Lorsque les grands moyens sont nécessaires

Lorsque les grands moyens sont nécessaires

Post by Yasmine - August 26, 2010 at 8:46 AM

Cuisinons la faiblesse et les désirs de l'Homme

Une chose est commune à tout les mortels, qu'ils soient pauvres ou bien nantis, hommes ou femmes, de bonnes familles ou orphelins, tous les êtres vivants sont régis par des désirs inconscients, des volontés et des pensées incontrôlables qui surgissent en une fraction de secondes dans nos esprits. Ce fait, dont nul ne peut se dissocier, légifère en soit tout ce qui est doté d'une pensée. Que nous soyons des êtres humains, des créatures maléfiques ou de simples animaux, en nous dépouillant de toutes nos facultés artificielles et de toutes nos habilités surnaturelles et divines, il est force de constater que nous sommes tous constitués de la même base : des corps qui intéragissent avec un univers stimulant. Que ce soit par la vu, l'odorat, l'ouï, le goût ou le toucher, un univers de sensations nous inondent sans cesse, nous laissant tous vulnérable à un affaiblissement de notre rigidité qui pourrait nous porter à succomber à ces petits fantasmes quotidiens. Il est impossible d'asservir ces désirs à l'autorité, voire un péché de tenter de contrôler l'intérieur d'une conscience qui nous est imposée. Soumis à nos passions, voilà ce que nous sommes, et une fois que cette réalité vous est évidente, vite vous comprendrez qu'en contrôlant les désirs d'un Être, vous contrôlerez l'Être en soit. Cette maxime, si l'on peut désigner cette règle ainsi, n'avait plus aucun secret pour Yasmine. Bien que tous et chacun ont des désirs bien propres à leurs personnes, cette jeune demi-elfe avait trouvé moyen d'allier toutes les portes d'entrées de l'esprit humain en un seul et même désir qui était commun et universel à tous : la nourriture. Bien que celle-ci soit considérée comme un besoin essentiel, la nature de celle-ci et la qualité de cette dernière peut faire d'elle un luxe, luxe auquel tous aiment se livrer, à différent degré. Comptant aussi sur le côté éphémère de cette matière, contrairement à un lustre ou une magnifique demeure, les individus goûtent imparfaitement et trop brièvement ce désir et celui-ci reste donc toujours insatiable, l'on n'en conservent qu'une idée confuse et lointaine, le goût des arômes et les sensations offertes disparaissant presque aussitôt. La nourriture... voilà ce qui deviendrait, espérait-elle, son billet d'entrée dans le monde systérien...

Salagadou, la menchikabou, la Bibidi Bobidi Bou,
Mélangez tout çà, et vous aurez quoi ?
Bibidi Bobidi Bou !

<<Les fraises, les framboises, les myrtilles et les groseilles...>>

Déposant les petits fruits dans un bol, la femme contempla ceux-ci un moment. Il était ardu de savoir ce à quoi elle pensait lorsqu'elle figeait son regard sur un objet... En fait, cela était impossible. Non pas que cette jeune demoiselle était inexpressive, elle se contentait simplement d'utiliser la même expression faciale factice peu importe la situation dans laquelle elle était plongée. Prise de panique, victime d'un malaise social, décidément embarrassée? Toujours la même expression... Des grands yeux colorés qui dégageaient un certain côté chaleureux se posent sur son interlocuteur sans lâcher prise une seule fois, et un sourire... Ô ce sourire... Un sourire parfaitement contrôlé, marqué par une modération et une retenue remarquable. Pas trop étendu pour ne pas amplifier les plis de son visage et pour bien mettre en évidence ces petits pommettes et montrant juste quelques dents de sa mâchoire supérieure pour ne pas avoir l'air tendu. À vrai dire... Les gens devaient se dire qu'elle s'était pratiquée longuement devant la glace pour avoir un sourire aussi parfait... Vous savez, ce genre de perfection qui donne un air nullement naturel... Cependant, était-ce vrai? Sûrement... L'avouerait-elle un jour? C'était à se demander si elle-même en était consciente...

Alors qu'elle fixait encore ces petits fruits depuis déjà un bon moment, elle pivota sèchement pour se diriger en direction de son petit panier de commission... Cette démarche... Encore une fois marquée par la modération, celle-ci faisait de minuscule pas. Marchant visiblement sur la partie avant de la plante du pied, le dos bien droit et le menton juste assez levé pour ne pas avoir l'air hautaine. Les épaules bien reculées vers l'arrière pour accentuer l'illusion d'une droiture exemplaire, elle laissait faiblement balancer ces bras dans une cadence qui s'agençait parfaitement avec la rythmique de ces pas. Cette femme était un parfait exemple de modération. Ceux qui la connaissaient bien allaient même jusqu'à dire que ce mot prenait tout son sens lorsqu'on la voyait. Par contre, la vie vous apprend rapidement qu'il est primordial de dissocier l'esprit humain de son enveloppe corporelle, car les deux font rarement la pairs... Arrivée en face de son panier, elle se penchait au-dessus de celui-ci, s'arrêtant une nouvelle fois pour le contempler longuement...

[...]

Une dure vie...

<<Alerte! Mettez-vous tous à l'abri! Une nouvelle attaque!>>

C'était la panique! Nous nous connaissions que très peu, mais de solides liens nous unissaient maintenant. Notre toute nouvelle communauté avait connu à peine quelques moments de répits avant qu'un nouveau fléau s'abattent sur nous... Tout à commencé il y a de cela quelques jours... Nous vivions, jusqu'à ce moment, nos plus belles années. Les terres qui nous séparaient était fortes grandes, voire immenses! Lorsque nous regardions à l'horizon, la terre embrassait le ciel que nous n'avions vu l'un de ceux dont nous sommes si proches maintenant... Le cycle de la vie suivait tout bonnement sa route... Nous grandissions, nous vivions, nous nous épanouissions... Nous étions une famille unie, appréciée de notre entourage... Malheureusement, cette paix dont nous jouissions jadis ne fut plus qu'un souvenir lointain lors de la première attaque. Pacifique nous étions, mais qui aurait crut que le monde était si cruel? Qui aurait crut que des sauvages, armées de lames scintillantes et coupantes, fendraient l'air pour nous arracher à nos terres natales? Nul n'aurait pu prédire une telle atrocité et, si l'un deux aurait pu, honte à lui de nous avoir laissé plonger dans cet infernal monde... C'est donc ainsi que j'ai perdu ma mère et mon père... Ils se faisaient vieux et souffrants, mais devaient-ils absolument finir leurs vieux jours dans de pareilles circonstances? Où se trouve la dignité dans ce bas monde? Je me souviens encore... les cris de ma mère, déchirant l'assourdissant vacarme qui nous entouraient alors que je me faisais prendre de force :

<<Non! Non, non, non, non, NOOOOOOOOOON!>>

Il était inutile de se débattre, nous étions faiblards et impuissants comparativement à ces Êtres d'une puissance extraordinaire!

<< Vous ne comprenez pas! C'est notre enfant! Non! C'est nous qui l'avons nourrit, qui en avons pris soin, qui l'avons consolée lorsqu'elle était peinée ou qui lui avons chanté des berceuses pour la rassurée, vous ne pouvez pas la prendre!>>

Je la voyais ensuite se retourner vers mon père, et lui crier :

<< Fait quelque chose!!>>

À ce moment, je fus obligé d'endurer les pires images qui me furent données de voir dans ma tendre et encore jeune vie... Cette lame, tâchée de l'essence de mes confrères, qui viens lacérer et déchirer ma mère. Le tout, avec une telle hargne, un tel appétit de violence et une soif de sang... Jamais je n'oublierais... la dernière et ultime petite étincelle de vie dans son regard et ce cris, alourdit par le souffle qui porterait son âme aux cieux...

Ensuite, ce fut le noir. Je sais que la route fut longue... très longue. Nous étions tous entassés, dans le noir, aucun espace pour notre intimité et pour respirer ne serait-ce qu'un peu. Je me suis longuement assoupis... Ces évènements furent moi de loin la plus rude épreuve que j'eus à affronter dans mon existence... Et, lors de mon réveil, nous étions ici, tous ensemble... Comme je le disais, nous nous connaissons peu mais, notre misère connu à créer en nous des liens qui survivront même au delà de la mort... Voir tout ces êtres, déchirés par la perte de leurs proches, ravagés par la maltraitance et rongés par l'inquiétude... C'était comme... Ahhhh!

[...]

... et un dur retour à la réalité!

<>

Dit-elle en empoignant solidement le légume, le contemplant alors quelques secondes dans sa main avant de bifurquer son attention vers l'aubergiste qui la fixait avec interrogation...

<< Ca va bien, m'dame? Ça fait environ cinq minutes que vous glandez là à regarder cette carotte...>>

Yasmine savait fort bien que le vieil homme disait la vérité... Elle avait la manie de se perdre dans des scénarios parfois, en faisant la cuisine... Néanmoins, elle n'en laissait point paraître. Toujours avec la même expression fixement collée au visage, elle riva ces beaux yeux sur lui...

<< Dites-moi cher, rappelez moi combien d'écus je vous ai donnés pour pouvoir bénéficier à mon gré de votre cuisine?>>

<<Aucun encore m'dame....>>

Sur ce, elle rétorqua du même ton toujours chaleureux.

<< Les voulez-vous vraiment?>>

Bien que son expression et son ton ne permettait guère d'en deviner long sur ces pensées, la cuistot en herbe avait la faculté de faire ressentir par l'on ne sait quel moyen le fond de sa pensée, d'une façon totalement abstraite. Comprenant la subtile allusion, c'est ainsi que le vieil retourna à ces basses besognes et que la dame se dirigea vers le comptoir, couteau à la main, pour exécuter son sombre dessein sur sa nouvelle victime...

À suivre&#46;&#46;&#46;