treize heures sonnèrent. Une libération ! Elle se leva d’ailleurs extrêmement rapidement, les jambes encore engourdies… Elle fonça vers ses appartements pour manger avec ses dames de compagnies ! Mais cela ne se faisait plus, désormais. Ces dernières furent carrément chassées par la foule des courtisans qui jouait impitoyablement des coudes.
« Votre Majesté Impériale, c’est l’heure de manger ! », clama le héraut.
Et divers plats exquis passèrent devant ses yeux et furent disposés devant elle. Un délicieux fumet s’en échappait. Alors qu’elle allait tendre la main vers un poulet bien dodu, un cri de stupeur s’éleva dans la salle.
« Voyons, Votre Majesté Impériale, c’est indigne de vous. C’est à la marquise de Montmarais, cousine au troisième degré de votre tante qui est chargée de découper ce met. »
Et la marquise poudrée s’approcha lentement, histoire de montrer à tous qu’elle avait une place importante à la Cour. Elle se pâmait, le couteau à la main, de trancher la chair tendre de la viande blanche… Mais on fit irruption dans la salle et une autre noble vint se jeter sur elle pour lui arracher le couteau.
« Non, Dame d’Edaim, vous n’avez pas le droit de couper la viande, je vous rappelle que votre époux s’est vu retiré son duché le mois dernier. »
La vieille tenta de protester mais c’était peine perdue. La marquise continua son office avec une lenteur hors du commun. Il fallait montrer à tout le monde à quel point son rang servait dans la noblesse… Finalement, la cuisse se retrouva dans l’assiette de Mala. Froide, maintenant. Alors qu’elle allait y planter sa fourchette, le héraut l’interrompit.
« Voyons, Votre Majesté Impériale, il faut attendre que la duchesse de Redembourg vous serve les pommes de terre, que la comtesse d’Ander vous garnisse le tout de haricots et que la baronne de Mativier y ajoute les tomates… »
Et ce fut comme ça pendant plus d’une heure, à tel point qu’une fois qu’elle put y goûter, les plats étaient tous froids et fades…
Il était temps de passer à la promenade.
Post by Thomas Bolton, Emp - October 9, 2008 at 5:17 PM
Enfin de quoi se changer les idées ! Après être restée enfermée au palais à rester assise, Mala ne devait avoir qu’une envie : se dégourdir les jambes. Les jardins du palais étaient exceptionnels et le labyrinthe était une petite merveille. De quoi y passer de très longues heures à échapper à ce héraut récalcitrant. Les dames de compagnies et elle pourraient déblatérer tout l’après-midi.
« Votre Majesté Impériale, c’est l’heure de la promenade ! », clama le héraut.
Et non, ç’aurait été trop beau. Une nouvelle fois les dames de compagnies furent violemment repoussées par les duchesses, marquises et autres membres de l’aristocratie affiliés à la dynastie régnante.
« Permettez que je montre à Votre Exquise et Impériale Majesté le plan que nous allons suivre chaque jour que Thaar fait à travers les jardins. »
Un plan fut déplié et montré à Mala de Systéria. Le parcours était très… géométrique. Il ne sortait pas des sentiers battus. Impossible d’aller batifoler comme bon lui semblait à travers le parc qui lui appartenait. Il y avait un protocole strict à respecter, extrêmement bien cadré, absolument délimité. C’était aussi ça le codicille de « La Vie Parfaite ». Aucun écart, aucun désordre, tout devait rentrer dans le moule établi.
La Régente avança d’un pas quand le héraut lui fit un signe désapprobateur.
« Voyons, Votre Subtile Majesté Impériale, la promenade ne commence que dans cinq minutes, il nous faut attendre. »
Pendant ce temps, deux duchesses vinrent se planter de part et d’autre de la princesse. Parfois, elles jetaient des regards noirs aux autres nobles amassées derrière la souveraine. Quand quinze heures sonna, le héraut donna un coup de bâton sur le sol pour autoriser le départ.
Quelle déception ! Le chemin, tracé d’avance, que la princesse serait condamnée à effectuer tous les jours, à la même heure, pendant deux heures était d’un ennui mortel. Il évitait scrupuleusement le jardin botanique où de splendides roses colorées s’épanouissaient. Il passait juste à côté des horribles saules pleureurs de Zanther, sinistres même sous un soleil lumineux… Et le reste était d’un fade, d’un commun.
Ce fut un soulagement quand à dix-sept heures…
« Votre Majesté Impériale, c’est l’heure du Travail. », clama le héraut.
A cet instant précis, la foule de courtisans se dispersa. La princesse se retrouva seule avec le héraut aux grilles du palais, pendant que les nobles l'investissaient. Elle allait devoir intégrer son bureau pour régler les affaires en cours, apposer son sceau sur tel ou tel document ou trancher de son impérial avis une question en suspend. Quand la Régente remonta le couloir qui menait à ses appartements, elle croisa une file d’une vingtaine de secrétaires qui portaient chacun d’énormes piles de dossiers.
Un frisson lui parcourut l’échine.
Devant la porte, l’Intendant Bolton l’attendait, les deux mains posées sur le pommeau de sa canne d’ébène. Son visage neutre, son regard sévère, rien ne changea alors qu’elle l’approchait. Comme à son habitude, il lui dédia une révérence roide. A la vue du ministre, le héraut se mit près de la porte et attendit.
« Votre Altesse Impériale la Régente, je vous salue. Nous avons du travail. »
Alors qu’elle prenait place dans son épais siège, Thomas se plaça debout à sa droite. Au premier coup de canne qu’il donna sur le parquet, un premier secrétaire entra.
« Monsieur Cressen va vous présenter un à un chaque dossier concernant l’économie de la cité, Madame la Régente. Ils nécessitent votre approbation. »
C’est alors que le secrétaire particulier du baron s’exprima. Pendant au moins une heure il détailla le contenu de tous les rapports qu’il présenta à Mala. Rien n’était spécialement stimulant, bien au contraire. C’était d’un barbant. Faut-il organiser un marché le troisième jour de la semaine ? Doit-on instaurer un nouveau jour férié ? Peut-on laisser les pêcheurs exercer tous les jours de la semaine alors qu’on constatait une chute dans le secteur primaire ? Autant de questions que Thomas aurait pu régler seul, à vrai dire…
« Mais c’est votre travail, Bolton ! A vous d’étudier tout ça ! », siffla-t-elle entre ses dents, une lueur mauvaise dans le regard.
« Certes, Madame la Régente. Cependant, j’ai réalisé à la lecture de nos divers échanges mais aussi après les contacts que j’ai eu avec Son Altesse Impériale votre oncle Archibald Leonius que la monarchie devait retrouver son pouvoir passé. Aussi ai-je décidé de renforcer votre implication dans le processus décisionnaire du Conseil Impérial. Votre sœur, Cybelle, devait elle aussi s’astreindre à ce genre de tâche. »
Il laissa passer un silence pour finalement ajouter, comme une horrible constatation…
« Dans une moindre mesure, évidemment. »
Et pendant près de six heures, on assista à un véritable défilé de fonctionnaires, parlant chacun pendant de longues minutes de dossiers aussi ennuyeux qu’inutiles. Mais le pire, dans tout ça, c’était les rires et la cacophonie qui régnaient dans la pièce d’à côté, où les nobles et courtisans s’amusaient aux cartes, buvaient, dansaient, faisaient des jeux d’esprits. Tout ce que Mala aurait pu faire en somme, si elle n’était pas retenue dans son bureau par ce stupide protocole…
Quand ils eurent finis, vers vingt-trois heures et que l’Intendant fut retourné dans son bureau, la souveraine se laissa aller aux jurons pour calmer son irritation…
« Stupide handicapé débile ! », hurla-t-elle, alors que le héraut entrait dans la pièce.
« Votre Majesté Impériale, c’est l’heure du souper ! », clama ce dernier.
Là encore, même cérémonial qu’au déjeuner. Un combat des titans entre rangs, arbitré par un héraut expert en préséance. Des plats exquis et chauds qui arrivaient froids et sans saveur dans l’assiette. Une frustration répétée.
Et à l’heure du Coucher, à minuit, le même cérémonial qu’au Lever, mais en sens inverse. Les duchesses se battaient pour avoir le privilège de retirer les jupons de la Régente, pour enlever le corset, pour lui passer sa chemise de nuit. Bref, tout un cérémonial pompeux, digne de l’ancien temps.
On apprit que peu après le coucher, Son Altesse Impériale s’entretint avec un membre de sa garde personnelle. Une heure plus tard et on apprit à l’Intendant Bolton que le héraut avait été exécuté.
« Peu importe, monsieur Cressen. Fournissez 20.000 pièces à sa famille et faites-en nommer un nouveau pour demain matin. Excellentes garanties à la clé. »
Et le lendemain, Mala eut la désagréable surprise d’être réveillée à six heures cinquante-cinq…
« Votre Majesté Impériale, c’est l’heure ! », clama un nouveau héraut…
L’enfer allait recommencer.
Post by Elrog Minh Yu - Mort - - October 10, 2008 at 12:57 PM
Un représentant de St Elisa à la cour impériale.
Depuis maintenant deux heures, le cabinet précédant la chambre de la nouvelle impératrice était remplit d'une foule immense. Les trompettes sonnèrent dans un son clair, clamant l'annonce du lever de l'impératrice. Comme il devait être déplaisant de se réveiller au son d'un souffleur de cor qui se trouvait à moins de 20 pas de la chambre. Dès que l'homme fit une pause pour reprendre son souffle, la masse humaine pris la parole, mélange de son, de bruits désirés ou non, l'on se pressait à s'écraser sur les portes en attendant que l'on puisse profiter du spectacle du " Lever de l'impératrice. " Les portes s'ouvrirent et les courtisans, nobles et autre, se déversèrent dans la luxueuse chambre impériale, l'endroit large de plus de 50 pas et long d'une soixantaine environ était austère, l'on aurait plus dit un salon de discussion qu'une chambre. Non pas qu'il n'y avait pas de tapisseries sur les murs de haute qualité, mais l'on remarquait que beaucoup de choses avaient disparus, comme si elles étaient considérées comme un risque pour la santé de son Altesse Impériale.
Les personnes formèrent un rond autour du lit et l'on demanda au médecin de s'approcher. Le Seigneur Minh Yu s'avança doucement, d'une démarche de bonne allure mais d'un pas souple, richement habillé de son hakama de tissu bleu marine, ses boucles d'oreilles de sanguine encadrant son visage, son sang Demi Elfe se voyait par le contraste de sa peau, tranchant avec la couleur des gants de soie qu'il portait. Un moment, un garde du palais le dévisagea sans gêne aucune et le seigneur, comprenant qu'il n'était pas question qu'un demi elfe ne touche sa majesté, fit appeler le médecin de palais, un pur humain, grisonnant, bedonnant, la moustache roulé en une savante boucle sur les joues. S'avançant tous deux doucement vers son altesse, il la salua d'une révérence.
" Votre Altesse Impériale, je vous salue. Puissiez vous daigner me montrer les endroits qui vous font souffrir ? J'y apporterais ma science afin que cela ne soit plus le cas, mon sang étant inférieur au vôtre, comprenez que je ne souhaite pas vous souiller par mon contact. "
De quelques mots dictés à basse note, le baron Minh Yu, médecin de St Elisa guida le médecin sur les vérifications d'usage à faire accomplir à sa grâce, il fut question d'une vérification d'une blessure qu'elle avait reçue. D'une voix douce mais sifflante, sous le regard attentif de l'impératrice qui détaillait les endroits que celui ci palpait, des conseils furent apportés, des corrections sur le placement des mains.
" Une saignée vous ferait le plus grand bien afin d'évacuer les sécrétions impures apportées par les blessures dans votre sang. Votre corps risque de refouler cette infime part d'une manière bien peu agréable si vous ne le faites pas le plus rapidement possible. Votre médecin se chargera de faire le nécessaire dès que possible lorsque votre emploi du temps vous le permettra."
Toujours le regard fixé sur l'impératrice, Elrog la salua de nouveau et quitta les alentours du lit d'un pas lent, le visage et le corps toujours tourné vers elle de manière à la regarder jusqu'à ce qu'il soit absorbé par la masse des courtisans. Répondre à la demande de Thomas Bolton afin d'examiner l'impératrice était une chose hasardeuse, dangereuse valait presque autant passer la journée avec le patient n° 52 bourré de larves dont le sang vous irritait la peau. Très vite le héraut repris la parole pour annoncer l'heure de la cérémonie de l'habillement. Le médecin du palais vint voir le seigneur pour obtenir des informations supplémentaires auprès du médecin de St Elisa.
" Une analyse des selles, des urines ainsi qu'une saignée seront très intéressant. Veuillez recueillir un peu de sang afin que le laboratoire de St Elisa puisse vérifier que le sang impérial n'ai pas été souillé à grande échelle ce qui pourrait se ressentir dans l'apparition de cloques argentées sur tout le corps et principalement sur la face. Je suppose que vous ne voudriez pas voir cela arriver n'est ce pas ? "
L'homme secoua la tête avec une petite moue horrifiée, manifestement, il savait ce qu'il arrivait aux personnes qui osaient défier l'impératrice par leurs actions et leurs propos. Une fois leur discussion terminée, il se plaça dans la masse des courtisans profitant du spectacle qui s'offrait à lui.
Post by Ex-Lumina - October 10, 2008 at 7:35 PM
*Sa Majesté s'est couchée après s'être débarrassée du héraut sur qui elle avait canalisé toute sa rage. Elle avait ensuite dormi d'un repos réparateur dans lequel elle cauchemardait sur l'horrible emploi du temps auquel elle venait de se libérer.. jusqu'à ce que sonne les trompettes ordonnées par le second héraut. Les yeux de l'impératrice s'ouvrirent nets, dans son lit, entre la folie, la terreur et l'hystérie.
Elle agrippa le sceptre impérial d'une main et se fraya un passage avec vigueur, toujours en tenue de nuit, comme prise de rage. Motivée par la rage de la journée précédente, elle courut vers le héraut qui eu quelques pas de recul devant le spectacle de la créature enragée à forte réputation qui se ruait vers lui. Tout en poussant les duchesses qui ne se tassait pas d'elles-même, elle vint donner un grand coup de bâton au pauvre héraut qui tenta de s'y agripper pour ne pas chuter de la muraille. Ce à quoi Mala relâcha le sceptre, qui vint tomber au sol avec le héraut.
Sans être surpris, les nobles, gardes et dignitaires présents furent un peu abasourdi et une sorte de silence de malaise tomba sur les acteurs du jeu de l'Intendant. Sans que Mala ne l'aperçoive, un jeune page couru trouver le Baron Bolton afin qu'il trouve un nouveau héraut.
Lorsque Mala entra dans sa chambre pour s'habiller, deux femmes, une duchesse et une marquise, se mirent à se chamailler, comme à leur nouvel habitude, pour savoir qui ferait quoi. Enragée, Mala leur hurla dessus et régla le problème en leur retirant à toute deux leurs titres de noblesse, les retournant simple roturière. Elle ajouta à la calamité en les faisant sortir de force du palais et jeter en basse-ville dans un quartier miteux.
Mala profita des quelques heures ainsi gagner pour mettre en action quelques-un de ses plans personnels pour "une meilleure gestion de la nation". À cet égard, l'une des première Loi édictée fut l'interdiction sous peine de mort de tout instrument à vent qui ne serait pas de la famille de la flûte dans l'enceinte du palais.
Elle se présenta à la messe à l'heure, mais cette fois elle n'avait pas le même regard. Elle s'était fait amenée une des chaises impériales spécialement préparées pour son confort et elle s'était assise juste devant le prêtre, bien séparée de tous les autres nobles. Le terrible regard de Mala et la flamme qui dansait dans ses yeux ne pouvait pas être manquée par le vieux prêtre. Celui-ci fit donc la messe d'une façon bien moins soporifique, en tremblant doucement, commettant quelques erreurs par nervosité. À chaque erreur, le grincement des dents de Mala venait ajouter au malaise de l'audience, et les yeux de la souveraine devenaient un peu plus violents.
Lorsqu'elle quitta la messe après trois heures, Mala eu un petit sourire, très faible, très sournois, en se levant. Elle avait apprécier ce jeu aurait-on murmurer si elle n'avait pas été aussi dangereuse ce jour-là.
Vint la scène du dîner. Les nobles se ruèrent sur la nourriture, guidés par un nouveau héraut. Lorsque la baronne de Mativier vint pour découper une pièce de viande dans son assiette, la régente lui planta vivement sa fourchette dans la main, clouant celle-ci à la table. Sous les hurlements aigus de la femme, elle s'écarta ensuite en poussant son voisin en bas de sa chaise pour prendre sa place, et se nourrit en défiant quiconque d'interférer.
Ce fut ensuite l'heure de la promenade. Mala s'enfonça dans le trajet préparé d'avance, mais multiplia les interventions, hurlant contre une personne qui lui enlever trop de lumière, frappant un domestique qui tenait mal son ombrelle, menaçant le héraut de mort lorsqu'il contredisait son chemin. Les nobles avaient commencé à avoir leur leçon ; ils tenaient tous à ce que le règne de Mala se termine, mais pas au prix de leur vie ou de leur titre. Peu d'entre eux étaient reconnus pour leur courage et leur notion de sacrifice, en ce jour de terreur c'était visible.
..Et ce fut l'heure de la confrontation. Mala s'avança dans le long couloir dallé qui menait au bureau des affaires courantes. À l'autre bout, l'Intendant Bolton, son air et ses manières sempiternels. Les talons de Mala résonnaient contre la pierre du couloir qui semblait encore plus froid que d'usage alors que la monarque approchait l'autre individu sans le quitter d'un regard haineux. Les nobles et le héraut qui la suivait toute la journée s'étaient légèrement écartés par prudence. Lorsqu'ils arrivèrent l'un près de l'autre, les deux cannes cognèrent le sol ; le sceptre impérial et celui de l'Intendant.
Mala se retourna vers la longue ligne de gens présent, et sourit doucement à Thomas.*
" Brûlez tous ces documents, ainsi que leurs archives et les originaux. C'est un ordre indiscutable. Nous avons des lois plus urgente à édicter ; ce qui vient du règne de ma sœur est nécessairement mauvais. Il suffit de voir ce comment le peuple se tient. Ce sera comme ça pour chaque dossier avec lequel l'Intendant me dérangera qui n'est pas digne de l'attention du Conseil Impérial."
*L'Impératrice prit ensuite une bonne partie de son temps pour superviser la destruction de tous les documents. Certains fonctionnaires étaient horrifiés de voir la chose, réalisant très bien les années d'histoire et d'efforts qui étaient perdues. Certaines sphères de la cité seraient laissées à elles-mêmes et il serait difficile de tout refaire de mémoire dans certains domaines plus anciens.
Elle quitta l'Intendant sans plus attendre pour aller édicter quelque lois personnelles avant son souper. Repas pendant lequel elle n'hésita pas à établir son autorité en giflant la première noble, déjà récalcitrante, à approcher son assiette. Seule les mesures de sécurité nécessaires à sa survie pouvaient procéder sans que Mala n'entre dans une rage dangereuse.
Et bien sûr au coucher le héraut fut de nouveau exécuté tout de même. Les trois hérauts, pour haute traitrise, devaient être exposés pour montrer le châtiment exemplaire à un endroit de la cours du palais où aucun futur héraut ne pourrait les manquer.*
"Voilà MA vie parfaite!!"
Quand à ce médecin à l'allure d'un cadavre qui se prétendait baron, elle avait été dégoûté par l'homme et veillerait à lui enlever ses fonctions et ses titres ; c'était visiblement un usurpateur.
Post by Thomas Bolton, Emp - October 10, 2008 at 8:08 PM
Les familles des hérauts exécutés furent bien évidemment indemnisées. L’Intendant avait désormais de grandes difficultés à trouver des membres de la bourgeoisie souhaitant se prêter à ce petit jeu. Mais tout problème à sa solution, c’est ce qu’il vit avec monsieur Cressen.
« Nous allons devoir embaucher des hérauts moins compétents, je le crains. Son Altesse Impériale la Régente risque d’être déçue, mais nous n’avons pas le choix. »
Une lueur énigmatique brilla dans le regard du baron, alors que son secrétaire répondait.
« Assurément, monseigneur. »
« Vous trouverez des dizaines de familles en basse-ville qui seraient prêtes à sacrifier un fils pour un millier de pièces d’or, faites des recherches. »
Et le lendemain matin, alors que la princesse profitait d’un agréable sommeil qu’elle pensait encore long, un horrible son se fit entendre. C’était celui d’une flûte, perçant, disgracieux et puissant.
« Vot’ Maj’sté Impériale, c’l’heure ! », clama un pauvre citoyen de la basse-ville propulsé héraut de la Régente le matin même.
Une dizaine d’entre eux attendaient dans une pièce adjacente pour remplacer un malheureux collègue. Chaque famille avait reçu une bourse contenant un millier de pièces d’or. Quand la misère et la faim étreignent des individus, les liens familiaux disparaissent en fumée…
Ses manières étaient clairement inadéquates pour la situation, il semblait déteindre dans le décor, même s’il avait été baigné, peigné et correctement habillé. Et ce son de flûte, cet horrible son ! Si seulement il avait su en jouer !
« Vot’ Maj’sté Impériale, c’l’heure du Trôvôil ! », clama un héraut visiblement différent de celui du matin…
C’était l’heure de la confrontation. Alors que Mala avançait dans le couloir, quelle ne fut pas sa surprise de constater que la longue rangée de fonctionnaire ne s’était pas évaporée. A leur tête, l’Intendant Bolton l’attendait devant la porte. Avant qu’elle ne crache sa bile, il prit les devants et annonça tout de go :
« J’ai bien pris note de la volonté de Madame la Régente, aussi n’y a-t-il plus de dossiers en cours à traiter, mais différentes propositions de lois qui ne manqueront pas de vous intéresser et qui doivent absolument recevoir votre sceau pour être validée. »
Et après un léger silence, où elle ruminait une réponse cinglante, Thomas enchaîna :
« Sauf si vous souhaitez me confier ces responsabilités, Madame la Régente. »
Et ils entrèrent dans le bureau. Ce qui fut présenté à la princesse, décris comme des décrets d’une importance vitale pour l’empire n’était en fait que des lois inutiles, sans implication quelconque. Si elles étaient acceptées, ça ne se verrait pas dans le paysage juridique systérien, si elles étaient refusées ou même brûlées, elles ne manqueraient à personnes. Ces six heures étaient cruellement longues…
Quant à l’Intendant, il attendait de voir les résultats de cette légère modification dans la Vie Parfaite de Mala…
Post by Thomas Bolton, Emp - October 15, 2008 at 3:45 PM
Dans le bureau de l’Intendant, au palais…
Le baron Bolton examinait la pile de lettres insultant ou critiquant les décrets de la Régente. D’ailleurs, une pile de dossier à ses côtés rassemblait divers rapports sur les récentes lois promulguées par la princesse, leurs applications et l’avis de la populace à ce sujet. Autrement dit, rien qui ne renforce la crédibilité de Mala, loin de là. Une chose était sûre, le contexte devenait de plus en plus instable. Cressen arriva et coupa court à la réflexion de son supérieur.
« Un nouveau héraut est mort ce midi, monseigneur. C’est le neuvième, maintenant. La compensation a été versée à la famille. »
Thomas hocha la tête. Lentement, sa main se dirigea vers un tiroir de son bureau. On entendit un déclic et un compartiment caché s’ouvrit. Il en sort quatre dossier et quatre lettres, presqu’identiques. D’un geste élégant, il les poussa vers le rebord pour son secrétaire.
« Vous transmettrez ces dossiers au Chef d’Etat-Major de Baudouin, au Haut-Paladin Balgor, au Baron Glâneduc et au Sous-Consul Stornaar. »
Le fonctionnaire plissa les yeux, comme s’il réfléchissait intensément.
« Vous vous êtes décidé à agir, monseigneur ? Les guildes vont y prendre part ? »
« Oui, monsieur Cressen. Un acte isolé causerait moins de dégâts, mais priverait… l’artiste de toute légitimité. Il faut canaliser cette colère et pour cela, il n’y a qu’un moyen. »
Le secrétaire attrapa la pile et fit mine de repartir, quand il s’arrêta net devant la porte. Sans se retourner, il ajouta :
« Je vais faire aménager cet endroit sûr pour Votre Seigneurie et transférer une partie de vos biens dans une banque zantherienne. Juste au cas où. »
L’Intendant ne put s’empêcher de sourire, singulièrement amusé par la remarque. Et aussi par l’efficacité de son subalterne.
« Juste au cas où, monsieur Cressen. Oui, juste au cas où. »
Car effectivement, une possible trahison faisait partie de l’équation définie par le baron.
Et à l’autre bout du palais, le midi…
« Ah lala, Vot’ ‘périal ‘jesté, c’est pô commode, c’qui arrive en cuisine, là », beugla le nouveau héraut.
« Et qu’est-ce qui arrive en cuisine bougre d’analphabète débile ? », hurla Mala.
« Ben, c’est qu’les pôtôtes, ben elles sont germées, ya une saloperie de champi qu’est venue se fourrer dans les celliers. Et puis les tômôtes, ben c’est qu’elles sont franchement toutes molles et pas belles, là. On pense qu’c’est la vieille Mad’leine qu’a bidouillé des trucs en s’gourant à la lecture des registres. Pas assez frais tout ça, mais j’ai pas tout compris, quoi. »
« Et alors ? Servez autre chose, idiot congénital ! »
« Ben c’est qu’on peut faire que d’la soupe de pois chiche avec du lard fumé, hein, l’temps de remplir tout c’bordel. Heu pardon, toutes les réserves. »
Une lueur malsaine brilla dans le regard de la Régente. Quelques minutes plus tard et le héraut fut débarrassé de sa tête, comme la vieille Mad’ qui travaillait au cuisine depuis le règne de Maemor II. Quant à la princesse, elle devrait se nourrir de soupe aux pois chiches et de lard fumé pour encore deux jours…
Le midi suivant, par contre, après avoir terminé son horrible soupe, l’estomac encore gargouillant, Mala reçut un plateau sur lequel trônait un épais poulet rôti appétissant. Appétissant si ce n’était cet assaisonnement pimenté qui le badigeonnait. Une note et une lettre furent en même temps donnée à la Régente.
À Son Altesse Impériale la Régente Mala de Systéria,
Je viens de recevoir ceci de la part de monsieur Cornelius Aigrepont, ancien membre de l’administration impériale.
C’est un cuisinier hors pair qui apprécierait grandement devenir votre goûteur. Vous trouverez sa lettre de candidature ci-joint.
Je prie Votre Altesse Impériale d'agréer l'hommage de mon profond respect.
T. H. Bolton, Intendant
Son Altesse Magnifissime la princesse-régente Mala de Systéria,
Je vous présente mes plus humbles hommages en ce qui a trait à votre accession au trône. La maladie de votre soeur m'attriste beaucoup, mais vous semblez être un modèle de splendeur, de grâce et d'intégrité idéal pour combler ce vide. Entre vos mains, à n'en pas douter, l'Empire croîtra plus que jamais et connaîtra une période de prospérité inégalée.
J'espère ne pas vous déranger dans votre règne en vous envoyant ce pli. Si je vous écris, c'est dans le but de m'offrir à vous pour des services de goûteur.
Diplomate de formation, mage accrédité par la Confrérie Pourpre, j'ai voyagé une grande partie de ma vie pour vanter l'empire systérien partout à travers Enrya. Assistant-bibliothécaire pendant deux ans, j'ai également avec moi un savoir surprenant acquis au fil de mes lectures, et espère pouvoir en apprendre davantage en côtoyant votre scientifique personne.
Je manie les mots à la perfection et les arcanes comme un charme. Mes maints voyages diplomatiques m'ont permis de développer mes papilles gustatives en goûtant à une multitude de plats de tous les pays: on dit de moi que je suis infaillible lorsqu'il s'agit de détecter quoi que ce soit qui puisse nuire à la santé de celui qui se repaît de mets dangereux.
Avec la vague de traîtrise - plus que scandaleuse, je vous le dis - qui semble s'abattre sur votre personne, il devient, j'en ai l'intime conviction, primordial de vous protéger de tout accident fâcheux: aussi vous prié-je de me faire confiance et de me permettre d'occuper cet emploi.
Les goûteurs du palais sont de sombres incompétents: je ne compte plus le nombre de fois où, lors de réunions d'importance critique avec des dignitaires étrangers, j'ai été atteint de maux de ventre particulièrement prodigieux.
De plus, grâce à ma magie, s'il advenait que mes talents faillissent, je pourrais sauver Votre Altesse en moins de dix secondes à l'aide de sorts très efficaces.
Je prie pour que, Votre Altesse, vous portiez une attention particulière à ma missive qui, je l'espère, saura se démarquer des autres plis que vous avez pu recevoir.
En attente d'une réponse de votre part, et en vous priant de bien vouloir daigner agréer l'assurance de mon respect le plus sincère et de ma loyauté la plus infaillible,
Cornelius Aigrepont
Goûtera, goûtera pas ?