D'Ombre et de Sang.

D'Ombre et de Sang.

Post by Yriel Asuryan - December 31, 2008 at 7:02 PM

D’Ombre et de Sang.

Mémoires d'un roublard par Yriel Asuryan.

Replaçant son cache œil qui le démange, Kahz Burn balaye la salle intérieur de sa taverne d’un regard froid. N’avoir qu’un œil à beaucoup d’avantage quand on tient la salle ou se trament plus que probablement la plus grande partie des mauvais coups de toute la ville de Systéria, on ferme plus facilement les yeux sur ce qui s’y passe…

Comme à l’habituée, la salle est peu éclairée, quelques hommes tuant le temps avec leur bière au bar, les coins éclairés de la taverne sont désertés, c’est aux tables du fonds, celle que la lumière semble rechigner à éclairer que se donnent rendez-vous des hommes dont les affaires ne souffrent pas d’oreilles indiscrètes, ni de regards soupçonneux.

C’est à une de ces tables sombres, que les serveurs évitent tant qu’ils n’y sont pas appelés, qu’un jeune homme est assis. Un bandeau brun sombre sur son crâne rasé, une barbe naissante, et une seule boucle d’oreille qui bien qu’ornée d’une belle bière, semble dégradée, il a le dos contre le mur, et les deux bottes crasseuses posées sur la table. Certainement dans la vingtaine, peut-être même moins, un seul coup d’œil suffit à savoir qu’il s’agit d’un voyou de Basse-ville. En effet, ca va faire maintenant 3 ans qu’Yriel Asuryan est recherché par la Garde Impériale et l’Ordre du Soleil.

C’est loin d’être une légende, ou un exemple pour les autres voyous, juste un homme comme un autre qui à fait ses débuts dans les ruelles de la Basse-ville. Quelques vols au début, quelques bagarres, rien de bien méchant.
Evidement, c’était devenu son métier, et il s’y était révélé plus que bon, certains disaient que c’était un véritable don qu’il avait pour la contrebande. Bien qu’il ne s’en vantait jamais lui-même, il était tout à fait conscient qu’il entreposait dans ses quatre ou cinq caches à travers la ville, la plupart des objets, matériaux et marchandises prohibés de la ville, mais il préférait parler de… commerce détaxé.

C’est cette capacité à trouver tout ce que les gens recherchaient qui l’avait mené à la rencontre du Consul Raz’ol Ka’Dred, que la ville de Systéria retiendrait plus tard sous le nom d’Halik Terlfyr, l’Ange Noir.
C’est cet elfe noir qu’il attendait, homme de main dans ses débuts, les rencontres se faisait de plus en plus fréquentes et les tâches se multipliait, il savait qu’il gagnait la confiance de l’Ange noir, car jusqu’à présent, celui-ci n’avait pas eut à s’en plaindre.

Bien qu’Yriel Asuryan ait cette incurable manie paranoïaque, prise pendant trois années de traque par l’Empire et ses sbires, de toujours se placer de manière à voir toutes les portes d’accès de l’endroit où il se trouvait, c’est invariablement de l’ombre qu’Halik Telfyr sortait à chaque fois pour venir se poser à la table convenue, comme si il en faisait partie, et ne s’en détachait que pour entrer en contact avec l’extérieur.

La discussion commence, elle va bon train, les individus se font confiance, quelques projets, un objet à livrer, un payement… L’elfe noir, si froid et sombre, se prend même parfois à esquisser un rictus dont peu de personnes connaissent le sens, il s’agit bien d’un sourire, mais sa personnalité de marbre ne se laissera jamais aller à plus d’émotions perceptibles. Yriel sait qu’il en est parfois sur le point, mais trop rigide pour se laisser aller, ça l’amuse beaucoup, et rend l’image qu’il s’était faite du personnage plus… humaine.

Son visage se crispe, une cape rouge vient de passer devant la vitre arrière de la salle. Les deux individus sont extrêmement bien placés pour savoir ce que cela signifie, une ronde de la garde. Alors qu’Yriel reporte son attention sur la table, l’elfe noir n’est déjà plus là, retourné dans les ombres.

Passant une main à l’arrière de sa taille, puis une dans sa botte droite, Asuryan s’assure que ses deux dagues sont bien fixées et prête à être dégainées. Les accès aux portes ne sont pas obstrués, il n’y a que peu de monde. Patience.

Le garde les avait-il vus à travers la vitre ? Peu de chances… Quoi qu’il en soit, les portes de la taverne s’ouvrent, et c’est de son unique œil suspicieux que Kahz Burn, le propriétaire, suit du regard le nouveau ministre de la guerre de la ville de Systéria entrer dans la salle. Le demi-orc Orth Usk, en complète armure de plate, armé jusqu’aux dents s’avance d’un pas lent vers le comptoir. Il est venu en Basse-ville sans escorte, première erreur.

Stratagème ridicule, il fait mine de consommer au bar, et de ne pas porter attention au fond de la salle. Yriel Asuryan et le demi-orc n’en sont pas à leur première rencontre, et chacune d’elles s’est soldée par une course poursuite, le jeune homme sait qu’il connaît son visage.

Le voila qui arrive…

Au moment même où il va prendre la parole, une voix lugubre se fait entendre derrière lui. Halik Telfyr, se tient devant les portes désormais fermées de la taverne. Kahz Burn le borgne fait signe à sa serveuse, et tous deux passent la porte qui mènent à la réserve, les quelques ivrognes présents font de même par la porte de sortie arrière.
S’appuya de la table pour pousser sa chaise dans un crissement de bois, Yriel Asuryan se lève pour aller se poster près de la deuxième porte de sortie. Les choses ne se passent apparemment pas comme prévu pour le nouveau Ministre des armées, qui déglutit d’un air peu confiant.

Une discussion totalement surréaliste s’engage entre le criminel le plus recherché par toutes les guildes armées de la ville, et le militaire le plus haut gradé de l’Empire. Ils se font même des politesses.

Yriel Asuryan sait qu’il doit se taire, et laisser faire l'Ange Noir tant que celui-ci ne lui demande rien. Droit et raide, il est posté près de la porte du fond, les bras croisés sur le torse et les yeux qui ne cessent d’épier le moindre geste du demi-orc et de l’elfe noir. Halik Telfyr à dégainé, une lame d’ombryque, magnifique. Yriel l’a déjà vue à l’œuvre et sait comme elle taille avec une précision d’orfèvre la chair humaine.

Le demi-orc fait de plus en plus peine à voir, il recule d’un pas. Il complimente la beauté de la lame. Et l’Ange Noir lui propose ironiquement d’y lire les inscriptions qui y ont été faites.

Il accepte…

La main désormais serrée se le pommeau de la dague qu’il a fixé à sa ceinture au niveau de ses reins, Yriel Asuryan fronce les sourcils, prêt à bondir. Le chef des armées de Systéria est-il vraiment sur le point d’être assez bête pour aller lire les inscriptions faites sur la lame de l’assassin le plus redoutable de la ville alors que celui-ci la tient dans sa main ?

L’elfe noir s’approche et lève sa dague, le demi-orc quand à lui fait mine de se rapprocher pour mieux voir la dague. Un pivotement de côté, un léger vrombissement d’air et puis un long silence…
C’est un dégoutant bruit de succion qui vient le rompre quelques secondes plus tard, celui de la gorge d’un demi-orc qui vient d’être ouverte d’un bout à l’autre.

Ne perdant pas de temps, alors que l’Ange Noir, tel une stature de marbre, pose son regard froid sur sa victime encore chaude. Yriel Asuryan se penche sur le corps, les clefs de l’Empire, de l’Or, des bijoux de valeurs… Après avoir retiré tout objet de valeur, les deux individus emmènent le corps dans la rue.

La dague toujours à la main, l’Elfe noir entreprend de trancher la tête du demi-orc. Yriel est là, à côté, il attend. La vue du sang ne l’incommode pas, l’idée d’avoir tué un ministre pas d’avantage. La violence est leur lot quotidien, le crime, leur vie.

Alors que l’Ange Noir, emporte, comme à l’habituée son dû, la tête de sa victime -et Yriel préfèrait ne pas savoir dans quel but-, le pathétique corps à la peau verte, inerte et décapité, est jeté dans une flaque de boue d’une ruelle sombre où il pourrira sûrement encore un jour ou deux sous la pluie, le vent et dans la crasse avant de se voir offrir une sépulture décente.

Rejoignant désormais une de ses planques, Yriel Asuryan regardait le ciel, appréciait la pluie qui s'abattait sur son visage. La pluie était salvatrice ici bas, elle nettoyait le sang. La cape battant au vent et le regard vide, perdu dans l'horizon, il rejoignait un lieu sûr. Il dormirait sans mal ce soir...

Un jour comme un autre au final, car il n’y en a pas de plus sombre que le précédent, dès lors qu’on vit dans les ombres de la Basse-ville.