Le Venin de l'Hérésie.
Post by Asphodèl du Typhon - September 24, 2011 at 11:32 PM
Asphodèl dévala quelques marches à la volée. Une main attentionnée la réceptionna pour la guider à travers un dédale insalubre de couloirs souterrains.
« Nous sommes heureux de vous compter parmi nous à cette réunion, Dame de Nogar. Votre mère apprécierait de vous savoir ici. »
Elle ne répondit pas, mais une légère pression autour des doigts de son guide suffit à exprimer sa nervosité. Un large chaperon de blancheur ombrait paradoxalement son visage d’ange, et son manteau pourpre recouvrait ses épaules frêles ainsi que sa silhouette gracieuse. Ils croisèrent peu d’âmes dans ce labyrinthe de noirceur. Quelques torches étaient essaimées ci et là pour jalonner un parcours à l’apparence dangereuse. La toute blonde entendit des murmures provenir de toutes les directions, déroutant davantage son orientation fragile. Enfin, leur errance prit fin, et tous deux pénétrèrent une pièce cachée, creusée à même le sol et la roche. De lourds cierges avaient remplacé les torches grossières et des bancs étaient disposés, bien alignés, devant une chaire de bois modeste. Elle remarqua que l’endroit était déjà bondé et les sièges de bois, pour leur part, tous occupés. Elle signifia à son guide qu’elle préférait rester debout.
« Votre modestie me touche, » répliqua-t-il à ce pragmatisme qui n’avait rien d’humble.
Cependant, d’étranges profils vinrent à se manifester près du « guide », et ne ménagèrent pas Asphodèl en reprochant à ce dernier des faits qui incombaient à la sorcière :
« Pourquoi tu l’as ramené?
- Aurais-tu perdu la tête? Renchérissait une autre personne qu’elle avait dû mal à identifier, faute de lumière suffisante.
- Ecoutez….c’est la fille de Ledwynn…
- Elle ne sera jamais Lyanna, le coupa la plus haute silhouette, la voix tranchante, c’est l’épouse du Traître. Elle nous damnera tous et nous fera brûler. »
Pendant ce temps, un homme à la carrure modeste s’était installé sur la chaire haute qui dominait la petite assemblée. Il leva les bras et s’exprima d’un ton extrêmement dur, ramenant tout le monde à l’ordre :
« - Mes frères, mes sœurs, il est temps de faire Silence, et d’abréger nos idioties. Que chacun regagne sa place; le Sermon débute. »
Aussitôt obéi, les différents détracteurs de la présence d’Asphodèl rejoignirent leurs bancs respectifs non sans œillades méfiantes pour la jeune humaine. Elle demeurait de marbre, toute drapée de sa fausse vertu et de son charisme placide. Les mots qui allaient se prononcer à couvert de la terre, si près des entrailles d’Enrya, elle aurait l’impression, vague et insistante, de les avoir déjà entendu par le passé. Le sermon du prêtre dissident débuta, et à chaque trait de son discours, il était acclamé par des « Lielos » forts. Au milieu de cette étrange messe, une femme se dressa, épuisée par ses pleurs et frappée d’une transe peu commune :
« On aurait dit que Thaar les a puni pour leur blasphème! En leur crevant les yeux…! Ils croient être aveuglés par une lumière qu’ils ne voient plus! Ce sont des brûleurs d’enfants…! Leur Temple est rempli de vice et de luxure, que de démons….crachent sur les reliques honteuses qu’ils conservent ! »
Une foule désespérée l’acclama. Un homme prit le relais :
« **Les évêques de l’Ordre se baignent dans l’Or! Combien de personnes ont-ils dû égorger pour se procurer cette richesse..! Même l’Empire ne nous vole pas autant! Il est tant que cela cesse..! Que cette fausse religion disparaisse..! **»
Et chacun y alla de son petit commentaire, sous l’œil excité du révérend sur sa chaire qui donnait l’impression de surveiller sagement son troupeau paître. Asphodèl n’avait rien exprimé, ni approbation, ni réprobation. Elle se contentait d’observer, sachant qu’elle ne pourrait partir de cet endroit sans son guide. Des heures passèrent, et aucun débats ne fut épargné. De l’opulence hérétique du Clergé de L’ordre, aux valeurs thaariennes qui se perdaient. Chacun tomba d’accord sur un prochain iconoclaste. Elle remarqua que la pièce était surtout emplie de bourgeois, et d’artisans moyens. Quelques manants de plus basse condition représentaient la pauvreté, mais se gardaient d’intervenir, trop peu cultivés pour briller. Il fut ensuite décidé de se séparer, par petits groupes et de prendre des chemins différents pour regagner les sorties. Le révérend thaarien avait offert à tous, une petite réplique du livre sacré, même à ceux qui ne savaient pas lire. Il était important que la connaissance thaarienne ne soit plus le monopole d’une minorité corrompue.
Au moment de partir, d’inquiétantes rumeurs parvinrent des cinq corridors qui menaient à la salle secrète. Bientôt, dans la noirceur de ces boyaux terreux, une brillance familière reluisit et des dizaines de Paladins s’annoncèrent, encerclant la foule prise au dépourvue. Asphodèl eut la présence d’esprit de s’éclipser claquant des doigts. Son guide, en la voyant s’évaporer, poussa un soupir de soulagement. Le Révérend et quelques autres fidèles avaient réussi à prendre la fuite mystérieusement.
L’humaine réapparut à l’une des entrées du souterrain. Alors que déjà, les paladins avaient enferré les hérétiques. Les femmes se lamentaient, et les hommes restaient humbles, acceptant leur sort…se drapant déjà de la triste réputation de martyr. Elle rabaissa son chaperon blanc, dévoilant ses traits sibyllins. Ses yeux pourpres s’attardaient avec pesanteur sur le spectacle. Une foule de paysans s’étaient rassemblés, et les guerriers de Thaar leur hurlaient parfois que c’était là le sort réservé à ceux qui complotaient contre l’Ordre, et donc, conter Thaar lui-même. Certains prisonniers dénonçaient cette arrestation illégale, promettant un recours devant le Tribunal Impérial. Parmi tout ce chaos, un paladin reconnut Asphodèl et s’empressa de l’aborder :
« Dame de Nogar, je doute que votre époux apprécierait que vous assistiez à un tel spectacle. Laissez-moi vous reconduire en un endroit plus sûr. La sortie de la Basse-Ville n’est pas… »
*Elle avait déjà disparu. *
[/list:u:31uuhsua]
Post by Brehan de Nogar, OdS - September 27, 2011 at 8:59 AM
Deux jours plus tard,
La lame de la Justice.
Drapé d'une cape sombre comme la nuit, et d'une imposante armure de plaque d'acier, Brehan de Nogar faisait les cents pas au sommet du temple. Il avait bien spécifié à ne pas être dérangé, durant ce moment. Il s'immobilisa finalement, chapelet entouré solidement à son poing, et ses iris grisâtres- si claires, se levèrent en direction de l'Empreinte Rouge dans les cieux. Le moment où la sentence serait appliquée approchait à grand pas. Sa mine faciale qui était de marbre varia brièvement, au moment qu'il fut traversé par le souvenir d'un certain murmure. Un murmure qui le hantait.
Sur le lieu d’exécution en basse-ville se trouvait les coupables de traîtrise et de complot contre le Saint-Ordre. Ils étaient tous alignés, et unis par des chaînes reliées à leurs poignets. Une dizaine de paladins s'y trouvaient, et attendaient le Zénith, pour faire tomber la lame de la Justice sur eux, pour en faire un exemple même. Un prêtre s'y trouvait, afin de recueillir les derniers aveux des hérétiques avant l'ultime moment.
C'est au loin que s'éleva un nuage de poussière qui s'approchait de plus en plus, avec une telle vitesse. Désormais les bruits de sabots martelant le sol se faisaient audir. C'est sur un fougueux et imposant destrier au crin aussi noir que les ténèbres que se trouvait un homme qui dégageait une vive prestance. Il s'arrêta sur le lieu d’exécution, en dévisageant de ses mires glaciales ceux qui s'y trouvaient. La majorité des condamnés fondirent comme des petites glaces, en déviant le regard vers le sol, sous ces mires intenses qui les transperçaient un après l'autre.
La posture des paladins en charge d'apporter la sentence redressèrent leur posture totalement, et un d'eux, le plus haut placé s'approcha du Grand Inquisiteur pour le saluer comme toutes les convenances, de même qu'en effectuant le salut des protecteurs.
-Seigneur de Nogar, nos salutations. Ces traîtres ne tarderont guère à être jugé par Thaar lui-même, au sein de son royaume.
Le menton bien haut et les traits si durs et armé de stoïcisme à la fois, Brehan de Nogar riva son attention sur le templier en charge, avant de porter lourdement les pieds au sol, dans un bruit sourd et métallique, en quittant l'étrier. Ce même confrère exécuta une petite révérence en direction de son supérieur, pour tenter de couvrir un malaise, sous cet air si froid de l'Inquisiteur, qui n'avait déjà plus d'attention pour lui, et qui se dirigeait en direction des condamnés.
L'ambiance était mortuaire. Les femmes se montraient dignes et ne tentaient de fuir leur sort. Tout comme les hommes, qui ne bronchaient. Après tout, cela ferait de eux des martyrs? Il porta une attention sur ceux-ci, en ne démontrant aucune réaction faciale, ni compassion. Après tout, toutes les mises à mort étaient les mêmes, et il n'en était pas à sa première il fit un geste de tête en direction d'un prêtre qui tenait un parchemin du verdict, celui-ci répondit de la sorte:
-Pour complot envers le Saint-Ordre et contre les enseignements de Thaar, pour tentative de corruption afin d'entrainer les innocents dans le vice et dans de faux enseignements, vous êtes déclarés comme hérétiques et serez jugés comme tel, que Thaar ai pitié de vos âmes sur la voie de la perdition.
Un autre paladin s'approcha de Brehan de Nogar et lui tendit le fourreau qui contenait la lame du Dernier Jugement. Plissant avec une certaine rudesse le regard, le Haut-Inquisiteur vint la dégainer d'un geste vif et fougueux, sous le souffle qui cessa de la part des condamnés, la lame de la Justice s'éleva au-dessus de la tête du premier et Brehan de Nogar leva ses mires en direction des cieux, lorsque l'Astre rouge atteignait finalement le Zénith. Dans un geste brutal et précis, la large lame bénite s’abattit sur les chaines, en les brisant d'un seul trait. Sous la stupeur et la surprise de tous, de Nogar entonna d'une voix tout aussi tranchante que la lame:
-Moi, Brehan de Nogar, par les pouvoirs qui me sont conférés en tant que Haut-Inquisiteur et Superviseur de l'Ordre du Soleil, vous apporte grâce sur ce sort funeste qui est mérité par les adeptes de l'Ombre, et pas à envers ceux donc leur naïveté et leur innocence fut exploitée à de mauvaises fins pour être éloignés de l'étroite voie de la Lumière. Vous purgerez votre sentence au sein du Monastère, à être remit sur la bonne voie par les enseignements de la Lumière par les moines et les prêtres. Prenez-le comme une seconde chance, un cadeau de vie offert par la clémence du Divin. Cette chance ne vous sera offerte qu'une unique fois, soyez en méritant.
Si c'était de la stupeur qui avait auparavant marqué le rassemblement, c'était désormais un vent de soulagement pour les graciés, et des regards soucieux envers les paladins présents, mais qui n'osèrent discuter les ordres. Le prêtre tant qu'à lui, sembla préoccupé. Sans doute cela allait-il avoir certaines répercutions dans les temps à venir...