Le récit de Khaelm (et le Prologue de Kamias)

Le récit de Khaelm (et le Prologue de Kamias)

Post by Kamias Talenos - February 24, 2006 at 1:56 AM

Kamias Talenos possédait un petit livre tout raccorné, duquel plusieurs pages pendaient , jaunies, menaçant de tomber à chaque instant. Malgré l'état avancé de délabrement que présentait le bouquin, Kamias en prennait soin comme s'il s'agissait d'un trésor, et c'était tout comme, de son point de vue, car c'était son père qui l'avait écrit.

Le récit de ce livre allait comme suit.

C'était une fort belle matinée pour Khaelm le Hob, une vraie belle journée d'été ensoleillée, et la brise fraîche du matin ne laissait toutefois aucun doute sur l'après-midi caniculaire qui s'annonçait, obligeant le pauvre vieil homme à passer celui-ci confortablement calé dans un coin d'ombre à lire parresseusement quelque anciens écrits.

Oui, mes amis, Khaelm s'apprêttait à ne rien faire d'autre que de regarder les oiseaux, lire un brin et siroter un verre d'Ale frais. Mais il n'allait rien en être, et de ces somptueux projets, Khaelm n'eut jamais d'eux qu'une furtive vision.

Car.

En cet instant précis, le vieillard sentit une présence à ses côtés.

Se retournant lentement, il apperçu un homme à l'age impossible à deviner, son regard incroyablement mature (et froid, nota le Hob dans un frisson) contrastait avec la jeunesse et la béatitude de ses traits fins. Chose surprenante, plus Khaelm essayait de fixer l'homme dans son souvenir, plus celui-ci semblait changer, et après quelques secondes ou Khaelm resta figé à ne rien dire, le visiteur prit finalement la parole.

Khaelm fut figé un instant, incrédule, puis, sa première pensée vu que la seconde dont parlait cet hurluberlu était passée depuis déjà un quart de minute. Et qu'il n'était pas mort.

-Tu crois être encore vivant? Tu n'as pas totalement tord. Tu as vécu une vie sans offense grave, et tous ceux qui doivent mourir ont droit à une dernière parole. Le temps tel que tu le connais n'a plus cours, mais si tu as une requête ou une prière à faire aux Dieux, exécute toi je te prie.

Khaelm regarda autour de lui, cherchant un signe, un mouvement qui lui prouverait que son compagnon de (mis)fortune se trompait. Mais le contraire lui apparut. La bonne Velsma, de l'autre coté de la rue, semblait étonnament immobile. Et les nuages, s'étaient t'ils figés?

Le vieil homme se tourna vers sa Mort, avec une détresse enfantine dans les yeux.

-Oh! Vieil Homme ( ou jeune mort, si cela te sied) j'ai souvent entendu cette question, et je puis te dire que beaucoup meurent joyeux. Si tu meurs misérable aujourd'hui, c'est que tu fis une erreur.

-Laquelle? J'ai demandé pardon pour mes offenses, j'ai honoré mes Dieux.

-Si fait.

-Mes fils ont un brillant avenir, ma boutique ne tourne pas mal, et ma femme est encore valide.

-Si fait.

-Je n'ai participé a aucun complot, je n'ai triché ni menti à mes amis.

-Si fait.

-Mais alors, qu'ai-je FAIS?

-Justement, Khaelm, vous ne fites rien. Vous avez écoulé des jours paisibles, vous avez maintenu la boutique de votre père a flot, sans ambition aucune, buvant et fêtant dès que possible, consacrant toutes vos énergies à votre seule personne. Vous n'avez ammassé ni trésor ni héritage, vous n'avez ni souffert ni été passionné que par votre propre plaisir. Votre vie fut longue et exemplaire, et pourtant, j'ai escorté dans l'au dela des enfants dont les âmes étaient plus chargées que la votre.

N'est-ce pas normal, pour un homme qui ne possède que sa vie, d'être triste de la perdre? Votre nom sera vite oublié, si fait, et votre histoire n'intéressera même pas vos petits enfants.

La beauté de l'existence consiste à se sacrifier pour une cause, à laisser sur ce monde une trace, une amélioration ou une réponse qui ne s'y trouvait pas avant. Ceux qui partent en laissant derrière eux une histoire, une chanson, un Haut Fait, ces gens sont les seuls que j'ai escortés heureux dans l'au delà.

Khaelm soupira, ses épaules s'affaissant, et reconnu que sa Mort disait vrai.

Kamias adorait ce récit. Il le lisait, et le relisait souvent, et sa jeunesse en avait été profondément marquée. C'était cette morale, cette urgence d'être utile, de se donner et de laisser sa trace qui l'avait forcé à quitter sa ville natale (et son père) pour explorer les Terres Extérieures, et qui l'avaient emmené aux portes de Systéria.