Le partenaire
Post by Lenne Vespari, CP - January 14, 2012 at 12:09 PM
La réponse du Surintendant avait été efficace, mais elle suscita plus que ce qu'il avait pu l'imaginer. Un son strident, désagréablement ponctuel et incessant, résonnait contre les murs de la pièce fermée.
« Tic tic tic »
La femme drapée de voilages violacés était affalée à même le sol de pierre. Autour d'elle, les lourds rideaux pourpres couvraient les fenêtres et seuls quelques rayons de la clarté du jour venaient balayer l'endroit, offrant un aspect marbré de lugubre à l'endroit. Autour de la femme, des dizaines de livres et de missives non lues avaient été jetées à même le sol. Avec les années, l'insalubrité de l'endroit - un mélange de poussière et de papier partiellement ravagé par le temps - devenait de plus en plus envahissant. Quoi qu'il en soit, nul visiteur ne venait jamais dans l'antre de Lenne Vespari. Aussi, bien peu auraient pu s'en plaindre.
« Tic tic tic »
La juge, dont le temps avait fait sa marque de façon plus intense à travers les traits déjà sévères de son visage, restait immobile. Son teint laiteux, digne des malades avancés et ses longs cheveux hirsutes lui donnaient l'air d'une poupée de porcelaine abandonnée dans une vieille remise. Elle avança une main vers celui qui se tenait devant elle, les voiles violacés faisant danser les rayons du soleil dans leur mouvement. C'était une rare compagnie. Il était venu jusqu'à elle, et elle avait finit par l'accepter, probablement à défaut de qui que ce soit d'autre.
« Tic tic tic »
Elle était certes solitaire depuis un temps, désormais. Il y avait bien eu la désormais comtesse Taur'Amandil pour égayer ses jours un temps. Elle avait vu en elle une marionnette troublée et malléable. Elle s'était divertie des situations dans lesquelles la demi-elfe s'était retrouvée, parfois de sa propre ingénierie. Un jour, cependant, elle avait jugé que le jeu n'était plus amusant. Malgré les épreuves, son jouet ne changeait pas ; il stagnait. Comme toute chose ne pouvant évoluer et étant dépassée par les innovations, la marionnette avait été abandonnée à elle-même.
« Tic tic tic »
Son nouveau confident était plus stable, plus fiable. Néanmoins, l'ancienne magistère ne savait pas comment l'aborder. Elle n'avait pas l'habitude de se partager, de donner à quelqu'un le fond de sa pensée ; la plupart lui attribuait quelconque folie et ne lui prêtait pas attention. La comtesse Taur'Amandil n'y avait pas fait exception ; l’égoïste personnage n'ayant jamais, au cours des vingtaines de rencontres qu'elles avaient eues, pris la peine de se concentrer sur autre chose qu'elle-même. Lenne n'avait rien demandé d'autre, et elle ne le demandait jamais. Mais cette fois, son nouvel ami était attentif. Il ne fuyait pas, il ne la jugeait pas. Elle pouvait tout lui dire. Elle n'en avait simplement pas l'habitude. Elle osa finalement prendre la parole.
« Je m'appelle Lenne, de la famille Vespari. Je suis née à Systéria il y a désormais presque quarante ans. Je crois, du moins, puisque j'ai perdu le compte il y a bien longtemps.. »
« Tic tic tic »
Elle se tut un temps, inconfortable. Elle plissa presque les yeux. D'habitude si apathique, la peur d'être rejetée alors qu'elle commençait pour une première fois depuis si longtemps à se confier l'envahit. Un temps passa, mais son compagnon ne cilla pas. Il ne la jugeait pas et il attendait patiemment la suite. Elle soupira, soulagée, et débuta son récit, parlant de ses origines, de ses peurs, de ses buts et des ses ambitions.
« Tic bzz.... »
*L'automate posé devant elle, cadeau de Thomas Bolton, avait cessé son manège. Elle retint sa respiration. D'un geste très lent, le bras osseux enrobé de violet avança vers la clef dans le dos de la petite chose et s'employa à la remonter. La résurrection fut instantanée et elle sentit la chaleur de la présence revenir en elle. Elle était convaincue, désormais, que son nouvel ami resterait. Elle n'était plus seule.
Elle avait un partenaire.*
« Tic tic tic »
Post by Thomas Bolton, Emp - January 29, 2012 at 9:39 PM
Un jour, l’automate de Lenne brisa le lien qui s’était établit entre eux. Oui, c’était possible : à la fois que les deux êtres se rapprochent, se trouvent des points communs, mais aussi qu’ils se trahissent l’un l’autre. Depuis ce jour, le « tic tic tic » de l’automate laissait la juge totalement indifférente. Autrement dit, comme d’habitude. Elle ne se confiait plus, ne lui adressait plus aucun geste, que ce soit d’affection ou non. L’automate, lui, semblait s’en moquer, vu qu’il continuait sa petite vie mécanique. En d’autres termes, les deux êtres s’ignoraient, se délaissaient.
Et un jour, au beau milieu de la nuit, alors que Lenne Vespari ouvrit les yeux – son cycle de sommeil devait être aussi déphasé qu’elle ! – elle fut le témoin d’une scène particulièrement étrange. La jugerait-elle étrange ? Ça, ça n’était pas dit. Quoiqu’il en soit, elle constata que son automate avait été brisé net, d’un coup sec.
« Tic… gzzzz… tic… gzzz », émit-il lentement avant de s’immobiliser totalement.
C’était déjà surprenant en soi, tout du moins pour un individu normalement constitué. Mais ce qui l’était encore plus, c’est qu’à côté du « cadavre » de l’automate, un autre, quasiment identique, se tenait à côté. Pourquoi quasiment ? Parce que son buste était peint en violet sombre... Rapidement, le son rassurant, mécanique, réapparut.
« Tic tic tic »
Etait-elle en face de son vrai partenaire ?