Une lettre - Origine inconnue

Une lettre - Origine inconnue

Post by Shandri Eäm'Arylth, OdS - March 28, 2010 at 2:17 PM

Ne cherchez plus mon coeur; les bêtes l'ont mangé.

Mon coeur est un palais flétri par la cohue ;
On s'y soûle, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux !

Cette sensation de bourdonnement, au plus profond de son être. Crispée par l’effort, elle n’entendait plus rien : ses oreilles sifflaient, sa mâchoire tremblait sans savoir se contrôler en faisant claquer légèrement ses dents par moment, son regard azuré n’arrivait pas à quitter le parchemin qu’elle enserrait. Bientôt, dans la pièce silencieuse et désertée qu’était son boudoir, une sourde plainte se fit entendre, semblable à un gémissement. C’était elle, secouée de sanglots à demi-étouffés. De ses yeux perdus s’échappèrent des trainées de larmes incontrôlables. D’un point de vue médical, le sujet était en état de choc. Et quel choc… Cœur émietté. Ne le cherchez plus. Les bêtes l’ont mangé. Ou quelque chose comme cela.

Demoiselle reposa la missive sur sa table de travail sans la quitter des yeux, donnant une vague impression de pathologie. Durant de longues minutes encore, des frissons parcouraient son corps alors que la pièce était plongée dans une douce tiédeur. L’immobilité qui l’habitait, ponctuée désormais par quelques larmes, n’avaient rien de paisible. Ses yeux étaient voilés à des kilomètres de là, presque éthérés. Voyageait-elle en songe? Priait-elle avec une entité intangible? Rien. Aucune réponse, évidemment. Personne non plus pour la sortir de sa torpeur. Les nuits avaient toujours été longues de solitude, à Systéria.

Peut-être était-ce une lettre annonçant une tragédie, comme la mort de son père, Nyderann Eäm’Arylth, le patriarche de la lignée? Il avait été dans l’obligation de quitter Systéria, quelques mois auparavant. Les voyages en mer n’étaient jamais facile, encore moins pour un homme vieillissant. Peut-être était-ce la lettre des Taur’Amandil d’Arnad’Idhren annonçant un refus de mariage? Tout ce temps à espérer une union, en vain… Le constat était clair : Demoiselle, malgré sa foi inébranlable, ne possédait qu’une vie faite d’ambiguïtés, de non-dits et d’incertitudes.

Combien de temps était passé? Quelques minutes, une heure? Peut-être plus, le vitrail filtrait un rayon pâle de l’astre diurne, à présent. Demoiselle plia la lettre maladroitement, malgré la lenteur qu’elle accordait aux gestes. Ses mains étaient un peu engourdies de sa longue méditation. Comme une automate, une poupée articulée qui ne dirigeait rien réellement, elle se leva et approcha un coffre de bois. Le déclic d’une clé. Le petit coffre contenait ses secrets les plus brillants, les plus obscurs. La lettre y était entreposée. En sureté.

Elle s’immobilisa devant le vitrail de son boudoir, dévisageant l’extérieur d'un regard vide.


Post by Shandri Eäm'Arylth, OdS - April 5, 2010 at 12:20 AM

À Systéria, les contes de fées sont voués à l'échec. Souvent, le prince charmant s'en va avec la mauvaise princesse. Le charme se rompt avant minuit. La grenouille embrassée ne se transforme pas comme il est souhaité. Mais parfois… Parfois, la princesse doit se faire voyageuse, exploratrice, chevaleresque, pour retrouver cette grenouille égarée. Certes, celle de Demoiselle était carbonisée en territoire t’sen, mais le charme n’était pas encore effrité.

C’était précisément ce que faisait Demoiselle. Avec les subventions de l’École Générale, elle avait su faire acheter une carte relativement précise des grandes routes commerciales de ce pays où les cerisiers étaient en fleurs. Évidemment, elle n’était pas portée sur la géographe, se perdait régulièrement dans la cambrousse systérienne et était une adepte de l’illustre « Le Nord est toujours devant soi ». Elle passait les dernières nuits à inspecter cette carte, encore et encore, tâchant de trouver le meilleur moyen de rejoindre le domaine désiré. Le sommeil ne lui venait plus, ni l’appétit, et le dernier conseil trahissait son incapacité à se concentrer.

Et le jour… Eh bien…

La recherche pour le reliquaire avançait, comme si de rien, comme si la solitude ne la pesait pas, comme si elle ne comptait pas se faire la belle.

Elisa Rein, désormais connue comme étant Sainte-Elisa, a vu le jour dans la campagne entourant la cité un siècle après la formation de l’Ordre du Soleil à Systéria. Toute sa vie durant, seule la misère des pauvres gens avaient su l’émouvoir. Ses nombreuses œuvres caritatives à l’image de la compassion thaarienne lui ont valu une réputation sans faille. Se tenant loin des guerres internes et superficielles, elle combattait pour assurer un niveau de vie respectable des pauvres gens. Elle instaura le premier dispensaire systérien, en Basse-Ville. Croyante exemplaire et longue vie entièrement dédiée à aider son prochain, elle fut élevée au rang de saint par le clergé peu après sa mort.


Post by Shandri Eäm'Arylth, OdS - April 28, 2010 at 4:05 PM

À partir de cette lettre d’origine inconnue, toutes joies s’étiolaient. Il restait les sourires, les courbettes d’une courtoisie pointilleuse, des battements de cils langoureux, mais la langueur la faisait suffoquer. La solitude, aussi. C’en était assez… Elle n’arrivait plus à le voir ainsi, par sa faute. Elle ne le supportait plus.

D’un seul trait, un cri du cœur, la lettre fut écrite.

Eressän,

Je t’aime, je t’aime tant et tant, et je souffre, je souffre tellement. De ton absence, de tes silences, de cette demeure où tu ne m’as pas invité à vivre, où tu n’as pas daigné t’installer. Ton aversion pour Systéria est grandissante, mon aimé, au point que ton refus d’y vivre m’est perceptible. Si je t’aimais autant que je l’écris, je ne t’enchaînerais pas à moi, je te laisserais te dérober loin d’ici, dans tes contrées elfiques. Je ne suis pas égoïste à ce point. Alors je fais ce qui semble être la meilleure chose à faire. Tu m'as donné le plus grand bonheur possible... Je ne peux plus lutter, je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourrais être heureux.

Je te reprends cette unique raison qui te lie à cette triste ville. Retourne chez les tiens, ta place n’est pas ici; elle ne l’a jamais été. Tu es libre, désormais.

Ton amie,
Shandri


Post by Aliana d'ambrerouge, AdM - April 30, 2010 at 1:18 AM

Dans un lieu inconnu, une petite fille jouait aux maman. Elle n'en avait pas l'habitude, elle avait une carte des mers dessinée sur son visage mais sa seule mère était à ses yeux celle qui se reflétait dans ses pupilles d'émeraudes, image. Image inversée, ou plutôt les rôles aujourd'hui. Un bouleversement pour sa tendre maman, qui ne l'était pas réellement. Si fatiguée dans ce grand lit aux draps rouges, encore cette couleur qui la suivait sans cesse. Il faisait nuit noire, le hululement d'une chouette se faisait entendre au dehors, mais Aliana n'était ni fatiguée et n'avait pas peur, ses yeux restaient figés sur celle qui avait les yeux clos à ses côtés.

"Ma p'tite maman dors, moi je surveille."

Sa voix d'enfant reprenait un air connu, une berceuse, alors que sa main caressait doucement les cheveux de Shandri, pour l'apaiser comme elle lorsqu'elle l'avait retrouvé en pleurant revenue de la guerre. Mais son Ange ne pleurait pas à Aliana, un ange c'était triste et ça gardait tout pour lui. Et Shandri était ce type d'Ange. Le genre de personne que l'on veut mais que l'on ne comprend pas et qu'on délaisse ensuite. La gamine était fière et triste d'avoir cet esprit qui la protégeait continuellement, mais aujourd'hui c'était l'inverse. Cette nuit mademoiselle d'Ambrerouge veillait, chantant sa berceuse, sans se lasser, même si Shandri ne le saurait sans doute jamais, la petite rouquine ne baisserait pas les bras.

Non cette nuit, même la chouette avait arrêté son bruit.