L'ombre d'un retour

L'ombre d'un retour

Post by Bel'labress Mel'Viir - July 9, 2010 at 1:29 AM

Udossta… Enfin de retour, après tant d’années sur cette Île multi-raciale, il était grand temps. Je pose le pied sur le quai du port. Il est désert. Pas même un demi-orque ne pêche pour son maître qui attend sagement son repas. La noblesse est si paresseuse… Sauf en Systéria. Je me crispe de douleur alors qu’une crampe me déchire l’estomac. Depuis quand n’ai-je pas mangé? Je n’arrive même pas à m’en souvenir... Cela doit faire trop longtemps. J’entame mon premier pas, le son de mon pied sur ces planches de bois sèches semble résonner à travers l’air ambiant. Udossta n’avait jamais été aussi sinistre, du moins, à mes yeux. Je lève mon autre pied, il pèse si lourd, j’ai si faim. Je m’effondre sur mes genoux qui présentent déjà des hématomes. Combien de fois suis-je donc tombée? Au sol, je vois une main. Je me doute bien qu’au-delà de cette main, j’y trouverai un bras, une épaule, un corps, un cadavre. Je m’approche en rampant. Jamais je n’ai eu l’air aussi gueuse. Son poignet est lacéré, je ne discerne aucun pouls. Je porte ses doigts glacés à mes lèvres cousues, puis entre deux coutures, je touche son doigt avec le bout de ma langue. Cannibalisme… Non… Jamais… Jamais je n’y avais pens…

Je ferme très fort les yeux et écarte mes lèvres. J’entends le déchirement funeste de ma peau pour me débarrasser de cette atrocité. Je me souviens alors de la Marquise, la Marquise Mel’Viir… « Pourquoi être aussi radicale pour garder le silence? » Je n’ai pas su tenir ma propre promesse, celle que je m’étais faite autrefois. Je tombe dans un coma profond tandis que la douleur l’emporte sur ma ténacité.

Je me réveille, je ne sais combien de temps plus tard. Je constate que je suis toujours aussi seule, ne serait-ce que Monsieur-ventre-qui-grouille-de-vers-pour-parfaire-sa-putréfaction qui me tient compagnie. Le goût de sang séché envahit ma bouche pâteuse tandis que de mes doigts je touche les croûtes autour de mes lèvres. Je décide d’entamer mon festin.

Repue, je reprends ma marche. Quel carnassier suis-je devenue… Reviendrais-je à l’état nature? Je me dégoûte. Je suis répugnée par ma race, par ma vie. Pourquoi suis-je si intelligente et si imbécile à la fois? Pourquoi ce don qui en fait n’était que malédiction? Je marche, longtemps, sans voir ni rien ni personne, et je dois dire que je préfère cela ainsi. Je compte bien me laisser mourir, pour la honte que je suis devenue, moi qui me voulais si parfaite… Jamais je n’aurais dû partir, revenir ici en tant qu’assassin, en tant que vengeur. J’ai une dernière pensée pour Mère. « Reprends cette malédiction, redonne la moi quand je pourrai en faire un don. » Puis comme si ma prière avait été entendue… Mes yeux se ferment, je sombre dans le néant.

Le froid me réveille… Il neige. Combien de temps suis-je rester là, étendue au sol, inerte, considérée pour morte? Pourquoi n’y a-t-il personne dans cette ville déserte? Je me relève. Je n’ai pas beaucoup marché depuis mon arrivée en Udossta, cette nouvelle Udossta, cette pourriture d’Udossta. Je mets mon visage entre mes mains, puis je soupire longuement. Je constate alors que ces marques, ces symboles, ont disparu. Soulagement et panique… Quand retrouverai-je la sagesse? Je connais la réponse, mais je suis trop orgueilleuse pour la suivre. Après des années de marche, des années de méditation, jamais une révélation ne s’est offerte. Mais un jour… je cessai de me mépriser. Je pilai sur mon orgueil et je repris le premier bateau qui passait.

Les mois furent longs et pénibles. Ma santé fragile me fit connaître les plus grands supplices. Cela me rappela mon premier voyage… Le meurtre du chat… L’éternel combat entre le blanc et le noir. Il fallait que je cesse de vivre dans le passé, que je songe plutôt au présent, ou plutôt et surtout, à l’avenir.

Je posai pied pour la seconde fois sur cette terre qui fut jadis mienne, en quelque sorte. Systéria… Rien ne serait plus comme avant. La petite sotte que j’étais ne pourrait se permettre de copier les mêmes erreurs. J’avais l’air d’une mendiante. Évidemment, ce n’était que l’aspect physique. Je regardai les paumes de mes mains, les symboles réapparaissaient, petit à petit… Je marchai des mètres, des kilomètres. Je prenais le temps de tout me remémorer, l’emplacement de chacune des bâtisses, jusqu’à ce que je retrouve ce Manoir. M’ouvrira-t-il ses portes une seconde fois? M’ouvrira-t-elle ses bras encore une fois? Je m’avance. Je songe à faire demi-tour, mais je trouve le courage de cogner, trois coups sourds. Le pardon n’existe pas. Il faut que je lui prouve ce que je vaux réellement.


Post by Sinriia Mel'Viir - July 9, 2010 at 2:54 AM

Aucune réponse ne parvint à la jeune elfe noire, si ce n'est que le propre écho de ses coups résonnant dans la grande demeure autre fois si riche, mais désormais si vide. Les lieux semblaient beaucoup plus morne qu'il ne l'était jadis. Seule la pierre froide et humide se dressait devant l'ancienne fille adoptive de la noble elfe. Quelques bruits de pas retentirent finalement derrière alors qu'n paladin passant dans la rue s'approcha de la grille, retirant son heaume de sur sa tête.

"Mes salutations votre Grâ... Oh navré mademoiselle, pendant un instant je vous avais pris pour la duchesse Mel'Viir... Veuillez pardonner ma maladresse."

Dans un instant de silence, l'homme détailla alors avec plus de curiosité la femme à qui il venait de s'adresser...


Post by Bel'labress Mel'Viir - July 9, 2010 at 4:48 AM

L'elfe noire avait grandi depuis le temps. Elle était grande, très mince, et arborait un air fragile, bien que déterminé. Son chignon d'un blanc pur parfait trônait à l'arrière de sa tête, sans un ornement. Avec son accoutrement, jamais elle n'aurait pu être associée à cette noble et riche famille, d'autant plus que les cicatrices de sa bouche paraissaient toujours, quoi que plus discrètes. Sa voix s'éleva simplement.

-J'aimerais pouvoir rencontrer Madame Mel'Viir, sans vouloir l'importuner.

Évidemment, elle ne pouvait que se faire dévisager. Après tout, n'eut-elle pas été qu'un fardeau pour celle qui jadis était Marquise? Elle attendit néanmoins une réponse, afin de se faire une idée plus concise.


Post by Sinriia Mel'Viir - July 9, 2010 at 5:22 AM

Le paladin eut un léger frisson à la vue des cicatrices de la sombre créature, mais il su se ressaisir avant qu'elle n'en saisisse la teneur. Faisant preuve d'humilité tel qu'il lui était enseigné, il répondit simplement à l'inconnue.

"Madame la duchesse et sa famille ont déménagé il y a quelques mois déjà. Je crois avoir entendu qu'ils se seraient dirigés vers le quartier des pourpres. Sur ce je vais reprendre ma ronde. Bonne fin de journée, et puisse Thaar vous illuminer sur votre route jeune femme."

Ainsi quitta le paladin, laissant derrière lui l'elfe noire devant les portes de l'ancienne demeure de la famille noble.


Post by Bel'labress Mel'Viir - July 9, 2010 at 5:28 AM

Elle tourna simplement les talons. Après tout, il était inutile pour elle de s'attarder à leur ancienne demeure, qui avait même été sienne, un jour qui lui paraissait lointain déjà. Certes, le quartier pourpre, elle avait bien songer d'y aller. Pourtant, elle avait bien noté l'empreinte de dégoût sur le visage du paladin. La visite ne serait pas une bonne idée, surtout pas pour l'image. Un jour, peut-être, celle qui était maintenant Duchesse verrait lors d'une chaude température un Mirage au loin, l'ombre d'une elfe noire.