Une visite inattendue

Une visite inattendue

Post by Bel'labress Mel'Viir - February 13, 2009 at 3:02 AM

J'ouvris les paupières. Mes songes avaient été inexistants. Mon regard reflétait le vide mon esprit en mutation. Je pris le temps de m'asseoir sur mon lit et je demeurai immobile pendant un moment long qui me parut pourtant bien court. Je contemplai ma garde-robe puis sélectionnai des habits qui me semblèrent raisonnables pour un thé en bonne compagnie. Je relevai mes longs cheveux en un chignon bien serré, parfait. J'enfilai ma cape et je couvris ma blanche chevelure de mon capuchon de soie.

Je saluai froidement les deux animaux qui tenaient l'auberge avant de quitter. Le sol en Basse-ville était devenu boueux. Chacun de mes pas, aussi léger furent-ils, s'enfonçait dans cette masse brune à la texture vaseuse. Je relevai le bas de ma robe pour éviter de la tacher, puis je montai les marches menant à la Moyenne. Je suivis le chemin de dalles menant au manoir Trenor. La pluie nettoyait mes sandales mais elle mouillait mes petits pieds nus. J'arrivai devant la porte, je levai le poing et cognai trois coups. Je joignis mes mains sur mon ventre puis attendis sagement.

La Gouvernante ouvrit. Je lui parlai un peu dans ma langue natale afin de savoir si Madame la Comtesse était présente. La réponse à mes attentes fut négative, mais elle m'invita néanmoins à boire un thé en attendant son retour. Je pris place, j'attendais Mère en silence.


Post by Sinriia Mel'Viir - February 14, 2009 at 1:38 PM

La nuit s'était déjà installée depuis quelques tours de sablier. La lune qui se faisait plus discrète en ce crépuscule orageux, voyait sa lueur apaisante étouffée par l'étreinte des sombres et épais nuages qui recouvraient le ciel. Alors que les rues pavées se faisaient purger de leurs saletés inertes et animées par une pluie diluvienne, un puissant vent de mer s'élevait sur la côte de l'archipel de la Petite Sœur qui ne trouvait guère de repos en cette nuit tout comme les nombreux êtres qui l'habitaient.

S'enfonçant dans les ténèbres de la tempête d'un pas toujours aussi confiant, elle se dirigeait vers son toit provisoire offert par la veuve Majere afin de trouver refuge pour la nuit. Sa chevelure qui se rebellait sous les rafales de vent, fouettait l'air vigoureusement derrière elle. La pluie qui s'abattait hargneusement comme des clous sur son visage tendu, avait eût tôt fait d'altérer son maquillage d'origine impeccable pour n'y laisser que de longues coulisses tout au long de ses joues.

Après avoir emprunté quelques ruelles plus sécuritaires, sa main délicate vint enfin heurter la poignée de porte du manoir Trenor. Trempée de la tête jusqu'au pieds, elle pénétra le domaine qui plongeait dans une obscurité quasi totale. Qu'un simple chandelier éclairait la vaste salle d'accueil où se retrouvait l'enfant qui avait dû attendre quelques heures avant l'arrivée de sa tutrice.

Il était rare pour la sous-consule de rentrer à la résidence les mains vides. La tempête qui s'était déchaînée au cours de la soirée avait eu raison d'un travail prolongé à son bureau. Quoi qu'il en soit, pour une rare occasion elle aurait du temps à offrir à l'enfant qu'elle considérait comme sienne depuis certain temps. Si ce n'était que par simple instinct maternel qu'elle l'avait prit en charge, c'était probablement dû au fait que cette enfant était à l'image dont elle s'attendait jadis de sa propre fille, emportée par Mala la sanglante il y a plusieurs années déjà.

La comtesse s'avança dans une démarche éreintée vers la jeune elfe noire, laissant derrière elle quelques sillons d'eau sur le planché de bois du domaine dû à ses vêtements détrempés. Toujours silencieuse, elle se contentait de l'observer d'un regard indéchiffrable même pour elle-même. Fierté, admiration, espoir, étaient probablement les mots qui décrivaient le mieux ce que l'elfe d'âge adulte ressentait envers la jeune Bel'Labress. À travers elle, le sacrifice de sa fille lui semblait moins lourd dans son esprit, pour ne pas dire totalement oublié. Bien qu'avec des horaires chargés, Sinriia s'était promise de ne pas commettre les mêmes erreurs qu'avec Viconia.

Arrivée derrière l'enfant, elle se pencha doucement vers l'avant afin de venir l'embrasser sur le dessus de la tête. Étais-ce là une rare marque d'affection provenant d'un cœur si glacial? Elle n'y prêtait peu d'importance, car après tout elle estimait que la jeune elfe le méritait. Tranquillement, son index acéré longea le visage de la petite elfe pour venir lui soulever le menton alors qu'elle l'invita de sa seconde main à la suivre.

Elle poursuivit sa marche nonchalante vers la salle de bain où elle alluma quelques bougies en bordure du grand bain de pierre, suivit de quelques bâtons d'encens qui parfumèrent rapidement la pièce d'une arôme d'orchidée. Elle déposa ensuite quelques pierres chaudes sous les bancs du bain, puis déversa quelques huiles parfumée de la même essence que l'encens dans l'eau.

Ce n'est qu'après quelques instants qu'elle laissa sans pudeur ses vêtements à présent glacial sur le sol pour retrouver quelconque réconfort dans la source d'eau chaude. Retournant son attention vers la petite, elle lui adressa finalement la parole d'une voix douce et détendue.

"Je suis navrée de ce retard mon enfant... Approche-toi et berce-moi de ta voix. C'est à mon tour de d'écouter cette fois-ci."


Post by Bel'labress Mel'Viir - February 17, 2009 at 6:05 AM

Je m'assis sur le rebord de la baignoire. Je contemple mes mains sagement posées sur mes cuisses. Je ne sais quoi dire, quoi exprimer... Tout et rien à la fois? Je pense... Mère entend une partie de mes pensées. Ce n'est pas volontaire.

J'ouvre la bouche, rien ne sort. Je regarde cet être si cher à mes yeux se frotter avec l'éponge. Je pense... Un son, le début d'une toux sort. Je me couvre avec mon bras, ma quinte devient plus forte. Je parle. "Je me sens de plus en plus faible... Les hommes me transmettent diverses maladies aussi pénibles les-unes que les autres. Rien ne me semble bien grave cependant." dis-je. Mère ne semble pourtant pas de cette avis. Je sais qu'elle a raison, je sais que je suis d'une nature plutôt fragile. Je baisse le regard, j'ai menti. Je ne veux pas qu'elle s'inquiète, ce serait un fardeau. Pourtant, elle m'a dit de le lui faire savoir, mais je ne peux m'y risquer... Elle avait tant de travail... Je joue nerveusement avec mes doigts, ma gorge se resserre, je tâche de rester apathique. Elle ne doit se douter de rien, elle ne peut se permettre de s'en faire pour moi.

Je sens une douleur grimper le long de ma trachée. Mes yeux deviennent larmoyants, j'essuie vite ces maigres larmes. Je ne peux m'y résoudre. Je retiens ma toux. La pluie torrentielle m'a donné froid. Mes paupières se ferment doucement, je me lève. Je dis à Mère que j'ai sommeil, que je vais demander à la gouvernante de me faire un lit ici. Je n'ai pas la force de rentrer, mais je le garde pour moi, je bloque mes pensées.

J'ouvre la porte menant à l'autre pièce, je tombe. Un bruit mat retentit, j'ai les yeux clos, je vis, mais ailleurs, dans ma sombre nostalgie.


Post by Feu Zaō Minh Yu, AdM. - February 17, 2009 at 12:14 PM

Un bruit mat vint déranger le médecin, debout face au jardin intérieur après les soins de la maitresse du lieu, dans le silence du manoir c'était un bruit qui s'était amplifié. Tournant la tête vers l'origine supposée du bruit il déposa sa tasse de thé sur la table basse, coupe fumante et odorante qui mêle son arôme à celui du médecin.

Le pas de l'homme est léger, se déplacant en silence uniquement accompagné du bruit de l'étoffe, du bruit de l'ouverture des deux portes qui le sépare de l'origine du bruit, le corps de l'enfant est au sol, allongé comme l'est un animal blessé. Le médecin se baissa donc, regardant la mère pour avoir l'autorisation de celle ci, une fois celle ci donnée il passa sa main sur le front de la petite chose.

*" Il faudra la garder au chaud, faites lui respirer une tasse complete d'eucalyptus. Pourquoi pensez vous que je possède une pochette sur moi ? Cela date de ma tuberculose." *

*Son regard brun se leva sur la mère, lui souriant un peu. *


Post by Sinriia Mel'Viir - February 18, 2009 at 12:08 PM

Son regard attentif rivé sur l'enfant, la comtesse détaillait les moindres gestes et les réactions de sa jeune fille alors qu'elle nettoyait son propre corps des impuretés acquises dans la journée. Hésitante dans ses manières et paroles, Sinriia avait rapidement compris que quelque chose écrasait d'avantage l'esprit de la petite elfe noire autre que sa difficulté d'adaptation à la capitale impériale.

Lorsque Bel'labress ne pu contrôler sa toux, le visage de l'elfe adulte retrouva rapidement ses traits tendus. Aussi rassurante l'enfant voulait être envers sa mère, elle ne pu cacher à ses yeux le mal qui l'envahissait. Demeurant silencieuse, elle la suivit de son regard sévère jusqu'à la sortie de la pièce. Ce n'est qu'au son de la chute de l'enfant que la comtesse se redressa finalement de son lieu de détente. Enfilant sans même s'essuyer son kimono de soie crocheté sur le paravent, elle se dirigea d'un pas flottant dans l'autre pièce où gisait l'enfant inconsciente sur le sol.

Rapidement, elle s'accroupit près de sa fille lorsque soudainement la seconde porte de la pièce s'ouvrit. Non surprise par l'entrée du médecin Teshu, la comtesse l'invita à approcher pour qu'il observe l'état de la petite...

" Il faudra la garder au chaud, faites lui respirer une tasse complete d'eucalyptus. Pourquoi pensez vous que je possède une pochette sur moi ? Cela date de ma tuberculose."

D'un simple geste de tête elle approuva les paroles du médecin sans chercher à n'en ajouter. Bien qu'il était rare pour un elfe de contracter des maladies de la race humaine, il n'en était pas impossible. Particulièrement pour une enfant de faible constitution.

Sinriia indiqua au demi-elfe patienter un instant alors qu'elle se redressa avec souplesse, refermant convenablement son kimono, puis sortit de la pièce pour revenir peu de temps après avec un épais drap de laine dans les mains. Elle se pencha à nouveau au côté de Bel'Labress pour la recouvrir de la couverture. Sans la moindre difficulté, elle l'a souleva dans ses bras pour se diriger vers la sortie de la pièce. Reconnaissante, elle remercia Zao d'un signe de tête puis lui souffla quelques paroles à l'oreille sur son passage.

" Libre à vous de demeurer ici pour la nuit, il fait un temps mauvais à l'extérieur. Je vais la porter dans ma chambre, faites comme chez-vous... "

Sur ces paroles, la comtesse quitta les lieux pour se diriger vers sa petite chambre offerte par la veuve Majere à l'étage supérieure. La pièce qui de base était décorée pour les deux jumelles de Yuri, pouvait paraître quelque peu particulière pour accueillir l'ex ministre. Mais quoi qu'il en soit, elle ne refuserait certainement pas cette hospitalité.

Sinriia déposa finalement l'enfant sur le futon, s'assurant de bien la border de plusieurs épaisseurs. S'absentant quelques instants, elle parti chercher l'encensoir afin de suivre les direction du médecin T'sen. Elle y fit brûler une bonne quantité d'encens d'eucalyptus qui envouta rapidement la pièce de sa forte odeur.

La comtesse rejoignit enfin sa fille sous les couvertures. Incapable de fermer l'œil, la mère veilla sur sa fille pendant une bonne partie de la nuit jusqu'aux petites heures du matin où elle fini par s'endormir...


Post by Bel'labress Mel'Viir - February 19, 2009 at 6:15 AM

Je me réveille, je soulève la tête mais la repose aussitôt lorsque mon mal m'envahit. L'odeur de l'eucalyptus chatouille mes narines. Je sens Mère à mes côtés. Est-elle venue me rejoindre après son bain? J'ai la migraine, une atroce migraine. Je porte ma main à mon front, je sens une bosse, j'ai mal. Mon bras gauche m'élance, qu'est-il arrivé? Je referme les paupières, je veux m'endormir, une nuit sans rêve... Je demeure immobile dans mon lit, je ne voudrais pas réveiller Mère. J'essaie de me souvenir, je réfléchis... Je toussais hier soir, ma gorge me brûle encore à chaque fois que je déglutis. Je tâche de ne pas y penser. Mes pensées s'embrouillent, je repense à Udossta.

Mon frère me prend par la main, il me tire plutôt. Je le suis mollement, il m'amène jusqu'à Mère. Elle regarde ma main, elle affiche un air horrifié. Je saigne, je ne bronche pas. Elle lève sa main, elle me frappe. Je reste stoïque. Elle crie, elle crie très peu d'habitude. Madame la Matrone me panse la main, je traîne des pieds jusqu'à ma chambre. Mon frère arrive. Il prend mon autre main, il me l'entaille. Le sang commence à couler bien rapidement et je m'endors.


Post by Sinriia Mel'Viir - February 19, 2009 at 12:09 PM

D'abord l'œil gauche, puis le second qui vint s'ouvrir dans un bref intervalle pour parcourir rapidement la pièce d'un regard vif. Aussi minimes les mouvements de la jeune enfant pouvaient être, il fallait peu pour ébranler le sommeil léger de la comtesse qui avait probablement gardé au fil du temps cet instinct d'Udossta Tach'zil.

Une fois que sa conscience fut totalement retrouvée, elle porta son attention sur sa protégée étendue près d'elle. Sa fine main se découvrit des draps épais de lin pour venir se déposer en toute délicatesse sur le front de l'enfant. Une grimace se forma au coin de ses lèvres charnues lorsqu'elle tâta la bosse qui n'était pas tout à fait désenflé de la veille. Elle laissa ensuite glisser à plusieurs reprises ses doigts graciles dans la douce chevelure argentée de Bel'Labress.

" J'ai reçu dernièrement la confirmation du garde des sceaux. Tu es désormais reconnue sous le nom de Mel'Viir. À présent, ta place n'est plus dans les tréfonds de la basse ville, mais bien à mes côtés comme ma propre fille. Je passerai à l'auberge aujourd'hui pour cueillir tes effets. Je t'interdis d'ailleurs d'y retourner. "

La voix de la comtesse était douce mais à la fois ferme d'une certaine manière. Les dernières paroles ne laissèrent pas place à l'argumentation. Bien qu'elles étaient avant tout pour le bien de la petite, elles démontrèrent l'autorité et les rares inquiétudes de la mère.

L'elfe noire se redressa assise sur la couche. Tendant le bras vers l'extérieur, elle agrippa fermement une carafe remplie d'eau pour en verser dans un verre juste au côté. Elle broya par la suite quelques racines de mandragore, saupoudrant peu après le contenu dans le verre qu'elle agita à l'aide d'une cuillère.

Elle offrit le breuvage qui dégageait une forte odeur à sa fille puis lui laissa la parole si toutefois elle en avait la force tout en s'étendant à nouveau les yeux rivés vers elle.


Post by Bel'labress Mel'Viir - February 19, 2009 at 11:56 PM

J'obéis à mère. Faiblement, je prends le breuvage, j'en prends une petite gorgée et cette fois, je ne peux cacher ma grimace de dégoût. Je le termine néanmoins avec une certaine rapidité qui me permet d'éviter le goût.

Je partage mon bonheur avec retenue à mère. J'ouvre la bouche: "Je suis heureuse que vous me considériez comme votre fille. Je ne vous ferai pas honte et en aucun cas je ne chercherai à vous décevoir." Je pince les lèvres. Je pose un léger baiser qui effleure sa joue, sans plus. Je repose ma tête sur l'oreiller, j'attends le matin, les yeux grand ouverts.

Je suis née en Udossta, je renaîs à Systéria. Le contexte demeure différent, mais je crois que tout ne sera pas que pire. Madame Mel'Viir est sans doute celle qui me permet de m'accoutumer davantage. Petits changements par petits changements, elle m'expose à cet enfer. Je vais le dire, je l'aime, et j'offirai ma vie pour elle.