Le rêve de Sa Seigneurie
Post by Thomas Bolton, Emp - October 22, 2010 at 6:57 PM
Parce qu’il n’y a pas que les demi-elfes qui défrayent la chronique qui rêvent, il y a également le Surintendant. Les gens ne se posaient pas de question sur la vie quotidienne de ce monstre de froideur. Et pourtant, il faut l’avouer, le duc Bolton était un humain comme les autres – n’en déplaise aux mauvaises langues ! – et comme tous les autres humains, son subconscient le sollicitait durant son sommeil. Ainsi, lorsqu’il ferma les yeux, un soir pareil à tous les autres soirs, il lui fallut peu de temps pour sombrer dans un état de profonde inconscience et encore moins de temps pour pénétrer dans le royaume onirique où tous les désirs prennent formes, où tout devient possible. Toutefois, ça ne serait pas un rêve comme les autres.
« Intéressant. Je rêve. », lâcha-t-il de son habituel ton monocorde.
Ses yeux détaillaient un paysage désarticulé. Il n’y avait pas de ciel au sens strict du terme. C’était plutôt comme une de ces multiples nébuleuses que décrivent les astronomes. Un chemin pavé lui permettrait de se rendre dans ce qui ressemblait fortement aux jardins impériaux. De la fontaine de marbre jaillissait des milliers de petits diamants minuscules dans un flot ininterrompu. Soudain, un bruit sourd détourna son attention : la duchesse d’Orbrillant se précipitait vers ces cristaux translucides avec avidité, d’un pas lourd mais hystérique. Elle faillit le bousculer au passage, mais le premier ministre fit rapidement un pas de côté.
Lucrèce, donc, essayait de remplir toutes ses poches de ces diamants, comme s’ils allaient tous disparaître d’un instant à l’autre. Thomas l’ignora rapidement pour avancer sur cette étrange allée. Calme et serein, il ne dérogeait pas à ses habitudes. Après tout, c’était un rêve et un de ceux dont on avait conscience : qu’avait-il à craindre ? Rien, strictement rien. Il se contentait d’observer d’un œil sévère les méandres de son esprit qui se manifestaient à lui de façon plus qu’explicite. Un peu plus loin sur la route du palais, il croisa Sarälondë Taur’Amandil qui se tenait face à une effigie Thaarienne. Elle semblait déphasée.
« Les Vertus vous accompagnent. », disait-elle d’une voix sincère.
Mais à peine avait-elle prononcée cette phrase que sa silhouette devenait floue. Avec une vitesse surhumaine, elle se rapprochait du symbole religieux pour le jeter à terre. L’impact brisa le précieux métal doré. Et sans que rien ne le préfigure, tout rentra dans l’ordre : l'insigne reprit sa place, Sarälondë prononçait à nouveau ses vœux chaleureux… Pour finalement détruire à nouveau l’effigie. Et ainsi de suite, continuellement. La scène, plus que d’étonner le Surintendant, le fit sourire. Un de ces sourires sans joie dont il avait le secret.
Les grandes herses s’ouvrirent alors pour le laisser pénétrer dans le Grand Hall. Une foule immense de courtisans s’y massait. Ils portaient tous des masques de théâtre, sans exception. Certains exprimaient la joie, d’autres la tristesse ou bien encore la colère. Les rires se mêlaient aux messes-basses. Les larmes, quant à elles, étaient cachées. Ceux qui les montraient se retrouvaient exclus. Au milieu de cette foule se trouvait une superbe femme blonde. Armika Recaedre, assurée et dédaigneuse, jusqu’à ce qu’un gamin aux cheveux ébouriffés ne l’approche pour la poignarder. Mais eu lieu de perdre son sang, elle perdait en assurance, semblait de plus en plus mal à l’aise, se retrouvait ballottée dans tous les sens par cette marée humaine.
Sa Seigneurie se détourna de cette scène dont il ne connaissait que trop bien la signification. D’un pas assuré et régulier, il se dirigea vers les grands escaliers qui menaient tout droit à la salle du trône. Elle était identique à celle du véritable palais à une différence près : le trône de Sa Majesté était situé sur un promontoire. Il y avait cent marches à monter pour y accéder et ceindre la Couronne. Au bas de ces marches se trouvait un siège en bois rêche qui semblait particulièrement inconfortable. Du côté gauche de la pièce, une clarté hors du commun pénétrait les grandes baies vitrées. Du côté droit, au contraire, régnait une obscurité totale. Rien ne perçait les sombres rideaux des fenêtres.
Une moitié brillait de mille feux, l’autre était plongée dans la pénombre. Au milieu se mélangeait ces deux antithèses. Parfois, Thomas croyait apercevoir une silhouette violette errer entre les colonnes, jamais, cependant, il ne put confirmer cette impression. Un rire se fit alors entendre. Un rire digne, froid et redoutable. Il provenait du jeune garçon de tout à l’heure, désormais jeune homme. Sur son crâne reposait une double-couronne. Le premier ministre fronça alors les sourcils et prit le parti de grimper les longues marches qui le séparaient du trône impérial. Arrivée à hauteur du prince Miran de Brouxg – car oui, c’était bien lui – il donna un coup rapide de sa canne dans le tibia de son adversaire de toujours.
« Non. », lâcha le Surintendant d'un ton tranchant comme un couperet.
Le jeune homme, surpris, bascula en avant et dévala les marches, tourneboulant violemment. Juste avant qu’il ne tombe, dans un réflexe surhumain – nous sommes dans un rêve, nous l’oublions pas – Sa Seigneurie attrapa une des couronnes, la plus petite.
Il ne la ceignit pas. Il ne s’assit pas non plus sur le trône. Il se contenta de la poser sur le coussin de velours rouge qui ornait le siège.
Lorsqu’il se retourna, il aperçut Lenne Vespari au centre de la salle. Elle était installée devant une petite table ronde, à la nappe blanche. Y étaient posés une assiette et des couverts. Chose étonnante, elle était en train de découper soigneusement du papier avec la fourchette et le couteau d’argent pour en manger de petite bouchée. Ce fut la seule surprise que ce rêve éveillé pu procurer à ce légendaire adepte du stoïcisme.
« Bien le bonsoir, Lenne. »
Le duc descendit alors les marches et vint trouver sa place dans ce fameux siège de bois modeste, voire décharné et regarda son interlocutrice qui terminait de manger ce qui ressemblait à une simple note, lancée au gré du vent…
Post by Lenne Vespari, CP - November 5, 2010 at 6:30 AM
*Le rêve s'était effacé aussi rapidement qu'il avait été trouvé. Ce n'est que quelques nuits plus tard qu'il vint se poursuivre, comme ces étranges et rares songes qui, nuit après nuit, viennent hanter le dormeur en continuant où l'éveil les avait séparés.
Lorsque la main de la magistère vint déposer la fourchette argentée contre l'assiette de porcelaine, un tintement sonore vint ponctuer l'ambiance éthérée du rêve, comme si la femme avait davantage laissé l'ustensile s'écraser, malgré son mouvement accompagnant pourtant sa chute. Alors qu'elle avalait tranquillement son papier, ses yeux vides (cette fois seulement, dans le monde onirique, littéralement vides) se dirigèrent vers l'homme devant elle.
La créature, dont les traits déjà semblables à ceux des morts-vivants étaient encore moins avantagés dans les rêves du duc systérien, se dressa lentement. La chaise de bois, poussées par ses jambes dans le mouvement, vint s'écraser sur le sol derrière elle et éclater à la manière que le ferait le verre.
Sans un mot, la manifestation offrit un sourire perturbé et vint quitta lentement la pièce, un sablier en main dont les grains tombaient. Elle marcha un temps, le surintendant, nullement troublé, la suivant. Et elle mouru. Fondant, jusqu'à n'être plus qu'un amas de tissus violacés remplis de papiers ; des papiers très conformes faisant état d'un illustre juriste.
Autour du surintendant, une crypte invitante, que l'homme reconnu aisément. Le sablier, figé, comme sa maîtresse, était sans équivoque...*
Post by Thomas Bolton, Emp - November 5, 2010 at 10:22 AM
Le seigneur Bolton, dans ce nouveau rêve, était toujours aussi neutre qu’à l’ordinaire. De son regard d’acier, il observait sereinement toute cette scénette qui se déroulait devant ses yeux. La suite d’un rêve, un phénomène peu courant mais tout de même probable. C’était un perpétuel divertissement. On ne savait jamais réellement si l’esprit allait donner suite à une de ses nombreuses élucubrations nocturnes.
Le tintement sonore déclencha un réflexe inné : il tourna la tête vers Lenne. Ses étranges yeux vides n’avaient rien de réellement déconcertant. C’était comme constater ce qu’on savait déjà. Le rêve était parfois plus réel que la réalité elle-même. Son cou s’agita légèrement alors qu’elle avala une dernière bouchée de papier.
Lorsqu’elle se releva et que le siège de bois se brisa en milliers de morceau, tel du verre, le Surintendant lui aussi se redressa. Tout comme le premier rêve, il restait spectateur, n’intervenant pas encore comme il avait pu le faire avec le prince Miran qui voulait prendre ses aises sur le trône impérial. Non, il laissait le fil onirique se dérouler.
Ils s’engagèrent alors dans une série de couloirs. Parfois, ils étaient flous, d’autres fois ils n’avaient quasiment aucune structure. C’était un couloir sans en être un. Des tableaux semblaient parfois accrochés. D’autres fois, même, les portraits semblaient vouloir en sortir, les mains déformant la toile peinte. Et Lenne mourut. Le tas de paperasse la remplaça dans sa sempiternelle robe violette. Le duc restait perplexe devant cette vision.
C’est alors qu’il aperçu la crypte. Il s’y engagea d’un pas déterminé, entrant dans la pénombre. C’est alors qu’il se réveilla…