Retour aux sources
Post by Diablotine - June 27, 2012 at 8:21 AM
Penchée sur le bord de l'embarcation, la femme encapuchonnée observait en silence les bouillons qui se formaient alors que les vagues frappaient la coque de manière rythmique. Voilà bientôt quatre jours que Diablotine avait quitté Systéria et elle était impatiente de revoir sa terre natale et son foyer, ou du moins, ce qu'il en reste.
« Tout va bien mademoiselle? », lui lança un matelot qui s’affairait à tendre la voile principale.
La femme, perdue dans ses pensées, ne lui répondit pas. Celui-ci marmonna quelques mots pour lui-même puis vient s’adresser à son camarade qui tenait la barre.
« Veux-tu bien me dire pourquoi on doit faire tout ce voyage pour reconduire cette pimbêche jusqu’en Egador? »
« Ordre du Capitaine, on a pas à questionner le comment du pourquoi! Allez, arrête de faire cette tête. Ce n’est pas si déplaisant d’avoir une aussi belle femme à bord pour changer. Admire la vue et fais ton travail, on devrait accoster dans deux jours, trois tout au plus. »
« Mmmff… Je n’aime pas son attitude. Elle reste constamment à l'écart et n’adresse la parole à personne. Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'elle nous cache quelque chose. Je te le dis, ça ne sent pas bon cette histoire. »
« Bah! Tu t’en fais toujours pour rien! On a nos ordres, on les exécute et c'est tout. Le Capitaine la fréquente depuis un bon moment déjà, elle ne doit pas être si villaine que ça, non? Allez retourne à ton poste. »
Ce que le matelot fît, non sans jeter un dernier regard de méfiance à la mystérieuse passagère.
Post by Diablotine - June 28, 2012 at 7:21 AM
Diablotine et l'équipage qui l'accompagnait atteignirent finalement le petit village côtier après un voyage sans encombre. Ils accostèrent au port sous le regard intrigué de quelques pêcheurs qui n'avaient pas particulièrement l'habitude d'accueillir des étrangers. La demi démone prit une grande inspiration, quelque peu anxieuse.
Les circonstances qui l'avaient poussée à partir à la hâte étaient encore fraîches dans sa mémoire. Tout avait déboulé à cause d'un simple roublard ivre qui avait tenté de l'agresser. Sans n'avoir pleinement conscience de ses actes elle l'avait projeté au sol avec une force qui lui était jusque là inconnue, s'était jetée sur lui puis s'était servie de la pointe osseuse de sa queue effilée afin de le poignarder de plusieurs coups à la poitrine. Quelqu'un avait été témoin de la scène, elle avait fuit, mais avait été vite rattrapée par toute une meute de villageois en colère, réclamant la mort de la "démone", torche à la main.
Elle secoua la tête, comme pour chasser ces pensées qui la hantait. Elle pointa du doigt un grand bâtiment à l'ouest en s'adressant à son escorte.
« Il y a une auberge par là si vous voulez boire un coup et vous reposer. Ne m'attendez pas avant demain à l'aube. Si je ne suis pas revenu d'ici deux jours, repartez... et dites à mon amour de m'oublier. »
Les marins acquiescèrent en silence, dubitatifs.
« Kal In Ex »
Grâce au sort qu'elle venait d'incanter, les traits du visage de Diablotine changèrent du tout au tout, la rendant alors méconnaissable. Elle bondit hors de l'embarcation, puis se détourna du village pour aller plus au Nord vers la forêt touffue qui le bordait.
Post by Diablotine - June 29, 2012 at 6:35 AM
Après une trentaine de minutes de marche, Diablotine atteignit l'orée de la forêt qui ceinturait le village. Elle remarqua avec étonnement que le sentier qu'elle avait l'habitude d'emprunter pour rejoindre sa demeure était bloqué d'accès par une clôture de bois sur laquelle un écriteau affichait en lettres peinturées le mot "DANGER!". Elle roula les yeux puis sauta la clôture, n'y prêtant aucune attention.
Puis, elle les vit enfin... les vestiges de la maison où elle avait grandi. Il ne restait guère que les fondations et deux pans de murs couverts de suie, le toit était complètement écroulé et l'herbe alentour était encore roussie. Un mélange de tristesse et de colère envahissait son être alors qu'elle contemplait le désastre qui se présentait devant elle.
La nuit avant son départ pour Systéria, les villageois avaient suivi sa trace jusqu’à sa demeure. Étrangers, connaissances et même amis proches criaient leur haine, aveuglés par leur ignorance, et réclamaient sa mort. Sa mère, réveillée par le vacarme n’eût le temps que de jeter un bref coup d’œil à la fenêtre, qu’un carreau d’arbalète l’atteignit en plein visage. Des torches furent lancées sur le toit, la fumée envahit rapidement la maisonnette. Diablotine avait réussit à s’échapper dans le tumulte, sans se faire voir. Elle laissa tout derrière elle, sans même avoir eu le temps de pleurer sa mère ou même réaliser tout ce qui venait de se produire. Elle avait rejoint le port à l’aube et s’était embarquée clandestinement pour Systéria.
Huit mois s’étaient écoulés depuis et pourtant la douleur qu’elle ressentait était encore vive. Visiblement, les villageois n’étaient même pas revenus pour nettoyer les lieux. Étant pour la plupart naïfs et superstitieux , peut-être craignaient-ils simplement que cette partie de la forêt était maudite et qu’ils n’osaient pas s’en approcher.
La demi démone fouilla les décombres, dégageant quelques débris plus lourd par télékinésie. Elle ne savait pas ce qu’elle cherchait exactement, elle ignorait même si ce voyage lui rapporterait quoi que ce soit. Des réponses, c’est tout ce qu’elle souhaitait. Puis c’est en soulevant ce qui restait d'une armoire de chêne, qu’elle la vit. Le corps de sa mère était toujours là, carbonisé et décrépit, écrasé sous le poids des débris. L’odeur qui s’en dégageait était insupportable… Les spectacle qui s'offrait à elle l'était tout autant. Ses genoux fléchirent.
Post by Diablotine - July 2, 2012 at 1:30 AM
Après un moment, Diablotine se ressaisit. Elle posa à nouveau les yeux sur le cadavre décrépit de sa chère mère pour l'observer une dernière fois. Puis, détournant le regard, elle retira le carreau qui transperçait toujours son crâne, non sans refouler quelques hauts-le-coeur. Elle prit le corps de sa mère dans ses bras et alla le déposer un peu plus loin sur un lit de brindilles et de feuilles mortes. Elle se dirigea ensuite vers un petit cabanon à proximité de la maison. Elle prononça une formule magique qui fit sauter le cadenas de la porte et s'empara d'une pelle qui y était entreposée. Alors que le soleil commençait à disparaître derrière les arbres, elle commença à creuser, le visage crispé et le coeur lourd.
Une fois le trou creusé, elle y laissa tomber le corps de sa mère. Appuyée sur sa pelle, le visage sale et le front en sueur, elle se recueillit en silence. Elle ne savait trop quoi dire en de pareilles circonstances. Elle se sentait coupable d’avoir provoqué indirectement sa mort. Non seulement elle n’avait pu contenir sa seconde nature ce soir là, mais elle s’était exposée et avait provoqué la mort d’un homme. Si elle l’avait seulement repoussé et s’était enfuit, rien de tout cela ne serait arrivé… D’un autre côté, elle ne serait jamais allée à Systéria et n’aurait jamais rencontré cet homme dont elle était tombée éperdument amoureuse.
C’est sur cette réflexion qu’elle boucha la fausse et tapa la terre fraîche avec le dos de sa pelle. Elle se détourna afin de se diriger à nouveau vers sa maison. C’est alors que son regard fût attiré vers un objet brillant qui reposait à l’endroit où elle avait déposé sa mère plus tôt. Elle se pencha pour y ramasser une petite clé dorée, accrochée au bout d’une chainette. Bien sûr… le coffret personnel de sa mère. Elle s’était toujours demandé ce qu'elle y cachait. Elle jeta nerveusement un coup d’œil par-dessus son épaule, croyant avoir entendu un craquement, puis, constatant qu’il n’y avait rien, elle incanta un sort de vision nocturne et se mit à la recherche de ce fameux coffret.
Post by Diablotine - July 2, 2012 at 2:02 AM
Si Diablotine avait décidé de faire un voyage jusqu'à son ancien foyer pour chercher des réponses, c'est qu'elle s'inquiétait de plus en plus de sa seconde nature. Depuis qu'elle fréquentait son bel amant, elle découvrait une facette d'elle qui lui était jusque là étrangère. Cela avait débuté lors de leur première nuit ensemble. Une nuit passionnée dont elle gardait, sommes toutes, d'excellents souvenirs. C'est lors de cette nuit qu'elle et lui se rendirent compte que lorsque l'extase s'emparait d'elle, sa seconde nature refaisait surface. Elle qui était pourtant si douce d'ordinaire, devenait agressive, vicieuse et contrôlante. Il n'est pas rare que son amant se réveillait avec de nombreuses égratignures sur son torse et dans son dos.
Au début, son amoureux arriva à s'y faire, il était compréhensif de sa condition et à vrai dire, il ne détestait pas nécessairement l'aspect sauvage de sa compagne. Mais alors que la fréquence de leurs ébats s'accentuait, il était de plus en plus difficile pour elle de contenir sa nature démoniaque. Lorsqu'il repoussa volontairement ses limites pour voir jusqu'où elle serait prête à aller, elle était passé à deux doigt de le tuer en se servant de la pointe acérée de sa queue. C'est suite à cette nuit qu'elle s'était distancée de lui. Elle l'aimait trop et refusait de devenir une menace pour leur couple.
Et la voici donc, fouillant dans les décombres de sa maison en ruine, à la recherche d'un coffret dont elle ignorait complètement le contenu. Après près d'une heure, elle mit enfin la main dessus. Bien qu'il était quelque peu noircit, il semblait avoir résister à l'incendie. Elle y introduit la clé et l'ouvrit enfin. À l'intérieur, elle trouva un pendentif en argent dans lequel était incrusté un saphir et une dizaines de lettres d'amour que le père qu'elle n'avait jamais connu avait apparemment adressé à sa mère. Finalement elle y trouva un vieil ouvrage... Brèche, TomeVI - LILITH. écrit par un Répurgateur du nom de Gaspar Clairelame. Elle fourra le tout dans son sac. Elle aurait visiblement de la lecture à faire sur le chemin du retour.
Ainsi, elle décida qu'elle n'avait plus rien à faire ici. Elle rebroussa chemin et gagna le port avant le levé du jour.
Post by Diablotine - July 2, 2012 at 2:23 AM
Sur le chemin du retour, Diablotine s'enferma dans sa cabine et entreprit la lecture de l'ouvrage qu'elle avait trouvé.
Brèche, TomeVI - LILITH
De la brèche, se déversa le mal. Des démons de tout acabit franchirent le mince voile qui séparait leur monde du nôtre et tous avaient soif de conquérence.
Parmi toutes ces créatures abominables qui s’évadèrent du plan maléfique, l’une d’elles semblait faire contraste avec ses semblables, comme une rose parmi les ronces. Il s’agissait de Lilith, une démone du désir et de la luxure, proche parente des effroyables succubes. Cette démone avait l’apparence d’une femme magnifique aux cheveux noir de jais, à la peau très pâle et aux longues jambes satinées. Elle était munie d’une grande paire d’ailes rappelant celles d’une chauve-souris, de longues cornes acérées qui ornaient sa tête ainsi que d’une queue effilée se terminant par une pointe mortelle.
Lilith était l’une des nombreuses servantes du Dieu Sombre et comme ses semblables, son seul objectif était de recueillir des âmes mortelles qui viendraient garnir les rangs des esclaves de son terrible maître.
Lilith pouvait revêtir différentes formes; jeune jouvencelle, épouse, amour d’enfance... elle pouvait incarner le fantasme le plus enfoui de ses victimes. Elle s’emparait ainsi du cœur des hommes, du plus naïf au plus hardi et les attirait dans sa couche afin de s’accoupler avec ceux-ci. Pervertissant ainsi l’âme de sa proie, elle tuait au plus fort de l’acte et venait ensuite offrir cette âme corrompue au Dieu Sombre.
Avant d’être renvoyée dans son plan et que la brèche se referme, il est dit que Lilith enfanta de nombreuses filles qui se cachèrent parmi les hommes. Ces femmes Tieflings particulières auraient hérité de la beauté de la démone mère mais également de son instinct meurtrier lors de leurs ébats amoureux. Il serait toutefois peu probable qu’elles possèdent également le pouvoir de corrompre l’âme de leur amant.
Deux Tiefling que l’on pourrait associer à la descendance de Lilith ont été répertoriées dans les anales de l’église Thaarienne. La première était la femme d’un riche marchand de Posdenia en Egador. Après trois ans de mariage heureux, l’homme fût retrouvé mort par étranglement dans sa chambre. Sa femme aurait avoué le meurtre et se serait elle-même livrée aux paladins du monastère local, avouant son appartenance à la race Tiefling. Elle fût brûlée vive sur le bûcher.
La seconde était une fille de joie de Briganne doublé d’une tueuse en série qui vouait un culte au Dieu Sombre. Ayant complètement succombé au sang démoniaque, elle offrait son corps aux voyageurs de passage dans la capitale en échange de pièce d’or, et de leur vie. Les paladins de Briganne lui tendirent un piège et captura la demi démone alors qu’elle s’apprêtait à faire une huitième victime. Il fût facile de prouver son appartenance à la race Tiefling, elle qui possédait une petite paire d’ailes. Elle fût également brûlée vive sur le bucher.
Il est peu probable, mais pas impossible qu’il reste encore, de nos jours, des héritières de Lilith, la démone du désir. Gare à vous, messieurs, si vous rencontrez un jour la femme idéale!
Gaspar Clairelame
Répurgateur de Briganne
Elle referma le livre, perplexe. Se pouvait-il que sa mère et elle fassent partie de la descendance de cette démone? Cette perspective n'avait rien pour la rassurer. Et si la raison pour laquelle sa mère refusait de lui parler de son père était parce qu'elle l'avait elle-même tué? Les morceaux du casse-tête se mettaient en place. Elle aurait sans doute une longue discussion avec son amoureux à son retour à Systéria, car si elle ne trouvait pas un moyen pour contrôler sa seconde personnalité, elle présageait déjà le pire.