Une Lenne déterminée...

Une Lenne déterminée...

Post by Thomas Bolton, Emp - July 20, 2009 at 12:31 PM

Tout commença par l’approche d’une silhouette aux pas hésitants. Elle se mouvait étrangement, un peu à la façon de ces serpents charmés par le son d’une flûte à Kar Bed’Joul. Elle semblait onduler et pourtant, elle avançait. Un garde n’eut pas de mal à la reconnaître.

« Oh non, voila encore la Vespari. Je ne pensais pas la revoir avant longtemps, celle-là ! »

Une nouvelle recrue haussa les sourcils, se mettant sur la pointe des pieds pour tenter d’observer dans l’obscurité régnante la femme que craignait tant son tuteur !

« Elle a l’air normale. Enfin, je veux dire, ça peut aller, non ? »

« Va chercher Sa Seigneurie au lieu de dire des bêtises. Il l’attendait, apparemment. »

Ca, ça ne l’enchantait guère. Autant la femme violette avait l’air de se désintéresser totalement de vous, autant l’homme en noir donnait l’impression de vous percer l’âme. Mais bon, c’était aussi ça la protection du palais. Côtoyer des individus imbuvables.

Et quelques minutes plus tard, les deux phénomènes se rencontrèrent.

« Bien le bonsoir, mademoiselle Vespari. Vous venez, je suppose, au sujet du magistère Glâneduc ? », lui lança-t-il en guise d’accueil de sa voix sempiternellement monocorde.

La juge-magistère posa brièvement son regard sur lui, hagard, puis il se perdit dans l’obscurité. Le duc tenta, comme à l’accoutumée, de plonger ses prunelles grises dans celles de la mage, en vain. Alors il se contenta de fixer son visage, seul point à peu près fixe de son anatomie.

« Il semble que bien peu d’événements, messire Bolton, m’amènent au seuil de votre porte et à me confronter à la rigidité de l’administration de l’Empire. », annonça-t-elle d’une voix vide mais teintée d’une pointe étrange.

« Je suis persuadé que ce n’est pas sans vous déplaire. »

« Messire Glâneduc sert la Confrérie depuis qu’il a posé le premier de ses pas sur la Petite Sœur. Il n’est pas seulement l’un des nôtres, il est un emblème, l’incarnation de l’esprit de la Confrérie au sens philosophique de l’idée. »

Le Surintendant savait qu’il était inutile de l’inviter à le suivre. Elle était là pour délivrer un message, ce qu’elle faisait actuellement. Rien n’aurait pu la convaincre de faire ne serait-ce qu’un pas, comme si un simple geste pouvait dénaturer l’essence de ce qu’elle transmettait. Il rabattit sa canne devant lui et prit appui, raide comme un bâton.

A contrario, Lenne chancelait au gré des ombres ambiantes, venant danser dans la lumière des torches, lentement.

« C’est une guerre pour nous, messire Bolton. Un affront ultime. »

« J’allais vous suggérer de vous occuper du cas de son agresseur. Vous avez carte blanche. », lui répondit-il avec une certaine sincérité. Pour une fois que les deux individus étaient en accord, c’était un soir à marquer d’une pierre blanche !

« Nous voulons déposer notre première motion au Collège des Guildes. Notre émissaire a cependant la voix coupée. »

Et c’est une voix curieusement déterminée, mais toujours aussi subtile, que la magistère détailla la motion qu’elle voulait faire valider. Une session du Collège s’ouvrirait sans doute bientôt…

« L’Ancienne est parfaitement apte à déposer une mention en votre nom. »

« Merveilleux, mais nous attendrons pour cela qu’elle sorte de sa torpeur. Soit beaucoup trop longtemps. »

Sa Seigneurie agita alors légèrement sa main droite, la soulevant pendant quelques secondes du pommeau en argent de sa canne d’ébène.

« Alors je la proposerai au nom de la guilde des mages. »

« Nous appuyons bien évidemment notre propre motion. »

« Soit. Autre chose ? »

Après un court instant de silence, le regard invisible de la femme en violet se posa sur lui. Thomas arqua un sourcil interrogateur, se contentant de patienter dans l’ombre, muet comme une tombe. Il en profita pour plonger ses yeux d’aciers dans ceux de Lenne. Une voix vibrante lui répondit :

« L’éther vacille, les magiciens sont en colère… Je m’occuperai personnellement de Thorgraks, messire Bolton. »

C’était une puissante menace. L’effet était doublé par l’attitude profondément décalée de la magistère.

« Vous en avez le droit. Et même si vous ne vous en souciez pas, vous bénéficiez de mon accord. », lança-t-il avec une pointe de malice dans la voix.

Puis ils se séparèrent...

« Bonsoir mademoiselle Vespari. Au plus tard possible… »

« Au revoir, messire Bolton. »

Et elle s’en repartit, toujours aussi hagarde, aussi lentement et tranquillement qu’elle était venue. Décidemment, après la Lenne psychotique, la Lenne juriste et la Lenne magistère, on voyait la Lenne vengeresse et la Lenne politicienne…

Cette femme réservait bien des surprises. Et Sa Seigneurie appréciait ça.