Un larron dans le quartier de l'Ordre

Un larron dans le quartier de l'Ordre

Post by Morath Kegan, OdS - November 11, 2005 at 5:35 PM

L’oreille exercée d’un Nain reconnaît d’instinct le choc caractéristique de l’acier contre la pierre. Et c’est cet instinct qui poussa cette nuit-là Morath Kegan hors d’un sommeil réparateur.

Un tintement métallique la nuit à Systéria n’avait rien d’anormal. Pourtant, les brumes du sommeil qui ouataient encore les pensées de Morath faisaient sinistrement résonner ce son dans son esprit.
Il jeta un coup d’œil circulaire dans la petite chambre ; malgré son ameublement spartiate, une chaise, un coffre et une étagère en plus du lit, celle-ci respirait la tranquillité, renforcée d’autant par le silence qui régnait à nouveau sur Systéria. Morath rejeta les couvertures et se dirigea vers la fenêtre sans descendre du lit – il n’était pas nécessaire de se geler les pieds sur la pierre nue et froide du sol… Ecartant légèrement les lourds rideaux bleus qui constituaient le seul rempart entre l’atmosphère extérieure et sa chambre, Morath coula un regard prudent sur la rue en contrebas.

Il était au deuxième étage d’une maison qui n’en comportait pas plus, et de là il voyait bien l’enfilade de maisonnettes nichées les unes contre les autres, les petits perrons de pierre qui dominaient les petits carrés de pelouse ou les minuscules cours intérieures. Systéria s’étendait au bout de la rue, à une trentaine de mètres seulement de la porte de Morath, et les trois statues des Rois se dressaient à chaque extrémité du vaste triangle que formait la célèbre place, contemplant de leur regard de granit le petit bassin en son centre.
De cette place rayonnaient de nombreuses rues, également bordées de maisons basses, toutes des constructions résidentielles où chacun, sans doute, ronflait paisiblement en vue de la journée du lendemain.
Au loin vers l’est, vers la gauche de Morath, la masse sombre du Palais des Juges tranchait nettement sur la lumière bleutée qui tombait du haut du ciel. Le grand dôme de l’église de Thaar se distinguait vaguement au-loin, au-delà des deux tours de la deuxième caserne.

Mais le paysage, familier pour Morath, n’intéressait pas celui-ci. A vrai dire, ce qui l’intéressait prodigieusement, c’était l’individu encapuchonné qui faisait tournoyer son grappin pour la deuxième fois semblait-il en direction de la fenêtre de la troisième maison sur la gauche, de l’autre côté de la rue.

Un larron ! C’était bien la première fois, à la vu de Morath, qu’un monte-en l’air essayait d’investir une maison de Systéria: pas grand-chose à voler, propriétaires certes pas commodes, et surtout voisinage solidaire et efficace pour régler ce genre de choses – ça ne pouvait pas traîner, et certains éléments locaux pouvaient sans doute réduire en pulpe le malheureux imprudent… Lequel avait visiblement réussi son coup, maintenant, et commençait maladroitement à escalader la façade.
Vraiment, ce pauvre type allait se faire recevoir… Pour procéder aussi mal dans un tel voisinage – pensez, le quartier qui abrite les militaires en partance pour le front ! – sans doute la bière à bon marché des tavernes de la basse ville avait-elle coulé trop abondamment dans le gosier de l’inconnu la veille au soir, ou c’était un pari suicidaire…

Morath sauta à bas de son lit, jeta son bonnet de nuit sur son oreiller et, attrapant au vol son ceinturon, descendit l’escalier quatre à quatre. Il traversa sa cuisine en trombe et déboucha sur le perron en train de boucler son ceinturon, pour se rendre compte qu’il n’avait ni chaussures, ni veste, ni même un pantalon décent, à peine un vieux machin rapiécé qui atteignait difficilement ses genoux.
« Ce n’est pas grave, c’est le glaive qui fait tout », pensa-t-il, et traversa la rue.
Sur la façade claire de la maison d’en face, la silhouette sombre du monte-en l’air se détachait plutôt bien, d’autant que la lueur nocturne était assez vive ce soir-là. Arrivé dans la petite courette de la maison choisie par le voleur ivre – ou simplement fou – Morath se demanda un instant comment il allait procéder. Siffler ? Il avait bien été réveillé par un son, lui, alors s’il sifflait, il risquait de rameuter deux ou trois dormeurs au sommeil léger, et il ne donnait pas une chance au type là-haut, au bout de sa corde.
Alors, il tira la sur corde répétitivement, histoire que la tension attire l’attention du malhabile grimpeur. Il n’eut que le temps de se reculer d’un pas pour éviter le corps qui tombait. Un cri heureusement étouffé lui apprit que la chute ne s’était pas faite sans mal.
Le gars était par terre, immobile, et Morath décida de ne pas moisir là plus longtemps. Si quelqu’un passait à ce moment-là, c’est lui qui aurait du mal à expliquer la situation. D’une secousse, il ramena le grappin à lui, chargea le corps immobile sur son épaule et allat le porter à la prison de l'Ordre du Soleil.

Là-bas, il croisa....