Les récits des frères Sombreheaume
Post by Fròr Sombreheaume, AdM - February 3, 2010 at 8:10 AM
Une fin. Un début.
Là où il est dit que les Sombreheaume sont têtus…
Quelque part, en Egador…
Sur une route sinueuse, envahie par la végétation de part et d’autres, un cavalier, probablement un éclaireur, passa en trombe et souleva un léger nuage de poussières. Après quelques temps d’une course effrénée, il immobilisa sa monture. Le cheval hennis, se cabra, mais le jeune cavalier ne vit aucune menace en provenance des sous-bois. Assuré qu’aucun danger ne le guettait, il siffla, mais si fort qu’on put l’entendre à bonnes distances.
Quelques minutes plus tard, une délégation de va-nu-pieds, de vagabonds, de bandits de grands chemins et autres hommes sans moral rejoignirent le cavalier qui, lui, reprit sa course. Le convoi n’avait rien d’extraordinaire. Une trentaine d’hommes, tout au plus, et six chevaux, dont deux tiraient une charrette montée de barreaux et couvert d’un toit, une sorte de prison sur roues.
Deux nains se trouvaient à l’intérieur de ce bâtiment mobile. Deux nains dont les vêtements pendaient sur leur corps amaigris, deux nains dont les joues creusées témoignaient d’une malnutrition avancée, deux nains couverts d’équimoses, de coupures, de sang et de sueur, mais dont le regard restait éveillé, regard dans lequel on pouvait voir briller, semblait-il, une lueur d’intelligence et de fierté. Un regard qui disait : «Nous n’abandonnerons pas». Cet entêtement expliquerait sans doute pourquoi eux, ils étaient encore en vie alors que ceux qui étaient là avant eux, dans la charrette, étaient morts et que ceux étant arrivés après étaient morts, également.
Dans un langage qu’ils ne connaissaient pas, mais qu’ils avaient appris à connaître aux fils des mois, les deux nains comprirent que l’homme de tête demanda une halte pour la nuit.
- Gor… Gor… ! Réveilles toi. On est arrivé.
- Ils ont finis par nous vendre, ces maudits chiens !?!
- Non…
Cette question, Bor l’avait entendu à chaque jour depuis des semaines. Depuis des semaines, en fait, jamais le convoi ne s’était arrêté pour faire le commerce, d’où le fait que ces bandits n’avaient pas pu vendre leur marchandise.
La petite troupe monta des tentes, pour la nuit. Alors que le soleil se couchait, une fine pluie commença à s’abattre sur le campement improvisé, puis la pluie se changea en averse, et d’averse, en déluge ou, en tout cas, sembla-t-il que ce fut un déluge pour les deux nains emprisonnés dans leur charrette.
Un des bandits montaient la garde du campement. En faisant le tour des tentes et, à chaque fois qu’il s’approchait des deux nains emprisonnés, il ne manquait pas de les ruer de coups avant de repartir pour une autre ronde. Les frères Sombreheaume avaient finis par apprendre à ne pas satisfaire leurs tortionnaires en grognant de douleur ou en gémissant suite à un coup violent. Ils restaient généralement de cois, impassibles, étouffant la douleur au plus profond de leur gorge. Gor, d’une nature plus… sanguinaire, les aurait bien étripé un à un, s’il l’avait pu, rependre leurs entrailles sur des lieux à la ronde, si cela aurait servi à apaiser sa douleur… et sa colère. Mais il s’était résigné, finalement, à écouter son frère, Bor, et à suivre son conseil : «Tiens ta place. Prends ton trou. On s’fait p’tit. On encaisse. On endure.» Gor croyait probablement que son frère avait une idée pour sortir de là. Bor aurait aimé avoir une idée pour sortir de là…
Les deux nains finirent pas trouver le sommeil, étendus sur de la paille et des peaux trempés par la pluie froide. La nuit était tombée. Le ciel était sans étoile, ce soir-là. La noirceur était quasi-totale.
Puis…
- ON NOUS ATTAQUE !
- AUX ARMES ! AUX ARMES !
Les bandits gueulaient. Certains tombaient sous le coup des flèches. La plupart se dispersaient, tentaient de se sauver dans les bois. Le petit campement de fortune était attaqué. Ceux qui attaquaient le camp étaient toujours inconnus aux yeux des nains. Ils leur semblaient, à tous deux, qu’ils voulaient abattre chaque homme du campement à distance avant de s’aventurer dans l’air ouverte de la clairière où ces derniers s’étaient installés.
Dans sa fuite, un des brigands passa près de la charrette. Trop près. Gor étendit le bras, lui ramassa la tête en enfonçant ses doigts dans ses yeux et approcha l’homme des barreaux. Il frappa à répétition la tête de l'homme contre les tiges de fer. Le bandit, pour qui sa tête faisait deux fois l’écart entre deux barreaux, finis par voir son crâne traversé complètement ces barreaux, sa cervelle se répandant sur le lit de paille et de peaux. Le cou céda enfin et un corps désarticuler tomba au sol. Bor connaissait les techniques sanguinaires de son jeune frère, mais jamais il n’avait pu l’y en empêché. Avec les années, il avait finit par apprécier l’art de combattre de son frère, s’y joignant même, à quelques moments.
Pendant ce temps, de l’autre côté de la charrette, Bor s’activait à les sortir de là. De nature plus astucieux que son frère, il siffla une des bêtes apeurées toujours attachées, quoique peu solidement après toute cette agitation, au devant de la charrette. Le cheval hésita un moment, mais sous les murmures calmes et répétés du nain, le fier animal finit par approcher sa tête des barreaux. Le nain, n’ayant pas tout à fait perdu toute sa dextérité d’antan, réussi à détacher le lien qui retenait la bête à la charrette et à plutôt l’attacher aux barreaux de leur prison. Il donna ensuite de bonnes claques sur la fesse droite de l’animal qui, sous le commandement, tira de toutes ses forces.
Un moment, la charrette tangua, failli se renverser sur le côté, mais les barreaux finirent par céder, libérant de ce fait une bête effrayée fuyant dans l’obscurité de la forêt ainsi que deux nains, faibles, presque aveugles dans cette noirceur, mais avec une volonté de fer pour se sortir de ce pétrin. Ils n’essayèrent même pas de savoir qui était les assaillants, s’ils étaient amis ou ennemis. Ils se firent petits, discrets, marchèrent vers les buissons les plus près, s’éloignèrent tranquillement du camp, marchèrent, puis coururent à s’en crever les poumons.
Affaiblis par des mois emprisonnées, ils ne coururent pas longtemps, mais ils marchèrent, par contre, pendants quelques jours. Ils finirent finalement par atteindre une cité portuaire, dans les terres orientales d’Egador. Ils entendirent qu’à Systéria, on les accueillerait, qu’à Systéria, ils vivraient bien, qu’à Systéria, finalement, ils pourraient recommencer leur vie, ou, comme ils le voulaient, poursuivre là où ils en étaient rendus.
Ils prirent le premier bateau en direction de Systéria.
Post by Fròr Sombreheaume, AdM - February 4, 2010 at 7:42 AM
La malédiction des Sombreheaume
Là où il est dit que la 8e génération veut s’en sortir…
Dans un boisé, non loin de Systéria, les deux frères Sombreheaume avaient érigés un petit campement pour passer la nuit. Ils montèrent une tente, allumèrent un feu, puis s’assirent, le dos appuyé contre un tronc d’arbre. Ils restèrent silencieux plusieurs minutes. Avec le temps, ils en étaient venu à se comprendre par des regardes, par des gestes. Les mots étaient devenus, à toute fin pratique, superflus, dans bien des occasions.
- Tu te souviens, Gor, de c’que notre père disait, avant son décès ?
Le nain roux acquiesça.
- Il disait qu’il allait mourir, mourir jeune, comme tous les Sombreheaume…
À l’évocation de leur défunt père, les deux nains se mirent à fouiller leur mémoire en quête de souvenirs de leurs ancêtres. Les deux frères n’avaient connus que leur paternel, leur grand-père étant mort avant leur naissance. Les Sombreheaume, disait-on, avaient la fâcheuse habitude de mourir jeune. Et c’était vrai. Bor avait enquêté sur le sujet. De ses 7 ancêtres portant le nom de Sombreheaume, d’aucun n’avait passé l’âge peu vénérable des 65 ans.
C’était d’ailleurs leur père, Grim Sombreheaume, qui avait atteint ce grand âge. À un moment, même, ils crurent, lui et ses fils, avoir échappé à la malédiction. Grim mourut, quelques temps plus tard, lors d’un éboulement dans une mine non loin de la résidence familiale.
Leur grand-père, Fròr Sombreheaume, n’avait seulement jamais vu la couleur de la barbe de son fils, ni celle de ses yeux, d’ailleurs. Il mourut à 36 ans alors que sa femme était encore grosse de Grim. Lors d’une expédition commerciale, une embuscade les prirent au piège, lui et les siens. Fròr réussit à s’échapper, mais il fit une mauvaise chute et se fracasser la tempe contre une pierre, au sol.
Gim Sombreheaume, l’arrière-grand-père de Bor et Gor, ne revint jamais d’une banale chasse aux cerfs. Il était alors âgé de 41 ans. On érigea un cairn, ensevelissant sous les pierres ses effets personnels.
L’arrière-arrière-grand-père, Badrok, surnommé le Fendcrâne, mourut à l’âge de 57 ans, lors d’une guerre épique entre Orcs et Nains sur le continent sud. On retrouva ses restes, épars sur des lieux à la ronde. On ne retrouva jamais sa tête.
Nìm, l’arrière-arrière-arrière-grand-père, fut exécuté par les autorités locales pour manquement à l’honneur et à la fierté naine à l’âge de 61 ans. Les Sombreheaume étant mal vus dans ce coin de pays, on l’accusa pour un crime qu’il n’avait pas commis. Il mourut la tête haute, le cou entouré d’un solide cordage.
L’arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père, Balrïn, mourut d’une violente toux à l’âge de 38 ans. Il cracha sang et poumons pendant des années avant d’enfin pouvoir rejoindre son ancêtre, son unique ancêtre, pour brandir la hache à ses côtés dans les landes des combats sans fin.
L’ancêtre, l’unique, le premier Sombreheaume, qui vécu il y a de cela plus de trois siècles, Khran Sombreheaume, fut le premier à être maudit. La cause de cette malédiction est inconnue des deux seuls héritiers Sombreheaume. Tout ce qu’on sait, c’est que Khran mourut avec son casque sur la tête, son terrible casque couleur d’ébène qui, en ces temps-là, faisait fuir les plus trouillards.
Voilà tout ce que Gor et Bor se souvenait du passé de leur famille, de leur clan, de leurs ancêtres. Et encore, plusieurs de ces informations avaient été acquises par Bor suite à ses recherches. Une chose était certaine, les clans nains qui connaissaient les Sombreheaume les avaient pour très basse estime, pour ne pas dire qu’ils les haïssaient. Eux aussi ne se souvenaient probablement pas du fondement de cette vieille querelle, de cette haine des siècles passés, mais ils savaient qu’ils s’étaient passés quelque chose, quelque chose d’assez grave pour qu'ils les haïssent, ces Sombreheaume.
- Tu sais, Gor, il va bien falloir passer outre cette maudite malédiction.
Gor, peu loquace, comme à son habitude, émit un léger grognement comme toute réponse.
- On vieillit, t’sais.
Gor resta muet.
- T’as raison. Ça va en prendre plus pour faire plier l’échine des Sombreheame.
Et les deux frères allèrent se coucher.
Post by Fròr Sombreheaume, AdM - February 6, 2010 at 11:43 AM
Gor Sombreheaume, le fou furieux
Là où il est dit que Gor est à son mieux lorsqu'il est ivre d'alcool et... enivrer par l'excitation.
Il y a plusieurs années...
[...]
Une femme, les larmes aux yeux, implorait les quelques passants qui passaient sur cette route très peu achalandé. Elle vit alors deux nains s’approcher. Elle hésita, mais le désespoir était trop grand pour qu’elle ne tente rien.
- Maîtres nains ! Ma fille a été enlevée par ces créatures ! Ils l’ont amené, dans cette grotte ! Aidez-moi, maîtres nains ! Aidez-moi !
Gor et Bor se regardèrent. Ils comprirent, en échangeant ce regard, qu’ils iraient. Ils aideraient la femme.
- T’inquiètes pas. On va aller te la chercher ta fille. Et on en rapportera peut-être même une deuxième ! Haha !
Gor savait comment parler aux femmes. Alors que ce dernier faisait tourner le manche de sa lourde hache entre ses mains, son frère ainé, lui, alluma une torche. Bor entra dans la grotte le premier, suivit de près par Gor.
Ils avaient connus pareil situation bien des fois dans leur vie. Les combats souterrains, ça les connaissait. Et ils savaient comment en tirer avantage. Tirer avantage du sol glissant, des couloirs rocheux étroits et des jeux de lumières qu’ils pouvaient faire avec leurs torches. Ils étaient nains, après tout.
Bor tenait haut la torche et, de l’autre main, il tenait une arbalète, l’appuyant sur son corps. Gor, quant à lui, jouait toujours avec sa lourde hache, témoignant ainsi son impatiente. Ils arrivèrent assez tôt à une intersection, si cela en était une. Il y avait deux chemins possibles. Soit rester au même niveau et poursuivre le chemin ainsi, ou soit monter sur un petit escarpement duquel il serait toujours possible d’avoir un œil sur le premier chemin. Les nains échangèrent quelques signaux entre eux. Gor pris la torche, puis emprunta le chemin principal tandis que Bor monta sur l’escarpement, couvrant les arrières de son frère. Ils s’enfoncèrent ainsi dans les profondeurs de cette grotte…
- Gor… tu sens cette odeur ?
Gor se contenta d’acquiescer. Lui aussi avait senti. Les deux frères communiquaient à voix basse.
- Des gobelins, Gor. C’est une mine de Gobelins…
Eh oui, une foutue mine de Gobelins. Les deux frères les appréciaient peu. Même s’ils étaient habitués aux combats souterrains, ils savaient également que les Gobelins construisaient les mines les plus tordues, les moins stables, les mines, bref, dans lesquelles il était facile de s’y perdre.
- Gor…
Bor pointa devant. Une lueur approchait. Il était fort à parier que la lueur provenait de torche, et que cette torche était tenue par la vermine locale. Gor planta aussitôt sa propre torche contre la paroi humide, ce qui l’éteignit aussitôt. Il s’enfonça alors dans une petite cavité de la paroi, refermant le poing sur le manchon de sa hache. Bor, quant à lui, visait déjà l’un des deux Gobelins qui s’approchaient avec son arbalète.
Les deux frères ayant combattus tellement souvent ensemble, ils ne se donnèrent aucun signal. Les Gobelins étant à portée de Gor, ce dernier s’élança et porta un puissant coup de hache au torse d’une de ces vermines, ce qui lui défonça carrément la cage thoracique. Au même moment, un carreau s’enfonçant directement dans l’œil du second Gobelin qui, au malheur des deux nains, poussa un puissant couinement avant de s’effondrer au sol.
Le couinement réveilla le nid de vermines. Des lueurs se mirent à se refléter sur les parois d’où étaient venus les deux premiers Gobelins. Les deux frères s’échangèrent un bref regard, ce regard qu’ils avaient eu si souvent dans leur vie, ce regard qui disait : «J’ai été ravi de te connaître. Crevons la tête haute».
Des voix nasales provenaient d’au fond de la mine. Ces voix s’approchaient et se transformaient peu à peu en cris stridents. La vermine était à quelques pas. Puis… elle déferla sur Gor. Du haut de son escarpement, Bor envoya une salve de carreaux qui firent glisser jusqu’aux pieds de Gor une dizaine de ces gobelins. Mais Bor ne pouvait pas tous les contenir. Et il était impossible, à cet endroit précis de la grotte, pour lui de descendre de son perchoir. Gor devrait se débrouiller pour les contenir au corps à corps.
Son jeune frère, torse nu, sembla s’enivrer de joie à la vue de ces Gobelins qui accouraient vers lui, épées pointées en sa direction. La situation sembla le mettre dans un état second d’extase, d’excitation. De sa main libre, il cassa le goulot d’une bière contre la paroi rocheuse et en but le contenu d’un trait. Il poussa un de ces rires tonitruants et effrayants, qui mélangeaient à la fois plaisir et folie. Quelques Gobelins s’arrêtèrent nets, devant ce nain, probablement saoul, qui tremblait d’excitation dans l’attente du combat. Il se mit même à courir dans leur direction, la hache prête à fendre, à trancher, à ouvrir en deux le premier venu. Des deux côtés, ils courraient à leur rencontre. Gor en fit tomber cinq d’un seul coup de hache, puis… La collision. Les Gobelins se jetèrent sur le nain, tentèrent pas tous les moyens de lui trancher la gorge, de le faire tomber, de lui briser un genou. Mais, à chaque fois qu’un Gobelin était sur le point d’asséner un coup fatal au nain, soit il se faisait décapiter par un puissant coup de hache, soit il recevait un carreau en pleine tête, ce qui le tuait net, généralement.
Gor, littéralement encerclé par la vermine, tournait sur lui-même, les yeux injectés de sang, un sourire de folie accroché aux lèvres. Les Gobelins formaient un cercle autour de lui et délimitaient la circonférence par le bout de leurs armes. L’ainé, de son escarpement, pouvait bien en abattre, il en arrivait toujours un autre pour combler la place du premier. Gor était donc encerclé, et le cercle tenait bon. Ce dernier avait beau, d’ailleurs, tourner sur lui-même le plus rapidement possible pour les voir tous et chacun, il n’en restait pas moins qu’il y avait toujours de la vermine, dans son dos, à un moment ou un autre. Ces privilégiés, qui pouvaient le frapper sans être vus, s’essayèrent en premier.
- AARRRRRRRHHHHHHH !!!
VOOOOOOOOOUUUUUUUUUUUUMMMMMMM !!!
Le gobelin toucha la cible, mais ne vit jamais le coup revenir contre lui. La horde comprit assez vite que le nain riposterait à chaque coup et que, plus ils le blesseraient, plus ils attiseraient sa colère. Ils savaient aussi, par contre, que le nain allait bien finir par perdre de ses forces. Ils continuèrent donc à le trancher du bout de leurs lames, à lui perforer les bras, les cuisses, le torse. Mais à chaque fois, le Gobelin qui avait attaqué recevait un puissant coup. Mort assurée.
Bor, de son côté, ne cessait d’abattre la vermine. Mais elle semblait infinie. Il examina alors le terrain et vit une cavité dans la paroi, non loin d’où son frère était, juste assez grande pour l’accueillir et lui permettre de se mouvoir à son aise. Il savait que, le dos en sécurité, son frère pourrait tenir la vermine en retrait pendant longtemps.
- Gor ! Devant toi ! Une dizaine de pas, et fourche à gauche !
- Mais j’vois rien, merde !
- DIX PAS ET TOURNE À GAUCHE !
Gor tint sa hache un moment qu’à une main, retenant ainsi la vermine de son mieux. De sa main libre, il brisa le goulot d’une seconde bière en la frappant contre une lame ennemie, en bu le contenu d’un coup, puis s’élança droit devant lui, comme le lui avait dit son frère. Les Gobelins tentèrent de le contenir, mais le nain, ivre du combat, et ivre tout court, ne semblait pas sentir la douleur. Il repoussa les lames, dont plusieurs lui tranchèrent les chairs, enfonçant le tesson de bouteille de bière dans l’œil de l’un, poussa du coude les autres, en écartant plusieurs d’un bon coup de hache, fit dix pas ainsi, fourcha à gauche, fit un demi-tour complet, puis se mit à rire, ce même rire fou. Il avait maintenant le dos en sécurité, une bonne quantité de bière avec lui et un frère qui pourrait mieux le protéger. Le combat allait être intéressant. Très intéressant.
[…]
Au dehors, la femme entendait les échos du combat et craignit le pire. Un moment, elle perdit tout espoir. Mais vers la fin du combat, c’est-à-dire une trentaine de minutes plus tard, elle parvint à entendre, parmi les multiples couinements, des cris de guerre nains ainsi qu’un rire provenant, elle en était convaincue, d’un maniaque. Puis, plus rien. Puis, des pas. Des bruits de pas. Une ombre. Une seconde. Puis une troisième, plus petite celle-là. La fille courue dans les bras de sa mère tandis que Bor soutenait son frère et l’aidait à avancer. La femme, remit de sa joie de voir sa fille en vie, fut terrorisé de voir le nain, le rouquin, grièvement blessé. Bor amena son frère un peu plus loin, vers l’herbe, et l’aida à s’étendre au sol. Le corps meurtri ne semblait plus lui répondre. Des entailles à ne plus savoir les compter recouvraient son corps.
La femme, ressentant la douleur du nain, ne peut s’empêcher de souffler un : «Désolée…».
- Madame, mon frère serait ravi que vous perdiez de nouveau votre marmaille dans une telle grotte.
Complètement abasourdie, elle n’en revenait pas que Bor puisse lui dire ça, et avec ce sourire au visage ! Se moquait-il d’elle ? Mais lorsqu’elle posa son regard sur Gor, étendu de tout son long au sol, elle s’étonna d’y voir également un sourire de satisfaction, un sourire teinté de sang, ainsi qu’un pouce levé en direction du ciel qui disait : «C'était cool !». Ce nain, elle n’en croyait pas, était… heureux.