Les Jumeaux Bolton

Les Jumeaux Bolton

Post by Thomas Bolton, Emp - July 5, 2010 at 11:30 PM

Le calme régnait sur le palais de Systéria. La plupart des courtisans avaient regagné leurs appartements. Quelques rares convives persistaient à lutter contre la fatigue en se lançant dans de vives discussions, égaillés par la sensation grisante de l’alcool, qui avait coulé à flot dans la petite salle de jeu. Les nobles aimaient s'y retrouver pour miser de grosses sommes d’argent. Dans l’aile l’ouest, pratiquement déserte, le Surintendant examinait plusieurs rapports qu’il n’avait pas eu le temps de lire durant la journée. Parfois, il y apposait quelques annotations alors que d’autres fois, il se contentait de les refermer, comme si le contenu ne lui était d’aucune importance. Son secrétaire particulier, Cressen, travaillait en silence à l’autre bout de la pièce. Cette petite scène aurait pu continuer longtemps, encore si…

… si soudainement, de petits coups hystériques ne s’étaient pas faits entendre contre la lourde porte de métal qui protégeait le duc du reste du monde. Ce dernier, d’ailleurs, ne sembla pas troublé et ne releva même pas la tête vers l'origine du bruit. Son subalterne, lui, savait ce qui lui restait à faire, aussi se leva-t-il pour ouvrir à une servante qui se tordait les mains et paraissait incapable de se tenir immobile. Elle se mordillait les lèvres de façon frénétique, comme si une chose extrêmement grave était sur le point de se produire. Ou comme si quelque chose de grave venait tout juste de se produire. Ca ne suffit pas, cependant, à décontenancer le petit homme aux lunettes demi-lune.

« Mademoiselle ? »

« Vite ! Vite ! Il faut venir ! C’est… c’est madame ! »

« Oh, toutes mes excuses, madame. Vous êtes si jeune, j’ignorai que vous étiez mariée. », répondit d’un ton très sérieux le petit homme.

« Mais non ! C’est pour madame… l’épouse de monsieur ! »

Une petite toux gênée servit de réponse. Cressen avait du mal à comprendre où elle venait en venir.

« Je me doute bien que pour être marié il faut épouser un monsieur, madame. Heu… mademoiselle, je veux dire. », lança-t-il, franchement décontenancé.

Cette incompréhension chassa rapidement la gêne de la jeune servante pour laisser place à une colère teintée de lassitude.

« Rah mais bougre d’idiot, madame est en train d’accoucher ! Madame, la femme de monsieur votre maître ! », glapit-elle.

Dans l’austère bureau, un cliquetis venait de se faire entendre. Le Surintendant rangeait sa plume ainsi que quelques feuilles de papier dans un superbe coffret de bois ciselé à la mode berguenoise. Un cadeau diplomatique, apparemment. Ses gestes étaient emprunts de sérénité et de calme. Il en faudrait beaucoup pour l’affoler, ça n’avait d’ailleurs jamais été le cas de mémoire d’homme… De sa main droite, il prit appui sur sa canne, se redressa et glissa de sa main gauche quelques dossiers sous son bras. D’un signe de la tête, il fit signe à Cressen de le suivre.

« Avez-vous fait quérir madame la directrice-adjointe de Sainte-Elisa ? »

« Oui monsieur, conformément à vos instructions. Elle devrait arriver dans peu de temps, je suppose. »

La domestique les précédait d’une bonne avance, tandis que le premier ministre avançait tranquillement, son secrétaire sur les talons. Ils franchirent les longs couloirs du palais, un à un, empruntèrent les gigantesques escaliers et finirent par arriver aux appartements privés du couple le plus contrasté et le plus mal assortit de toute l’Histoire systérienne. Armika était dans la chambre, allongée sur le lit à baldaquin. A en juger par la flaque devant la cheminée, elle avait tout juste perdu les eaux, peu de temps après avoir pris sa tisane quotidienne. Elle gémissait de douleurs sous les contractions de plus en plus fréquentes, de plus en plus douloureuses. Lorsqu’elle aperçut Thomas, elle lui cracha plusieurs mots au visage, d’un ton haineux.

« Ah non, Thomas ! Ah non ! Va t’en ! Laisse-faire la demi-elfe ! »

Ces mots teigneux glissèrent sur le Surintendant comme l’eau sur le plumage d’un canard. C’est de son habituel ton monocorde qu’il lui répondit simplement :

« J’en ai bien l’intention. Je venais simplement m’enquérir de ton état. Je resterai à l’étage tout le long de l’accouchement. »

« Non prononce pas ce mot ! Je déteste ce mot ! Je le hais ! », hurla-t-elle alors, tandis que le duc remontait pour aller retrouver son secrétaire.

A peine fut-il arrivé en haut des marches qu’il se retrouva nez-à-nez avec Sarälondë Balgor, sa mallette brune contenant ses outils dans sa main droite. Elle fut surprise de le voir surgir juste en face de lui et ne put s’empêcher de laisser échapper un hoquet de surprise. S’occuper de la femme du Surintendant… il fallait simplement souhaiter que tout se passe bien. Les retombées pourraient être extrêmement graves en cas d’incident. Comment diable pourrait réagir ce monstre de froideur à la toge noire délavée ?

« Madame Balgor, ma femme vous attend. Une bassine d’eau a été préparée, des linges propres sont à portées de main, près du lit. La servante est à votre disposition. »

Elle se contenta d’acquiescer sans rien ajouter. Echanger quelques politesses aurait été bien inutile, elle savait ce qu’on attendait d’elle et ne comptait pas se dérober, quand bien même était-elle dans un état de grande anxiété. Juste avant qu’elle ne referme la porte, un son monta à l’étage et résonna dans la petite salle de réception.

« Ah, ce n’est pas trop tôt ! Dépêchez-vous, que diable, ça fait un mal de chien ! Débarrassez-moi de ces excroissances, et fissa ! »

Aussi incroyable que cela paraisse, le duc et son âme damnée se remirent alors au travail. Le premier détestait perdre son temps et l’utiliser à ne rien faire. Pour combler l’attente, mieux valait s’occuper à des choses essentielles. Régler les affaires courantes en faisait partie. Sa femme avait beau risquer sa vie à mettre au monde leurs enfants, le Surintendant n’en gardait pas moins le nord. Il avait un empire à faire tourner, plusieurs tâches à effectuer. Rien ne l’en détournerait.

« Veuillez me donner le dossier fiscal de l’Association, je vous prie. J’ai besoin de mettre les registres comptables à jour. »

Alors que le fonctionnaire s’exécutait sans rien dire, un chapelet de jurons traversa la porte de chêne pour arriver aux oreilles des deux hommes, qui l’ignorèrent superbement.

Que le temps devait sembler long, pour les trois femmes juste au-dessous d’eux ! Pour nos deux gestionnaires, il passait aussi rapidement que d’habitude. En tous cas, ils ne laissaient rien voir de ce qu’ils vivaient intérieurement, conservant des visages neutres et totalement inexpressifs.

« Par Thaar ! Cette douleur ! »

Et ça continuait…

« Le dossier sur l’assainissement des égouts de la cité, Cressen. »

« Tout de suite, Votre Seigneurie. »

« Plus jamais, vous entendez, Sarä ? Plus jamais je ne ferai d’enfants ! Plutôt mourir, vous entendez ?! Mourir ! »

Un nouveau cri, incompréhensible cette fois, fut immédiatement suivi par des pleurs profonds, aigus et perçants.

« Sortez-moi l’autre, et vite ! », enchaîna Armika, visiblement pas au bout de ses forces.

C’est fou ce que la colère peut vous donner, comme énergie !

« Félicitations, monseigneur. », annonça poliment Cressen.

« En voila déjà un. », répondit Thomas d’un ton laconique.

Environ une demi-heure s’écoula jusqu’à ce qu’un deuxième cri perçant se fasse entendre. Le premier ministre posa alors le dossier qu’il lisait sur l’écritoire juste en face de lui. Il se dirigea jusqu’à l’escalier, mais avant de le descendre, fit volte-face et s’adressa à son subalterne.

« Annoncez la nouvelle à Maegor et Alysanne. S’ils souhaitent venir, je les y autorise. »

Et sans attendre de réponse, il s’enfonça dans l’escalier et pénétra dans la chambre où la servante nettoyait avec un soin méticuleux un des deux nouveau-nés. Sans doute le second. L’autre était dans les bras de la directrice-adjointe de Sainte-Elisa, qui comptait les orteils et les doigts.

« Tout est normal ? »

« Oui… Oui, tout est en place, Surintendant. », répondit simplement Sarälondë, avec un faible sourire qui exprimait à la fois de la fatigue mais aussi de la bienveillance face à cet heureux événement.

Un heureux événement qui ne semblait pas égailler particulièrement le père et la mère. L’un se contenait de fixer le bébé avec un regard critique pendant que l’autre se remettait de cette terrible épreuve, épuisée. N’en déplaise à Armika, Thomas fit signe à la domestique et à Sarä de placer les deux enfants sur la poitrine de son épouse afin qu’ils puissent épancher leur soif.

« Le premier-né est un garçon. Le second est une fille, ce sont des faux-jumeaux. Une fois encore… »

Les dieux avaient véritablement un sens de l’humour très particulier. L’ancienne duchesse Recaedre, qui abhorrait l’enfantement, se révélait extrêmement fertile. Deux accouchements, deux fois deux jumeaux. C’est à croire qu’ils aimaient s’amuser avec les mortels dans leur grand jeu d’échec à échelle planétaire.

« Mavolio et Evadne Bolton. »

Puis, le Surintendant se mura dans un profond silence, approcha du lit et déposa un baiser sur le front de son épouse. Personne ne put voir, sauf elle, le sourire qu’il lui dédia ce soir-là…


Post by Maegor Recaedre - July 6, 2010 at 2:31 AM

Il était tard à l'Académie de la Confrèrie Pourpres, alors que seules quelques solitaires et dansantes lueurs colorées habitaient encore le cadrage de certaines fenêtres de la renommée institution scolaire. Le Professeur Recaedre et ses cheveux blonds, lesquels transpercés des deux branches de ses lunettes qu'il ne portait qu'en privé, corrigaient les devoirs, extrêmement mal executés d'ailleurs, des turbulents élèves du cours de Métamorphose et Invocation... lorsqu'on vint cogner à sa porte.

« Monsieur Larbitreur ? Vous êtes fort courageux d'avoir à cette heure traversé la distance qui séparre l'acceuil de mon bureau, quel honneur peut bien me permettre d'avoir droit à un tel excedent de dévotion? »

« Légionnaire Recaedre, il s'agit de l'accouchement ! »

« Je ne suis pas celui qu'il faut voir pour les permissions de congé, Jacob. »

« Il est question de l'accouchement de Ma-dame. »

« Ehh bien félicitations pour vôtre dame, mais puis-ce que je vous dis que.. »

« Madame vôtre mère ! » Répondit le vieux secrétaire, maintenant écarlate.

« Kal Ort Por » Et le mage aux yeux d'Émeraude était maintenant ailleurs.

... Dans la chambre de sa soeur.

« Alysanne, réveille-toi. Ils sont arrivés. »


Post by Alysanne Recaedre, Ind - July 8, 2010 at 10:53 PM

Les bébés sont là!
Et elle s'en fiche.

Comme cela le légionnaire Recaedre avait une rune qui menait directement aux... appartements de sa sœur.... Oublions se fait troublant et poursuivons! Lorsque le jeune homme fit magiquement irruption dans la pièce pour réveiller sa jumelle, cette dernière entre ouvrit les yeux avec un petit je-ne-sais-quoi de particulièrement mécontent. Ces derniers jours la blondinette s'était sentie un peu fiévreuse et lui venait la réveiller durant ces précieuses heures de repos!

« De qui de quoi...? Qui ça "ils" Maegor? »

« Madame notre mère a accouché Alysanne. »

« Je déteste quand tu me réveilles avec une mauvaise nouvelle.»

« Allons Alysanne, nous pourrions allez voir notre charmante mère, notre présence la réjouirait surement. »

Le sarcasme utilisé par Maegor ne manqua pas de faire sourire Alysanne. L'idée d'aller agacer leur génétrice avait un petit quelque chose de charmant.

« Cette offre n'est pas assez pour me faire lever et enlève ces fichus lunettes... »

Et il n'en fallu pas plus pour que la Recaedre s'enroule dans ses couvertures de soie afin de poursuivre son petit roupillon. Ils pouvaient bien attendre les bébés Bolton! Surtout s'il avait le visage du père.


Post by Sarä Taur'Amandil, OdS - July 15, 2010 at 12:27 PM

Les jumeaux Bolton
Quelques temps plus tard...

« Par Thaar ! Cette douleur ! »

« Ne vous concentrez pas sur votre douleur. »

« Plus jamais, vous entendez, Sarä ? Plus jamais je ne ferai d’enfants ! Plutôt mourir, vous entendez ?! Mourir ! »

« Bien sur madame Recaedre, je disais ça moi aussi. »

« Arggghhh! »

« Prenez des grandes respiration et poussez! »

Les jours et même les semaines étaient à présent passés depuis la naissance des jumeaux Bolton. Tout c'était bien déroulé, au grand soulagement de la médecin de renom qui était légèrement* nerveuse à l'idée de donner naissance à un ou des possible mort-nés. Maviolo et Evadne, au contraire, avaient tous leurs doigts autant de pied que de main et étaient en excellente santé. Néanmoins la marquise Taur'Amandil Balgor y pensait et repensait à ces deux naissances au nom déjà reconnu. Étrange, c'était loin d'être le premier accouchement auquel Sarälondë participait et cela ne risquait pas d'être le dernier de sa longue vie de demi elfe.

Les cris d'Armika Recaedre et son expression faciale autant déchirée que colérique était toujours dans la mémoire de notre petite boule d'anxiété nationale qui depuis quelques temps avant l'heureux événement était un peu plus recluse qu'à son habitude...Et il fallait mentionner que la noble était d'avance plutôt renfermée. Ha mettre au monde un enfant, c'est si beau, douloureux et complexe. Complexe? Non, c'était plutôt Sarälondë qui était complexe, rien pour nous changer! Dans les faits un accouchement restait toujours qu'une chose expulsé d'une autre, c'était plutôt simple. Madame Balgor elle savait créer la complexité avec la simplicité de la vie.

[...]

Plusieurs semaines avant l'accouchement, un après midi au manoir Recaedre...

Assises dans le confort de la sobre bibliothèque du manoir, les deux femmes pour qui le mot aimable ne voulait pas dire grand chose discutaient. Sarälondë Taur'Amandil revenait à peine de la guerre à ce moment là et Sarä offrait à Armika un examen médical durant lequel elle était plutôt sous influence d'une forte dose de médicaments. Son corps comme son esprit étaient souffrant, elle n'aurait pas cru cependant que quelque chose d'autre pourrait venir en ajouter une couche...

« Ils seront élevés en Zanther dans la famille de mon mari. On y trouve les meilleurs pensionnats et puis sa tante Roberta a déjà trouvé la nourrice parfaite. »

« Je vois.»

« Au moins cela est réglé. Hum.. Vous allez bien? Vous faites un drôle d'air. Vos blessures vous font-elle souffrir?»

« Je suis surprise et en effet, je souffre énormément en ce moment. »

« Surprise? Mais surprise de quoi. »

« Votre mari pourrait vous dire pourquoi je suis surprise je suppose. »

« Mais je ne suis pas mon mari, madame. »

[…]

Naturellement la fin de cette discussion resterait un mystère pour vos petits yeux de voyeurs. Quoi qu'il en soit, ces mots échangés par la suite avaient eu plus d'impact sur la petite dame que son entourage le plus proche pourrait le croire. Était-ce la raison unique à son comportement des derniers temps? Surement pas et tenter de savoir tout ce qui pouvait tourmenter la rédactrice du précieux journal « Lenne tome II » était aussi difficile que de savoir ce qui motivait... Lenne Vespari par exemple. Hum! Un excellent exemple d'ailleurs. Il n'y a rien de plus démonstratif pour illustrer des problèmes psychologiques que la magistère pourpre, mais ça, c'est vraiment une autre histoire.


Post by Armika Recaedre, CP - July 17, 2010 at 4:52 AM

Mauvaise humeure, Douleur...Malheur

Trois mots qui rendait tellement bien l'instant présent. Armika en couche. Ses trois derniers mots par contre était suffisant pour faire sourire toute celle qui un jour avait été abordé de manière peu cavalière par l'ex-Duchesse. Toute celles qui jadis avait fait plus ou moins partie de son entourage alors qu'elle était encore noble quoi.Armika en couche. C'était risible après tout. Pour vous donner une idée :

Top 5 des choses les plus détester par Armika Recaedre :

5-Les demi quelques choses...
4-Les pimbêches mal habillées
3- Les gens sales
2-Les bébés vagissants execo avec les gamins qui courent partout
1- Les... Comme si je vous le dirais...apprenez à la connaître tout simplement...

Les bébés arrivant en deuxième avec les gamins... vous comprenez maintenant ce qu'il y a de comique à la situation.

Bref, une Armika, rouge écarlate (une couleur qu'elle déteste), les jupes relevés, des gens pleins la pièce et bien entendu des bébé tout juste née vagissant comme... des démons. Il y avait de quoi être de très très mauvaise humeur.

Mais quand Thomas mis les bébés au seins, pour qu'ils se taisent et boivent à sasiété, le visage de l'épouse Bolton était mitigé d'émotion. Du pure dégoût premièrement, à cause des noms horribles que Thomas à infliger à ses enfants ou encore pour ce geste bestiale qu'est la tétée. Ensuite, une sorte de soulagement, peut-être pour les seins qui se désengorge finalement, où juste pour le silence plus ou moins apaisant qui reignait à nouveau dans la pièce.

Elle regardait les enfants boires. Jamais Mundus l'avait obliger aussi abruptement d'allaiter les premiers jumeaux. Elle semblait quelques peu abasourdi. Sûrement dit à tous se mélange d'hormone... peut-être. Où peut-être pas. Est-ce qu'Armika se découvrait une fibre maternelle tout à coup? Sans doute que cette pensée était tellement absurbe que nul n'aurait oser même y songer.

-Vraiment Thomas, tu ne pouvais attifer cette enfant d'un prénom plus horrible. Je pensais que ta toge était le summun, mais tu fait des progrès en terme d'horreur. Elle va s'appeler Mélisande ... Recaedre.

*Et ce n'Est pas sans un léger, très très léger sourire, et une lueure amusé dans le regard qu'elle rajouta son propre nom de famille. *


Post by Thomas Bolton, Emp - July 19, 2010 at 12:48 PM

Le premier ministre regarda sa femme alors qu’il posait ses deux enfants sur son ventre. Il restait parfaitement stoïque, comme à l’ordinaire. Son regard d’acier fixait le visage de son épouse, où se mêlait cette expression de dégoût mais aussi de soulagement. A quoi était dû ce soulagement ? Il en avait une petite idée. Nul autre que lui n’aurait pu deviner quelle mécanique étrange se mettait en marche sous le crâne de l’ancienne duchesse. Il eut confirmation de ce qu’il pensait lorsqu’elle décocha un regard à ces deux petits êtres rougeauds qui arborait une petite touffe de cheveux noirs sur leurs crânes.

Depuis qu’elle était avec le duc Bolton, Armika avait beaucoup changé. D’une façon étonnante d’ailleurs. On aurait pu croire – et beaucoup le crurent, d’ailleurs – que leur alliance renforcerait la brégunienne dans ses pires travers. Racisme exacerbé, froideur encore plus glaciale, sévérité et exigence à des niveaux jamais égalés… Mais non, c’était tout le contraire. Elle qui répugnait le travail avait élaboré un projet de laboratoire. Elle qui voulait garder ses connaissances pour elle avait finalement intégré la Confrérie Pourpre.

En serait-il de même avec la maternité ? Allait-il faire d’elle une femme beaucoup plus proche de ses enfants ? Non, certainement pas. Mais peut-être avait-il réussi à toucher une corde sensible et à assouplir sa vision des choses, sa conception de la vie en général. On pouvait alors se demander s’il avait voulu ces changements ? Ce que lui aussi avait sous le crâne, tout compte fait. Enfin… Ca resterait impossible à déterminer et heureusement, sinon il n’y aurait plus de mystères.

Elle lui décocha alors une petite remarque assassine qui tenait plus d’un mot d’esprit que d’une réelle remontrance. Mais l’échange ne dura pas bien longtemps.

« Evadne Bolton, Armika. Tu t’y feras, j’en suis persuadé. », répondit-il d’un ton qui ne souffrait aucune contestation mais qui restait tout de même relativement courtois.

Puis il lui rendit son sourire et la lueur qu’elle avait dans le regard…


Post by Thomas Bolton, Emp - July 27, 2010 at 6:24 PM

La magie narrative est parfois beaucoup plus efficace que la magie arcanique. La preuve en est que les jumeaux Bolton étaient nés depuis maintenant un peu plus d’un an. Leurs premiers mois d’existence ne méritent pas qu’on s’y attarde trop. Sous la garde d’une nourrice à temps plein, ils passaient leur temps à téter ou à dormir, voire à gazouiller et à sourire. C’est à croire qu’ils n’avaient pas les mêmes gènes que leurs parents ! Mis à part ça, rien de particulièrement significatif. Ils possédaient des cheveux noirs, comme leur père et les yeux encore bleus des nouveaux-nés. La couleur se discriminerait plus tard.

« Je ne veux pas qu’elle soit baptisée Evadne. », ne cessait de répéter Armika.

« Soit, elle ne sera pas nommée Evadne devant Thaar. », répondit Thomas, un beau jour.

Cela calma rapidement la véhémence de l’ancienne duchesse, qui était à cent lieues de se douter du tour que lui jouait son mari. Il fallait être extrêmement prudent lorsque l’on négociait avec le duc. Le cas d’Arthas Menethil et de son immunité était un précédent suffisamment important pour qu’on en tire quelques leçons essentielles.

Un soir, alors que les époux se trouvaient dans leurs appartements du palais en compagnie de la nourrice et de leurs jumeaux, monsieur Cressen toqua à la porte et s’avança dans la grande salle pour se diriger vers son supérieur et lui murmurer quelques mots à l’oreille. Bien évidemment, avec toute le protocole dont il était coutumier, il salua poliment les deux femmes, ne manquant pas aux règles basiques de la courtoisie. Le premier ministre hocha la tête, comme s’il était satisfait de ce qu’il venait d’entendre.

« Madame, retournez dans le quartier des domestiques et préparez vos affaires. Vous partez pour Zanther dans l’heure. », annonça-t-il simplement à la nourrice, de son sempiternel ton monocorde.

La femme se leva, prit congé et se pressa d’aller accomplir les quelques instructions que venaient de lui confier Sa Seigneurie. Elle s’était suffisamment attachée aux enfants, elle ne voulait pas commettre une erreur qui aurait pu lui en faire perdre la garde. Thomas tourna alors la tête pour examiner son épouse, qui essayait de garder un visage digne. Son œil entraîné put tout de même dissimuler une certaine déception chez sa femme. Elle avait déjà tant argumenté pour les garder auprès d’elle ! Son instinct maternel se développait, même si elle ne voulait pas l’avouer.

Quand Cressen quitta la pièce à son tour, une superbe femme au visage sans âge, vêtue d’une luxueuse robe violette aux dentelles noires pénétra dans les appartements du couple. Elle adressa un sourire au Surintendant et se tourna vers Armika Recaedre pour la détailler longuement. C’était à la limite de l’impolitesse. Finalement, elle la gratifia du même sourire qu’elle avait décoché à son neveu et les salua tout deux.

« Bonsoir. Je suis venue chercher tes amours, Thomas. », lança-t-elle d’un ton enjoué.

« Ils sont là, Madame. Prenez-les. »

Elle s’approcha vers le berceau pour les examiner, leur faire quelques grimaces et les chatouiller en gratouillant leurs petits ventres. Les jumeaux semblaient ravis. Armika voulut alors prendre ses deux enfants, avec un peu trop d’empressement : c’est à peine si elle ne bouscula pas la tante de son mari pour les serrer contre elle. Elle toussa comme pour se donner une nouvelle contenance. Pendant plusieurs secondes, elle resta silencieuse à contempler ces deux petits êtres qu’elle aimait tant, même si elle ne voulait pas le reconnaître. Elle se pencha alors pour déposer deux baisers sur leurs fronts. Le duc approcha ensuite pour les lui prendre. Elle hésita puis finit par capituler. Il les embrassa également et les confia à la nourrice qui était de retour.

« Je peux les prendre, Votre Seigneurie. Monsieur Cressen a fait porter mes affaires sur le navire. »

Elle eut un signe de tête pour seule réponse.

« Le professeur Méricet est déjà sur place au manoir de Medelia. Tout est en place pour les accueillir, nous avons déjà prévu leur éducation pour les années à venir. Ils ne manqueront de rien. »

« Bien. Bon voyage, en ce cas. », lui répondit simplement son neveu.

Et tout ce petit attroupement quitta le palais, la femme en violet, les enfants et la nourrice. Le Surintendant prit alors la main de son épouse et l’entraîna à sa suite vers les étages, pour accéder directement aux remparts. Le temps qu’ils atteignent l’aile sud, le navire levait déjà l’ancre et opérait les premières manœuvres pour quitter le port. La pleine lune leur laissait apprécier toute la beauté mais aussi toute la mélancolie du spectacle.

« Au revoir, Mavolio et Evadne. », murmura le premier ministre.

Armika allait dire la même chose lorsqu’elle fronça les sourcils et tourna la tête vers son époux. Elle lâcha sa main.

« Comment ça, Evadne ? Tu m’as promis que nous ne l’appellerions pas comme ça ! »

Lentement, le duc se tourna vers elle.

« Je t’ai promis qu’elle ne sera pas baptisée Evadne. Cela ne change rien à l’état civil originel. »

Elle le foudroya alors du regard et commença à se masser les tempes. Voila la migraine qui revenait. D’ici quelques secondes, les insultes hargneuses pleuvraient.

Et à plusieurs lieues de là, voguait tranquillement sur une mer calme le navire de commerce zantherien qui mènerait les jumeaux vers leur destin. Ah, ils n’auraient pas à supporter la vindicte de leur mère, les chanceux !


Post by Thomas Bolton, Emp - August 8, 2010 at 1:17 PM

Le voyage se passa sans encombre. La première partie, la plus longue, fut la plus difficile pour les jeunes enfants. A peine avaient-ils passés leur première année d’existence qu’on les mettait déjà dans une situation délicate. La traversée se révéla particulièrement calme, sauf lorsque le navire quitta l’océan des épices pour entrer dans la mer des dragons. Les orages étaient violents, la houle puissante venait bringuebaler le bateau et ses occupants dans tous les sens. Fort heureusement, le capitaine était habitué à ce genre de voyage périlleux et réussi à le manœuvrer sans trop de dégâts. La femme en violet restait constamment avec la nourrice et ses petits neveux.

Ces derniers n’appréciaient pas cette perte de repère. Où était Père ? Où était Mère ? Pourquoi le sol bougeait-il ? Des questions qu’ils ne pouvaient évidemment pas verbaliser. Leur crainte se peignait alors sur leurs visages. Madame les prenait donc sur ses genoux, les entourait de ses bras protecteurs. Ils adoraient ce moment, où tout semblait s’arrêter, bercés par la zanthérienne dans le tissu tout doux de sa grande robe de soie. Elle chantait alors d’une voix douce et languissante une berceuse qu’on chantait souvent à Medelia, pour calmer les enfants en bas âge.

« Si on allait au cimetière, voir mon nom gravé sur la pierre, saluer les morts face à la mer, ivres de vie dans la lumière… »

La nourrice ne pouvait s’empêcher de froncer les sourcils devant une chanson si sinistre. Elle n’avait pas son mot à dire, de toute façon, mais ça la gênait beaucoup. Les traditions de Zanther ne lui plaisaient pas du tout, elle préférait la joie de vivre systérienne. Oh, les petits protégés se calmaient de suite, écarquillant grands leurs beaux yeux d’émeraude, mais ce n’était pas quelque chose qu’on devait chanter à de si petits êtres. Dans ces cas-là, elle tournait les talons et montait sur le pont.

Puis, vint le temps du débarquement dans une petite ville côtière. Un carrosse noir au blason violet les attendait déjà. Des serviteurs chargèrent les lourdes malles de Madame sur le toit, pendant que le cocher ouvrait la porte à sa maîtresse. A l’intérieur se trouvait déjà quelqu’un. Un homme d’âge mûr, les cheveux gris parsemés de fils blancs, vêtu de noir. Sobriété et austérité semblaient être ses maîtres-mots. Il faut bien avouer que c’était le cas de la plupart des zantheriens. Son regard sombre examina longuement les enfants du duc Bolton, qui s’étaient installés de chaque côté de leur grand-tante.

« Ainsi, voici la progéniture du Surintendant de Systeria. Bien. Nous verrons bien ce que nous pourrons faire d’eux. »

La femme en violet laissa échapper un petit rire cristallin.

« Professeur Mericet, voyons… Vous devez bien vous douter de ce dont ils sont capables. »

L’homme hocha sèchement la tête. Après tout, n’était-ce pas lui qui avait pourvu à l’éducation du premier ministre de Cybelle dans ses primes années, juste avant qu’il n’intègre le monastère thaarien ?

« Mavolio a déjà le nez de son père. Savent-ils marcher ? »

« Non, pas encore, mais ils n’ont que treize mois, Mericet. »

« Treize ? Toujours pas ? », lâcha-t-il comme si c’était extrêmement étonnant !

Elle le regarda en souriant, sans rien répondre, caressant la tête de la petite Evadne, qui examinait avec curiosité celui qui allait être son précepteur pour les quinze prochaines années.

« Il va falloir nous y atteler et vite, si nous ne voulons pas qu’ils se complaisent dans la mollesse. »

On toqua à la porte de l’habitacle, coupant court à la conversation. On venait leur signaler que tout était chargé. La nourrice voulut pénétrer dans le carrosse, mais Madame lui fit signe de grimper à l’extérieur, près du cocher. Lorsqu’elle se fut installée, Mericet donna un coup sec contre le banc de bois sur lequel il était assis. Le véhicula tressaillit et se mit à avancer à une vitesse relativement soutenue. Cinq heures de route les séparaient encore du manoir Bolton à Medelia.

Cinq heures silencieuses. Personne ne parlait. Mericet se contenait de fixer tantôt Mavolio, tantôt Evadne, comme s’il tentait de les percer de son regard sévère. Le fils s’en moquait, les yeux rivés sur le paysage qui défilait derrière la petite fenêtre de la porte du carrosse. De vastes forêts brumeuses, dans un premier temps, puis une succession de champs et de villages de plus ou moins grande importance. La fille, elle, prenait un malin plaisir à soutenir le regard de son futur professeur, un sourire angélique sur son beau visage enfantin.

Finalement, ils arrivèrent à destination, juste en bordure de Medelia, dans un grand manoir de pierres gris clair, sur trois étages. Le toit de tuiles grises était bordé par une superbe petite balustrade en pierre aux formes arrondies. De multiples cheminées rondes s’élevaient de-ci de-là. La partie nord de la façade, qui donnait face à un vaste jardin bien entretenu, était envahie par des plantes grimpantes qui rajoutaient au charme de la demeure. Une tourelle s’échappait de la masse, carrée, au toit triangulaire et étroit. Le domaine était entouré de hauts buissons au feuillage sombre. Des allées de graviers entouraient des cercles de pelouse et menaient à l’entrée principale.

Les jumeaux pénétrèrent avec fascination dans cette demeure au charme détonant. Ils traversèrent de longs couloirs lambrissés dans lesquels étaient accrochés toutes sortes de portraits représentant les membres de la famille Bolton. On reconnaissait bien le nez crochu caractéristique des hommes de la lignée. Madame amena les jumeaux à l’étage pour leur montrer leur chambre. Une pièce qui n’avait rien à voir avec l’environnement chaleureux et coloré qu’on réservait aux enfants systériens. Seuls les lits à barreaux permettaient de savoir qu’on se trouvait dans une chambre prévue pour des bambins. Des paysages peints, des natures mortes, de vastes fenêtres bien fermées, etc.

Au-dessus de l’épaisse cheminée éteinte – pour des raisons évidentes de sécurité – trônait le portrait du père, le Surintendant Thomas Halvadius Bolton. Son regard d’acier, sévère, vous donnait l’impression de vous suivre en permanence, où que vous alliez dans la pièce. A côté était accroché le portrait de leur mère, Armika Recaedre, belle et froide, ses longs cheveux blonds noués élégamment à la mode brégunienne. Son regard d’émeraude exprimait un dédain profond, un orgueil marqué. Chaque jour, les parents seraient aux côtés de leur progéniture.

De longues années en perspective dans cette vaste demeure, à apprendre, à grandir, à évoluer…


Post by Thomas Bolton, Emp - September 4, 2010 at 1:19 PM

Aujourd’hui était un jour spécial pour les enfants du couple le moins sympathique de la capitale systérienne. Les jumeaux allaient fêter leurs cinq années d’existence. Cinq longues années, passées dans cet immense manoir à la décoration riche mais sobre, entouré de domestiques silencieux, d’une tante excentrique et d’un vieux précepteur sévère. Toutefois, ils ne s’en plaignaient pas le moins du monde. Après tout, lorsqu’on ne connaît rien d’autre, qu’y a-t-il à regretter ? Sans point de comparaison, cette vie leur semblait normale et ils l’appréciaient. Tous deux avaient commencé à se tenir debout vers treize mois. Leurs premiers mots intelligibles vinrent un mois plus tard. Pour Mavolio, ce fut « mir-ka » – ce qui ne manqua pas de décontenancer sa mère, quand Thomas le lui répéta – et pour sa sœur, ce fut « va-dius ».

Madame et le Précepteur s’assuraient à ce que les jeunes enfants s’éveillent avec précocité, que ce soit en stimulant leur créativité ou en leur racontant de longues histoires, régulièrement. Les deux jumeaux écoutaient avec calme, tous deux étaient très sages. Il faut dire que dans cet environnement austère de la Ligue, ils apprirent rapidement où était leur place, ce qu’il convenait de faire ou de ne pas faire. Un observateur extérieur aurait aisément pensé que la tante du Surintendant était la plus souple, mais ce n’était pas si vrai. Elle savait comment se faire respecter et ne se laissait pas déborder, toute excentrique qu’elle eut pu paraître dans les situations mondaines.

Cette journée était donc très spéciale pour Mavolio et Evadne. Toutefois, leur emploi du temps ne changeait pas. Alors que le matin, ils suivaient leurs leçons de lecture et d’écriture sous l’œil vigilant de Madame, ils passèrent l’après-midi à courir dans tous les sens, suivant un parcours prédéterminé par Mericet dans le vaste jardin qui entourait la propriété. Obstacles en tout genre se dressaient sur leurs chemins. Le jeune garçon était plus doué que sa sœur, même s’il faut avouer qu’elle se débrouillait bien pour son âge. Elle pouvait terminer une heure avant et rejoindre sa grand-tante pour des leçons supplémentaires, dans le petit salon. Son frère devait rester pour exécuter toutes sortes d’exercices d’assouplissement.

« Plus vite, jeune Mavolio ! », assénait sèchement le professeur.

Et lorsque le garçon s’exécutait…

« Plus loin, jeune Mavolio ! », l’exhortait le précepteur.

Ce n’était pas de tout repos, mais le soir, le frère et la sœur bénéficiaient d’un sommeil profond et apaisé. Et comme cela, ils étaient heureux. Mais ce soir serait différent. Lorsque la grande horloge du salon sonna dix-huit heures, on entendit le grincement des gigantesques grilles de fer forgé du manoir s’ouvrir. Des bruits de sabots et de bringuebalements se firent entendre dans l’allée de gravier qui entourait l’entrée de la demeure. Des carrosses aux couleurs sombres et froides commençaient à s’amonceler, laissant apparaître toutes sortes d’individus vêtus avec goût, mais toujours dans des tons particulièrement austères. La bourgeoisie de Medelia venait fêter les cinq ans des enfants Bolton.

Une heure plus tard, après avoir été lavés et habillés, les jumeaux pénétrèrent dans la vaste salle de réception, au parquet lustré, parfois recouverts de superbes tapis d’un bleu sombre aux fils d’argent. Sur les murs, des portraits représentants les membres de la famille, des tapisseries anciennes soigneusement tissées, des meubles finement ouvragés sur lesquels reposaient des statuettes, bibelots et autres horloges de bonne facture. Les invités discutaient en petits groupes, près de la cheminée, dans un coin de la pièce, debout ou assis dans de confortables fauteuils doublés de velours vert sombre. Le silence se fit lorsque les enfants entrèrent.

Tous les regards étaient braqués vers eux. Contrairement à d’autres enfants de leur âge, ils restèrent parfaitement impassibles, allèrent ensemble, très dignes, saluer chacun des groupuscules de bourgeois qui les regardaient avec une pointe d’amusement dans le regard, sous l’œil attentif de Madame et de Mericet. Ils parlaient peu, se contentaient d’utiliser des formules de politesse en vigueur, voire d’échanger quelques mots quand on leur posait quelques questions. Un ton monocorde, un regard froid qui n’exprimait rien, de vrais petits zantheriens ! Si leurs parents les voyaient, sans doute éprouveraient-ils un quelconque sentiment de fierté. Leur éducation avait porté ses fruits.

Quand vint l’heure de manger, ils s’assirent au milieu de la grande table, l’un en face de l’autre. Madame et Mericet, de chaque côté, présidaient. Les conversations étaient centrées sur la situation politique actuelle, à Medelia. Les tensions politiques se faisaient de plus en plus intense sur le territoire, l’idéologie des rebelles se répandait comme une traînée de poudre dans les couches moins aisées mais également dans le milieu de la bourgeoisie qui aurait tout à gagner à ce qu’un gouvernement plus stable et plus mercantile se mette en place. Les jumeaux écoutaient attentivement, comme lorsqu’on leur faisait la leçon. Souvent, leurs regards se croisaient. Quelques fois, ils se souriaient et se faisaient quelques grimaces – après tout, c’était encore des enfants !

En entrée, ils eurent un pressé de tomates, accompagné de foie gras. Le plat principal consistait en un assortiment de légumes qui décoraient une sole dorée au miel et à la fleur de sel. Enfin, chacun eut pour dessert une émulsion fleurie de violette au sablé brisé d’amande. Un délice pour les papilles gustatives. On méprisait souvent la Ligue de Zanther pour son archaïsme, mais on oubliait trop souvent les merveilles que recelaient ses traditions et son intéressante culture. Lorsque tout le monde eut terminé, Madame se leva et frappa dans ses mains pour imposer le silence et attirer l’attention de l’assistance.

« Nous sommes ici pour célébrer les cinq ans de mes petits neveux, Mavolio et Evadne Bolton. Ses parents ont fait envoyer de Systeria des présents. Le moment est approprié pour les découvrir, n’est-ce pas ? », déclara-t-elle en terminant par un clin d’œil à ses petits protégés.

Les serviteurs amenèrent quatre paquets pour les enfants. Sur deux d’entre eux, une lettre trônait, adressé à chacun des jumeaux. Les petits se levèrent et se dirigèrent vers les cadeaux qui leurs étaient destinés. Bien sûr, leurs parents leurs avaient déjà envoyé de nombreuses missives, lues par Madame ou par Mericet, mais jamais ils ne les avaient contacté directement. Malgré leur stoïcisme, leurs mains tremblaient alors qu’ils ouvraient les paquets. Une excitation contenue, sans aucun doute. Evadne découvrir dans le premier, une large boite de bois, une magnifique petite robe de soie bleue nuit. Le second, plus petit, contenait une petite bourse de cuir dont le contenu étincelait à la lumière. Mavolio obtint un petit pourpoint à la mode brégunienne et un livre ancien relativement bien conservé.

Après avoir pris connaissances de leurs présents, leur grand-tante leur confia à chacun les lettres qui leurs étaient destinées.

Evadne,

Vous avez aujourd’hui cinq ans. Votre mère et moi-même vous félicitons pour vos progrès. Les rapports de vos éducateurs sont élogieux et je ne doute pas que vous continuiez dans cette voie. Déjà, Madame a pu déterminer certaines qualités qui m’ont poussé à vous offrir cette bourse. Elle vous aidera à affiner vos compétences.

Votre Mère a tenu à vous offrir cette robe de soie bleue nuit. Elle est persuadée qu’elle vous ira à ravir. Je ne doute pas qu’elle ait raison. Je vous prierai de la porter et de vous faire peindre avec votre frère pour que nous puissions avoir un nouveau souvenir de vous. Maintenant que vous maîtrisez la plume, je gage que nous obtiendrons une réponse de votre part.

Continuez ainsi, mademoiselle Evadne. Sachez œuvrer pour notre famille.

Avec tendresse,

Mavolio,

Vous avez aujourd’hui cinq ans. Votre mère et moi-même vous félicitons pour vos progrès. Les rapports de vos éducateurs sont élogieux et je ne doute pas que vous continuiez dans cette voie. Déjà, le professeur Mericet a pu déterminer certaines qualités qui m’ont poussé à vous offrir ce livre. Il est ancien, c’est pourquoi vous devez en prendre grand soin. Il n’existe plus aucun autre exemplaire et son contenu en fait aujourd’hui une référence dans ce domaine. Il vous aidera à affiner vos compétences.

Votre Mère a tenu à vous offrir ce pourpoint brégunien. C’est le plus sobre qu’elle ait pu trouver. Elle est persuadée qu’il vous ira à ravir. Je ne doute pas qu’elle ait raison. Je vous prierai de la porter et de vous faire peindre avec votre soeur pour que nous puissions avoir un nouveau souvenir de vous. Maintenant que vous maîtrisez la plume, je gage que nous obtiendrons une réponse de votre part.

Continuez ainsi, monsieur Mavolio. Sachez œuvrer pour notre famille.

Avec tendresse,

Après en avoir terminé la lecture, les enfants allèrent se coucher à la demande de leur tutrice. Cette nuit, ils ne parvinrent pas à s’endormir de suite. Les yeux fixés sur le portrait de leurs parents, ils se sentaient fiers d’avoir pu leur plaire, d’avoir su satisfaire leurs exigences.

Une bien étrange famille… Les enfants répondraient sans doute.


Post by Mavolio Bolton, cp - September 6, 2010 at 11:03 AM

"Bonjour mère, bonjour père."

Sortant de son lit encore chaud de son corps, l'enfant regardait les portraits de ses parents pour les saluer, faute de pouvoir les voir en vrai, c'était un rituel du matin qu'il s'imposait avant que sa soeur ne se lève. Mavolio posa alors le pied sur le plancher craquant et glacé en ce matin spécial, mais si banal à la fois, qu'il était presque sortit de la tête de l'enfant, déjà conditionné pour sa journée.
Deuxième rituel, se glisser dans les draps de sa soeur sans bruit, lui souhaiter bonjour, et se blottir dans ses bras, seule chaleur humaine de la journée qu'ils auraient ensemble. C'est pourquoi petit Mavolio en profitait, malgré sa maturité, il avait besoin d'un élan de fraternité, fermant les yeux durant un instant, puis se détachant d'elle, comme un rien, paraitre naturel, alors que son petit coeur en redemandait encore. Si Méricet les voyait! Heureusement qu'il se levait plus tôt que le précepteur ne venait les chercher, sinon il aurait eu le droit à une belle leçon de morale.
Mettre ensuite ses chaussons avant de descendre prendre sa collation, ouvrir les rideaux, se faire toiletter, s'habiller, acquisition d'une certaine autonomie qui lui paraissait naturelle. Mavolio était dégourdi pour son âge, il ne fallait pas le nier, son éducation y était pour beaucoup. Toujours un échange entre Evadne et lui-même, s'aidant mutuellement, toujours en silence, comme s'ils savaient d'avance de quoi ils avaient besoin.

Leçon de lecture, le doigt sur la ligne, il fallait suivre les mots, ce qui était loin d'être de tout repos pour le si jeune garçon, qui semblait parfois buter sur des mots compliqués, sermonné par sa tante si exentrique de vouloir lui apprendre à lire le mot "phénomène" correctement. Puis après la lecture, l'écriture, l'apprentissage de l'alphabet, écrire des lignes de "a", puis de "b", en minuscule, en majuscule, méthode ancienne, qui portait son fruit, puisqu'ils y arrivaient. A la fin Mavolio avait une crampe au poignet gauche, car comble pour ses parents très certainement, il avait hérité de la mauvaise main pour l'écriture, l'on se demandait encore qui de la mère ou du père était venue la tare. Certains spécialistes sauraient que la tare venait des deux, si tare il y avait bien entendu.
Le fils de Thomas changea ensuite de tenue, afin de faire ses exercices physiques, comme chaque jours, sous l'oeil de Mericet. Comment le décrire? Il avait l'air si abrupte parfois, impatient de voir les résultats, de les voir grandir, strict. Mais jamais il ne leur faisait du mal, et les laissait se reposer s'ils étaient trop fatigués. Mavolio l'aimait bien, c'était comme un second père, auquel il n'avait pas le droit d'avoir de contact. Son coeur se retournait chaque fois qu'il le voyait, voulant enfin rencontrer son père, pour de vrai.

"Plus vite, jeune Mavolio!"

Et le garçon tentait de courir plus vite pour son âge.

"Plus loin jeune Mavolio."

Alors que le garçon tentait de se cacher pour éviter une balle faite de mousse, que son précepteur parvient sans peine à lui lancer dessus. Puis venait le moment qu'il préférait, la collation de l'après midi, du pain brioché, tartiné de confiture de poires et amandes, avec un verre de lait frais du matin. Les papilles s'éveillèrent sous le goût du goûter qu'on lui donnait, et un soulagement physique de cette journée si riche, mais qui recommenceraient chaque jours depuis qu'il était en âge à être éduqué.
Mavolio fronça ensuite un de ses sourcils, comme savait si bien le faire son père, lorsqu'une certaine agitation se fit ressentir au manoir de Medelia. On le toiletta, l'habilla proprement et joliment, un veston assorti à la couleur de ses yeux. On le peigna correctement d'une raie sur le côté, comme un petit homme. Puis il rejoignit sa soeur, toute joliment habillée elle aussi mais sa coupe en bouclettes, ça il ne l'aimait pas. Une espèce de grimace atypique se forma alors sur son visage si neutre, comme un dégout. Puis il murmura pendant que sa tante était partie voir si tout le monde était arrivé.

"C'est moche comment ils t'ont coiffé. Essaie d'en enlever."

Mais ils n'eurent pas le temps qu'on les invita à venir, tout deux, d'instinct, Mavolio glissa sa main dans celle de sa soeur, un visage de marbre de dessina sur son visage, alors qu'ils entrèrent tout deux dans l'antre des parfums abominables, des joues collantes de maquillages, des sourires trop parfaits distendus par le rouge à lèvres carmin. Un espèce de haut le coeur intérieur refoulé le prit, serrant un peu plus la main de sa soeur qui ne devait pas en penser moins. Ils marchèrent dignement, tête de haute, dévisageant, Mavolio un brin réservé mais toujours poli comme sa soeur, ayant même appris certains titres, ce qui fit son plus grand effet. Mais encore un murmure à l'oreille de sa soeur, tandis que les adultes jouaient à parler le plus fort possible pour se faire remarquer devant les enfants.

"J'ai envie de me cacher j'ai peur."

Murmure aussitôt réprimandé par une discrète tappe derrière la tête de Mavolio, par son précepteur, qu'il redressa bien vite sous le sourire espiègle mais compréhensif de sa si chère Evadne. A table, leur comportement ne changea pas beaucoup, ils faisaient très attention à ne pas en mettre partout, même si l'enfance ne permet pas une aisance parfaite dans le coup de fourchette, écoutant, se faisant de petits signes que seuls eux comprenaient. La patience d'un enfant en fin de journée, en sachant que c'était le jour de son anniversaire, retombait alors que les heures passaient. Quelques langues de tirées, profitant du sérieux de la conversation des adultes. Mavolio faisait semblant d'armer un instant sa cuillère de purée, sa soeur ouvrant de grands yeux ronds, mais qui ne tarderait pas à faire semblant de se venger.
Mais jamais ils ne passaient à l'action.

Et finalement, vint le moment tant attendu par les faux jumeaux. Les présents offerts pour leur anniversaires. Une excitation dans le coeur de MAvolio, il avait été si déçu de ne pas voir ses parents en ce soir, mais quand il vit l'enveloppe sur le paquet, il ne pu s'empêcher de laisser couler une larme le long de sa joue, d'émotion. Ses petits doigts tremblaient en décachetant l'enveloppe, peut être se ferait il réprimander pour être trop expressif tout à coup, mais à quoi bon? C'était un enfant qui avait hâte d'avoir des nouvelles de ses parents. C'est d'ailleurs presque avec violence que ses yeux parcouraient les mots sur la lettre, voulant comprendre vite.

"Avec tendresse" c'est ce que Mavolio attendait, une once de familiarité, un soulagement intense qu'il en soupira de bonheur, devant des yeux attendris. Il porta contre lui le livre ancien et le pourpoint, les serrant fort, les sentant comme s'il pouvait y déceler l'odeur de ses parents. On les coucha vite, les yeux rivés sur père et mère, pendant de longues minutes qui eur avaient parut une nuit entière, pour ensuite rêver au contenu de tout ceci.

Le lendemain, une lettre fut écrite, en guise de cours d'écriture. De la difficulté très certainement, des fautes? Il y en avait certaines, les lettres tremblaient sous l'effort, mais le vocabulaire était là. Petit Mavolio avait prit en exemple certaines autres missives pour rédiger la sienne, comme un modèle d'écriture.

Père Thomas Halvadius Bolton,

Je suis très content de ce que vous et mère m'avez offert. J'aimerai tant vous voir, je pense à vous deux dès que je vois votre portrait, mais j'ai peur qu'on me prenne pour un bête. J'écris bien, mais je lis moins bien, alors le livre sera un peu difficile, mais je le cache bien pour pas qu'on le regarde à ma place.

Monsieur Méricet et tante sont très gentils, les tartines sont bonnes et Evadne je l'adore elle est très gentille et on ne fait pas de bêtises, mais des fois on fait des grimaces et je lui dis que ses cheveux sont mal coiffés.

Vous me manquez,

Je vous aime tous les deux.

Mavolio Bolton.


Post by Armika Recaedre, CP - September 7, 2010 at 6:33 PM

Thomas peut souvent présent, et cette missive adresser au couple, c’est Armika qui l’intercepta.
Son regard restait aussi froid qu’à l’habitude devant l’homme chargé de porté le courrier. Un mot au garde à l’entrée lui intimant de ne pas la déranger, sous aucun prétexte.

Une fois à l’intérieur, elle alla se blottir dans le fauteuil tout près du feu. Les pieds ramener sous elle, comme elle en a l’habitude lorsqu’elle est seule. Elle avait l’air d’une enfant, là, fébrile la missive entre ses doigts. Ses jupes bouffantes, la soie scintillante et les bijoux or de prix venaient un peu couper cette vision de la gamine à Noël.

La main un peu tremblotante, elle vint retirer le cachet de l’enveloppe. L’écriture incertaine et en patte de mouche ne pût que lui faire monter les larmes aux yeux. Elle ne lisait pas encore les mots, se contentant de passer le bout de ses doigts sur ses lettres d’enfant. Son enfant.
Puis elle s’intéressa au contenu. Les yeux embrouillés, elle avait de la difficulté à lire ses petits mots d’enfants. Cette candeur de Mavolio, élevé dans un cadre si stricte. Comme ils devaient avoir grandit ses petits. Puis murmurant entre ses larmes qui coulaient en silence.

« Moi aussi, vous me manquez, et je vous aimes. »

Qui aurait vraiment cru que cette femme si froide aux yeux de tous, si détaché de la vie, aurait pu réellement développer un côté maternelle? C’est la preuve qu’il ne faut jamais désespéré, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Le soir venu, Thomas pu trouver la dites missive posé sur le guéridon. Et plusieurs valises posé près de la porte. Allez savoir…


Post by Evadne Bolton - September 7, 2010 at 9:29 PM

*Un portrait de taille modeste accompagnait cette lettre. Une petite demoiselle à la robe bleu nuit était présente, assise sur le fauteuil sobre, ainsi qu’un jeune garçon du même âge, debout, à ses côtés. Si elle dégageait la grâce et la délicatesse consommée, avec son visage délicieux, cette posture aristocratique et son air si triste et sérieux, il semblait plus déterminé, peut-être protecteur, avec ce nez déjà crochu et son regard froid. La sobriété de la toile, de la posture et des tenues avait un quelque chose de sinistre. Un œil extérieur aurait sans doute souhaité que l’austérité de ces deux enfants soit due à la fatigue que pouvait provoquer une séance de pose pour une peinture. *

Père, Mère,

Je vous remercie pour les présents. La robe est très jolie. J’aime beaucoup la soie et la couleur. Madame et Mericet m’ont dit que je débuterai dès demain les leçons avec votre cadeau.

Je vous aime très fort, je vous observe tous les soirs et je pense à vous tous les jours. Je suis contente que vous soyez fiers de Mavolio et de moi.

Avec tendresse,

Evadne Bolton


Post by Thomas Bolton, Emp - September 7, 2010 at 10:39 PM

Ce soir-là, lorsqu’il réintégra ses appartements, le Surintendant faillit trébucher sur les lourdes valises entassées devant la porte. Fort heureusement, il se rattrapa au dernier moment sur une des énormes malles qui devait contenir toute une partie de la garde-robe d’Armika. Dans le petit salon, sur une petite table près du feu, étaient posées les deux lettres des enfants accompagnées du portrait qui les représentait. Le premier ministre détailla longuement le tableau, son regard glacial effleurant ceux de ses enfants, qui paraissaient si sages sur la toile. Il tendit alors la main vers les deux messages pour les attraper et en commencer la lecture.

Lorsqu’il en eut terminé, il hocha la tête, comme s’il semblait satisfait de ce premier contact direct qu’il entretenait avec sa progéniture. A moins qu’il n’existait une autre raison… Quoiqu’il en soit, avant de rejoindre son épouse qui dormait dans la pièce à côté, il attrapa un coffret qui renfermait un nécessaire à écriture. Le papier était d’excellente qualité et cette étrange plume à encre semblait toujours aussi bien entretenue. Le duc en prenait grand soin depuis que le prince Feredìr la lui avait offerte. Il changeait le précieux liquide chaque fois qu’il menaçait de sécher dans le petit mécanisme. La lettre était destinée à Madame.

Ma Tante,

Par la présente, je vous informe que madame mon épouse a décidé de vous rejoindre, à Medelia. Il m’apparaît que nos enfants lui manquent. Je souhaite que vous preniez ces informations en considération pour préparer comme il se doit sa venue.

Vous en conviendrez, en aucun cas madame Recaedre ne doit interrompre ou entraver l’éducation de notre progéniture. Aucune entorse dans l’emploi du temps, aucune promenade à la campagne. Sachez recadrer son comportement s’il s’avère préjudiciable à la bonne marche de leur développement.

Compte-tenu de la situation politique de cette région de la Ligue de Zanther, je vous invite à prendre les mesures nécessaires si vous estimez que madame mon épouse prend des risques pour sa sécurité. La renvoyer rapidement à Systeria est une option parfaitement envisageable contre laquelle je ne m’opposerai pas.

Deux autres brèves notes furent rédigées à l'attention de Mavolio et Evadne.

Mavolio,

J'accuse bonne réception de votre note de remerciement. Sachez que cette loyauté dont vous faites preuves à l'égard de nos portraits est un gage de fidélité envers votre famille. N'en ayez pas honte, soyez-en fier.

Continuez d'améliorer votre lecture et persévérez dans les tâches que vous confient Madame et le professeur Mericet. Soyez sage et respectueux envers votre sœur.

Evadne,

J'accuse bonne réception de votre note de remerciement. Votre mère et moi-même pensons chaque jour à vous. C'est une preuve de fidélité envers votre famille, soyez-en fière, cultivez cette loyauté.

Soyez attentive et persévérez dans ce difficile apprentissage que vous allez débuter. Faites preuve de respect envers votre frère.

Quelques minutes après, il confia les documents à un domestique qui les fit parvenir au premier navire en partance pour Medelia. Ils arriveraient largement avant qu’Armika ne décide de quitter l’Archipel… Suite à cela, le Surintendant alla se coucher et se glissa sous les couvertures, près de sa femme. Elle reprit conscience, peu à peu et se tourna vers lui.

« Sache que je désapprouve un tel départ. C’est une décision parfaitement impulsive qui ne fera que perturber l’éducation de nos enfants. Réfléchis-y cette nuit avant de partir précipitamment et de fuir tes responsabilités à la Confrérie. », lui dit-il d’un ton monocorde après l’avoir salué.

Il s’allongea alors, prenant ses aises contre les gros oreillers en plumes d’oies, attendant la réponse de l’ancienne duchesse…


Post by Thomas Bolton, Emp - September 21, 2010 at 11:54 PM

Malheureusement, il n’eut pas de réponse, car madame Recaedre était exténuée par ses longues journées de travail. Mettre en place son propre laboratoire sous l’égide de la Confrérie Pourpre lui prenait beaucoup de temps et d’énergie. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’ancienne duchesse n’était pas si oisive que cela. Elle s’investissait beaucoup dans ce projet. Aussi, le Surintendant la laissa sombrer dans les brumes du sommeil et en fit de même. La nuit du duc fut particulièrement courte : il n’était pas connu pour être un gros dormeur. Vers cinq heures du matin, il se leva et se prépara pour réinvestir son bureau et s’occuper de ses tâches quotidiennes.

Deux heures plus tard, Armika se réveilla et eut la désagréable surprise de voir ses robes soigneusement pliées, rangées dans les armoires. Toutes ses malles avaient été entreposées dans le débarras. C’est comme si rien n’avait jamais été préparé pour le voyage qu’elle souhaitait entreprendre. A peine levée et la voilà déjà en colère. Il lui fallut très peu de temps pour réaliser qu’il devait s’agir d’un mauvais tour de son époux. Elle en eut la preuve lorsqu’elle remarqua une lettre qu’il avait déposé à son attention sur la petite table du salon, près de la cheminée.

J’ai pris la liberté d’annuler ton départ. Comme tu ignoreras mes arguments sur le papier, je t’invite à venir me rendre visite dans mon bureau.

T.H.B.

Madame Recaedre prit alors une demi-heure pour faire sa toilette et revêtir sa plus belle robe rouge, couleur du blason du duché qu’elle avait perdu. Elle la mettait souvent pour les grandes occasions : bals, réceptions, mais également pour se donner du courage lorsqu’elle voulait défendre son point de vue contre des adversaires ardus. Cela lui donnait un regain de confiance en elle, une posture plus assurée. Elle parcourut le grand couloir qui le séparait de son mari à grandes enjambées et fit irruption dans la pièce, telle une tornade enragée. Ne s’y trouvait que le premier ministre : sans doute avait-il prévu l’heure exacte à laquelle elle allait venir le réprimander.

« Pourquoi veux-tu m’empêcher de voir les enfants, Thomas ? C’est inadmissible, je suis leur mère ! »

Sa Seigneurie reposa lentement la plume qu’il tenait, souffla sur le parchemin pour faire sécher l’encre et l’agita légèrement. A aucun moment il ne regarda son épouse qu’il laissait bouillir dans son coin. Très calme, il rangea le tout dans le coffret qui contenait son nécessaire à écriture. Puis, comme s’il venait de remarquer sa présence, il fixa la brégunienne et lui adressa un signe de tête courtois.

« La situation à Medelia ne permet pas que tu t’y rendes. », lui confia-t-il d’un ton monocorde.

« Comment ça, la situation ne le permet pas ? Qu’est-ce que ça veut dire ?! », ragea-t-elle, le foudroyant de ses superbes prunelles émeraudes.

« Le pays est en guerre civile, ta présence n’est donc pas souhaitable. »

Elle écarquilla grand les yeux et hurla de plus belle.

« Quoi ? Une guerre civile ?! Mais qu’est-ce qu’ils font encore là-bas, Thomas ? Tu vas les faire tuer ! »

Le duc esquissa un sourire froid, une lueur amusée dans le regard.

« Ne dis pas de sottises, Armika. Notre progéniture est en sécurité, auprès de Madame et de Méricet. Ils ne seront pas inquiétés. »

« Explique-toi ! »

Le Surintendant quitta alors son siège pour se rendre près du feu, s’aidant de sa canne pour se redresser et faire les quelques pas qui le séparaient de l’âtre.

« La bourgeoisie de Medelia sera sans aucun doute bousculée mais Madame possède les ressources intellectuelles et financières nécessaires pour éviter tout ennui à notre famille. », lui expliqua-t-il calmement.

« Et alors ? Si c’est le cas, je peux très bien m’y rendre aussi. C’est totalement absurde ! »

« Non, justement. La présence d’une brégunienne risque d’exciter les velléités de la junte pour préserver l’identité du pays. Qui plus est, compte-tenu de notre mariage, ta présence risquerait de soulever de nombreuses questions et je ne souhaite pas que cela interfère avec certaines actions que j’y entreprends actuellement. »

« Quelles actions ?! », demande-t-elle d’un ton un peu plus calme, mais toujours survolté.

« Des affaires d’Etat dont tu n’as pas à être informée. », lâcha-t-il d’un ton tranchant comme un couperet.

Son épouse se rembrunit alors, vexée de ne pas être mise dans la confidence.

« Tu ne partiras pas. J’ai transmis des ordres à la capitainerie. »

Armika serra alors les poings, retenant une insulte bien sentie. Malgré les explications rationnelles et logiques que venait de lui fournir son mari, elle n’était pas satisfaite de la situation. Quelle mère l’aurait été, de toute façon ?


A plusieurs milliers de lieues de là, les jumeaux avaient à peine fêté leur septième anniversaire qu’ils furent les témoins directs de la situation politique de Medelia. Toutefois, leur éducation ne s’en ressentait pas. Madame et Mericet redoublaient d’efforts pour leur offrir un enseignement basé sur la raison et la logique, à grand renforts de lectures, leçons et démonstrations en tout genre. Histoire, géographie, arts et littératures, langues étrangères, tout y passait. Ils étaient d’argiles et malléables, c’était à leurs précepteurs d’en faire de parfaites statues aux proportions harmonieuses. C’est ce que Mericet répétait souvent à ses jeunes apprentis.

Régulièrement, les parents correspondaient avec leur descendance. Ils échangeaient sur des sujets divers et variés, que ce soit des courriers purement formels avec les politesses d’usage ou bien des sujets plus complexes ayant des rapports étroits avec l’éducation zanthérienne qu’ils recevaient. Malgré la froideur apparente des relations dans cette étrange famille, de véritables liens se créaient, tant intellectuels et spirituels que concrets. Une loyauté, une fidélité indéfectible envers leur lignée, un sens aigu du pragmatisme. Pour un systérien moyen, cela pouvait faire peur, mais pour un zanthérien appartenant à la bourgeoisie, c’était la norme.

Un soir, alors qu’ils étaient à la fenêtre à admirer la capitale de cette région de la Ligue, ils sursautèrent : un des entrepôts de la junte venait d’exploser. De gigantesques volutes de flammes et de fumées s’élevèrent dans les airs. Mavolio et Evadne, dans un même mouvement, se prirent dans leurs bras pour se protéger mutuellement. Ils entendirent des pas précipités dans l’escalier : Madame les rejoignait. Sans doute souhaitait-elle leur expliquer ce qui se passait afin de les rassurer. Et effectivement, c’est ce qu’elle fit après une petite mise au point.

« Voyons, que faites-vous là ? Séparez-vous. », leur dit-elle gentiment tout en leur tapotant la tête avec son éventail en dentelles noire et mauve.

Les jumeaux s’exécutèrent alors, dociles.

« Ne me faites pas croire que vous avez peur. Ce n’est qu’une explosion et nous en sommes éloignés. Vous ne devez avoir peur que du danger réel et immédiat, comprenez-vous ? »

Mavolio et Evadne se regardèrent un moment, dubitatifs, puis revinrent à Madame. Ils hochèrent la tête.

« Rappelez-vous bien cette leçon les enfants. Ceci, ce n’est rien, ça ne vous atteint pas. Craignez la lame qui menace de vous entailler plutôt que le loup qui hurle dans les bois. Une peur irraisonnée est un camouflet à votre intelligence. Souvenez-vous-en. », insista-t-elle lourdement.

Elle releva alors le regard pour examiner les rues de la ville qui s’animaient, parcourues par un vent de panique.

« Les rebelles ont dû détruire cet entrepôt pour empêcher les militaires d’accéder à leurs réserves de matériels. »

« Pourquoi font-ils ça, Madame ? »,* demanda d’un ton calme Mavolio, qui reprenait sa contenance tout de suite après la leçon.*

« Un ennemi sans matériel est un ennemi à demi à terre, Mavolio. Les moyens de la junte sont affaiblis et c’est sans compter le coup au moral des troupes. »

Elle frappa alors dans ses mains, sans leur laisser l’occasion de répondre.

« Allez, au lit, vous avez trop veillé. Nous en reparlerons demain si vous le souhaitez. »

Les jumeaux firent donc un brin de toilettes et se changèrent pour se glisser sous les épaisses couvertures de leurs lits confortables. Déjà, le son des cloches d’alarmes s’estompait. Une demi-heure après, le silence s’était à nouveau abattu sur la cité. La junte tenait à ce que tout rentre dans l’ordre et vite. Un tel régime manquait de souplesse et l’agitation était tout autant un adversaire que les rebelles.


Post by Mavolio Bolton, cp - September 25, 2010 at 12:28 AM

Comme il avait grandit ce petit Mavolio, toujours un peu plus petit que sa soeur pour le moment, mais un jour, il le savait, tout ceci allait changer. Son entrainement un peu trop abusif pour son âge lui donnait une silhouette athlétique, quoi qu'un léger problème de croissance, auquel la famille réussirait sans doute à palier, en comprenant qu'il ne fallait pas partir trop vite en besogne avec un garçonnet de sept années seulement.

"Mavolio, Evadne, si vous me donnez une idée intelligente, peut être l'utiliserais-je pour votre fête bientôt."

C'est ce qu'avait promis Madame à la fois excentrique et sévère, était-ce une feinte? Ou un nouveau type d'exercice, voulant leur faire comprendre l'importance matériel des choses de la vie? Mavolio réfléchissait à mille à l'heure, tout comme sa soeur, son minois si sage, le nez et la couleur des yeux de son père (que l'on ne s'y fourvoi plus!), mais avec une finesse que l'on aurait pu attribuer qu'à sa mère, notamment pour sa bouche, délicate.

"J'aurai aimé assister à un orchestre chère tante, avec Evadne. De la musique à foison, qui m'emporte dans de nouveaux songes, que mon oreille ne saurait imaginer."

La femme souriait alors, sans rien dire de plus, attrapant ses jupons, elle fit demi-tour, avant de lâcher.

"Vous trouverez bien un moyen d'y assister. La phrase venait de vous?"
"Non, c'était la leçon d'hier, cela m'avait plu."

Des leçons, il s'en passait beaucoup, mais combien encore ? L'histoire de la musique, des instruments lui donnait envie, même s'il jouait du piano, une pulsion qu'il dominait avec beaucoup de mal. Ecouter du violon crier sa peine et sa joie, telles étaient les lignes qu'il avait lu avec tant d'avidité, pour un enfant de son âge, éveillé par une nouvelle sensibilité. Il en fit donc demande à ses parents, avoir des cours de violon en plus du piano.


"Mavolio! Je compte jusqu'à quatre vingt, ensuite je lâche les chiens! Si je te revoie revenir avec une trace de bave, tu n'aura pas retenu la leçon. Un! Deux! Trois!..."

A tout allure le garçon courait à travers le bois du vaste domaine, course effrénée faisant voler ses cheveux, dénudant ses tempes, sautant les racines et se faufilant. Sa course le mena au milieu de la forêt, ou plutôt du grand sous-bois, tout dépendait de quel point de vue on le voyait, pour lui en tout cas, c'était le bout du monde. Son pied grimpa sur une branche, puis une autre, l'ascension semblait facile, Mavolio était léger, il salissait ses vêtements... Alors qu'au loin on entendait les chiens aboyer.

"J'ai laissé mes odeurs..."

Son coeur commença à battre trop vite, l'adrénaline à son comble, tant pis, ils ne pouvaient pas grimper. Il se cala confortablement entre les branches, guettant les bêtes arriver, chiens de chasse qui eurent tôt fait de retrouver sa trace... suivit de près de Méricet, à moitié satisfait. après tout, il n'avait pas reçu de bave des chiens qui faisaient la fête en bas de l'arbre.

"La prochaine fois, j'espère que tu retiendra la leçon... l'important c'est de ne pas se faire sentir."
"Oui monsieur Méricet."
"File te laver."

Et il obéit au doigt et à l'oeil. Croisant sa soeur au passage, un sourire réservé se dessina sur son visage, il leur était interdit de s'étreindre à présent...


Et il a fallu que ce jour arrive, en plein coeur de la politique de Medelia, ils arrivaient toujours à passer au travers des mailles du filet. Mais pourtant ce soir, personne n'aurait pu le nier, l'explosion avait trop violente pour les deux enfants pour qu'ils puissent contrôler leur peur. Les jumeaux emmagasinaient vite. Mais cela ne leur empêchait pas d'avoir une certaine naïveté, des peurs, qu'ils ne pouvaient pas contrôler. Malgré leur noms, ils étaient humains, malgré leur éducation, ils étaient encore des enfants. Mavolio, instinct protecteur et amoureux fraternel de sa soeur, la prit dans ses bras, lui protégeant la tête de ses mains, la forçant à se cacher.

"Ne t'inquiète pas Ev, je suis là. toujours là."

Mais à peine eurent ils le temps de se remettre qu'on les sépara, une nouvelle fois, Mavolio ne comprenait pas, c'était comme si l'on touchait à son cordon ombilical, quelque chose lui tirait au fond de son coeur dès qu'on l'éloignait de sa soeur. Pourquoi? Tout ceci était tellement ridicule, pouvait on se dire, mais ça ne l'était pas, pour un enfant qui avait été habitué à être éduqué ainsi.

« Rappelez-vous bien cette leçon les enfants. Ceci, ce n’est rien, ça ne vous atteint pas. Craignez la lame qui menace de vous entailler plutôt que le loup qui hurle dans les bois. Une peur irraisonnée est un camouflet à votre intelligence. Souvenez-vous-en. »

Oh cette fois-ci Madame ne put pas voir le second air dubitatif que lança Mavolio à sa soeur derrière son dos, ce qui amusa la fillette ou se moquait elle de quelque chose qu'elle avait compris et lui non? Pour Mavolio ce n'était pas finit. Le soir après sa toilette, il réécrivit la phrase dans son cahier, ne la comprenant pas.
Il resta à veiller ainsi de longues minutes, le cerveau vide.

Une nouvelle fois de sa plume jaillit de l'encre.

Chère mère Armika Recaedre,

Vous me manquez, j'espère vous voir un jour, nous avons assisté aujourd'hui à une explosion. Madame nous a dit que nous ne devions pas nous inquiéter des dangers lointains. Mais je ne comprend pas. Pourriez vous m'expliquer? J'aimerai également pouvoir jouer du violon, mais Monsieur Méricet ne semble pas être d'accord, il préfère que je continue juste le piano.

Evadne et moi n'avons pas le droit de nous étreindre, mais comment lui témoigner mon affection autrement?

Je vous aime,

Mavolio.

Et parce qu'il ne fallait pas de jaloux, Mavolio avait déjà su acquérir la notion de protocole familial envers ses deux parents, afin de ne pas témoigner de préférences.

Cher Père Thomas Halvadius Bolton,

J'ai assisté à une leçon bien étrange aujourd'hui. Madame nous a dit ceci comme phrase à propos d'une explosion « Rappelez-vous bien cette leçon les enfants.

** "Ceci, ce n’est rien, ça ne vous atteint pas. Craignez la lame qui menace de vous entailler plutôt que le loup qui hurle dans les bois. Une peur irraisonnée est un camouflet à votre intelligence. Souvenez-vous-en."**

Il faudrait des fois peut être, rappeler que nous avons que sept ans, on ne comprend pas tout, mais elle avait l'air de vouloir nous faire comprendre. Eclairez moi de votre sagesse.
J'aimerai beaucoup assister à un orchestre et jouer du violon.
Je lis beaucoup le livre que vous m'avez offert, il est sous la latte de la chambre, celle qui bouge.

Je vous aime,

Mavolio.

Etait ce tout seul qu'il avait écrit tout ces bons mots? Ou c'était il fait aider? Certains secrets de la ligue resteraient à jamais inavouables.


Post by Thomas Bolton, Emp - September 25, 2010 at 12:34 PM

Lorsque Mavolio rentra se laver, il fut accueilli par Madame qui avait optée pour une superbe robe de brocart. La couleur et les dentelles, elles, ne changèrent pas pour autant. Du violet agrémenté de quelques touches de noir zanthérien. Elle l’accompagna dans la salle d’eau, où elle avait déjà fait bouillir de l’eau qui devait être désormais à température adéquate. Elle le laissa se déshabiller et quitta la pièce : à sept ans, leur éducation leur avait également appris à se construire une hygiène personnelle irréprochable. Aucun domestique n’était pas là pour aider les petits débrouillards. Généralement, à côté du bain se trouvait des huiles essentielles et autres décoctions parfumées et nettoyantes. Lorsqu’il eut terminé, il put entendre un bruit de voix derrière la porte.

« Il est temps que je parte, Roberta. »

« Vraiment ? Si vite ? C’est bien dommage, Mavolio fait déjà tant de progrès. »

« Justement, il est arrivé au maximum de ses capacités à son âge. Si je continue, il en souffrira plus qu’autre chose, sans aucun bénéfice en retour. Il va aborder dans quelques années une période complexe, son organisme doit être reposé. »

Mavolio pouvait ainsi voir une toute autre facette de son précepteur, avec qui il avait lié d’étranges liens de filiation. Ce n’était plus ce vieil homme exigeant et sévère, mais un homme beaucoup plus nuancé qui se préoccupait de sa santé et de son développement.

« Qui plus est, les semaines passent et je suis appelé ailleurs. »

« Ailleurs ? », lui demanda Madame d’un air malicieux.

Le vieil homme ne répondit pas, laissant la question sans réponse. Toutefois, à en juger par le ton de Madame, elle devait la connaître parfaitement.

« Juste quelques exercices d’assouplissement au réveil et une demi-heure de course chaque fin d’après-midi dans les jardins. »

« J’y veillerai. Vous leur direz au revoir, tout de même ? »

Mavolio n’eut pas le loisir d’entendre la suite, un domestique entrant dans la pièce. Il fit un petit bond de côté comme si de rien n’était. Le serviteur fit mine de n’avoir rien aperçu de son manège. Peut-être était-ce vrai…

Le soir, alors que les jumeaux allèrent se coucher, Mericet les apostropha dans l’escalier. Il portait une dague à la ceinture et un livre dans la main gauche.

« Je vais vous quitter, d’autres affaires m’appellent ailleurs. Vous progressez beaucoup, mais vous devez désormais vous reposer, Mavolio. », lâcha-t-il de son ton sec.

Alors que les petits allaient répondre, il leva la main dans un geste impérieux pour leur imposer le silence.

« Je ne souffrirai aucune interruption. Ma décision est prise, je reviendrai dans quelques mois, voire quelques années. »

Il retira la dague de sa ceinture et la confia au fils du Surintendant de Systeria.

« Une superbe lame, très tranchante, solide mais souple. Voyez ceci comme la récompense de vos efforts, jeune Mavolio. »

Il se tourna alors vers Evadne qui observait la scène en silence.

« Un journal racontant les derniers jours de la reine de Medelia, celle-là même qui fut exécutée par la future junte, il y a plusieurs ères. Très instructif. »

Après les remerciements d’usage et quelques mots supplémentaires, Mericet quitta le manoir et les jeunes gens reprirent leur route vers leur chambre pour saluer les deux portraits de leurs parents. Leur cadeau leur plurent-ils ?

A partir de ce jour-là, Mavolio eut un emploi du temps beaucoup plus reposant. Les assouplissements le matin, la course à pied une demi-heure en fin d’après-midi. Le plus clair de son temps, il le passait avec Madame et Evadne pour parfaire son éducation et affûter son intelligence…


Thomas reçut la lettre de son fils et en fit la lecture. Il l’examina attentivement et entreprit d’y répondre rapidement. Lorsque la rédaction fut terminée, il l’envoya par coursier au port afin que ce dernier embarque le plus rapidement possible dans le premier navire à destination de la Ligue de Zanther.

Mavolio,

La peur est une émotion ressentie généralement en présence ou dans la perspective d'un danger. L’angoisse, elle, est une peur chronique et irrationnelle qui bride l’intelligence et la raison de tout individu. Ce que Madame souhaite vous faire comprendre, c’est que la peur peut être surpassée. La plupart des peurs possèdent la propriété de pouvoir être surmontées. Vous étiez confronté à un événement qui engendre une peur, sans que cet événement puisse être un danger pour vous.

Madame veut que vous réalisiez que vous ne devez pas avoir une peur anticipée d’un événement, que ça ne peut pas vous être favorable. Vous pouvez avoir conscience d’un danger, le comprendre et l’anticiper sans pour autant nourrir une peur à son endroit. Elle vous intime simplement à développer cette aptitude à diminuer votre peur, qui constitue un processus de maturation de l'esprit et de l'individu. Je répondrai aux autres questions que vous avez à ce sujet.

Je suis fort aise de savoir que vous appréciez la musique. Si vous montrez suffisamment de motivation envers le violon, j’étudierai la possibilité de vous en offrir un. Il doit s’agir d’un choix rationnel de votre part, j’insiste bien sur ce point. Continuez de lire tous les ouvrages qui vous intéressent et n’hésitez pas à cultiver votre propre jardin secret. Cette latte de parquet sera notre secret. Peut-être l’avez-vous déjà partagé avec Evadne ?

Avec tendresse,


Post by Armika Recaedre, CP - September 25, 2010 at 4:49 PM

*Armika ne cessait de relire les mots de sont fils. Elle était émue beaucoup plus qu'elle ne l'aurait laissé croire. Comme ses petits lui manquaient, jamais elle n'aurait imaginé cela. Ne pouvant partir, elle se mit alors à écrire une missive qu'elle adressa au jeune Mavolio, sans doute que celle pour Evadne suivrait. *

Mon fils,

Il ne faut pas souffrir du manque, mais apprendre à se sortir plus fort et grandit de celui-ci. Tout comme cette leçon s'applique à nos erreurs.

Madame à raison en ce qui concerne les dangers lointains. Il y a tend de danger à porté de main, inutile de ce concentrer sur ceux que nous ne voyons pas. Mais quoi qu'il ne faille pas les redouter, il ne faut pas non plus les négliger. Simplement garder un oeil pour éviter qu'ils se rapprochent.

Le piano est un instrument noble, outre la fonction première de celui-ci à vous apprendre la musique, il vous apprend également à vous connaître intimement, également la coordination, qui est primordiale, peu importe ce que vous décidez de faire dans votre vie. Quoi qu'il en soit, si vôtre emploi du temps le permet, je consens à ce que vous appreniez le violoncelle, instrument beaucoup plus adapté à un homme que le simple violon.

Ta soeur est la personne sur laquelle tu pourras toujours compter. L'étreinte n'est pas nécessaire, si tu l'aimes suffisamment, elle le comprendra par tes gestes, par tes regards, et le contraire est aussi vrai. Tu peux aussi mettre des mots sur tes sentiments, une cachette dont que vous deux connaissez l'endroit pourra servir à vous échangez ses mots. Mais gardez le secret!

La situation présente à Zanther ne me permet pas de venir vous voir, mais crois moi que je guette ce jour avec impatience. Quand toutes ces turbulences seront passées, vous rentrerez à la maison.

Je vous aime également jeune Mavolio.

Vôtre Mère, Armika.


Post by Evadne Bolton - October 1, 2010 at 10:30 AM

La riche senteur des roses emplissait la chambre, et lorsque la brise agitait les arbres du jardin, les lourds effluves du lilas, ou la fragrance plus subtile de l’épine rose, pénétraient par la fenêtre ouverte.

Assise sur son tabouret en chêne dépourvu de fioritures, la petite Bolton ferma les paupières pour mieux savourer les nuances de ces agréables odeurs. Il était rare qu’elle puisse profiter de ces moments d’oisiveté, comme les appelait Madame, malgré son jeune âge pourtant propice à l’insouciance. Un grincement brisa la quiétude de sa méditation, provenant de la massive base de lit en chêne sombre. Ses immenses yeux amandés s’ouvrirent pour fouiller la glace, recherchant dans l’image projetée le reflet de son Mavolio.

Derrière elle et son visage encore rond de l’enfance, derrière les quelques rares coussins noirs et taupe clair, sous la couette épaisse de laine, se trouvait son jumeau. Le petit Mavolio s’étirait de tout son long et bientôt son regard allait croiser le sien, par le biais du miroir. Un sourire espiègle et complice marqua le visage d’Evadne, comme un gage d’affection à l’endroit de son frère. Il s’agissait également de sa manière de lui souhaiter un bon retour du monde onirique; c’était souvent ainsi entre eux. Dans certaines situations, les mots étaient inutiles et il semblait dérisoire de devoir élever la voix, alors qu’un simple regard, qu’un petit sourire ou qu’un haussement d’épaules suffisait à les faire se comprendre. Suite à ce sourire ténu mais joyeux, la mine de la jeune Bolton devint plus sage et plus réfléchie.

« La leçon voulait seulement dire de ne pas s’en faire avec ce qui n’est pas une menace Im-mé-di-a-te et concrète. Ça ne sert à rien… Puisque nous ne sommes pas en danger, ici. Les explosions sont très, très loin… »

Ses yeux magnifiques, cerclés de cils fournis et très noirs, s’abaissèrent vers la coiffeuse et les rares objets s’y trouvant, alors que sa voix était traînante et songeuse. Une brosse à cheveux faite de poils de sanglier, au manche gravé de motifs simples et répétitifs, un livre à la couverture de cuir dont les coins étaient recouverts de métal, et un nécessaire d’écriture étaient présents. Que des objets utiles ou prompts à éveiller l’intelligence la délicate Evadne. Une poupée? Un jouet? Il aurait été surprenant d’en voir ici, dans cette pièce austère, digne d’un endroit de détente pour adulte.

Après un moment de réflexion, suite à ses propres paroles qui se voulaient rassurantes, la plus jeune Bolton se leva lentement et, avec des gestes mesurés et contenus, referma la fenêtre, les coupant ainsi du reste de la ville, mais également de la rébellion qui pouvait se faire entendre à tout moment et qu’ils percevaient bien malgré eux.

Ses doigts redessinaient distraitement les carreaux de la fenêtre.

« Pour notre anniversaire, je veux aller à Systéria. »

Tout était dit. Les raisons d’un tel choix s’expliquaient sans doute par leurs leçons concernant cette ville. Culture, religion, savoir, aucune rébellion, aucune explosion… Et surtout deux parents, plus vivants et plus présents que mille et une peintures de l’immense manoir en pierres grises.


Post by Thomas Bolton, Emp - October 17, 2010 at 2:01 PM

Les jumeaux faisaient face à leur tante. Ils avaient douze ans. Si la situation à Medelia avait été plus stable, ils seraient déjà rentrés depuis quatre ans à Systéria. Le Général et ses hordes armées résistaient bien. Les rebelles gagnaient sans cesse du terrain, mais leur progression était lente. L’armée fidèle à la junte, malgré de lourdes pertes, continuaient de se battre. Le Surintendant Bolton soupçonnait une aide occulte de la part de Xerdonia qui freinait d’autant plus les avancées de la guerre civile. Néanmoins, le duc restait confiant : ce n’était qu’une question de temps avant que les militaires ne finissent par plier devant la pression populaire. Il faut avouer également qu’il y trouvait un certain avantage. Sa progéniture poursuivait l’éducation qu’il leur avait souhaité.

« Nous souhaitons aller à Systeria. », dirent-ils en cœur.

A chaque anniversaire, ils réitéraient leur demande. A chaque fois, ils essuyaient un refus. C’était toujours la même réponse.

« Vous n’y pensez pas ! Vous n’êtes pas prêts à rejoindre Systeria. La rébellion n’est pas terminée, les routes ne sont pas sûres. Vous avez encore beaucoup à apprendre. », leur répondait Madame en adoptant un de ses grands airs.

Elle agitait ensuite son éventail comme pour chasser une mouche gênante, balayant le sujet comme s’il s’agissait d’une requête bien trop frivole pour qu’on continue à en débattre. Mavolio et Evadne, malgré leur envie, ne s’y opposaient pas.

« Vous croyez qu’à Systéria tout est simple ? Détrompez-vous. Il n’y a certes pas de guerre civile, mais les phénomènes surnaturels y sont nombreux et la vie n’y est pas aussi facile que vous ne le pensez. Vous aurez tout le loisir d’y gouter lorsque votre apprentissage sera achevé. »

Et la conversation s’arrêtait là. Toujours. Les premières fois, les deux jeunes adolescents tentaient de protester, mais ils s’étaient vite rendus compte que c’était inutile. Madame était aussi inflexible que son neveu.

Pendant toutes ces années, le frère et la sœur n’avaient jamais cessé de correspondre avec leurs parents. Parfois, ils s’envoyaient des lettres communes, d’autres fois les courriers étaient de nature plus privée. Contrairement à ce que tout un chacun pourrait croire, ils tissaient de nombreux liens et les entretenaient via cette correspondance. L’éducation zanthérienne était spéciale, mais non dépourvue d’un sincère attachement. Aussi échangeaient-ils sur la nature des connaissances que Madame leur apprenait mais également sur les doutes et interrogations qui pouvaient naître chez eux. Et chaque fois, Armika et Thomas étaient là pour débattre ou pour les aiguiller sur le comportement qu’il fallait adopter.

Durant ces quelques années, leur capital de savoirs augmenta considérablement. Mavolio, même s’il avait cessé de s’entraîner des heures durant, continuait également de s’entretenir suivant le programme que Mericet avait établi avant son départ. En parlant du vieil homme, d’ailleurs, il faut savoir qu’il n’était toujours pas revenu. Parfois, le jeune garçon s’en inquiétait et questionnait Madame, qui lui répondait chaque fois que son ancien précepteur se portait bien mais qu’il ne pouvait pas revenir à l’heure actuelle. Le fils du Surintendant la croyait sans mal : parler de la mort n’avait jamais été un tabou dans cette famille. Jamais il n’y avait eu de jolis euphémismes pour faire accepter ce concept en douceur…

En parlant de mort, qu’en était-il de leur éducation religieuse ? Après tout, il en fallait bien une. Elle fut justement abordée durant leur douzième année. La tante du premier ministre de Systeria voulait absolument qu’ils aient atteints une certaine maturité intellectuelle pour aborder ces discussions théologiques. Ainsi, leurs furent décris le Panthéon et chacun de ses membres. Il n’y avait aucun prosélytisme, ce qui aurait grandement put déplaire aux prêtres thaariens de Systeria, mais Madame ne renierait jamais ses principes, quand bien même son neveu le lui demanderait expressément. Les seuls cultes dont les principes étaient grandement dépréciés étaient ceux d’Enyde-Ma et de Yhagshul. Toutefois, il est nécessaire d'éclaircir un point : cette dépréciation de leurs principes fondateurs provenait plus de leur éducation que d’une quelconque prise de position théologique.

Nul doute que les jumeaux poseraient beaucoup de question, notamment à leurs parents…


Post by Thomas Bolton, Emp - October 31, 2010 at 1:38 PM

Seize ans. Ils avaient seize ans ! Les années étaient passées tellement vite pour la progéniture de Thomas Bolton et d’Armika Recaedre. La magie narrative avait fait des miracles. Pendant ces dernières années, il est inutile de dire que les deux jumeaux avaient tous deux parfaits leur éducation. Des connaissances et des savoirs, de plus en plus complexes, leur avait été inculqué. Le protocole zanthérien également, basée sur cette notion ô combien absente des sociétés bréguniennes et systériennes : le stoïcisme. Comment étaient-ils devenus ? Ca, ce serait à eux de se décrire entièrement. On pouvait simplement voir qu’Evadne avait la beauté de sa mère et que Mavolio avait hérité du né crochu des Bolton.

Un soir, alors que les jumeaux étaient dans le salon, occupés à lire près de la cheminée sous la surveillance de leur tante, un événement se produisit. Les alentours de la capitale, d’ordinaire très calmes, semblaient particulièrement agités : on entendait des vivats. La nuit, d’ordinaire d’un noir profond, était illuminée de milliers d’étincelles colorées. La source semblait venir du toit du palais du Général Pilate. Madame, dans sa grande robe violette, laissa échapper un rire cristallin et se précipita vers la grande fenêtre. Tout en se levant, elle fit signe aux jumeaux de venir avec elle, agitant la main comme une hystérique. Elle était ravie !

« Venez donc et regardez ! Regardez ça ! », jubilait-elle en applaudissant.

Les regards inexpressifs du frère et de la sœur se posèrent alors sur la vaste capitale, légèrement en contrebas. Une foule dense manifestait sa joie dans les rues, allumant des feux de joie, chantant à tue-tête et dansant jusqu’à l’épuisement.

« Maximilien ! Préparez le carrosse ! », hurla-t-elle au domestique qui quitta précipitamment la pièce. Quand Madame était si excitée, il valait mieux faire vite.

« Où allons-nous, Madame ? », demanda Mavolio d’un ton monocorde.

Elle lui répondit d’un clin d’œil.

« Assister à la chute d’un gouvernement, mon frère. », répondit Evadne.

« Et à l’avènement d’un autre. », conclue alors Mavolio qui avait rapidement fait le lien.

Et une demi-heure plus tard, tout ce petit monde était rassemblé devant le Palais de Justice. Dans le grand balcon, qui surplombait les immenses marches qui menaient à l’intérieur de l’édifice, une grande bannière avait été accrochée, représentant les armoiries de Medelia, légèrement modifiées. Soudain, une acclamation s’éleva quand apparut une femme d’une trentaine d’année, entourée de cinq individus. Un héraut hurla alors :

« Gloire à la Patricienne ! Gloire aux Conseillers ! »

S’ensuivit alors un discours dans lequel Augusta haranguait la foule pour la galvaniser et la remercier de son soutien, sans lequel tout ceci n’aurait pas été possible. Il est inutile d’en rapporter ici le contenu précis. Madame, elle, souriait de satisfaction alors que la Patricienne détaillait les responsabilités qui avaient été confiées à chacun de ses compagnons. Parfois elle se penchait et murmure aux enfants :

« Winvoe et Erole, les plus grosses fortunes de Zanther. L’or leur a ouvert deux fonctions capitales dans la gouvernance de Medelia. Ne sous-estimez pas le pouvoir des richesses. »

Ou bien encore…

« Solomon. Un homme rustre, mais meneur d’homme et bon gestionnaire. Sa nomination contentera le bas-peuple tout en permettant de redresser le volet sécurité civile du gouvernement. »

Et finalement…

« Ah, la Selaquii. Discrète, très discrète. Peu de gens la connaisse. Elle a su avancer ses pions dans l’ombre et se rendre particulièrement indispensable. Son implication fut sans faille. »

Bien d’autres remarquent fusèrent ce soir-là et les deux adolescents purent en apprendre beaucoup sur le machiavélisme zanthérien. Ou même sur celui de la famille Bolton. Ils restèrent une petite heure à observer les festivités, voire à y participer. Et quand ils rentrèrent…

Mericet se tenait sur le pas de la porte.

« Bonsoir. », dit-il simplement, aussi peu prolixe qu’à l’ordinaire.

Madame alla se poster droit devant lui.

« Il est temps pour vous de partir, maintenant que la situation est réglée. Votre père viendra vous chercher prochainement. Tâchez de lui montrer quels bénéfices votre éducation vous a apporté. »

Quand à ce qui se passa avec Mericet, c’est aux jumeaux de le décrire. Idem pour la façon dont ils avaient perçus cette très étrange soirée…


Post by Evadne Bolton - November 5, 2010 at 10:14 AM

J’ai seize ans. Et je suis belle, très belle. Peut-être suis-je sotte, royaliste, arrogante ou modeste, ce ne sont que des détails, des broutilles, pour eux : je suis belle, voilà tout. C’est ce qu’on me dit dans les soirées, lors des rencontres et événements, comme pour m’acheter, m’influencer, comme si j’étais vaniteuse ou foncièrement naïve. « Demoiselle Bolton, Evadne Bolton… Par les saints! Que vous êtes belle… La famille de votre mère, sans aucun doute. Les Bolton on un vilain nez, vous avez eu de la chance. Mieux que de la chance, même. » Je regarde souvent mon Mavolio, lorsque l’on m’apostrophe de la sorte - ce qui est fréquent. Il ne s’en vexe jamais, imperturbable. La beauté est une affaire de femmes, de toute façon. On attend d‘une femme qu’elle soit belle et docile : ce sont des qualités risibles une fois transposées sur un homme, surtout sur un Bolton, malgré l’époque dans laquelle nous vivons. Je dis époque parce que partout, à Enrya, les femmes s’illustrent, à commencer par Systéria, que nous étudions si souvent. Et malgré tout, mon futur mari attendra de moi douceur et obéissance, discrète jusqu’à me perdre derrière son nom. Il ne sera pas déçu sur ce point. Le plus amusant, après le fait que l’on considère ma soi-disant beauté comme un sujet de conversation important, est lorsque l’on semble surpris de me voir tenir une conversation, comme si l’intelligence et la féminité n’avaient aucune corrélation possible. Ne sont-ils pas habitués, pourtant, avec Madame? Je détache mon regard de ce livre qui raconte les derniers jours d’une reine de Medelia, brisant l’illusion d’une lecture studieuse, pour la détailler un moment. De toutes mes forces, je réprime le sourire qui me vient aux lèvres, cet élan d’affection; Madame est plus brillante que Mavolio, que moi. Elle joue si bien le jeu de l’excentricité qu’on la sous-estime trop souvent. Madame a réussi, et bien mieux que je ne saurai jamais le faire.

J’ai seize ans. Et le soleil, sur l’iris de mes yeux, prend des lueurs irréelles : émeraude, opale, paillettes d’or pur! Je sais cela, car je m’observe à chaque soir devant le miroir de la coiffeuse de notre chambre. Mon Mavolio me regarde faire immanquablement lorsque nous pouvons regagner nos appartements ensemble. Je le vois encore s’assoir sur son lit dans une posture impossible, avec son aisance naturelle, à dévisager les moindres parcelles de ma peau. Et j’observe avec fascination les nuances de mon regard et ceux de la femme peinte, reflétée dans mon miroir. Armika Recaedre, majestueuse et sublime, nous dévisage chaque soir avec un dédain prononcé. Je lui ressemble de plus en plus, surtout le regard, plus brillant que mille orfèvreries naniques. S’observer en silence, s’admirer; il s’agit de l’un des rituels que je partage avec mon frère.

J’ai seize ans. Et je suis de la haute bourgeoisie du pays, fille de haute noblesse étrangère. Mon père est duc. Mon père est surintendant. Ma mère possède du sang noble qu’elle a su trainer de Briganne à Systéria : marquise puis duchesse. Alors que je devrais sentir Enrya en entier trembler sous mes pas tout-puissants, je dévisage avec appréhension cet être pâle au nez crochu, suspendu au mur de ma chambre. Aussi sinistre que mon Mavolio. Régulièrement, on me rappelle que les titres apportent des responsabilités lourdes, avant même d’imaginer la notion de plaisir. Madame me dit souvent que Systéria sera difficile, pour mon frère et moi, qu’on regardera ce que feront les enfants de l’homme le plus connu de la ville, qu’on guettera nos faits et gestes. J’abandonne encore une fois la reine de Medelia à l’un de ses discours les plus émouvants. Parfaitement immobile, seul mon regard se redresse vers celui de Mavolio. Je me surprends à me questionner sur la voix que possèdent nos parents. Sans doute est-ce une voix froide, ou bien…

Inflexible, je suis Madame dans ses excès, se propulser vers la fenêtre avec la fougue d’une jouvencelle d’un mauvais roman libertin. Lorsqu’elle m’intime de m’approcher, je referme le livre et le dépose délicatement sur le siège, derrière moi, car il s’agit d’un présent précieux que cent rébellions ne saurait valoir. C’est le seul présent que m’a offert Mericet, avec mon éducation. De la fenêtre, nous percevons mieux les acclamations de la foule lointaine. Je vois certains danser, même; les célébrations ont débuté, le changement de gouvernement a donc lieu, ce soir, et je suis là, à quelques kilomètres. Faire partie de l’histoire de notre monde, être là, présente et vivante, alors qu’un événement marquant se produit, rempli mon être d’une fierté grande. Mon regard insondable se pose une nouvelle fois sur Madame qui hurle de préparer le carrosse. Mon Mavolio se questionne. Et, comme si j’étais son écho, ma réponse complète son interrogation.

« Assister à la chute d’un gouvernement, mon frère. »


Les discours enflammés de la patricienne me bercent encore, alors que nous rentrons au domaine. Madame nous parle avec une excitation tombante, commentant certaines conversations qu’elle nous a surpris d’avoir avec la bourgeoisie, lors du banquet. Lorsque Monsieur untel a dit cela, ai-je bien compris les sous-entendus et la profondeur de ses remarques? Avec son large éventail, elle souffle l’air tout en m’expliquant. Et je l’écoute religieusement, la questionnant lorsque les détails m’échappent, par politesse mais également par curiosité intellectuelle.

Mon frère nous aide toutes deux à descendre du carrosse et claque la porte à notre suite.

*Mericet? Mericet! Si mon cœur est pris d’une tendresse grande, qu’il tente de s’enfuir hors de ma poitrine, mon visage demeure de porcelaine, insondable. Je le salue à la manière que l’on m’a enseignée, sobrement, alors que nulle surprise ne se fait voir sur mes traits. Peut-être étais-je trop jeune pour comprendre son départ, mais le revoir… Que me dit encore Madame? Nous lui répondons, Mavolio et moi, d’une même voix : *

« Oui, Madame. »

Mericet enfin présent, et moi, partir prochainement? Je laisse Madame nous laisser seuls, et j’entre plus calmement, plus posément en compagnie de ces deux hommes de ma vie. Avec une douceur calculée, je reprends place sur le fauteuil, reprenant la biographie de cette reine ancienne entre mes mains fines. Je suis prête à l’entendre. Qu’a-t-il donc à nous dire, après toutes ces années? Une chose est certaine, il ne me dira pas que je suis belle et insipide, et c’est sans doute l’une des raisons qui font que je l’apprécie tant.


Post by Mavolio Bolton, cp - November 6, 2010 at 1:57 PM

"Pour notre anniversaire, je veux aller à Systéria."

Un sourire charmant se dessina sur le visage de l'adolescent en relisant cette phrase notée dans son cahier de citation, que sa si chère soeur avait dit le jour de leur onzième anniversaire. Mavolio y avait repensé tellement souvent depuis qu'elle avait émis ce voeu, aurait donné tellement cher pour lui réaliser. Des phénomènes surnaturels? Ne l'était il pas à lui tout seul, d'être de Zanther? Qui avait il là-bas de si spécial pour que son père y soit surintendant? N'y avait il pas mieux que Zanther pour vivre? Tant de questions dans son esprit, sans réponse. Il c'était promis d'étudier la ville de Systéria plus en profondeur. Le livre offert par son cher père n'avait fait qu'amplifier cette envie:

"... Ne jamais aller en territoire inconnu, se renseigner est primordial. Il faut commencer par étudier la topographie du lieu, les ouvrages historiques, puis se renseigner sur les journaux, les personnalités, la politique et les nouvelles afin de..."

Et c'est ainsi que le jeune Mavolio se plongea dans divers bouquins afin de se renseigner au maximum, dévorant les bibliothèques de la propriété, lisant plus que ce qu'on lui avait enseigné. Tout ce qui lui passait sous la main et qui portait le nom de Systéria ou "petite sœur" était lu. Sa soeur et lui passaient beaucoup de temps à étudier, mais Mavolio considérait que rien ne devait être appris par coeur, il fallait comprendre. Ainsi, valait il mieux pour lui d'avoir une tête bien faite, plutôt que bien pleine.

Il avait ce même air concentré que Thomas lorsqu'il étudiait, un froncement de sourcils constant le caractérisait, comme s'il était soucieux constamment de tout ce qu'il apprenait. Ses yeux étaient tintés d'un gris plus que métallique, que l'on aurait du mal à nier son lien de parenté avec cet énigmatique surintendant. Il dessinait ses propres plans, avec la même aisance que sa mère, si bien qu’il pu reconstruire une maquette miniature de la carte de Systéria, pour l’offrir à sa sœur le jour de ses 14 ans.

Et les années défilaient encore. Le lien entre les jumeaux se tissait immanquablement, comme une chemise ou ils auraient pu rentrer à deux dedans. Mavolio, n'ayant que peu de contact extérieur, se perdait à observer les transformations chez sa soeur qui devenait une femme, de plus en plus belle, de jour en jour. Lui aussi grandissait, mais la croissance chez le sexe masculin était beaucoup plus compliquée. Tout d'abord la mue. Bien qu'elle ai été de courte durée chez notre jeune Bolton, il était passé par ce stade gênant ou ses phrases se perchaient haut aigu sans le vouloir. Il avait même entamé des journées de mutisme, s'entrainant à parler lorsqu'il était seul. Son nez crochu grandissait aussi, jusqu'à atteindre la longueur parfaite boltonienne. Un clone du surintendant, mais jeune. A Systéria l'on se serait arraché pour le voir, juste pour le plaisir de se dire "je sais à quoi le surintendant ressemblait jeune." Mais même à 16 ans, Mavolio n'avait pas encore un poil de formé, et avait encore cet air trop angélique qu'il perdrait en devenant un vrai homme. Il en avait cependant la maturité, continuant en cachette les entrainements de Méricet, sous l'oeil observateur de madame, qui ne manquait pas de le sermonner, lorsqu'elle devinait de ou il revenait, la plupart du temps hors du domaine familial. Des choses que sa soeur ne pouvait comprendre et qui l'agaçait: Mavolio lui cachait des choses, et elle ne le savait pas, pas encore du moins.

jusqu’à ce qu’aujourd’hui, à 16 ans, Mavolio revienne sur cette phrase. Non, pour lui ce n’était pas encore son heure de partir. C’était le temps d’assister à ce changement d’état au sein de son territoire, se fondre dans la foule, devenir invisible et profiter de cet élan commun révolutionnaire, particulièrement bien adapté pour leur âge. Lorsque madame et sa soeur s'exprimèrent pour y assister, Mavolio ne pu s'empêcher d'y ajouter sa phrase également, peu enclin à laisser deux femmes décider pour lui.

« Et à l’avènement d’un autre. »

Dans le carrosse, il s’impatientait de pouvoir sentir tous ces sangs bouillants contre lui, ce transfert de chaleur dont il se nourrissait. Leur colère et leur détermination comme force commune. Mavolio était descendu du carrosse, costumé comme tous bon noble d’un pardessus élégant, ses cheveux noirs tirés en arrière, sa bouche fine et son air détaché sur tout ce monde. Il avait cet air sensuellement hautain signé Recaedre. Donnant envie tout comme faisant peur par sa prestence, pour son jeune âge.

Quand à ce qu’ils apprirent en cette soirée sur le machiavélisme zanthérien, cela restait dans des secrets familiaux que seuls les jumeaux oseraient partager lorsqu’ils seraient seuls, au coin du feu, sans Madame, à enlacer Evadne pour la rassurer, lui dire combien il tient à elle et combien il l'aime. Mais le retour à la propriété, fit se figer le jeune Bolton, aux côtés de sa si chère et si belle sœur.
Méricet sur le seuil. Il en aurait presque sentit le coeur battre d'Evadne. Il se souvenait alors, Méricet, et ses entraînements sans fin, ses conseils et surtout... de leur secrets qu'ils partageaient, tel un père et son fils. Mavolio le salua en silence, les mots ne venant qu'après sa tante, qu'après sa soeur, comme toujours, par soucis de courtoisie. Les femmes étaient plus bavardes, à ce que l'on disait.

"Après toute ces années Méricet, il me fait plaisir de vous revoir, de vous assurer combien vos enseignements m'ont été utile, et combien j'ai appris grâce à vous."

Son regard métallique fixait le "vieil" homme d'un air sincère, alors que sa posture restait droite, comme son éducation. Il encaissait ce que Madame venait de lui dire. Devait il réellement partir pour Systéria maintenant? Son regard se plongea vers les deux femmes alors que son avis, sortait de sa bouche.

"Ma chère tante, avec tout le respect que je dois à vos décisions, je ne me sens pas capable encore de quitter Zanther pour cette île, que je ne connais pas encore assez. J'aimerai que vous m'autorisiez à rester encore deux années à vos côtés, et à ceux de Méricet pour lui poser des questions nécessaires, quand à la fin de mon éducation. Je rejoindrai alors ma soeur lorsque je me sentirai prêt à commencer une autre vie là-bas. Mon cher Méricat, j'aimerai avoir votre accord pour tout ceci. Sachez que je tiens à ce que vous m'enseigniez, ce que vous avez appris à mon père. Je veux entrer dans cette ville avec le même niveau que lui lorsqu'il est venu en la "petite soeur"."

Pouvait on seulement lui refuser? Certainement pas. Un zanthérien, demandant un peu plus d'éducation, pour ne pas décevoir son père. Il sentait déjà le regard déçu d'Evadne sur lui, après toutes ces années à l'avoir vu lire des livres, il décrétait qu'il n'en connaissait pas assez. Mavolio lui prit la main pour la rassurer, comme si par ce geste, il lui promettait des explications. On sentait alors la tante et l'entraineur se regarder longuement, peut être cherchaient ils à avoir en silence, une décision rapide. Finalement la tante lui répondit.

"Mavolio, nous verrons votre demande sera accepté lorsque votre père vous rendra visite, pour vous emmener à Systéria. Je ne peux pas décider seule. Envoyez un pli à votre père, afin de savoir s'il serait d'accord. Pour ma part, je ne vois aucune raison à vous refuser ceci."

Et c'est ainsi que deux plis pour le prix d'un furent envoyés, respectivement à sa mère et à son père.

Mon cher Père,

Je vous fais parvenir de mes nouvelles et une demande. Madame notre tante considère que nous sommes en âge de partir pour systéria. Or je ne m'en sens pas encore dans la capacité, n'ayant pas encore compris toutes les subtilités du livre que vous m'avez offert. Je vous demande donc votre avis quand à un prolongement de mon séjour à Zanther, sous les conseils de Méricet, afin de parfaire mon éducation, et me sentir un homme lorsque j'arriverais à Systéria.

Ne croyez pas cependant, que j'ai flâné sur mon apprentissage. J'ai également grandit, bien vite, mais le reste de mon corps n'est pas encore assez formé pour me permettre de venir vous rencontrer et répondre à vos demandes, à travers ce livre. Je vous ressemble bien plus que je ne l'aurai cru imaginer. Mais Mère ne sera pas déçu de voir que je porte également ses traits.

Evadne est aussi belle que notre chère mère.

J'attend une réponse de votre part, concernant tout ceci. En espérant, que vous vous portiez bien, et que je puisse bientôt vous aider.

Je vous aime,

Mavolio.

ps: J'aimerai également, si vous en avez le temps, que vous m'envoyiez régulièrement le journal systérien ainsi que les dernières nouvelles politique de cette ville.

Chère mère,

Je vous écris pour vous signifier, que je ne souhaite pas venir en Systéria dans l'immédiat. Je pense que j'ai besoin encore de deux années pour terminer mon éducation zanthérienne avant de pouvoir venir vous voir, en vrai. Je dois vous avouer, que je suis déchiré à l'idée de devoir attendre encore deux années de plus, mais elles me seront nécessaires. Je vous demande donc votre autorisation afin de rester en ma terre natale.

Vous ne serez pas déçue d'attendre deux années de plus, je suis trop rachitique du à ma période de croissance, et je serais en pleine forme lorsque je viendrai à mes 18 ans. Je vous ressemble un peu, mais Evadne encore bien plus, aussi belle que vous.

Je vous aime,

Mavolio.

ps: J'aimerai également que vous m'envoyiez, toutes les dernières nouvelles de la cour, et de ce que vous faites dans votre vie, votre travail. Afin de vous connaitre mieux, et de pouvoir discuter avec vous, le moment venu.


Post by Thomas Bolton, Emp - November 6, 2010 at 7:44 PM

Le Surintendant Thomas Halvadius Bolton et son épouse, Madame Armika Recaedre, débarquèrent sur le quai d’une ville portuaire de moyenne importance, dans la région zanthérienne de Medelia. Il n’est nul besoin de raconter le voyage qui s’était résumé, à peu de choses près, à voir la brégunienne enfermée dans ses quartiers, aménagés en laboratoire d’appoint, pendant que le duc alternait promenade sur le pont et lecture attentive. Contrairement aux diverses rumeurs qui couraient sur leur compte, aucun éclat de voix ne se fit entendre à travers les portes de la cabine : apparemment, l’épouse n’avait fait aucune scène de ménage. Et malheureusement pour les voyeurs de toute sorte, le récit ne dit pas s’ils se livrèrent à la bagatelle. Ca resterait du domaine du privé.

Le couple aurait pu prendre la route rapidement si la femme du premier ministre n’avait pas emporté d’énormes malles que les marins mirent un temps fous à hisser sur le toit de la diligence qui les conduirait tout droit vers le manoir familial. Non, ce n’était pas des robes à foison ni l’ensemble de ses toilettes qu’elle avait fait venir – juste une vingtaine, c’est dire ! – mais d’innombrables articles nécessaires à la bonne marche de ses recherches. Avec le temps, cette couche de superficialité qu’on lui attribuait s’étiolait de plus en plus. Armika Recaedre n’était pas une pimbêche mais bel et bien cette alchimiste, experte en son domaine.

Une fois en route, les deux époux se préparèrent à affronter plus de quatre heures de voyage. Le chemin était long, jusqu’à la capitale qui se trouvait dans les terres. Epuisée par l’air marin, Armika s’endormit tant bien que mal sur une des banquettes ornées de velours. Thomas, face à elle, commença la lecture d’un gros tome sur l’utilisation des plantes et des herbes dans la confection des potions régénératrices. C’était un ouvrage qui appartenait à sa femme. Ainsi, ces longues heures, ils les passèrent dans un silence uniquement troublé par le cahot du véhicule sur des routes abîmées. Et un peu avant d’arriver, Armika se réveilla.

« Bien dormi ? », dit-il en relevant le regard du livre.

« Non, j’ai un terrible mal de dos. Ces tressaillis continuels ! », grommela-t-elle en se redressant et se frottant les reins.

« Un problème qui sera résolu la prochaine fois. La Patricienne va lancer un vaste plan pour paver l’ensemble du réseau routier. », lui dit-il en guise d’explication.

Elle haussa les épaules comme si elle s’en moquait. Et après tout, ça n’était pas tout à fait faux. C’était maintenant qu’elle avait mal, que les routes soient pavées ou non dans le futur lui importait peu.

« Nous serons arrivés à destination dans moins d’une demi-heure. As-tu repensé à la lettre que nous a envoyé Mavolio ? »

« Oui. D’ailleurs, à ce sujet, j’ai pris une décision. »

Sa Seigneurie fronça les sourcils et agita légèrement la main gauche pour lui faire signe de développer.

« Je ne t’empêcherai pas de ramener notre fille à Systeria, si tu ne m’empêches pas de rester à Zanther en compagnie de notre fils. »

Un fin sourire se forma alors sur les fines lèvres pâles du premier ministre alors qu’Armika parlait. Avait-il pressenti cette demande ? A en voir le nombre de bagages qu’elle avait apporté, il aurait fallu être quasiment aveugle pour ne pas avoir deviné ce qu’elle avait en tête.

« Marché conclu. », lui répondit-il simplement de son sempiternel ton monocorde.

Elle écarquilla des yeux ronds comme des billes. Voir son mari capituler si vite, elle n’en avait pas l’habitude. C’était un phénomène suffisamment rare pour qu’il puisse la laisser coi quelques secondes. Rapidement, elle finit par se ressaisir.

« Bien, je suis ravie que tu approuves ma démarche. De toute façon, tu n'aurais pas eu le choix. », lâcha-t-elle d’un ton pompeux.

Au même moment, le véhicule pénétra dans les jardins entourant le Manoir Bolton et s’engagea dans la grande allée de gravier qui menait à la grande porte de l’édifice. Sous le porche les attendaient Evadne et Mavolio, encadrés par Mericet et Madame. Lorsque le couple descendit du carrosse, il n’y eut pas de grandes embrassades ou d’enfants se précipitant vers leurs parents.

Armika s’avança vers le petit comité d’accueil en même temps que son époux mais son pas semblait un peu plus rapide que ce dernier. Elle tentait de conserver un visage digne et impérieux, mais les émotions contradictoires qui la tenaillaient l’empêchaient de conserver un masque impassible. Plus de quatorze ans qu’elle avait été séparé de sa progéniture et les voilà déjà si grands et matures !

Mavolio et Evadne s’inclinèrent avec respects devant leurs parents. Thomas inclina la tête avec respect. Sa femme, elle, restait dubitative. Elle ne s’attendait pas à un tel protocole. Elle le savait, mais elle espérait autre chose. Finalement, elle exécuta une révérence grâcieuse.

« Enfin, vous voilà ! Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous. Le voyage a dû être si éreintant ! Je vous plains ! Mais venez, entrez donc, nous allons servir le souper ! », déclama Madame dans ses grands airs.

Et pendant qu’elle entrait dans la demeure en compagnie de Mericet et de Thomas, Armika retint les enfants à l’extérieur. Cédant aux pulsions maternelles, elle écarta les bras et les serra très fort contre elle, l’un à la suite de l’autre. Elle voulait sentir leur chaleur, puiser l’amour qu’ils avaient pu cultiver pour elle. Enfin, se laisser aller à la chose la plus naturelle du monde. Le père, passant le seuil, tourna la tête et examina la scène sans rien dire. Il les laissa savourer ce moment intime et disparut dans l’embrasure de la porte.

On servit le dîner dans la grande salle. Madame y raconta les dernières anecdotes politiques de la cité, pendant que Mericet parlait de l’entraînement de Mavolio qui s’améliorait sans cesse. Armika ne cessait d’échanger avec ses jumeaux. Parfois, elle se faisait distante mais d’autres fois on sentait que la mère qui était en elle reprenait les commandes. Le duc, lui, ne changeait pas ses habitudes : pour ses enfants, il correspondait parfaitement à l’image qu’ils s’en faisaient.

« Bien. Nous avons réfléchi à ton courrier, Mavolio. Nous avons décidé d’y donner suite, tu pourras rester ici. »

Son regard d’acier se posa sur Evadne dont le visage reflétait une grande déception, alors que Mavolio, lui, étirait un large sourire. Un Bolton jeune et qui sourit, quelle vision d’horreur pour le systérien moyen qui imaginait son premier ministre comme un monstre sans âge !

« A la différence près que je resterai auprès de toi pendant ces deux ans. Nous rentrerons ensemble retrouver ton père et ta sœur. Les alchimistes zanthériens ont d’excellentes méthodes, je dois les apprendre. »

Ca, qu’on le devine ou non, c’était la seconde raison. La première, c’était que trop d’années s’étaient écoulées.

« Merci Père, merci Mère. Je ne vous décevrai pas. », répondit simplement Mavolio.

Le Surintendant avala une dernière gorgée de vin avant de reposer son verre.

« Bien, je vais aller m’entretenir avec la Patricienne Margolotta. Je ne puis venir à Medelia sans l’honorer d’une visite diplomatique. Evadne, nous partirons demain à l’aube pour Exophon pour assister au couronnement du Grand-Duc. »

Thomas déposa alors un baiser sur la joue d’Armika et prit son congé pour rejoindre la toute nouvelle dirigeante de cette région de la Ligue, laissant sa famille terminer la soirée sans lui.

Au petit matin, les deux époux se quittèrent après un baiser appuyé et sincère. Le seigneur Bolton serra son fils dans ses bras et invita sa fille à le suivre pour grimper dans la diligence. Le soir même, ils atteignirent Exophon pour assister, le lendemain, à la cérémonie mise en place par le Consul d’Olanno pour affirmer sa dynastie.

Quelques jours plus tard, ils étaient de retour à Systeria…


Post by Thomas Bolton, Emp - November 7, 2010 at 6:02 PM

Quelques jours plus tard, ils étaient de retour à Systéria…

Mais revenons un peu en arrière, alors que le Surintendant aidait sa fille à grimper dans le carrosse qui les emmènerait tous les deux à Exophon. Une fois à l’intérieur, alors qu’il refermait la porte de l’habitacle, Evadne se pencha à la fenêtre pour saluer sa mère et son frère. Armika épongeait quelques larmes avec un petit mouchoir de soie brodé à ses initiales. Mavolio restait digne et impassible, comme si l’évènement ne l’atteignait pas. Thomas n’était pas dupe, il se doutait que ses enfants avaient dû passer la nuit à se faire leurs adieux.

Elle esquissa un bref signe de la tête, croisa le regard de son père et arrêta son geste. Elle se rassit sur la banquette de velours sombre et sortit son livre de sa besace. Elle ne l’ouvrit pas de suite, préférant le poser sur ses genoux. Son regard émeraude pailleté d’or le dévisageait ostensiblement. C’était si étrange d’être en face du vrai modèle. Et pourtant, toujours aussi immobile, il n’y avait pas grande différence avec l’immense peinture qui avait surplombé sa chambre pendant toute son enfance. Le regard d’acier du père rencontrait celui de sa fille. Un silence pesant s’établit alors dans la diligence qui dévorait déjà la distance qui les séparait de leur destination.

« Je suis ravie de vous rencontrer en chair et en os, Père. Enfin. », osa-t-elle dire pour briser cette étrange quiétude.

Un sourire sans joie se forma sur les fines lèvres pâles du duc à cette déclaration.

« Egalement, Evadne. Nous verrons si tu es prête à affronter la société. », répondit-il d’un ton monocorde.

Elle acquiesça alors, intérieurement intimidée d’être lâchée si tôt en pâture aux courtisans d’Exophon.

« Poursuis ta lecture. La route est longue. »

Une nouvelle fois, la jeune fille approuva et attrapa l’ouvrage entre ses fines mains. Les heures, nombreuses, s’écoulèrent rapidement. Evadne dévorait le récit de cette reine de l’antiquité zanthérienne tandis que son père laissait son regard froid détailler le paysage qui défilait à une vitesse déconcertante. Et finalement, quelques temps après que le soleil se soit couché, le véhicule franchit les grandes portes de la moderne Exophon qui vivait son dernier jour en tant que République Patricienne. Il pleuvait. L’atmosphère, pour le poète, avait tout du mélancolique.

Ils logèrent à l’ambassade systérienne et furent accueillis par le personnel avec nombre de courbettes révérencieuses. Toutefois, après quelques instructions qui ne souffraient aucune contestation données par Thomas, on les laissa en paix. Ils dînèrent du bout des lèvres avant de rejoindre leurs quartiers respectifs.

« Bonne nuit, Evadne. Reposes-toi, demain est une journée chargée. »

Le lendemain, le seigneur Bolton vint la trouver un peu après le déjeuner : il avait été absent toute la matinée. Sans doute avait-il participé à quelques réunions avec les autorités locales ou avec les fonctionnaires de l’Empire qui étaient en faction dans cette région particulière de la Ligue. Quoiqu’il en soit, sa fille ne lui posa aucune question. Pourquoi en aurait-il été autrement ? Elle était douée de suffisamment d’astuce pour savoir où son père avait dû aller. Ensuite, à quoi bon souligner une évidence ? Ce n’était certainement pas le genre de la famille.

Notre impassible binôme n’assista pas au discours sur la place publique, l’après-midi. Etant donné leur rang, ils furent introduits directement dans la salle des Cinq Cents en compagnie d’autres hôtes de marques. Des individus prestigieux venait des quatre coins d’Enrya passaient devant eux, les saluaient, échangeaient quelques mots et s’en retournèrent à leur place. Chaque fois, la jeune fille respectait le protocole avec une maîtrise étonnante pour son âge. La bonne appellation, la bonne façon de saluer selon le titre de son interlocuteur…

Une musique claire et limpide s’éleva dans la salle, alors que le Consul Cosme d’Olanno pénétrait dans le palais avec sa suite. Le vieil homme grimpa sur l’estrade et entama son discours.

« Citoyens d’Exophon, marchands et banquiers, sommités d’Enrya, je vous remercie d’être venu. Votre présence signifie beaucoup pour ce futur gouvernement que je vais instaurer. Nous avons, nous les habitants de la Ligue, souhaité mettre à bas une junte restrictive. Suite à cela, nous avons décidé d’établir un système plus juste, un système qui permette à tous de prospérer. La République est née. Après toutes ces années, nous avons augmenté l’importance de notre commerce, développé notre finesse architecturale. Cependant, quelque chose manque : la stabilité. Un pouvoir fort et juste, entre les mains d’un souverain lettré. C’est ce que je vous offre aujourd’hui, citoyens d’Exophon, avec l’accord unanime des Conseillers. »

D’un geste particulièrement simple et serein, il se plaça la couronne sur la tête.

« C’est pourquoi, en ce jour, je proclame la fin de la République et l’instauration du Grand-Duché d’Exophon ! En tant que Patriarche de la Famille d’Olanno, je prête un serment solennel. Notre sang est désormais lié à Exophon et nous ne vivrons désormais que pour elle. »

Alors que les acclamations fusaient dans la salle, le Surintendant se contentait d’applaudir sèchement. On n’allait pas lui demander de faire preuve d’un débordement d’enthousiasme, non plus ! Quelque chose dans son champ de vision l’attira. Tournant la tête, il aperçut une superbe femme rousse qui souriait dans un coin de la salle. Discrètement, il fit signe à sa fille de regarder brièvement dans cette direction et se pencha vers elle.

« Caterina d’Olanno, la fille aînée du duc. Elle est en droite ligne de succession. C’est également une des prétendantes à la main du prince Maemor. Ses prétentions sont renforcées dans tous les domaines. »

Evadne acquiesça alors, étant au fait de la politique systérienne grâce à Madame. Son attention se détourna rapidement de Caterina alors que le Grand-Duc avait rompu la cérémonie et se promenait aléatoirement dans la foule.

« Ah, Surintendant Bolton. Un plaisir de vous voir aujourd’hui représenter Systéria. », déclara d’un ton pincé l’ancien Consul.

« Bien le bonjour, Votre Grâce. Toutes mes félicitations pour cet habile coup politique. », répondit froidement le premier ministre.

Le vieil homme à la robe rouge sombre sourit alors de toutes ses dents.

« Nous, zanthérien, nous savons y faire avec la politique. »

Une lueur amusée passa alors dans le regard froid du seigneur Bolton alors qu’il restait impassible. Le Grand-Duc se tourna alors vers Evadne.

« Qui est cette charmante personne ? »

« Ma fille, Evadne. »

« Mes salutations, Votre Grâce. Daignez accepter l’hommage de mon profond respect. », annonça-t-elle en esquissant une révérence sévère, à la zanthérienne.

« Ah, je reconnais votre marque sur cet enfant, Votre Seigneurie. »

Et sur ces bonnes paroles, le Grand-Duc prit congé pour terminer sa tournée. Juste avant de repartir, il apostropha le duc.

« Il faudra que nous correspondions au sujet de ma fille. »

Le banquet dura deux heures. Ils y assistèrent jusqu’à la fin. Suite à quoi, ils se dirigèrent non pas vers l’ambassade mais vers le port pour embarquer sur un des grands navires de ligne affrétés par Systéria. Leurs bagages et effets personnels avaient d’ores et déjà été montés à bord, le capitaine n’attendait plus qu’eux pour partir. Lorsqu’ils rejoignirent leurs quartiers et qu’ils étaient hors de portée des marins, les commentèrent fusèrent.

« Oh oh ! Mais regardez-moi c’te petiote qu’il nous ramène, Sa Seigneurie ! », clama un adolescent à peine plus âgé qu’Evadne.

« C’est vrai qu’elle est bien mignonne. Pas assez dodue à mon goût, mais j’lui montrerai quand même des choses qu’un vrai homme sait faire. », renchérit un autre.

« M’est avis que vous feriez mieux de vous méfier. Ce n’est pas n’importe qui, c’est la fille du Surintendant. Touches-y et tu y perdras ta main, si ce n’est le bras ! », lui conseilla un vieux loup de mer.

La passion du second marin diminua largement lorsqu’il apprit cette terrible nouvelle. Le mousse, lui, ne fut pas intimidé. Sans doute était-ce lié à l’âge et aux hormones. La traversée s’annonçait mouvementée !

Qu’en était-il du père et de la fille ? Les longs jours qui les séparaient de Systéria leur permirent de rester souvent en contact. Généralement, ils devisaient longuement le matin sur la politique intérieur au sein de Systéria. Le duc confiait à sa fille toutes les informations susceptibles de l’aider à se forger une image mentale résolument exacte de la situation au sein de l’Archipel. L’après-midi, ils passaient de longues heures à jouer aux échecs. Généralement, elle n’arrivait pas à le battre, mais quelques fois, elle se distingua en mettant à terre le roi de son géniteur. Enfin, le soir, ils se promenaient sur le ponton et admiraient le coucher du soleil.

Un beau matin, deux jours avant d’atteindre le port de Systéria, alors que le Surintendant lisait dans sa cabine, Evadne se promenait sur le pont, à l’air libre, laissant le vent faire voler ses superbes cheveux d’ébène.

« B’jour, mam’zelle. J’peux vous offrir une petite pointe de rhum ? », demanda le mousse, plein d’espoir.

Evadne se tourna vers lui pour le dévisager de son regard sévère et lui tourna le dos. D’un pas calme, elle se dirigea vers ses propres quartiers sans prendre la peine de répondre au jeune importun. Ce dernier n’avait cependant pas dit son dernier mot et la suivi à l’intérieur en bloquant la porte. Deux minutes plus tard, un cri strident se fit entendre. La porte s’ouvrit en grand et s’en échappa…

… le marin, qui pleurait toutes les larmes de son corps. Il alla se réfugier derrière le grand-mât et se recroquevilla en chien de fusil en sanglotant et reniflant bruyamment. Alerté par le bruit, le duc reposa son ouvrage et sortit se renseigner. Son regard se posa sur le pauvre erre terrorisé puis sur sa fille qui se tenait dans l’encadrement de la porte, un sourire amusé sur les lèvres. Nul ne sait ce qui se passa durant ces deux minutes et nul ne le saurait jamais, hormis peut-être le premier ministre.

Une chose était sûre, Evadne Bolton n’était pas la fille de son père pour rien…

Quelques jours plus tard, ils étaient de retour à Systeria…


Post by Thomas Bolton, Emp - November 8, 2010 at 7:25 PM

Un superbe coucher de soleil se dessinait sur l’horizon systérien. La ville continuait de fourmiller de vie et le quartier du port restait plongé dans une effervescence provoquée par la venue de nouveaux navires de commerce en provenance des Landes Unies. Les marins, les dockers, tout le monde s’activait afin de décharger ou de charger le plus rapidement possible d’énormes caisses de marchandises. C’est à peine si tout ce petit monde remarqua le grand navire de ligne qui pénétrait dans le port, majestueux et aux lignes épurées. Le pavillon systérien flottait au gré du vent tout en haut du grand-mât. Après quelques manœuvres compliquées, une passerelle fut jetée sur le quai. Dans la grand-rue, non loin, un carrosse noir attendait. A côté se tenait un petit homme aux lunettes demi-lune.

Quelques marins descendirent quelques malles. Elles n’étaient ni très lourdes, ni très grandes. Elles devaient contenir le minimum pour un voyage de deux semaines. D’un pas sûr, ils les déposèrent devant le cocher qui quitta sa petite banquette pour les hisser sur le toit. Le fonctionnaire qui l’accompagnait les laissa faire : il n’avait ni la carrure ni la force pour les aider à accomplir cette tâche. Rapidement, il se désintéressa de la scène pour braquer son regard sur la passerelle. Visiblement, il attendait quelqu’un. Avec la foule qui passait, il se mettait parfois sur la pointe des pieds pour tenter d’apercevoir quelque chose. Deux silhouettes sombres se découpèrent alors sur le ciel orangé.

Le Surintendant Bolton et une jeune femme aux longs cheveux d’ébènes, vêtue d’une robe noire à la mode zanthérienne. Le premier ministre avait sa main droite sur sa canne et sa main gauche sur l’épaule d’Evadne. Le geste avait quelque chose de paternel, de protecteur, même si les deux restaient parfaitement impassibles. Le regard d’acier du premier ministre examinait la ville et celui de sa fille en faisait tout autant, alors qu’il prononça quelques mots :

« Bienvenue chez toi, Evadne. », déclara-t-il d’un ton froid.

D’un pas réglé comme un métronome, ils s’engagèrent sur la passerelle et se rendirent jusqu’au carrosse, frappé des armoiries Bolton.

« Bon retour à Systéria, monseigneur. », déclara le fonctionnaire.

« Merci Cressen. Je vous présente ma fille, Evadne. »

L’homme la détailla quelques instants tout en exécutant une petite courbette respectueuse.

« Ravi de faire votre connaissance, demoiselle. Si vous me permettez, monseigneur ? », annonça Cressen en ouvrant la porte de l’habitacle.

Le duc grimpa, suivi de sa fille puis de son secrétaire particulier. Un coup de canne contre la paroi et le véhicule se mit à avancer lentement. Dans les grandes rues désertes, le cocher poussait ses chevaux à accomplir des exploits, mais sur le port, la foule était particulièrement dense. Evadne avait le regard tourné vers la fenêtre et examinait les multiples scènes de la vie quotidienne qui lui apparaissaient. Elle agissait comme le naturaliste observe la nature. C’était une nouvelle culture, un nouveau monde. Elle en connaissait la théorie, mais elle était désormais confrontée à la pratique. Alors elle l’étudiait…

« Je présume que Madame Recaedre est restée à Zanther avec Monsieur Mavolio, monseigneur ? », osa interroger le petit homme.

Le Surintendant acquiesça sans rien dire de plus. Il tendit la main pour recevoir de son subalterne les dossiers qui nécessitaient son attention immédiate. Sous les yeux de sa fille, il les examina et griffonna quelques notes avant de les rendre. Soudain, le carrosse s’arrêta : ils étaient arrivés en Haute-Ville. Seuls Thomas et Evadne en descendirent. Le premier rejoindrait Cressen au palais d’ici quelques heures, le temps d’installer sa fille dans le Manoir Recaedre. A ce sujet, d’ailleurs, les domestiques dudit manoir étaient déjà en place pour prendre les malles.

Arrivé dans la superbe demeure de marbre blanc, ils allèrent prendre place dans le bureau qu’Armika s’était fait faire. Le petit bonsaï trônait sur un coin de la superbe table de chêne.

« Nous voici dans la demeure d’Armika. Nous ne l’utilisons plus, puisque nous avons nos appartements au palais. Ton demi-frère, Maegor, vient d’emménager dans le quartier pourpre. Tu t’installeras ici, en compagnie de sa sœur, Alysanne, le temps qu’elle le rejoigne. »

Tout en l’écoutant, elle hochait la tête en restant silencieuse. Il n’y avait pas beaucoup d’informations à lui fournir, elle connaissait déjà l’existence des enfants du premier mariage d’Armika et ce qu’ils avaient faits de leur vie jusqu’à présent. Dans la famille Bolton, on ne sous-estimait pas la valeur d’une information. Tout renseignement apportait un pouvoir susceptible d’être utilisé.

« Je pense que tu es assez responsable pour t’occuper de toi, dans cette demeure. La gouvernante, madame Aubegrise, se fera une joie de te seconder. »

Ah qu’il était étonnant d’entendre la notion de joie dans la bouche d’un homme aussi stoïque !

« Ne perds pas de temps. Commence d’ores et déjà à accomplir les démarches nécessaires pour intégrer une guilde. Nous savons tous deux vers laquelle tu te tourneras. »

Alors qu’ils parlaient, les domestiques montaient déjà les malles de la jeune fille dans la chambre qui s’était libérée. Si jamais Alysanne Recaedre était en train de se prélasser à l’étage, elle serait sûrement alertée par les bruits et chercherait à assouvir sa curiosité maladive…

La conversation continua un peu plus d’une heure, pendant laquelle ils discutèrent de choses et d’autres.

Et dans les jours qui suivirent, la rumeur comme quoi la fille du Surintendant Bolton était arrivée en ville se répandit comme une traînée de poudre parmi toutes les couches de la société. Une telle nouvelle n’aurait pas pu passer inaperçue !


Post by Alysanne Recaedre, Ind - November 8, 2010 at 8:24 PM

Edva-quoi?
Pourquoi avait-il dut se reproduire?

Confortablement installée dans un bain* remplit de mousse à l'odeur délicieusement fruitée, se prélasser, c'est exactement ce que cette chère Alysanne était en train de faire et ce sans vergogne. Roman palpitant à la main, il n'y avait rien pour briser sa quiétude journalière jusqu'à ce que du mouvement commence à se faire entendre au rez-de-chaussé. Mais que ce passait-il exactement? La blonde Recaedre était a des lieux de se douter de ce qui l'attendait car après tout... Madame sa mère n'avait pas juger juste d'avertir ses enfants les plus âgés que les plus jeunes s'amenaient pour leur pourrir l'existence.

Dans un soupir las, Alysanne referma son livre car les minutes s'écoulaient et le vacarme ne cessait pas, elle devrait donc s'en mêler si elle voulait être capable de poursuivre son importante lecture. Après avoir enfiler une robe de chambre rouge et satinée de riche facture, surement empruntée dans les affaires que Armika avait laissé au manoir, la belle sortie de la salle d'eau, hautaine et mécontente, prête à réprimander les responsables avec la confiance en elle qu'on lui connait. Elle avait beau ne pas être dans ses riches habits habituels, coiffée et parée de bijoux, Alysanne Recaedre n'en perdait pas pour autant la beauté dont elle avait hérité.

D'ailleurs elle réaliserait bien assez vite ne pas avoir été la seule gâtée.

Tout d'abord elle dévisagea les servants qui transportaient les malles jusqu'à une des chambres. Pantoise devant le spectacle il lui fallu quelques secondes pour réaliser ce qui se passait. Alysanne n'était pas facilement déstabilisée mais là clairement qu'elle l'était. Rapidement elle se reprit cependant, hors de question de paraitre pour une idiote devant la fille de ce maudit surintendant qu'elle haïssait jusqu'aux plus profonds de ses tripes. À coup de grandes respirations elle se calma puis se dirigea vers sa chambre afin de se préparer convenablement. Ce n'est qu'au bout de ses longues minutes de préparation qu'elle descendit à l'étage inférieure pour faire la connaissance...

D'une mini Armika au cheveux noir, belle, si belle. Edvane l'était autant qu'Alysanne même si cette dernière ne l'admettrait pas, trop vaniteuse pour se penser déclassée. Comment Thomas Bolton avait pu participé à la conception, se disait-elle!

Son plus radieux sourire aux lèvres... Elle allait briser la glace, faisant fit de Thomas sur l'instant.

« Ma demi-sœur... Comme il m'enchante de vous rencontrez enfin. Je vois que nous allons cohabiter ensemble un temps, j'avais hâte à ce moment. »

* Son troisième de la journée.


Post by Thomas Bolton, Emp - November 27, 2010 at 1:04 PM

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le seigneur Bolton restait souvent en contact avec sa famille qui demeurait à Medelia. Aussi envoyait-il et recevait-il régulièrement des lettres de sa femme, Armika Recaedre ou de son fils, Mavolio Bolton. Madame, quant à elle, lui écrivait rarement, conformément à leurs habitudes : ils n’avaient jamais eu besoin d’avoir de multiples correspondances pour rester en contact. La plupart des missives qu’envoyait le Surintendant ne méritaient pas qu’on les détaille toutes, elles n’avaient rien d’exceptionnel. Mais cette fois-ci, l’avalanche d’informations ne manquerait pas de submerger l’ancienne duchesse…

Armika, Mavolio,

L’Archipel évolue à une vitesse incroyable ces derniers temps. Aussi ai-je préféré attendre quelques semaines avant de prendre le temps de répondre à votre dernière lettre. Sachez que Maegor a envoyé une demande particulièrement étonnante à l’Impératrice Cybelle. Elle ressemble d’ailleurs à celle que feu son père avait envoyé à la Couronne pour obtenir la Surintendance. Ton fils (votre demi-frère, Mavolio) a réclamé le duché familial, conformément au décret sur la noblesse.

Il ne l’a pas obtenu, cela va de soi, néanmoins une solution de consensus a été trouvée : la famille Recaedre accède à nouveau à la noblesse via une baronnie. Je suis persuadé que cette nouvelle réaffirmera l’estime que tu as pour ton fils, mon épouse. S’il persiste dans ses efforts, il ne fait aucun doute qu’il réussira à se hisser là où son père s’est hissé. Le Magistère Glâneduc s’étant retiré des affaires courantes de la Confrérie, le jeune baron siège désormais au Conseil des Guildes en tant qu’émissaire. Tu peux, si je ne m’abuse, être fière de ses accomplissements.

En ce qui concerne Evadne, elle a intégré la Confrérie dans la branche recherche, directement au rang d’apprenti. J’ai pu étudier ses premiers travaux et ils sont à la hauteur de son éducation. Elle demeure pour le moment au Manoir Recaedre puisqu’Alysanne a rejoint la demeure de son frère. En ce qui concerne le Manoir, les fondations se désagrègent comme dans l’ensemble de la Ville Haute. Des fissures commencent à décorer les murs. Il va être rasé et reconstruit, comme la plupart de bâtiments qui la composent. Vous bénéficierez tous deux d’une nouvelle demeure à votre retour sur l’Archipel.

Enfin, dernière information qui, j’en suis sûr, attirera également votre attention : Cybelle Ière a abdiqué en faveur de sa fille, Isaleïa Ière. Le début de règne a complètement déréglé cette délicate mécanique systérienne qui était en place depuis de nombreuses années. Des réformes que j'approuve sont mises en place, mais avec trop de brutalité à mon goût. Une partie de la population se froisse alors qu’avec plus de subtilité, un tel phénomène aurait pu être évité. Voici les principales modifications :

-\tAbrogation de la Constitution
-\tAbrogation du culte officiel thaarien
-\tRenforcement du contrôle immobilier des guildes sur leurs quartiers
-\tRenforcement de l’attirail législatif des institutions pour le contrôle de leurs quartiers

J’ose espérer que la cohabitation avec Madame n’est pas trop difficile, Armika. Mavolio, je suis persuadé que vous continuez à faire des prouesses et que votre désir de rester à Medelia n’a pas été vain.


Post by Mavolio Bolton, cp - November 27, 2010 at 3:18 PM

Marchant dans la ville, le jeune adolescent, presque devenu un homme, ou même y ressemblant un peu trop, ruminait un tas de conseils. Il portait à ses pieds des bottes cirées, n'allant pas dans l'excès. Sur ses épaules un manteau de tissu épais et de qualité supérieure, indécelable, aucune fioriture dessus, multiples poches, praticité, et les pans lui retombaient jusqu'au bas de ses genoux, inaperçu parmi la foule. Son oeil d'acier, son nez un peu trop grand et caractéristique, ses cheveux gominés vers l'arrière, dont une mèche rebelle allait se nicher au coin de son oeil droit, il avançait, son pas cadencé, son regard rivé droit devant lui, un homme parmi les autres dans cette populace.

Méricet le lui avait demandé, ce serait sa première fois. Quelques heures avant, Mavolio avait étudié le plan de route, discrétion, efficacité et rapidité d'action. Il devait le lui rapporter. Le pas du jeune Bolton bifurquait alors dans une ruelle, un peu moins bondée, le bruit de ses semelles couverts par sa légèreté et par les voix des zanthériens présents autour. L'air déterminé sur son visage, il s'engouffrait encore une fois dans l'anonymat du monde autour de lui, une sensation d'inexistence, le pouvoir d'être invisible aux yeux de tous, une joie immense et une excitation toute particulière. Si l'on étudiait d'un peu plus près ses traits, barbe inexistante, fraichement rasée, il avait cet air détaché, faussement détaché, nous imaginerions parfaitement qu'à son âge, et malgré son éducation, il avait une multitudes d'appréhensions. Les mains profondément enfoncées dans ses poches, il continuait jusqu'à arriver devant la demeure qu'il devait visiter, pour Méricet.

Sur le pallier, il cogna trois fois, droit, ses pupilles métalliques rivées sur le bois de qualité de la porte, d'où l'on voyait quelques fissures, résultat d'une peinture non renouvelée au fil des années, détail important, la négligence. On lui ouvrit, lui demanda son nom, puis on le fit entrer, un courant léger provenant de son manteau, disparaissant alors dans la luxueuse ou luxuriante maison. Ce sont quelques heures plus tard qu'il en sortit, refermant doucement la porte, en laissant quelques instant sa main sur la poignée, pensif. S'il savait.
Le jeune Bolton repartis alors au domaine familial, alors qu'une demi journée c'était écoulée, sans que personne ne sache ce qu'il avait fait là-bas, ni sa tante, ni sa chère mère. Il ne reviendrait que pour le dîner, comme chaque jours qu'il passait encore à Zanther, pour son éducation.

"J'ai ce que vous m'avez demandé mon cher Méricet."

Debout derrière l'homme d'un certain âge, Mavolio avait le ton de sa voix douce, pas encore teintée de la dureté parentale. Son instructeur se retourna alors, receuillant le fruit de la quête de la moitié d'Evadne. Un écusson, en or, avec des armoiries dessus. Le vieil homme souriait alors.

"Bienvenue dans mon monde, petit Mavolio, devenu grand à présent. Il me semble que vous devriez vous changer, votre mère et votre tante vont finir par s'inquiéter de vos retard, demain sera un jour de congé, vous en profiterez, pour réfléchir et passer du temps, avec qui vous voudrez."

L'Adolescent acquiesça. S'imposant un brin de toilette avant de mettre des vêtements plus convenable pour sa belle Armika. On dîna, on disputa de la situation actuelle en ville. MAvolio, n'ayant d'yeux que pour sa mère en cet instant, l'abandonna ensuite pour retourner en ses appartements, après lui avoir volé un baiser sur le front, une lettre à la main.
on reçu les missives de Systéria. Un tas de nouvelles, que petit Mavolio lu avec avidité, buvant une boisson chaude, au goût amer et noire, dans laquelle avait été ajouté un alcool fort. Il se trouvait alors dans sa chambre, assit sur son bureau ordonné, aux multiples articles découpés, recollés, assemblés, une vraie étude que notre cher Bolton faisait là, des nouvelles que lui offrait son père. Le fils de Thomas avait posé ses pieds sur son bureau croisé, de manière quelques peu rebelle, pour son éducation, penché vers l'arrière de son siège. Sa chambre n'était qu'un amas d'étude et de papiers, un futur adepte de la société.

"Intéressant, une abrogation du culte et d'une constitution, ils veulent une révolution.Il me tarde de visiter cette ville, un peu plus libre à présent. Après avoir étudié, ces dernières nouvelles de façon plus approfondie..."

Jour de congé, comme prévu le lendemain, il visita la ville accompagné de sa mère, dont il s'empressa de lui montrer les coins qui lui plairait de visiter, des marchands de luxes, des bijoux, de l'alchimie et des méthodes différentes de celle dont elle avait l'habitude sur l'île de la petite soeur. Il lui en offrit un livre même, d'ou lui venait cet or? De sa tante, sans aucune hésitation.

Mon cher Père,

J'ai effectué mon premier pas dans le livre que vous m'avez offert, j'en suis retourné, j'espère me remettre assez vite, je pensais arriver à le faire comme décrit, mais j'ai un pincement au coeur à présent. Devrais-je toujours regretter d'agir ainsi? J'espère pouvoir vous en reparler en privée très prochainement, après en avoir parlé avec Méricet.

J'ai reçu les journaux que vous m'avez envoyé, ainsi que les dernières nouvelles, j'espère que là-bas, les citoyens comprendront, qu'ils pourront vivre d'un nouvel air et dans une nouvelle ère, bien que je conçoive leur mécontentement. Je pense bientôt vous rejoindre, il me reste quelques détails à élucider encore sur mes dernières actions, et je pense pouvoir me retrouver à vos côtés, avec ma très chère mère, en qui je porte affection et protection, vous ne devriez pas être déçu.

Je vous remercie encore une fois de me faire parvenir toutes ces nouvelles de la ville, elles me sont fortement utiles. J'avouerai vous préciser, qu'à ma venue, je ne souhaite pas être accueillit au port, je compte pouvoir me retrouver en vos appartements, seul, sans me perdre, afin de voir si mes études sur Systéria furent utiles. Vous comprendrez pourquoi, j'imagine.

Je vous dis à très bientôt,

Je vous aime.

Mavolio

Evadne, ma moitié,

J'ai appris ton affectation au sein de la Confrérie et j'en suis ravi pour toi, je vois que tu uses déjà de tes talents dans la ville. Je pense arriver bientôt en ville, dans les prochaine semaines ou dans le prochain mois. J'aimerai qu'en ma venue, je puisse te retrouver là ou tu loges, sans ton aide, pouvoir si j'ai bien appris les plans de la ville, et si j'arriverai à te retrouver, par la simple odeur de ton parfum.
Je suis impatient à l'idée que tu puisses me présenter tes nouveaux collègues. Mes études sont presque à leur termes chez notre chère tante, je me sens prêt à venir, avec mère.

Je vous aime,

Mavolio.

Et le jeune homme, prit en compte les conseils de Méricet, pendant la nuit, ou seules les pensées régissent l'esprit. Un peu tourmenté, le sommeil tarda à arriver. Une goutte salée prit fin sur son oreiller, avant qu'il ne tombe finalement, dans les bras de morphée.


Post by Evadne Bolton - December 1, 2010 at 8:47 AM

Mavolio,

Il me tarde de te revoir.

Systéria est une ville particulière, comme tu as sans doute pu le voir lors de tes études. La guerre des guildes a quelque chose de fascinant, prouvant le meilleur et le pire de chaque citoyen.

Mes recherches à la Confrérie se déroulent bien. J'y trouve une source de motivation sans limite. Je déplore toutefois de ne savoir te les faire parvenir, comme ma thèse dont parle Père; j'ai fait la promesse d'œuvrer selon les lois de l'Académie Pourpre, et cela inclus de ne pas divulguer le savoir. Le mien y compris. Sache simplement que mes prochaines recherches porteront sur une divinité ainsi que sur un écrivain elfique connu en Systéria. Je note néanmoins l'intérêt qu'à Père pour mes écrits et je me plais à croire que cela le rend fier de moi.

Mes confrères me sont étrangers; les ouvrages et archives ne sont pas d'excellente compagnie mais ils me suffisent dans mes études. Monsieur K. Pandora est très pris. Je ne l'ai vu qu'une fois depuis mon intégration et il se trouve qu'il soit mon mentor. Je t'introduirais auprès de mes collègues si tu le souhaites. Certains sortent de la masse, ne serait-ce que par leur maîtrise des arcanes.

Affectueusement,

Evadne

P.S. Salue Mericet et Madame, je te prie, avec mes sentiments les meilleurs. Comptent-ils visiter Systéria prochainement?


Post by Armika Recaedre, CP - December 2, 2010 at 6:54 PM

Le temps passaient rapidement à Medelia. La haute société était ennuyante, les bals peut intéressant, et malgré tout, Armika arrivait à faire bonne figure. Elle avait une bonne connaissance géopolitique, connaissait très bien l'alchimie, colportait les rumeurs comme pas unes, et bien entendue, possédait un peu plus de jugeote que l'on aurait pu imaginer en la regardant simplement.

Tous les jours, elle observait son fils s’entraîner. Un peu plus grand, un peu plus fort, et tellement zanthérien. Le portrait cracher de son père. À quelque part, au fond de son coeur de mère, elle espérait qu'elle ai pu laisser un peu plus d'elle dans le coeur de son fils. Elle ne savait pas comment s'y prendre. Elle n'avait jamais été une mère. Sourire timide et rare, discussion banale, elle faisait ce qu'elle pouvait, comme elle le pouvait.

Mais tant de valise qu'elle avait, tant de choses d'alchimie qu'elle avait emmener, elle vint à manquer .... manquer de quoi au faites? Je crois que c'est la mal du pays qui lui prit. Le mal d'une mère avec trois enfants l'autre bout du monde. Et toute ses nouvelles de Systéria. Sans doute que l'arêne devait être amusante à l'heure qu'il est.

Donc un soir, pour le souper, elle laissa tomber la nouvelle.

-Je repars pour Systéria, demain matin. Mes valises sont faites, et le bateau réservé. Libre à toi de m'accompagner Mavolio. Ou de rester ici. Nous tâcherons de venir te voir régulièrement, moi ou ton père.


Post by Anteïa Meserole, Adm - December 2, 2010 at 6:55 PM

Elle avait quitter rapidement Systéria, prenant le premier bateau direction de Zanther. Un navire marchand. Elle s'en fichait de toute manière. Elle était pas le genre de femme à attirer l'attention des hommes, et quand bien même un marin tentait sa chance, il se faisait rembarrer comme une chaussette sale. Antéïa n'avait jamais été aussi froide, aussi dure et aussi méchante. Elle avait rarement eu de considération pour les gens, pour les choses, pour la vie. Visiblement, ce n'est pas aujourd'hui que cela allait changer. Elle dormit parmis les hommes, dans un hammac, dans les cales. Elle avait pas besoin de luxe, même si elle avait payer sont voyages. Habiller de cuire, elle aidait régulièrement les marins à leur travaille, on disait que cela libérait l'esprit. Ses muscles tendus au soleil et par l'effort, une fois qu'ils la regardaient travailler, les hommes déchantaient. Elle était comme leur altère égo, difficile de pouvoir la voir réellement comme une femme.

Régulièrement, elle se mettait à la proue du navire avec son arc et des flèches, tirant ici et là un oiseau ou un poisson dans l'eau. Pas pour manger, juste pour s'exercer, pour ne pas perdre la main. C'est plusieurs jour plus tard qu'elle entendit le mot "terre". Ils arrivaient enfin. Mélange d'appréhension, de plaisir, de peur et d'angoisse.

Une calèche pauvre richement payer, et elle était en route pour le manoir. Cinq heure pour se rendre a la vielle demeure. Cinq ans qu'elle ne l'avait revu. Et soudain elle le vie percer à l'horizon, tel qu'elle l'avait toujours connu. Un grand manoir de pierres gris clair, sur trois étages. Le toit de tuiles grises était bordé par une superbe petite balustrade en pierre aux formes arrondies. De multiples cheminées rondes s’élevaient de-ci de-là. La partie nord de la façade, qui donnait face à un vaste jardin bien entretenu, était envahie par des plantes grimpantes qui rajoutaient au charme de la demeure. Une tourelle s’échappait de la masse, carrée, au toit triangulaire et étroit. Le domaine était entouré de hauts buissons au feuillage sombre. Des allées de graviers entouraient des cercles de pelouse et menaient à l’entrée principale.

Elle ne s'était pas annoncer. Sa mère lui en voudrait à coup sûr. Elle ne l'avait pas élever comme cela. Méricet non plus. Mais c'était bien le dernier de ses soucis. Elle fit arrêter la calèche loin du manoir, au bout de la rue qui y menait. Elle irait a pied, histoire de ne pas alerter toute la maisonnée avec le bruit des chevaux.
Et c'est ainsi qu'avec son petit sac à l'épaule, toujours habiller de son armure, avec un chandail de bonne facture par dessus, elle entama un pas rapide de remonter l'allée, observant tout autour, comme elle en avait eu l'habitude dans son métier à Systéria. Elle remarquait le moindre changement. Une haie taillé différemment, des lys à la place d'hémérocalles et toute ses petites choses que quelqu'un extérieur n'aurait sans doute jamais remarquer.

Elle s'arrêta devant la porte, droite, grande... si Meserole et si peu à la fois. Hésita la main dans les airs, prête a cogner, puis entra sans le faire. Un domestique s'arrêta net dans sa course, comme horrifié. Il en lâcha presque la pile de papier dans ses mains. Dévisagea la jeune femme, avant de s'incliner comme il le devait.

-Nous ne vous attendions pas Mademoiselle. Madame à dû oublier de nous l'annoncer.

*Pour la forme sans doute. Madame n'oubliait jamais rien. *

-Je ne me suis pas annoncer. Aller la chercher et faites préparer un bain chaud et ma chambre.

*Son ton était étrangement plus aimable, plus qu'il ne l'avait jamais été sur l'autre continent. Mais le domestique nu pas besoin d'aller chercher Madame, car elle apparu tout en haut des escaliers. Elle avait le don de sentir tout ce qui ne se passait pas comme prévu dans sa demeure. Et Anté était pas prévu. Elle portait ses sempiternelle robe violette à dentelle noire, ayant à peine veillit, elle lui ressemblait, et si peu à la fois. Antéïa eu un mince sourire, le coeur battant la chamade, manquant parfois un coup. Sa voix n'en laissa rien paraître par contre. *

-Bonsoir Mère. Je reviens m'installer ici.


Post by Thomas Bolton, Emp - December 5, 2010 at 2:14 PM

Le Surintendant reçut la lettre de son fils en même temps que les quelques autres nouvelles de Medelia. Madame l’informait régulièrement des récents changements au manoir et le départ d’Armika en était un suffisamment important pour qu’on le lui signale. Le retour de sa cousine au sein de la Ligue de Zanther l’était également. Le départ d’Anteïa était soudain, mais ne le surprenait pas vraiment. La jeune femme ne pouvait pas se contenter de peu et quand elle pensait que ses capacités étaient bridées, elle voguait vers de nouveaux horizons. Repartir à la case départ, c’était absolument envisageable. Systeria avait dû lui apporter de nombreuses ficèles qui lui seraient utiles à l’avenir.

Mais revenons-en au courrier du fils prodigue, qui continuait inlassablement de parfaire toutes les techniques que le professeur Mericet lui enseignait. Les semaines passaient lentement, mais la distance n’importunait aucunement le premier ministre. L’éducation zanthérienne était ainsi faite. Ce temps représentait un investissement qui serait capitalisé sur le long-terme. Le duc connaissait bien les précepteurs du jeune homme et savait que cet investissement serait extrêmement fructueux. Attrapant sa plume, il rédigea une réponse...

Mavolio,

Tu parles de regrets. De pincement au cœur. Je pensais que Madame ou Mericet sauraient te prévenir de ce que ces émotions représentent. Dans ton cas, je serai tenté de citer F. de Quevedo : « Qui s'embarrasse à regretter le passé perd le présent et risque l'avenir. » C’est une simple phrase que je te conseille vivement d’assimiler et de faire tienne. Je te laisse réfléchir dessus. Reviens vers moi uniquement lorsque tu l’auras comprise.

A Systeria, les frictions continuent. Les individus les assimilent aux nouvelles réformes, mais j’imagine leurs origines comme étant plus profondes, cristallisées. Elles ont simplement permis de libérer un sentiment, des convictions, depuis longtemps enfouies. La mécanique s’est ébranlée à de nombreuses reprises, mais lentement, elle réussira par s’autoréguler pour retrouver son fonctionnement initial. Tu pourras sans aucun doute le vérifier toi-même.

Madame m’a informé qu’Anteïa avait rejoint le Manoir. Tu pourras l’informer que le Commandant Vemeros a démissionné pour laisser sa charge au Général Thalkher Mel’Viir. Le premier elfe-noir accédant à la gestion totale d’une guilde. C’est une première qui sera suivie par beaucoup d’autres, je présume. De vives frictions l’opposent au Trésorier de l’Association au sujet de la protection des quartiers de la guilde. Pour t’aider à comprendre, tu trouveras ci-joint le codex et les récents décrets publiés dans le Journal Officiel.

En ce qui concerne ta venue prochaine, je t’autorise à débarquer et à venir me trouver. Nous verrons si les cours que te donnent Mericet ont suffisamment développé ton sens de l’orientation. J’ose espérer que tu ne tricheras pas en obtenant une carte de la cité. Pour aider à ton repérage, je t’envoie ce livre sur l’architecture de l’Archipel. Tu sauras ainsi comment la ville est faite, sans pour autant connaître sa disposition géographique. Un ouvrage qui, j’en suis sûr, te donnera quelques clés pour tes actions futures.

La lettre, ainsi que les documents et l'ouvrage, furent envoyés par le premier navire de ligne impérial à destination de Zanther. Mavolio aurait rapidement des nouvelles de son géniteur...


Post by Mavolio Bolton, cp - December 11, 2010 at 10:24 PM

Un soir à dîner,
Je vous invite à danser mère.

Et ce soir vint à tomber la nouvelle qui allait tracasser le jeune Mavolio. armika repartait déjà... elle le lui annonçait comme ça, sans lui laisser quelconque temps pour lui souhaiter... de nouveau un adieu? Mavolio encaissa la nouvelle, c'était de sa faute après tout, il ne passait pas autant de temps qu'il ne l'aurait voulu avec sa mère, ou comme elle l'aurait voulu. Il avait du l'ennuyer avec ces manières trop zanthérienne certainement. Ce genre de manières seraient elles un handicap pour son futur à Systéria?

"Je crois mère, que vous ne me laissez pas le choix, en m'annonçant ceci. Vous décidez de partir sur un coup de tête, sans me laisser aucun temps à me préparer à cette éventualité... Je dois faire comment?"

Il se leva alors, pour venir la contourner, sans avoir terminé son repas. Se mettant à genoux devant elle, tout en lui prenant sa main, ses yeux d'un gris métallique la regardèrent alors avec intensité, venant lui baiser la main.

"Je ne pense pas vous accompagner, c'est trop soudain pour que je puisse avoir le temps de préparer mes affaires. J'espère que vous passerez un bon voyage, je voulais vous l'offrir pour une autre occasion, mais je pense qu'au final... je peux me permettre de vous l'offrir maintenant."

Son fils lui glissa une chevalière finement ouvragée à son doigt. D'ou la tenait il? On ne le saura jamais, certainement trouvé dans cette trop grande demeure, dans un coffret à bijoux. Mais l'intention était là, un cadeau, rien que pour elle, personnel, pour lui témoigner peut être une affection qu'il n'avait pas le droit d'extérioriser, si seulement il avait pu... il se contenta de la regarder simplement, peut être admiratif de voir combien sa mère était une belle femme encore.

"Je vous remercie de l'éducation que vous m'apportez. J'aimerai beaucoup, apprendre l'alchimie avec vous, lorsque j'arriverai à Systéria, cela me permettra en plus de passer du temps avec vous, mère."

Et il l'embrassa sur le front avant de se retirer, ne lui laissant pas le choix non plus de lui répondre ou non. Finalement notre cher Mavolio avait hérité de ce caractère spontanné des Recaedre. Il s'enferma dans sa chambre, et pendant quatre jours, l'on ne consentit aucune âme qui vive.

Père,

Pardonnez moi de la missive brève que je vous envoie. Je tenais à vous remercier de ces compléments que vous m'avez fait parvenir, à la fin de leurs études, je partirai directement vous rejoindre. Mère a décidé de s'en retourner à Systéria, je ne l'accompagnerai pas. Je prend bonne note de vos conseils, j'en tiendrai compte dans mes réflexions futures. Je vous répondrai simplement qu'il n'y a qu'un pas entre le dire et le faire. Et que ce pas, parfois, est bien plus grand qu'on ne le croit.

Embrassez Evadne de ma part, je n'ai pas le temps de répondre à sa missive, mais je pense fortement à elle. Je manque de temps, mais bientôt j'en aurai pour le consacrer entièrement à toute la famille.

Je vous aime,

Mavolio Bolton.


Post by Mavolio Bolton, cp - February 17, 2011 at 2:10 AM

"Si tu réalises que le soir, tu te couches sans aucun rêves en toi,
c'est qu'au fond de ton être, tu as perdu la foi."

Esquivant des cartons du manoir, commençant à se réaménager, tout en continuant de griffonner sur son calepin quelques pensées lugubres systériennes, le jeune Mavolio apprenait bien vite dans la citée. Privé d'une famille retournée trop tôt à Zanther, il ne se formalisait que très peu de ces absences d'affections. Même sans avoir rencontré les autres jumeaux, auxquels il démontrait une ignorance sans faille, il arrivait à parler à son entourage de sujets d'actualité, analysant les expressions, les sentiments et réactions.

Son pas feutré alla se planter jusque dans sa chambre, y délaissant sa chemise, qu'il vint poser avec des gestes maniaques, sur le dossier d'une chaise. Son livre de note délicatement posé sur son tout frais bureau, le jeune Bolton regarda son lit avec envie. Il n'était pas encore l'heure pour lui de dormir. Torse nu, le jeune homme se balada jusqu'à ce fauteuil, s'y installant, la pose de celui qui réfléchit. Des livres jonchant la table devant lui, multitudes de livres d'histoire, de quêtes et conquêtes, ou même d'architecture, sa passion n'avait pas changé.

Baron Demenos de Médelia,

J'ai eu vent par mon éducation, de votre passion pour les armoiries des chevaliers, que vous collectionnez depuis des années déjà. Il s'avère qu'à Systéria, mon travail consiste à décrire, trouver l'histoire reliques sacrées de Thaar et de ces fervents combattants. Actuellement je suis la description d'un bouclier et d'une épée tout à fait particuliers.

Ceux-ci sont fait d'un alliage de pyrolithe et d'or ancien, leur offrant la teinte du soleil. Le métal luit même lorsque la lumière est basse, sans pour autant scintiller dans le noir. Le manche de l'épée a été sculpté, formant des lianes entrelacées, auxquelles sont incrustées des rubis. Au centre du manche l'on peut y reconnaître une gemme arcanique d'un vert intense. Sur le bout du pommeau l'ankh a été martelé et les initiales de K.L y sont marquées.

Le bouclier quand à lui, a la forme des pavois des chevaliers, légèrement arrondis sur le dessus, et pointus à son autre extrémité. Il est entièrement gravé de runes et de symboles des vertus thaariennes. A l'intérieur l'on peut retrouver une nouvelle fois les initiales de K.L. On peut noter aussi que sur le côté gauche du bouclier, on a une légère fêlure.
J'ai fait des recherches personnelles, feuilleté les livres du temple de l'Ordre du Soleil, mais aucune indication quand à ces initiales et encore moins que une histoire d'épée et de bouclier enchantés. Je me réfère donc à vous, si vous en avez le temps, savoir si toutes ces descriptions ne vous rappellent pas quelques souvenirs quand à une croisade particulière.

Je vous remercie par avance de vos enseignements, et j'ai hâte de pouvoir de nouveau, converser par missive, avec votre personne.

Mes salutations distingués, Baron Demenos.

Mavolio Bolton.

Un point final après son nom, une heure passé à écrire de la description, une lettre similaire fut envoyée au manoir de sa si chère famille, avec une demande de nouvelles. Il n'espérait vraiment pas trop. La famille Bolton, aimait que les enfants soit indépendants, on dirait que Mavolio avait réussit.

Son corps alors fatigué d'avoir écrit, il alla le nicher dans des draps épais et sentant agréablement le lilas. Toujours au petit soin son esprit se laissait petit à petit divaguer aux courbes de la fée verte, avant de s'endormir définitivement. Le lendemain les missives furent envoyés, et le jeune initié de l'Ordre pu continuer à lire tous ces livres débordant de richesses.


Post by Mavolio Bolton, cp - February 27, 2011 at 9:30 PM

Aucune réponse. Ces zanthériens avaient toujours cette fâcheuse habitude de laisser languir leur convives. Mais jeune Mavolio n'était pas du genre à se laisser amadouer, que ne ferait il pas pour l'ordre du soleil? Ho... en fait il ne ferait pas grand chose au final, zanthérien dans l'âme, zanthérien dans le coeur, jusqu'au bout. On ne se laissait pas corrompre aussi facilement chez les Bolton, voir même pas du tout.

Mavolio avait cette fougue qui caractérisait si bien la jeunesse, il décida de partir en voyage, pusque c'était là une autre des caractéristiques des Bolton. Un billet à l'ordre, pour prévenir de son absence, en quête de la vérité absolue sur ces reliques qui n'attiraient personne.

Inspiration, sur le bateau, un vent de liberté, un soulagement face à cette ville systérienne, leur machinations, et leur hypocrisie. Goûter de la vraie politique, en s'en allant à Médelia, ou l'on savait au moins, de quoi on parlait...