Vent de changement à Zanther ?
Post by Rédacteur Eru - August 9, 2010 at 8:43 PM
En plein cœur de Medelia, à deux pas du centre-ville et des bâtiments officiels du premier Etat dictatorial de la Ligue de Zanther, un homme et une femme faisait l’amour avec fougue. C’était une grande bâtisse, somptueusement décorée, avec pignon sur rue. Les murs étaient recouverts de velours écarlate, les fauteuils de bois étaient rembourrés pour permettre un somptueux confort à leurs utilisateurs. Des dorures habillaient les poutres du plafond. Une vaste cheminée au centre d la pièce diffusait une lueur tamisée dans le Grand Salon où les clients venaient goutter à toutes sortes de plaisirs. Culinaires, dans un premier temps, cocktails et mets de qualité trônant sur diverses petites tables basses ; puis charnel, une mère maquerelle s’occupant de présenter à ses meilleurs « invités » les plus belles filles et les plus beaux jouvenceaux de la capitale.
Pendant que certains hauts-gradés de l’armée dictatoriale sirotaient leurs mélanges alcoolisés en bonne compagnie, pendant que d’autre enfouissaient leurs visages dans la poitrine de leurs compagnes, un couple se livrait au plaisir des sens, à l’étage, dans une des très nombreuses chambres. Celle-ci se nommait la chambre noire, pour la simple et bonne raison que tout était recouvert de tissus de la même couleur. Le colonel d’une cinquantaine d’années aux tempes grisonnantes termina son affaire et se laissa retomber à côté d’une charmante jeune femme savamment maquillée à la longue chevelure brune. Il respirait fortement, encore sous le coup de l’effort. Elle se tourna alors vers lui et joua avec la toison de son torse, le fixant d’un air taquin.
- Tu m'as fait monter au septième ciel, mon beau ! Tu es le meilleur de mes clients.
Son ton était enjôleur, le militaire adorait quand elle lui parlait comme ça même si elle ne disait pas la vérité. Il s’en moquait, ça faisait toujours plaisir à entendre.
- Tu m’as tout de même l’air un peu contrarié, qu’est-ce qui te tracasse, mon joli ?
Pour toute réponse, il laissa échapper un grognement peu engageant.
- Ah, je vois. C’est encore ta femme… Quelle harpie celle-là !
Voyant que le ton restait assez léger, voire franchement frivole, le militaire qui côtoyait la péripatéticienne depuis déjà de longs mois décida de se confier un peu. On avait beau avoir un cœur de pierre, on baissait facilement sa garde après l’acte.
- Oh si ce n’était que ça ! Non, c’est le pays qui m’inquiète. Ca part à veau l’eau.
D’un mouvement vif, elle lui sauta dessus, s’asseyant sur lui. Elle se pencha en avant pour l’embrasser et frotta sa poitrine généreuse sur son torse.
- Avec un costaud comme toi, j’en doute mon beau. Tu as tout un bataillon à tes ordres et ses muscles… hmmm… j’en suis folle !
Profondément flatté, sa confiance en lui littéralement gonflée par les mots de la jeune femme, le colonel se laissa aller à de nouvelles confidences…
- Ah mais ce n’est pas une question de force, cette fois. C’est cette foutue ville d’Exophon ! Avec ses idéaux, elle nous pourrie toute notre jeunesse. C’est sans compter ces salopards de patriciens qui comptent bien en profiter.
La prostituée lui dédia un sourire charmeur tout en affichant une expression d’incompréhension totale.
- Tu utilises des grands mots, mon tout beau. Qu’est-ce que tu veux dire à ta Tania ?
De ses deux larges mains, il l’attrapa pour la faire rouler sur le lit et ainsi se retrouver sur elle.
- Tu es bien curieuse, ma petite.
Un sourire carnassier se dessinait sur son visage. Elle comprit tout de suite où il voulait en venir.
- Oh… mais je saurai me montrer très gentille, si tu étanches ma soif de curiosité.
Elle passa sa langue sur ses lèvres purpurines, laissant apercevoir ses dents blanches bien alignées. Il n’en fallut pas plus pour que la brute lâche ce qu’elle voulait lui faire dire.
- Ces idées républicaines de mes deux ! Et voila que ça rêve de prospérité, de richesse et de liberté pour tous ! Ah, je t’en foutrais, moi, du Popolo Grasso ! Ya qu’une façon qu’un état fonctionne bien, c’est avec une main de fer dans un gant de fer.
Violemment, il lui attrapa les cheveux et tira sa tête vers lui pour l’embrasser. Il lui mordit la lèvre.
- Oh, tu es si terre-à-terre… Ca ne peut pas être si grave, mon coquin.
Elle se passa à nouveau la langue sur les lèvres mais cette fois-ci, ce n’était pas pour l’exciter mais pour lécher les quelques gouttes de sang qui perlaient.
- Si figure-toi. De pire en pire. Ca se rebelle de plus en plus. Notre seul avantage, c’est qu’ils manquent encore de fonds. Mais avec tous les patriciens qui fourmillent, ça va vouloir faire la ville à la sauce Exophon.
Elle fit une petite moue désapprobatrice, comme si la situation l’importunait.
- Assez parlé ! C’est pas pour ça que je te paye.
Assena-t-il à sa compagne. Ce qui se passa ensuite et bien… chacun le devine. Etrangement, quelques jours plus tard, une petite lettre parvint à Systeria. Elle avait tout d’un document anodin, mais rapportait via un cryptage complexe la conversation qui avait eu lieu dans la maison close de Medelia, celle-là même que le Surintendant avait fait ouvrir de façon très occulte…
Dans le palais du Consul, à des centaines de lieues de là, le Consul d’Exophon Cosme d’Olanno, s’entretenait avec son premier conseiller. Dans une salle au sol habillé de carreaux noir et blanc, aux superbes colonnades de marbre, éclairés par la lumière vacillante des grandes flammes qui dansaient dans la cheminée, les deux individus parlaient à voix basse. Le dirigeant de cette partie de la Ligue arborait une toge bordeaux, assez austère. A son cou, une simple chaîne en or, symbole de sa fonction, seule petite note de luxe chez cet homme au visage ridé et au nez crochu. Dans sa main, il tenait ce qui semblait être un document de très grande importance, bardé de sceaux officiels.
- Vous remettrez ceci au Patricien Bordalini, il fait partie des derniers individus que nous devons faire adhérer à notre cause. Pour le bien d’Exophon, cela va de soi.
- Evidemment, monseigneur. Pour le bien d’Exophon. Pour le bien des Olanno.
Le sourire que le conseiller adressa à son maître était parfaitement obséquieux. Encore un intriguant, mais un intriguant qui savait où était sa place et son intérêt à l’heure actuelle. Il ferait tout pour rester dans les bonnes grâces du Consul.
- Qu’il n’effectue pas le transfert à la Banque du Popolo Grasso. Qu’il passe par des chemins étrangers, des transactions financières à Brégunia et Medelia.
Le petit homme hocha la tête et s’éclipsa rapidement du palais pour entrer dans la demeure du Patricien Bordalini, destinataire de cet étrange document que Cosme venait de fournir à son subalterne. Ce n’est pas le riche marchand qui lui ouvrit mais son secrétaire particulier, un jeune homme qui avait terminé ses études quelques années auparavant. Il avait réussi à se mettre au service d’un personnage respectable, membre du Conseil d’Exophon. D’une extrême discrétion, il attrapa ce qui se révéla être une lettre de créance et se pencha pour murmurer quelques mots à l’oreiller du messager improvisé.
- Mon maître est ravi de cette proposition et l’accueillera avec grand plaisir et force admiration.
Quelques minutes plus tard, on toqua à la porte de la chambre de Bordalini. L’homme était bien en chair, mais on pouvait deviner à sa carrure que c’était un ancien soldat. Sans doute un colonel qui avait retourné sa veste après l’avènement de la République.
- 500.000 florins d’Exophon. Magnifique Thibault. Le Consul aura le soutien qu’il attend.
- Je l’ai d’ores-et-déjà fait comprendre au premier conseiller, monseigneur.
Bordalini hocha la tête, extrêmement satisfait. Il allait congédier son bras droit lorsqu’une question lui vint à l’esprit.
- Combien en restent-ils ?
- Difficile à dire. Trois s’opposent encore, je pense. Malgré la courte majorité, le Consul attend. Il préfère être sûr de recevoir toute l’approbation nécessaire.
- Il l’aura. Si aucun scandale n’a encore éclaté, c’est qu’ils souhaitent simplement faire monter les enchères. Oh… il finira par l’avoir, son Grand-Duché. Adieu, République.
Avec les années, la méfiance qui entourait le secrétaire s’était desserrée. Parfois même, elle était complètement laxiste. Aussi put-il profiter d’un moment de solitude pour rédiger une lettre, destinée à son véritable supérieur hiérarchique pour l’informer de la situation. La République Patricienne ne pourrait pas perdurer bien longtemps face aux ambitions du Consul qui voulait y assoir définitivement sa famille…
Post by Thomas Bolton, Emp - August 13, 2010 at 6:18 PM
Ces deux lettres faisaient au moins un heureux, si tant est qu’il soit possible que le Surintendant de Systeria arbore un jour une quelconque expression de bonheur. Le premier ministre donc, lui-même originaire de Zanther et en particulier de la région de Medelia, plus vieille ville de la Ligue, méditait sur ce qu’il venait de recevoir. D’un côté, l’organisation vieillissante du Général Pilate qui refusait tout compromis commercial, tout partenariat en dehors des frontières et de l’autre, la toute pimpante république patricienne qui n’allait pas tarder à adopter une nouvelle forme de gouvernement. Ah, c’était à croire que l’intérêt d’un seul homme passait souvent avant ceux de la communauté.
« Qui aurait cru que la République d’Exophon allait être si éphémère, monseigneur ? »
Un sourire sans joie se forma sur les fines lèvres pâles du duc lorsque son secrétaire particulier termina sa question.
« Ne sous-estimez pas la famille d’Olanno et les patriciens zantheriens, Cressen. La richesse est un de leur but, mais quand il est atteint, il existe un tout autre prestige qu’ils souhaitent acquérir. Je vois que le Consul va mener cette ambition jusqu’à ce qu’il établisse sa famille à la tête de la région. »
Le fonctionnaire approcha pour déposer un dossier sur la table, hésita quelques instants et se permit une petite remarque qui n’était pas dénuée d’une graine d’insolence.
« Monseigneur est issu d’une famille patricienne. Vous disposez de richesses impressionnantes et d’un titre élevé. »
Une question était sous-entendue dans ses propos : maintenant que ces deux objectifs sont atteints, quel est celui que vous vous êtes fixé ? Le Surintendant la perçu et laissa échapper un petit rire tout en agitant brièvement sa main gauche comme on chasse une mouche un peu trop collante.
« Nous travaillons ensemble depuis de nombreuses années, je pense que vous avez saisi mon objectif premier, Cressen. »
Le subalterne hésita entre une attitude gênée, que lui soufflaient ses principes sur la bienséance, et un petit air de connivence qui aurait été fort à propos. Après quelques secondes de réflexion intense, il choisit la seconde option.
« Que compte faire monseigneur au sujet de ces nouvelles informations ? »
Le duc reposa son regard sur les lèvres, puis les rangea dans un petit coffret de bois qu’il alla placer sur l’étagère de la bibliothèque où trônaient de nombreux livres et rapports.
« Rien en ce qui concerne Exophon. Systeria n’aura aucun intérêt à court-circuiter les volontés du Consul dont les démarches sont déjà finalisées. Mademoiselle d’Olanno renforce également sa prétention à la main de Maemor. Nous serons, une fois encore, les premiers à reconnaître leur légitimité. »
Sa Seigneurie n’en dit pas plus. Son approche se voulait résolument rationnelle. Il avait toujours fait preuve de pragmatisme, ce n’était pas maintenant qu’il allait changer sa vision des choses.
« Pour Medelia, cependant, la situation est toute autre. »
D’un pas vif, il retourna à son bureau pour rédiger une note à l’attention de la maison close qui avait ouvert en plein cœur de la cité. L'écriture était différente de celle qu'il utilisait habituellement. La destinataire était la mère maquerelle.
« Transmettez ceci à notre chère amie. Il est temps d’ouvrir Medelia au monde, ne pensez-vous pas, Cressen ? »
Le secrétaire acquiesça distraitement puis attrapa la lettre pour la faire acheminer par des moyens qu’il serait imprudent de révéler ici vers sa destination au sein de la Ligue de Zanther.
Madame,
Les informations que vous m’avez transmises il y a peu m’amènent à penser qu’une opportunité commerciale dans la province de Medelia est possible.
J’apprécierai que vous étudiiez la situation auprès de la bourgeoisie pour voir ce qu’il en est de la bonne utilisation de ses capitaux. Il n’est pas impossible que je m’y associe à plus ou moins grande échelle afin de participer à l’essor économique que cette opportunité représente.
Votre obligé
Toute en nuance, tout en subtilité, mais le message était clair. Tout du moins, pour quelqu’un qui connaissait la situation…
Post by Rédacteur Eru - September 19, 2010 at 2:18 PM
Dans une cave enfumée de Medelia, plusieurs personnages étaient réunis. A eux seuls, ils formaient un échantillon de la population de cette région de la Ligue de Zanther. Quelques hommes portaient des vêtements usés : sans aucun doute des paysans ou des artisans. D’autres arboraient des habits plus luxueux. Ce devait être des marchands ou des propriétaires terriens. Certains fumaient de gros cigares qu’ils dégustaient en prenant leur temps. Quelques femmes étaient là également, de toutes les couches sociales. Chose étonnante, il y avait même un ou deux capitaines de la junte en place. Les plus pauvres du groupe les regardaient avec un air mauvais.
L’horloge sonna trois heures du matin quand un individu encapuchonné pénétra dans la pièce. La cape était d’un bleu nuit mat. La silhouette dodue avança dans un silence de mort et s’installa en bout de table : si tout ce petit monde avait été réuni, c’était à sa demande. Pourtant, il n’avait rien d’un chef ou d’un meneur. Certains semblaient même le considérer avec une extrême méfiance et il en était conscient. Après tout, c’était son rôle de tout planifier. Ca évitait les mauvaises surprises.
- Merci à tous d’être venus dans un délai si bref.
Sa voix était légèrement traînante et avec un petit quelque chose d’obséquieux, sans que cela soit vraiment manifeste.
- Je sais que votre temps à vous est précieux, c’est pourquoi j’irai droit au but.
Alors qu’il allait continuer, un des artisans donna un fort coup de poing sur la table et se leva. Il lança un regard noir aux deux militaires présents et les pointa du doigt en les interpellant.
- Pourquoi vous êtes là, vous ? Vous n’avez rien à faire ici ! Les rats du pouvoirs n’ont pas leur place avec le vrai peuple ! Celui qui tient le destin du pays à cœur !
Dans la petite assemblée, des murmures d’approbation se mêlèrent alors avec quelques grognements de mécontentement. Le gros homme leva la main pour demander le silence.
- Ces hommes sont là car ils partagent vos idéaux, mon cher. Ils seront vos yeux et vos oreilles au cœur de ce gouvernement que vous abhorrez.
Les deux capitaines se contentèrent de hocher la tête sans rien ajouter. L’autre n’en avait pas fini.
- Et quelles garanties avons-nous que ce ne sont pas des agents doubles ?
Le gros homme dédia à son interlocuteur un sourire charmeur, mais qui ne fit aucun effet.
- Nous savons tous quels rôles vous jouez à Medelia actuellement. Je pense que nous serions tous pendus haut et court s’ils étaient réellement des traîtres à votre cause.
La petite phrase fit son effet et le rebelle reprit sa place sur son siège, mais toujours méfiant.
- Ma maîtresse aimerait s’associer avec vous, avec votre cause.
Une des bourgeoises, venue avec son mari, s’éclaircit la voix et demanda d’un ton malicieux :
- Cela, nous l’avons tous deviné, je crois. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir ce que nous pourrions y gagner.
L’encapuchonné découvra son visage et laissa voix son double-menton et ses joues bien dodues. Il sourit à la femme, puis à l’assemblée, les dévisageant un à un.
- De l’or, tout d’abord. Pour financer l’enrôlement de troupes, l’achat de matériel. Armes et protections décentes. Corruption des autorités locales, également. Tout un panel relativement vaste de moyens qui pourraient vous êtes utiles.
Un des gros bourgeois éclata de rire. Mais à trop abuser du cigare, il devint rouge vif et se mit à cracher ses poumons. Le gros systérien attendit qu’il ait terminé pour le laisser parler.
- Ah oui ? Et à quoi bon ? C’est nous, la bourgeoisie, qui finançons, qui tenons les cordons de la bourse. On peut déjà se permettre tout ça.
L’obèse se fendit de son sempiternel sourire charmeur.
- Oui… Sans aucun retour sur investissement, monsieur. Oh, certes, la fin de l’autarcie vous permettra de faire des bénéfices substantiels, mais sur le long-terme.
Il laissa sa phrase en suspend quand certaines femmes richement vêtues approuvèrent d’un signe de tête. L’une d’elle se permit même un petit commentaire.
- Il n’a pas tort, très cher. Ce n’est pas négligeable. Nous sommes obligés de nous restreindre et cela à un impact sur les maigres affaires que nous possédons déjà. Le marché noir coûte déjà suffisamment cher avec ses intermédiaires.
L’homme dodelina de la tête. L’argument pesait son poids. Un des capitaines prit alors la parole.
- C’est tout ?
- Non, ce n’est pas tout, capitaine. Nous vous offrons un appui diplomatique de choix. A la minute même où le nouveau gouvernement prendra forme, vous serez immédiatement reconnu par Systeria. Nous assignerons le diplomate de la junte à résidence.
- Et alors ? A quoi ça sert un appui diplomatique ?
C’était un des artisans qui parlaient.
- A vous offrir une ouverture à l’international. Vous ne pouvez pas vous contenter de suivre vos partenaires zanthériens. Il vous faut aller vers la modernité. Vers une nouvelle façon d’aborder le jeu des alliances.
Le bourgeois de tout à l’heure reprit la parole.
- Et pourquoi pas Verte-Colline ? C’est une puissance commerciale qui, j’en suis sûr, approuverait notre nouvelle conception de la gouvernance.
L’obèse allait répondre mais la femme du bourgeois lâcha ce qui ressemblait à un jappement outré.
- Oui, c’est cela, contentons-nous d’un seul partenaire diplomatique, d’une bande de demi-portions sous la menace constante de ces noirauds d’Udossta. Avec Systeria, nous bénéficierons d’un jeu d’alliance profitable.
Son époux grommela, soufflé par la remarque.
- Combien ?
- 400.000 pièces d’or. Sans compter les avantages d’une collaboration étroite dans le futur.
Tous firent un tour de table, se dévisageant un à un. Les capitaines haussèrent les épaules, les yeux des paysans brillèrent et les marchands prirent un air satisfait. Une sacrée épine en moins dans les dépenses futures. C’est une des bourgeoises qui signifia son accord.
- Nous avons-là notre accord. Quand serons-nous livrés ?
- La somme est actuellement acheminée vers les manoirs des différents financeurs de chaque district de la région. Elle est proportionnelle aux besoins de chaque lieu.
Une nouvelle heure fut ensuite nécessaire pour mener à bien des négociations sur des points subsidiaires. Varen avait mené à bien sa mission. En s’immisçant dans la politique de Medelia, la Petite Sœur pourrait obtenir des bénéfices fructueux dans ses tractations géopolitiques. Bien évidemment, le premier ministre de Cybelle fut informé des dernières nouvelles en la matière…
Post by Thomas Bolton, Emp - September 21, 2010 at 11:01 AM
Effectivement, Sa Seigneurie reçut une lettre de Varen quelques jours après les négociations officieuses qui se tramaient dans les sous-sols de Medelia. Satisfait, il en prit acte et la rangea dans un petit coffret qu’il cachait dans un des nombreux compartiments secrets de son austère bureau. Deux semaines passèrent alors sans qu’aucune nouvelle ne lui parvienne. Les choses se mettaient lentement en place, il aurait été mal venu de perturber leur bon déroulement par des contacts trop fréquents et trop impatients. Sa légendaire patience fut alors récompensée quand l’obèse entra un beau matin dans son bureau.
« Bonjour, monseigneur. J’ai des nouvelles toutes fraîches pour vous. »
D’un geste de la main, le premier ministre invita son maître-espion à le suivre dans la petite tourelle qui surplombait la cité et qui lui permettait d’avoir une vue d’ensemble sur la capitale et ses environs. Varen esquissa une petite moue, il n’aimait jamais faire trop d’efforts et l’échelle en représentait un bien important pour quelqu’un de sa stature. Il n’en dit rien, cependant.
« Pour le paiement, il y eut quelques petites frictions, au début. Chacun arguant qu’il n’avait pas assez comparé au voisin. Ils ne comprenaient pas comment avait été attribué notre petit investissement. », annonça-t-il en découvrant toutes ses dents.
« Un problème que vous avez vite résolu, je présume ? »
L’obèse acquiesça rapidement, content de lui.
« Bien évidemment. Après quelques âpres discussions, j’ai réussi à calmer tout ce petit monde. »
Thomas hocha sèchement la tête et agita légèrement sa main gauche pour lui faire signe de poursuivre. Son regard balayait les toits d’où s’échappaient des volutes de fumées : Systeria se réveillait.
« La course à l’équipement a bel et bien commencé. Le marché noir coûte cher, mais le matériel est de bonne qualité. Les paysans, artisans et autres classes populaires s’entraînent. La situation est officiellement explosive, la junte prend déjà des mesures répressives. Un village a été rasé en bordure de Medelia, femmes et enfants sont morts. »
« La stupidité des militaires. En faisant un exemple, ils renforcent d’autant plus la détermination de leurs opposants. Le peuple n’a plus peur, de telles mesures sont alors plus dangereuses pour eux que pour lui. »
Varen hocha sa grosse tête en approuvant. C’était bien le seul effet qu’avait provoqué ce déferlement de violence contre des êtres sans défenses.
« Les tribunaux militaires ont également débuté. Quelques pions en ont fait les frais, tout comme des intègres dévoués au Général en place. »
« Excellent. Laissons-les se prendre à leur propre jeu. C’est à se demander comment la junte a pu se maintenir si longtemps en place. »
« Certes, monseigneur. Un appareil gouvernemental lent et archaïque. C’est la peur, tout simplement. »
« Peur annihilée en quelques années par l’espoir qu’ont donné à leurs concitoyens les gens d’Exophon. »
Varen hocha la tête et s’approcha légèrement du Surintendant.
« A ce sujet… les tractations vont bon train. La cérémonie de couronnement du Grand-Duc d’Olanno est prévue l’an prochain, à la date anniversaire du renversement des militaires de la région. »
Un sourire amusé s’esquissa lentement sur les fines lèvres pâles du premier ministre de Systeria.
« Cosme d’Olanno ne manque pas d’aplomb, il faut bien le reconnaître. »
« C’est ce que me murmurent mes oisillons, monseigneur. »
Le duc se retourna alors vers son interlocuteur, détournant son regard de la cité et le posant droit dans les yeux de l’obèse.
« Retournez sur place et veillez à préserver nos intérêts. »
Le gros homme s’inclina bassement et quitta la petite tourelle. Il embarqua le jour-même pour retourner en plein cœur du théâtre des opérations…
Post by Rédacteur Eru - October 30, 2010 at 12:48 PM
Quelques années s’étaient écoulées depuis l’accord passé entre Systéria et les dirigeants de la rébellion. Le financement de la Petite Sœur s’était fait sans heurts ou tout du moins, sans incidents majeurs. Les classes bourgeoises de la région zanthérienne de Medelia avaient ainsi pu consacrer une partie de leur fortune à renforcer leurs positions sur tout le territoire. Alors qu’au départ, chacun agissait caché, la dernière année leva le voile sur les différentes forces en présence. Plus personne ne se cachait pour la simple et bonne raison que l’armée de la junte avait été vaincue à de nombreuses reprises et repoussée dans la capitale.
Là encore, ce n’était pas la ville qui subissait le siège, mais l’antique palais aux colonnades occupés par le Général, les quelques colonels encore suffisamment loyaux pour le suivre et un petit régiment de soldats divers. Contrairement à ce que n’importe quel quidam pourrait penser, à l’intérieur de ce vieil édifice, la résistance restait vivace. Les celliers contenaient énormément de nourriture et un puits sous-terrain permettait un approvisionnement continu en eau douce. N’oublions pas que Zanther est depuis des générations un pays de militaires et de tacticiens : les défenses du bâtiment en étaient le reflet. Malgré tout ceci, la vie quotidienne conservait son cours habituel.
La seule différence provenait de la gouvernance : la plupart des grands propriétaires fonciers s’occupaient de gérer les différents districts de la région, remplaçant les capitaines des casernes, depuis longtemps retranché avec le Général ou partis en direction de Xerdonia. Oui, on parle souvent d’Exophon et de sa République, de Medelia et de sa rébellion, mais jamais de Xerdonia. Et bien le pays était devenu et depuis des lustres le refuge de tous les anciens partisans des anciennes juntes de la Ligue. Tous les réfractaires aux nouveaux régimes politiques, tous les nostalgiques d’un pouvoir autoritaire détenu par les militaires étaient venus rejoindre les rangs du Général Merodach. Ces flux avaient eu plusieurs effets :
Le premier, c’est que toutes les classes bourgeoises qui avaient pu vivre à Xerdonia avaient quitté cette région, largement aidées par les forces armées de la junte. La plupart avaient trouvé refuge auprès du Consul d’Olanno, mais certaines avaient émigré pour Medelia et favorisé la guerre civile actuelle. Le second effet, c’est que la disparition de ces riches propriétaires qui désiraient briser l’autarcie n’avait pas permis la propagation d’idéologies révolutionnaires. Cet effet fut grandement renforcé alors que les rangs de Merodach se faisaient de plus en plus nombreux. Xerdonia resterait hermétique à toutes ces modifications guidées par des idées libertaires. Même si la fuite des capitaux l’avait appauvrie, la junte restait sauve et c’est tout ce qui importait aux militaires.
Mais revenons-en à Medelia. Au Palais de Justice, les têtes pensantes s’étaient rassemblées. La plupart d’entre eux étaient les mêmes que ceux qui avaient pu discuter avec le gros espion systérien. Un ou deux manquaient, sans aucun doute découverts dès le début des hostilités et pendus haut et court. Ils étaient rassemblés autour d’une grande table sur laquelle était étalé un vaste plan qui représentait l’édifice où se réfugiait le Général Pilate. Un homme d’âge mûr, tout vêtu de noir, se tenait aux côtés d’une superbe femme aux cheveux noirs parés de superbes anglaises. Elle portait une robe de soie bleu nuit. Ses yeux noirs détaillaient les plans. Soudain, elle s’arrêta et tapota ce qui ressemblait à une galerie cachée.
- Je vous avais dit qu’il en contenait plusieurs, mais les plans sont délibérément difficiles à décrypter.
Se tournant vers son interlocuteur, elle arborait un sourire satisfait.
- Je n’aurais pas remis votre parole en doute, Augusta.
- Bien, bien. Alors, vous sentez-vous prêt à mettre le roi en échec, Temirec ?
- En échec et mat, Augusta. C’est faisable.
Tout en prononçant ces quelques paroles, il tapota sa ceinture qui contenait une dague bien acérée dans un étui sombre dépourvu de fioritures. Une bourse était accrochée sur sa hanche gauche, elle contenait ce qui ressemblait curieusement à des billes de deux couleurs différentes. Assurément, ce ne devait pas servir à jouer dans les cours d’écoles.
- Ce soir, mesdames et messieurs, nous prenons le pouvoir.
C’était d’une voix assurée et ravie que la dénommée Augusta s’adressait à ses hôtes.
Quelques minutes plus tard, une silhouette fine et élancée, presque invisible dans la nuit noire, escaladait la façade du palais du Général, au moment où la relève se faisait et où les deux gardes étaient les moins vigilants. Sans trop de mal, il réussit à atteindre le toit. Avec une discrétion sans pareille, il se faufilait sur les tuiles en prenant garde de ne pas glisser. Il s’en sortait à la perfection : avait-il fait ça toute sa vie ? Bien sûr que oui. Soudain, il perçut un mouvement, une des sentinelles le remarqua. Avant qu’il ait pu alerter certains de ses collègues, Temirec attrapa une bille de couleur rouge dans sa bourse et la lança avec une habileté peu commune sur son adversaire.
Comment savait-il qu’elle était de couleur rouge dans la nuit noire ? La texture, les rouges étaient lisses tandis que les bleues étaient rugueuses. Mais passons. La petite bille s’évapora dans un nuage de poussière. Une inspiration et l’homme s’endormit immédiatement. Durant ce laps de temps, juste après avoir lancé la bille, l’homme en noir se glissa avec rapidité derrière son opposant et le rattrapa quand il commença à vaciller. Il le déposa délicatement sur le sol et reprit son chemin : ses collègues finiraient par le découvrir d’ici quelques minutes mais d’ici là, sa mission serait terminée. Et si lui-même était découvert et bien… cela faisait partie des risques du métier. Être un assassin comportait des risques, il fallait tout bonnement l’accepter.
Finalement, Temirec se glissa dans une pièce faiblement éclairée, s’approcha d’une statuette murale et lui tapota la tête. Un petit « clic » sonore se fit entendre. Un pan de boiserie du mur s’ouvrit alors. C’était une porte dérobée qui menait sur un couloir absolument pas éclairé et plein de poussière. Les militaires devaient en avoir oublié l’existence. Notre assassin attrapa alors une petite bille rugueuse dans sa bourse et la frotta tout doucement. Elle émit quelques étincelles qui l’illuminèrent légèrement. Il pouvait enfin s’engager dans le couloir, répétant avec précaution ce petit manège. Au bout d’une minute de marche prudente, il aperçut une lumière qui perçait par deux trous. Il devait être arrivé à destination.
Ces deux interstices avaient été creusés dans un vaste portrait qui occupait tout un pan de mur et permettait d’observer sans être repéré une vaste pièce qui ressemblait à un grand appartement. Le Général dormait avec agitation, la bougie de sa table de chevet n’était pas tout à fait éteinte. Temirec repéra un petit crochet qui lui permit de faire pivoter la peinture et de pénétrer dans la pièce. Il y eut quelques grincements. Le Général s’agita quelque peu mais reprit sa position initiale. A pas de loup, l’assassin approcha, sortit lentement sa dague du fourreau et la plaça sous la gorge du militaire qui se réveilla en sursaut. La menace, cependant, le paralysa.
- Général de Medelia, j’ai l’honneur de vous annoncer que vous allez être assassiné par mes soins. N’y voyez là rien de personnel. J’espère que vous serez satisfait de mes services.
Les yeux bovins du général encore somnolent s’ouvrirent en grand, tandis que d’un coup de poignet vif, l’homme en noir tranchait la gorge du dictateur qui mourut presque instantanément : la carotide fut sectionné d’un coup et le métal de la lame devait avoir été empoisonné. Soudain, au loin, il entendit un sifflement. Le son puissant d’une cloche s’éleva alors dans tout le palais. A l’extérieur, la fameuse Augusta et ses fidèles se raidirent : annonçait-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Ils le sauraient très bientôt…
L’assassin ouvrit une des fenêtres et grimpa rapidement pour atteindre le toit. De là, il attrapa les billes rugueuses et les jeta sur les tuiles, tout autour de lui. De multiples explosions lumineuses s’élevèrent alors dans le ciel noir, éclairant toute la cité. Aussitôt, des cris de joie jaillirent de la populace rassemblée devant les fortifications du palais. Déjà, les gardes fuyaient le bâtiment comme les rats quittaient le navire. Augusta, elle aussi, ne put s’empêcher d’hurler sa joie. Son heure arrivait. Non, son heure était arrivée !
- Le Général est mort ! Vive la République de Medelia !
Les citoyens hurlaient déjà des phrases similaires dans les rues de la capitale. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre parmi les anciens rebelles…
- Il est temps de nous mettre au travail, mesdames et messieurs.
Elle se détourna alors de la résidence de feu le Général Pilate pour prendre la route qui la menait au Palais de Justice. Les grands bourgeois qui l’accompagnaient la suivirent prestement. La plupart des gens ne la connaissaient pas, ne savaient pas ce qu’elle faisait là mais la foule a des comportements parfois étranges : tout le monde les acclamait !
- La Junte est morte, la République est née. Faisons-la prospérer.
C’est ici, en quelques heures, que se joua le destin de Medelia. La République Patricienne fut proclamée. Rapidement, les premières charges furent distribuées. Il faut dire que ces quelques années depuis le début de la rébellion avaient largement permis de préparer la prise de pouvoir. Un conseil fut créé pour former la future gouvernance. Il comprenait :
- Deux des plus riches bourgeois de cette région de Zanther, les Secrétaires des Finances, Madame Winvoe et Monsieur Erole, qui se chargeront respectivement du commerce intérieur et du commerce extérieur.
- Un représentant des classes moyennes qui aurait la gestion des forces de police, le Commissaire Solomon.
- Un ancien colonel qui avait depuis longtemps tourné sa veste et qui aurait pour tâche de réorganiser puis de maintenir l’armée, le Colonel Posthume – oui, c’est un prénom à Zanther.
- Une mage, Madame Selaquii, qui avait utilisé ses connaissances pour donner un appui non-négligeable à la révolution, avec quelques condisciples. Secrétaire d’Etat aux Affaires Occultes.
Ces individus, tous plus ou moins proches de Madame Augusta Margolotta, l’élurent Patricienne. Ce serait elle qui présiderait ce Conseil, qui assurerait la gouvernance de l’Etat et s’occuperait de la diplomatie ainsi que de la justice, personnellement. C’était une charge que l’on possédait à vie.
Post by Thomas Bolton, Emp - October 31, 2010 at 1:01 PM
Et à peu près au même moment que l’assassinat du Général Pilate à Medelia, le Surintendant avait fait installer une estrade sur la place publique, près du palais. Des bancs avaient été tout spécialement installés en face, pour les différents ambassadeurs présents sur le sol systérien. La foule aurait également tout le loisir de se rassembler pour assouvir sa curiosité maladive : qu’allait donc annoncer le seigneur Bolton ? Déjà, un peu avant qu’il n’arrive, des petits groupes de badauds s’étaient formés un peu partout. Des scribes étaient installés non loin de l'estrade pour copier la déclaration qui allait avoir lieu et l'envoyer à toutes les ambassades étrangères.
« Merci à tous de vous être déplacé », annonça-t-il tout de go en balayant le groupe de diplomates qui se trouvait en face de lui.
Tous les représentants de Zanther étaient là, sauf un seul, le diplomate de Medelia. Ca n’avait pas manqué de provoquer de nombreux commentaires chez leurs collègues étrangers.
« Lorsque dans le cours des événements de l’Histoire, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l'ont attaché à un gouvernement totalitaire, il convient d’en examiner les fondements. »
Son regard se posa sur une femme qui se tenait dans la foule, vêtue d’une robe bleue nuit aux dentelles noires, l'air aussi avenant qu'une porte de prison, l'expression neutre. Prenant une inspiration, il enchaîna :
« Systéria reconnaît des droits inaliénables : la vie et la liberté. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, la changer ou l'abolir en vue d'établir un nouveau gouvernement s’avère parfois nécessaire. Il convient alors d’en organiser la forme qui sera alors la plus propres à lui donner la sûreté et une bonne gestion. La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères, et l'expérience de tous les temps a montré, en effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables qu'à se faire justice à eux-mêmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés. Mais lorsqu'une longue suite d'abus et d'usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre à une junte immobile et statique, il est normal de voir rejeté un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à la sécurité future. Telle a été l’action de Madame Augusta Margolotta et de tout le peuple de la région de Medelia. »
Une nouvelle pause, accompagnée d'un nouveau regard à la femme informa le premier ministre que ça piaillait chez les diplomates ! Ce discours avait un air de déjà vu, quand Exophon était devenue une République. Les Landais discutaient fortement avec les Berguenois, à tel point que ça n’avait même plus la forme de murmures. L’ambassadeur Xerdonia, lui, bougonnait fortement et jetait des regards noirs à la ronde.
« Longtemps, la junte au pouvoir a cherché à mettre obstacle à l'accroissement de la population et de sa richesse, bannissant par là-même toute prospérité par une autarcie cruelle. L’Empire Systérien constate donc la justesse de cette révolution qui a permit l’établissement d’une République Patricienne où les droits inaliénables sont et seront respectés. »
*Alors qu’il prononça la phrase, le représentant de Xerdonia se leva et hurla : *
« Outrage ! »
Mais c’est à peine s’il fut entendu, tellement les messes-basses s’étaient transformées en discussions vives et animées.
« En conséquence la Couronne, par ma voix, déclare solennellement reconnaître la légitimité du nouveau gouvernement de la capitale Zantherienne de Medelia et de sa dirigeante, la Patricienne Augusta Margolotta ; que comme état libre elle est en droit de conclure la paix, de contracter des alliances, de réglementer le commerce et de faire tous autres actes ou choses que les États indépendants ont droit de faire ; et pleins d'une ferme confiance dans nos relations futures, nous engageons mutuellement au soutien de cette déclaration, notre bien le plus sacré, l'honneur. »
Tout en prononçant ce discours, le Surintendant fit un signe à la femme d’approcher et de prendre place sur le banc des ambassadeurs.
« A l’heure même où je vous parle, Medelia n’est plus une junte. En vertu d’un accord entre nos nations, l’actuel diplomate, représentant du Général Pilate, est mis aux arrêts. Il sera renvoyé sous peu pour être jugé par le nouveau gouvernement. Madame Eleanore Winvoe prend sa place. »
Outré, vert de rage, l’ambassadeur de Xerdonia quitta sa place en pestant. La femme en question, elle, celle-là même que le duc regardait tout le long de son discours se leva et s’inclina devant ses confrères, arborant un sourire satisfait. Ah, la synchronisation était parfaite : l’annonce de la reconnaissance du gouvernement avant même que la nouvelle dépasse les frontières ! Les accords occultes avaient fait leur travail. Bien évidemment, tout aurait pu être remis en cause, mais le rapport de force était tel que Thomas aurait eu peu de chance de se tromper…
[HRP : Je n'ai aucun mérite pour le discours, il vient d'ici.]
Post by Rédacteur Eru - November 1, 2010 at 6:51 PM
Exophon, la Grande Exophon. La Première République Patricienne de Zanther… Etait sur le point de vivre ses derniers instants. A peine Augusta Margolotta avait été nommée Patricienne de Medelia que le Consul Cosme d’Olanno, actuel dirigeant d’Exophon, engrangeait tous les préparatifs pour organiser son couronnement. Tout son Conseil avait été acheté, des sommes folles avaient été dépensées, mais le vieil homme obtiendrait ce qu’il désirait : une assise dynastique pour sa famille. Certes, sa charge lui avait été confiée à vie, mais elle n’était pas héréditaire. Un problème que le riche banquier avait travaillé au corps pendant de nombreuses années.
Or donc, il advint qu’un après-midi radieux ses plans s’achevèrent. Tous les ploutocrates de la capitale avait été invité pour assister à cet évènement. L’information n’avait mis que très peu de temps à percer, le bouche-à-oreille avait fait son affaire et un communiqué officiel avait suffit pour confirmer le changement de gouvernement. Des fanfares paradaient dans les rues bondées de la capitale pendant qu’une foule importante se rassemblée devant l’Hôtel de Ville, un superbe palais mêlant la modernité des ingénieurs d’Exophon et l’élégance du style architectural de la cité. La Tour de l’Horloge surplombait la Grand Place où le Consul prononçait un discours.
Le vieil homme au nez crochu, à la peau fripée, était vêtu de sa traditionnelle toge rouge et de son chapeau de patricien. Oh, il était vieux, mais n’avait pas perdu son éloquence. Dans sa harangue, il appelait à la stabilité que seule pouvait donner une dynastie forte et bien établie. Il n’y eut aucun mécontentement : les grands avaient été achetés et les citoyens qui commençaient à grommeler étaient sommés de rentrer chez eux avec l’aide bienveillante de la garde. Le discours se termina lorsque les coups de trois heures sonnèrent. Sous bonne garde, le Consul pénétra dans le palais avec les plus riches marchands et banquiers d’Exophon.
Ils traversèrent les trois cours intérieures, passèrent devant les superbes jardins et pénétrèrent dans la Salle des Cinq Cents. Les murs étaient recouverts de panneaux de bois peints représentant diverses scènes de l’Histoire de la cité, à l’époque des guerres au sein de la Ligue puis de sa résistance contre Brégunia et ses velléités impérialistes. Le plafond, peint également, représentait les importants épisodes de la vie de Cosme. Pour les observateurs avisés, une nouvelle scène avait été ajoutée : la glorification du futur Grand-Duc. Une musique claire et limpide s’éleva alors dans les airs au fur et à mesure que les invités entraient et s’installaient.
En plus de ses propres ressortissants, le Consul d’Olanno avait fait venir princes, nobles et autres officiels des pays étrangers afin d’obtenir une légitimité s’étendant également à l’international. Ce serait sa consécration, la reconnaissance de son pouvoir par les plus hautes autorités d’Enrya. Lentement, il s’approcha de l’estrade et grimpa dessus. Une couronne ducale austère et modeste était posée sur une grande table. Cosme la prit dans ses mains et dévisagea l’assistance devant lui. Il esquissa ensuite un mince sourire et proclama son nouveau statut :
- Citoyens d’Exophon, marchands et banquiers, sommités d’Enrya, je vous remercie d’être venu. Votre présence signifie beaucoup pour ce futur gouvernement que je vais instaurer. Nous avons, nous les habitants de la Ligue, souhaité mettre à bas une junte restrictive. Suite à cela, nous avons décidé d’établir un système plus juste, un système qui permette à tous de prospérer. La République est née. Après toutes ces années, nous avons augmenté l’importance de notre commerce, développé notre finesse architecturale. Cependant, quelque chose manque : la stabilité. Un pouvoir fort et juste, entre les mains d’un souverain lettré. C’est ce que je vous offre aujourd’hui, citoyens d’Exophon, avec l’accord unanime des Conseillers.
D’un geste particulièrement simple et serein, il se plaça la couronne sur la tête.
- C’est pourquoi, en ce jour, je proclame la fin de la République et l’instauration du Grand-Duché d’Exophon ! En tant que Patriarche de la Famille d’Olanno, je prête un serment solennel. Notre sang est désormais lié à Exophon et nous ne vivrons désormais que pour elle.
Des acclamations et des applaudissements fusèrent. Dans un coin de la salle, dans la pénombre, une superbe jeune femme à la chevelure rousse souriait avec une satisfaction non-dissimulée. Caterina d’Olanno.
La cérémonie avait été plutôt simple et c’était le but recherché. La mécanique gouvernementale du pays ne changerait que très peu. Sa Grâce d’Olanno avait le pouvoir absolu, mais le Conseil des ministres, constitués de ploutocrates en majorité et de quelques aristocrates était maintenu. Cosme continuerait de régner avec des ministres et des représentants des citoyens. La seule différence, en somme, était l’hérédité de la charge, désormais en vigueur…
Tant de changement en si peu de temps ! A croire qu'ils s'étaient tous donnés le mot. La Ligue changeait profondément de visage : d'un côté, la rêche Xerdonia du Général Merodach et ses militaires ultra-conservateurs, de l'autre le Grand-Duché d'Exophon de Cosme Ier et la République Patricienne d'Augusta Margolotta.