Une nouvelle novice
Post by Thomas Bolton, Emp - October 18, 2010 at 2:28 PM
De son bureau au palais, le Surintendant avait déjà orchestré plusieurs changements dans la vie d’un bon nombre d’individus. Il avait été jusqu’à faire intégrer un militaire brégunien au sein du prieuré de Systéria, à l’extérieur de la ville, celui-là même où vivait une communauté de moines et de nones dédiés à Thaar. Rien ne préfigurait à ce qu’il renouvelle l’expérience, et pourtant…
« Je veux que vous me donniez, un jour, la possibilité de finir ma vie auprès des serviteurs de la Lumière Eternelle. », demanda la silhouette d’une voix où se mêlaient plusieurs émotions.
En d’autres lieux, à d’autres époques, la demande aurait été bien surprenante, même pour Sa Seigneurie. Mais étant donné l’étrange contexte qui s’était mis en place, imbriqué dans diverses intrigues obscures et forgé par des promesses complexes, la requête n’était pas si absurde. De son regard d’acier, le premier ministre jugea son interlocuteur pendant quelques secondes d’un pesant silence. Finalement, après une brève réflexion, il haussa légèrement les épaules et donna son accord.
« Bien, je vous l’accorde. Ce peut-être fait dès ce soir si vous le désirez. »
La silhouette s’inclina et remercia cet étonnant protecteur d’une voix où se mêlait sincérité et soulagement. D’ordinaire, elle n’aurait pas réagi ainsi, mais la situation et ses remords avaient eu un effet bien singulier sur elle.
« Merci. »
« Le scriptorium est vaste, vous ne vous y ennuierez pas. J’ai entendu dire que la responsable de l’hospice est en fin de vie, elle aura besoin d’une apprentie expérimentée pour soigner les malades. »
« C’est parfait. »
« Vous comprenez cependant que vous devrez conserver votre identité secrète. », lâcha-t-il de son ton sévère.
« Oui. Vous souhaitez que je le cache avec un voile ? Une capuche ? Un masque ? … Voire un casque ? »
Le duc agita brièvement la main droite pour lui signifier que le sujet n’avait pas d’importance.
« Peu importe les moyens. Vous savez tout comme moi ce qu’il adviendra de vous si vous ne respectez pas cette consigne. »
C’aurait pu être une menace, mais ce n’était pas le cas et la silhouette à laquelle s’adressait le Surintendant le savait.
« Je vous raccompagne aux herses des jardins. Ensuite, ce sera à vous de rejoindre le prieuré par vos propres moyens. Vous en sentez-vous capable ? »
Un silence passa, pendant que la silhouette enroulait une large cape à capuche autour de ses frêles épaules. Elle hocha la tête.
« Le temps que vous l’atteigniez, j’enverrai un coursier pour les prévenir de votre arrivée. Tout sera prêt, votre vœu de retrait sera respecté. Vous saurez également comment me contacter à l’avenir, si vous souhaitez me confier d’autres informations. »
Le Surintendant et son interlocuteur quittèrent alors la petite tourelle du palais et traversèrent les longs couloirs de l’aile ouest, avant de s’engager dans les jardins. Lorsqu’ils arrivèrent aux grandes herses, les gardes en faction se tournèrent vers eux.
« J’étudierai la proposition du monastère. En attendant, je vous invite à aller débuter votre noviciat, ma Sœur. »
« Bien, bonsoir monseigneur. »
Et une nouvelle fois, les fils de leurs destins se séparèrent. Et pendant que la nouvelle none thaarienne quittait la ville, le Surintendant rédigea une lettre qu’il confia à un cavalier. Ce dernier se rendit tout droit au prieuré et vint saluer la Mère Prieure avec déférence.
Mère Prieure,
Par la présente, je vous informe que je vous ai envoyé une future novice. Cette femme a formulé un vœu de retrait et souhaite donc demeurer en paix au sein du prieuré, sans identité. Elle participera donc à tous les offices et à toutes les tâches mais conservera un visage voilé en toute circonstance.
Cette femme a souhaité dédier à Thaar le reste de ses jours et Lui seul a le droit de connaître ses origines. Elle possède diverses compétences qui seront sans doute très utiles à la bonne gestion de l’hospice. Libre à vous de les utiliser au profit du monastère et des braves gens qui souhaitent y trouver bonté et charité.
Je veux qu’à son arrivée lui soient confiés tous les insignes de sa nouvelle fonction afin qu’elle puisse débuter immédiatement son noviciat.
Post by Hydre - October 19, 2010 at 9:23 PM
Comme un grain de sable tombé parmis tant d'autres.
Les riches vêtements sont tombés sur le sol gelé. Dehors, les dernières feuilles s'accrochent désespérément aux branches. Le vent, furieux, cherche à les y arracher de force. À voler ces enfants, bientôt orphelins, abandonnés sur le bord de la chaussée où, plus jamais, on ne parlera d'eux. Triste réalité qui restera enfouie dans le mutisme de l'endroit. L'étoffe de l'imposante toge sur laquelle je pose la main est rude. Ma peau de femme prendra de longs mois à s'adapter à la rigueur de cet endroit. Le voile qui vient recouvrir mon visage, à tout jamais, désormais, ce voile-là, il l'est un peu moins. Je sais d'avance qu'il fut préparé par des mains plus habiles. Ce n'était pas un travail en série. En posant sur mon corps ces mètres de tissus, j'ai enterré mon nom. Je suis devenue le grain de sable qui forme la plage. J'accepte que la vague vienne me laver.
La pierre est froide. Le monastère est silencieux. Ou presque. Il y a ce bourdonnement que font les moines en méditation. Ceux qui ne bougent pas pendant des semaines. Qui font penser à des statues et qui se nourrissent de la rosée qui se forme au creux des feuilles de trèfles, au petit matin. Je ne bouge pas, j'écoute. Le vent chante un opéra que je pourrai chanter à sa suite, dans quelques mois. Les branches d'arbres grattent sur les murs de pierre de l'édifice. Comme les griffes d'une sorcière, celles qu'on connait, dans les contes pour enfants. Puis le hurlement des loups. Le grésillement des insectes me manque.
Je regarde la bible Thaarienne sur la petite table de chevet. Je savais bien que j'y serais confrontée. Mais sa vue m'effraie toujours autant. En suis-je donc rendue là? Des visages défilent, dans ma tête. Tendres souvenirs. Je pose la main sur le livre. Il est temps que je l'ouvre...
Post by Malbruck, OdS - November 9, 2010 at 9:38 AM
Quelques semaines plus tard.
On frappait à la porte du monastère, et la lourde porte s'ouvrit sur le sanctifiant. Malbruck c'était déplacé lui-même, non sans mal, accompagné d'un initié, ou d'une initiée, afin de porter les vêtements.
L'on pu voir le petit homme parler avec la mère du prieuré, et sa visite n'avait également pas laissé indifférents les personnes du monastère. L'homme était fatigué, malade, en béquille. Et pour ne rien arranger, beaucoup remarquèrent sa laideur, qu'ils crurent que le voile était pour lui.
Quelques heures plus tard, après un repos au sein du monastère, ils reprirent la route, laissant derrière cette odeur si particulière de camphre. Pauvre novice, elle pourrait se dire, qu'elle avait atterrit chez les fous. Mais elle avait tout ce dont elle avait besoin, à présent.