Sur le rêve
Post by Shandri Eäm'Arylth, OdS - February 19, 2010 at 12:32 AM
«Dans les temps que nous pouvons nommé préscientifiques, les hommes n’étaient pas embarrassés pour expliquer le rêve. Quand ils s’en souvenaient, au réveil, ils le tenaient pour une information soit bienveillante soit hostile de puissances supérieures, dieux ou démons.»
Sur le rêve
Ou Si tu creuses trop, tu trouveras un noiraud
Je perçois Demoiselle devant moi ; facilement identifiable, sa chevelure parée de lys blancs embaume la pièce sombre d’une douce fragrance d’eucalyptus. Je m’approche alors d’Elle, intriguée de me savoir si étrangement séparée de mon propre corps. Suis-je réellement aussi chétive, au regard des autres ? Je semble si absorbée, le regard perdu au loin. Que regarde-je donc avec autant d’insistance ? Je suis Ses yeux jusqu’à en découvrir une place publique dont le pavé est frappé au symbole de Thaar. À son centre, un bûcher. Briganne, joyau de Bregunia, faisant brûler vive une hérétique.
Je m’approche encore, jusqu’à percevoir une enfant à la peau sombre en qui je reconnais la marquise, cette inquiétante enfant est sans doute morte asphyxiée, alors que les flammes lèchent sa chaire déjà noire. Comment y discerner les régions brûlées et la peau encore fraîche ? Même l’odeur est à s’y méprendre ; je ne rencontre pas celle des chaires carbonisées. Seul le parfum d’eucalyptus se fait sentir...
Je constate que la femme sous les flammes hurle sa douleur, lèvres closes, enceinte jusqu’aux yeux qu’elle a d’argent. Je cris ma stupeur, accompagnée de Demoiselle. Nous hurlons pour arrêter ce massacre : Dame Balgor doit vivre. Lorsque je vois sa peau ravagée et suintante je...
... Demoiselle sursauta brusquement sur sa couche. Sans même s’en rendre compte, elle se retrouva assise aussi droitement que la justice de Thaar. De peine, Demoiselle réussit à extirper son pot de chambre pour s’en soulager l’estomac. Décidément, elle ne digérait que très mal les douces histoires de la Marquise Mel’Viir et du Sieur Minh Yu, avant le sommeil.
Post by Shandri Eäm'Arylth, OdS - February 19, 2010 at 12:37 AM
J’ouvre les yeux vers l’horizon, avec cette certitude que le calme qui m’envahit ne peut être qu’onirique. Sainte-Elisa? Systéria? Shigeru Maeda? Du passé, tout ça, du passé… À peine un souvenir, trop brumeux pour être distinct, un effort en soi de remémoration. L’apaisement pose sur moi un voile me coupant de toutes préoccupations. Des lys plein les cheveux, je ne suis qu’une fragrance d’eucalyptus. Si vous voyiez le paysage, vu de ce balcon. Le ciel n’est pas d’azur mais d’or, déposant sur chaque arbre quelques paillettes violacés. À mon ventre, un coup. Je souris : qu’à donc mon petit, pour s’agiter ainsi? Ne sait-il pas encore qu’il faut tirer la chevillette? Mes mains se posent sur ce ventre qui, jadis plat, faisait ma fierté, avec la douceur que seule une mère peut connaître.
-\tMaman…?
Petit Akemi me regarde, de ses yeux d’un vert incroyable. Sur sa tête, des bouclettes sombres à ne plus savoir qu’en faire. Sa beauté me traverse, et je ne peux que lui faire face, abandonnant ce décor qui l’a vu grandir en quelques secondes, à peine. L’obscurité de la pièce m’oblige à allumer une chandelle, d’une incantation. Notre fils court vers l’écritoire, il veut correspondre avec son père qui lui manque. S’il savait comme tu me manques, à moi aussi, Zao.
… Demoiselle fut prise d’un frisson qui traversa son corps, de ses reins jusqu’à son visage, livide et maladif. Elle écarta, d’une main, le bras d’Eressän pour ensuite la glisser jusqu’à son ventre. Son ventre était toujours plat, et ce fut un soupir de soulagement retenu. Demoiselle ne prit pas même la peine de sortir ses vêtements de citadine. Elle enfila contre sa robe usée la toge elfique de son aimé, quittant la tiédeur du boudoir. Devant cette rivière qui traversait la ville, derrière cette écurie, sous ce chêne, à la lueur de cette lanterne, Demoiselle patientait alors que l’angoisse la quittait.