Pauvre Vigile...

Pauvre Vigile...

Post by L'amoureux fou - October 6, 2009 at 8:05 PM

Les Vigiles de l’Ordre du Soleil étaient reconnus pour leurs nombreuses patrouilles au sein de Systéria et des alentours. Parfois habillé en uniforme et parfois en civil, ces derniers étaient de vrais sentinelles et constituaient une des raisons majeurs de la force de l’Ordre du Soleil : La primeur. Ils savaient tout, entendaient tout, et communiquaient tout…

C’est dans un boisé fort condensé qu’un Vigile fit une terrible découverte. Vêtu de son armure de cuir souple pour faciliter ces mouvements, il se frayait ardemment un chemin dans la forêt dense, s’arrêtant de temps à autre pour guetter un bruit ou une ombre suspecte. L’astre Thaarien commençait à prendre repos pour laisser place au ténébreux voile qui apporterait son flot de malheur, d’hérétiques et de gens dont la foi envers Thaar n’était qu’un vague souvenir…

C’est près d’un ruisseau qu’il aperçut une silhouette… Une sombre silhouette… Fidèlement à son habitude, le Vigile s’immobilisa et cessa tout bruit pour bien analyser l’individu, ou plutôt la créature qui était sur un rocher. Accroupit sur elle-même, ce qui ne ressemblait à rien avait un caillou aiguisé en main et gravait l’on-ne-sait-quoi sur le rocher. Seulement vêtu d’un pantalon, son dos ressemblait à une armure de cicatrices et de plaies encore fraîches, certaines suppurant encore. Une chevelure argentée très négligée semblait avoir été ravagée sur le crâne de la créature, tel le chat vaincu qui sort de sa joute avec beaucoup de son pelage en moins… Jusque là, le Vigile n’en faisait point un drame… Sur les contrées d’Enrya, les créatures aux allures douteuses étaient point choses rares. Néanmoins, il continua à y porter son attention, la créature murmurait des paroles qui lui étaient inaudibles d’où il était… Toujours avec beaucoup de précaution et de tact, tel que ces enseignements martiaux lui ont permis d’apprendre, il s’approcha en silence de la créature, toujours sous le couvert de l’anonymat grâce à l’obscurité et à la dense nature… Peut-être n’aurait-il pas dû? Ce qu’il entendait désormais avait tout pour le déstabiliser…

<<S’il y a bien une chose que ma pénible vie m’a apprise, c’est que le temps fait oublier, tout particulièrement à Systéria. Ma douce a-t-elle oubliée mon affront? Cette pauvre prostituée habillée et déguisée exactement comme la Baronne était-elle sombrée dans l’oubli? Sûrement oui, ce n’était qu’une dévergondée de dernière classe après tout.>>

<<Malheureusement pour moi, il y a des choses qui, même avec l’usure du temps, reste toujours aussi fraîche et vive que le premier jour. L’amour. Cet inlassable amour qui me torture déjà depuis des années. Déjà des années à la convoiter, à la désirer plus que tout autre homme sur ces terres, et sans résultat. Plût aux Dieux qu’il en fût autrement, cet amour m’est incontrôlable. Tout mes plaisirs m’ont abandonnés, mes goûts, les rares joies dont je pouvais encore me délecter de mon mortel… Oui, car je ne suis plus mortel. Condamné à errer et à espérer, à rêver, je ne suis jamais bien loin, dans les fôrets avoisinantes les longues et imposantes murailles qui me séparent de ma tendre pucelle. Ai-je dit pucelle? Souillée…Serment bafoué! Sa main m’était promise et son innocence m’était dû! Glissé entre mes doigts damnés pour se rendre aux mains de ce faiblard de Balgor… Malheur à toi, frivole étalon aux ressentiments malsains! De par ton impureté et ton insalubre désir, tu a souillé ma belle, salit mon honneur et craché sur mon amour. Il peut bien prendre gare à lui, car tel le vautour, j’attendrai moindrement acte de faiblesse et l’accablerai de mon courroux vengeur!>>

<<Ma pauvre mie… Ma tendre épouse… Violée sans même t’en rendre compte, tu nage aveuglement dans ton vice inconscient. Ne vois-tu donc pas que l’anneau à ton doigt n’est qu’indigne parure d’un amour qu’il ne mérite point? Rappelle-toi mon amour, nos vœux réciproques… Sort de ton inconscience et laisse déferlé sur toi l’illustre amour que je porte en mon sein. Car oui, je saurais te pardonner, même si l’entièreté de ta vie ne saurait se montrer à la hauteur de mon dévouement, je saurai faire abstraction à ta traîtrise et à ta lâcheté pour que nous puissions enfin jouïr de notre amour comme nous le désirons… Pour que nos enfants aient enfin le père qu’il mérite… Balgor, sale hypnotiseur, voleur d’amour, tu vas payer…>>

Déstabilisé par ces paroles, le Vigile eut, instinctivement, un mouvement de recul et, comme dans tout bon récit, eut le malheur de faire craquer une branche.

La créature se tut soudain et resta immobile. Incertaine, elle tourna dans une lenteur atroce sa tête en direction de la source du bruit. Ces yeux injectés de sang se posèrent enfin sur le Vigile. Sans prévenir, la créature bondit et partit à la course en direction du Vigile. Stupéfait, ce dernier resta cloué sur place. Avait-il peur? Étais-ce l’atroce apparence de la créature qui le figeait sur place? Peut-être… Malheureusement pour le Vigile, ce moment d’hésitation permit à la créature d’effectuer un saut digne d’un fauve et de renverser le vigile. De ces ongles noircit, la créature tentait de lacérer le pauvre visage du Vigile jusqu’à ce que celui-ci sortit une dague et la planta dans l’épaule de la créature. Ce qu’il entendit lui glaça de nouveau le sang. Un cri de douleur si… puissant si… surnaturel. Comme si celui-ci sortait du fond des abysses mais, avec une sincérité si humaine, un ressentiment si humain… De nouveau sous la stupéfaction, le Vigile resta cloué au sol alors que la créature, blessée, partit à la course en larmoyant, avec véhémence :

<<-\tIl va payer, Sale Balgor, oh oui!>>

Une fois sur pied, le Vigile, encore curieux et remis de ces émotions, se dirigea vers la pierre, où était simplement gravé un petit graffiti, très batard, d’un homme aux caractéristiques de Mathéo qui tirait la langue, avec plusieurs lignes autour qui symbolisait vraisemblablement des jets de sang.


Celui-ci alla, naturellement, avertir l'Ordre du Soleil. Néanmoins, qui irait-il avertir? Saralonde du fou qui l'aime secrètement? Mathéo du danger qui le guette? Brehan, peut-être, car il est tout-de-même l'Inquisiteur? Peut-être les trois même...