~ Murmures Nocturnes ~
Post by Cassandre D'Estré, Cp - April 20, 2010 at 2:10 AM
Déla
** Une bougie soufflée, la nuit s'installe .....**
La cours du dispensaire grouillait de monde en cette grisâtre matinée automnale. Des mères avec des enfants turbulents, une vieille lavandière recourbée par les ans et les traits ravagés sous l'effet de la souffrance, des hommes jeunes et vieux ayant tous cette même dureté dans le regard, stigmates de leur vie rude et brève.
Un long soupir sort des lèvres minces et gercées de la femme, elle se rapproche de son mari quêtant sa chaleur afin de lutter contre la brise glaciale et sinueuse s'infiltrant sous ses vêtements. Ses pieds nus s'enfoncent dans la terre meule et froide du terrain. Durant un bref instant un sentiment de révolte violent et intense s'immisce en elle, comme si quelque chose lui échappait. Elle tente de se concentrer sur cette sensation d'une vérité proche et irrévocable. Toute son âme, toute sa conscience fixée sur ce but volatile qui s'évapore alors que l'emprise de cette douleur implacable enserre de nouveau son corps.
Un gémissement lui échappe, alors que ses mains potelées, aux doigts abîmés par le dur labeur des champs, se tordent blanchissant la jointure de ses articulations. Près d'elle, l'homme s'inquiète ses bras enlaçant tendrement sa compagne. La peur se lit dans son regard las. Doucement elle lève les yeux, malgré ses propres doutes, elle lui sourit et murmure.
- Tout ira bien, les docteurs vont me soigner .... tout ira bien.
Il hoche la tête puis tout deux se replongent dans leur monde intérieur d'interrogation et de crainte attendant que leur tour arrive.
Bien plus tard, alors qu'il ne reste plus personne autour d'eux, une voix froide et autoritaire s'élève.
- Le patient Dela est attendu.
Elle se redresse et la main dans celle de celui qui partage sa difficile existence, elle se dirige vers la porte porteuse d'espoir. Un homme d'une quarantaine d'années les attend. Maigre et austère, le visage aux traits durs et hautains.
- Qui est le malade ?
- Moi, Monsieur.
Une lueur de mépris dans le regard, le docteur observe la créature chétive et malingre devant lui. Puis hausse les épaules et les invite à le suivre dans un long couloir aux murs gris et sales. Nulle fenêtre pour aider les quelques bougies à éclairer leur trajet. Au loin des cris étouffés, des râles et autres bruits troublant donnent froid dans le dos aux deux pauvres paysans.
- Entrez et prenez place.
Le ton est sec, sans chaleur. Le couple prend place timidement sur les deux chaises en bois faisant face à un bureau. De l'autre coté, le médecin s'installe, il se saisit du dossier solitaire sur le coté droit de la table et le consulte. Ses doigts longs tapotent sur la surface du meuble d'un geste saccadé et bref. Il toussote, cesse sa lecture et pose sur l'homme un regard sérieux puis commence à parler ignorant totalement la femme.
- Votre épouse a donc vu mon collègue il y a de cela deux semaines. Les résultats des tests ne sont pas bon ...
Il secoue la tête d'un air docte et presque attristé.
- Non pas bon du tout, je crains que nous n'ayons que peu d'espoir de la sauver. Mais notre devoir est de ne jamais s'avouer vaincu. Nous allons donc garder votre femme ici pour tenter l'impossible.
L'homme pâlit, il pose un regard paniqué sur son épouse. Celle-ci reste sans réaction, le visage décomposé par la détresse. Son attention fixée sur une pierre bleuté reposant sur une étagère. Elle ressent un étrange appelle, sensation de déjà vu. Comme-ci …..
- Allons, allons, ne voulez vous pas toute faire pour la sauver. Bon c'est décidé.
Il tend la main, se saisit d'une clochette qu'il fait teinter. Des pas pressés se font entendre dans le couloir, la porte s'ouvre et une femme en tenue blanche passe la tête.
- Oui ?
- Navilla, occupez vous de Madame, installez là dans la C8. - Bien, Monsieur
Rapidement l'infirmière vient se saisir du bras de la patiente, la forçant à se lever et à la suivre. Encore sous le choc, elle se laisse faire, suivant comme une automate. L'époux quant à lui éperdu n'ose s'opposer à l'homme de sciences, soumis il baisse la tête et attend la suite.
¤ Comme dans un songe, sa vie s'écoule au ralenti...¤
~ Sombre, tout est si sombre, plus rien que la douleur et la nuit. Plus d'espérance, jamais elle ne reverra sa famille. Elle l'a appris à présent. Elle grelotte de froid dans cette chambre sans ouverture sur l'extérieur. Quatre murs d'un vert terne, un lit en fer et des chaînes aux poignets. Ils viennent tout les matins et les soirs. Lui, le bourreau, celui qui a ordonné son internement accompagné de ses élèves. Ils l'étudient comme un animal. Son corps nu, marqué par la malnutrition et les différents traitements testés sur elle. Ils palpent, tailladent ses veines pour faire couler des humeurs comme ils disent. Puis viennent les autres « soins », piqures, sangsues, lavements et ainsi de suite. Ils parlent comme si elle n'était pas là. De toute manière, elle ne comprend pas leur langage d'érudit et leurs mots savants. Ce qu'elle sait c'est qu'elle va finir sa vie ici, que la douleur ne la quitte plus. Devenue une constante de son existence. Irradiant, brulant son corps, son esprit. Sa gorge à vif ne lui permet plus d'hurler sa souffrance. D'ailleurs elle n'en a plus la force. Même les larmes ne coulent plus de ses yeux rougis.
Dans son esprit une seule pensée, une seule vision qui la hante, qui l'oppresse. Comme une promesse oubliée, un savoir caché si proche et inaccessible. Elle lutte, elle délire et dans sa rétine torturée d'illusion, l'image de cette pierre bleue qui murmure …. murmure un nom … son nom ? ~
Des mains la saisissent sans ménagement.
- Elle ne pèse plus rien.
- Une bonne chose, de toute façon, ils la trépanent aujourd'hui. Son corps sera plus facile à évacuer.
- Au fait son mari est encore venu. Le pauvre bougre...
Moins qu'un animal, et pourtant elle ressent et saisit les propos lâchés par les aides-malades alors qu'ils la mènent vers sa dernière épreuve. Une perle humide à l'orée de ses paupières closes, l'unique adieux à cette existence et à ceux qu'elle aime.
Pas besoin d'ouvrir les yeux pour reconnaître le démon lorsqu'il entre dans la salle. Bruit du matériel médical qu'on déplace. Respirations saccadées et murmures des étudiants avides de savoir. Alors que la voix tant honnie raisonne dévoilant la méthode à employer pour découvrir l'origine du mal dans le cerveau de la patiente.
~ Liée à la table, elle attend la fin, son esprit abandonne déjà son corps martyrisé pour suivre le murmure chantant d'une pierre bleue. Et pourtant alors qu'elle se croit libéré de ses chaînes terrestre la souffrance explose dans tout son être alors qu'il enfonce le piquet dans sa tête. Elle hurle , ses membres entravés secoués de spasmes frénétique. Elle meurt … elle meurt … Je meurs ! ~
Elle sursaute dans son lit aux draps de soie, un cri de terreur muet s'échappant de ses lèvres entre-ouverte. La transpiration colle le délicat tissu de sa chemise contre son corps, lentement, elle se calme, oubliant la douleur puissante qu'elle avait cru ressentir durant son sommeil. A l'étage, une pierre bleuté s'échappe du tissu dans lequel elle était enfermée et tombe lourdement sur le sol.
Elle lève son regard vairon vers les marches …..
Post by Cassandre D'Estré, Cp - February 13, 2011 at 11:01 PM
Anthony
Un claquement, elle vacille, sa main droite venant prendre appui sur le bois de la porte. Seule dans le vestibule elle prend conscience de son être, derrière elle crépitent doucement les flammes dans l'âtre. Devant, après cet obstacle clos, les bruits d'un pas raisonnant sur les marches puis sur le pavés, s'éloignant d'elle ne laissant que le vide.
** Et maintenant .... **
Elle secoue légèrement la tête tentant de chasser le bruissement incessant, envahissant qui l'arrache au monde présent. Lentement les souvenirs des secondes écoulées lui reviennent. Métronome du réel durant sa visite il lui permit de rester tangible bien que par moment le temps, comme du sable glissant entre ses doigts, se répandait en instants inexistants. Et maintenant plus rien pour la retenir, plus d'efforts à faire, elle ferme les yeux, son front venant se poser doucement contre la boiserie de l'entrée. Le silence de cette pièce s'oppose aux bruissement violent de son âme. Murmure sans fin, obstiné et impérieux.
** Ouvre les yeux, Reprends toi !! **
- Ouvres les yeux ... pas le moment de lambiner !
Il fait froid, si froid. Ses mains se crispent convulsivement sur bois rêche, des échardes s'enfonçant dans la chair tendre de ses doigts. Alors qu'à contre cœur il s'exécute, se mordant les lèvres pour tenter d'arrêter le claquement de ses dents. Transit, trempé par cette pluie incessante, il contemple avec horreur la réalité de la guerre. Le bruit atroce et fracassant des armes qui s'entrechoquent, les cris gutturaux des combattants, les râles des blessés et le sang .. le sang gorgeant le sol boueux, puis l'odeur abjecte.. odeur de la chair morte, se vidant de ses humeurs .....
Rien ne l'avait préparé à cela. Accroupi derrière un arbre, serrant d'une main tétanisée par la terreur une épée bien trop grande pour lui, il ne peut bouger. Il observe hagard les derniers membres de sa compagnie foncer armes aux poings vers une fin brutale et sans gloire. Il reste là pétrifié, dans son esprit enfiévré défile les derniers instants d'insouciances de sa jeune existence.
Une matinée radieuse en ce début d'été à la campagne. Il a 12 ans et la vie devant lui. Il a 12 ans aujourd'hui, c'est un grand, il est majeur. Dans la cuisine, l'air solennel grand Pa lui sert son premier café sans lait. Sans se faire prier il boit jusqu'à la dernière goutte de ce breuvage au goût amer et âpre. Pour rien au monde il n'avouera ne pas aimer, préférer rajouter du lait. A l'inverse, il affiche la mine résolue en tentant de garder une expression qu'il espère virile et adulte.
Puis, sa gamelle sous le bras, il part avec Pa à la ville. C'est le jour de la grande foire annuelle du comté. Un marché immense, où se croisent tous les fermiers, artisans et habitants. Certains font plus d'une semaine de voyage pour assister à cela. Il y aura des bals, des spectacles de jongleurs, des concours. Eux, ils vendraient leurs veaux et rapporteraient suffisamment d'argent à la maison pour pouvoir acheter tout ce que la terre ne leur fournissait pas. Puis peut-être que Pa se présentera pour la compétition du meilleurs lanceur d'anneau. C'est qu'il est fort à ce jeu, l'année dernière l'est arrivé second.
Anthony lève un regard plein de respect vers son père. Plus tard, il sera comme lui. En attendant, il veut rendre sa famille fier de lui. Leur prouver que c'est un homme. Ainsi dès les bêtes mises à l'enclos, les abreuvoirs et mangeoires pleines et voyant que son père, discutant avec d'autres fermiers de la région, n'a plus besoin de lui, il s'esquive.
Son ami Paul, lui a parlé de l'armée du roi. Paraît qu'ils engagent et qu'ils ont un baraquement à la foire. Puis s'est bien payé, on a l'uniforme et la gloire de batailles remportées. S'est l'esprit plein de rêves de gloire et de la promesse d'un avenir brillant que le jeune garçon signe d'une croix parfaite le papier faisant de lui un soldat du 1er régiment d'infanterie. Le lendemain il doit se présenter à la caserne pour sa formation, qu'il profite de sa soirée pour dire au revoir à sa famille.
Une étrange boule lui étreint la gorge alors que sur le pas de la porte il embrasse ses parents. Au lieu de la joie et du bonheur attendu à l'annonce de la nouvelle, il a récolté les pleurs de sa mère et la tristesse du père. Mais l'on ne peut revenir en arrière, changer les bêtises qui changent une vie à jamais.......
Les larmes glissent sur ses jouent encore imberbes d'adolescent, sa main vient chercher la pierre bleuté. La pierre étrange offerte par un homme rencontré au hasard d'une halte dans un village. Chaude, troublante elle paraît vivante au touché. Parfois il a l'impression de l'entendre l'appeler.
Un hurlement sauvage raisonne à ses côtés, il n'a que le temps de rouler sur sa gauche évitant le premier coup d'estoc porté par un homme d'âge mur dont les yeux emplis de la fureur du combat brillent d'un éclat sauvage et mortel. Tremblant, sa lame trop lourde en main l'enfant tente de sauver sa vie bravement. Il esquive, donne des coups dans le vide s'épuisant en vain à toucher un ennemi plus fort, plus expérimenté. Haletant, il recule regroupant ses dernières forces, face à lui le soldat esquisse un mouvement et passe à l'attaque. Bondissant vers l'avant le garçon espère parait le coup et qui sait ....
Le foudroyant en pleine action la douleur lui arrache un hurlement strident. Il baisse lentement son regard sur le pommeau de l'arme lui entrant dans le torse et le traversant de part en part. La main de son assassin, reposant dessus, lentement implique un geste de retrait lui infligeant une souffrance insupportable et mortelle. Il lève son visage déformé par l'agonie vers le ciel, son regard se perdant dans le vide alors que le sang perle de ses lèvres entrouvertes. Lentement son corps glisse sur le sol boueux, alors que sa vision se trouble se fondant dans un blanc scintillant. Une voix l'appel, douce et prometteuse ... un chant apaisant, un sourire aux lèvres il se laisse porter vers cette promesse .....