Un discours officiel sur la place publique
Post by Thomas Bolton, Emp - January 5, 2009 at 11:24 PM
Des affiches avaient été accrochées un peu partout en ville pour informer les citoyens qu’un grand rassemblement était prévu sur la place publique. Tout le monde était convié pour écouter une allocution d’un membre du Conseil Privé. Poussée par la curiosité, une bonne partie de la populace se déplaça-t-elle en ce début de soirée pour savoir de quoi il s’agissait exactement. Il faut dire aussi qu’elle venait pour le spectacle, on trouvait toujours dans la foule un ou deux individus qui balançaient des légumes.
Des dépêches avaient également été envoyées aux ambassades étrangères sur le sol systérien pour convier les représentants des autres nations. Il n’y aurait aucun absent parmi eux. On les voyait déjà qui s’installaient dans la tribune d’honneur, installée en hâte près du palais. De l’honorable diplomate Tsen au très digne oligarque elfe, presque tous les pays y étaient présentés. Briganne brillait par son absence, mais cela faisait des années que les deux empires avaient cessé tout contact diplomatique permanent.
« Pardon, pardon. Pardon, excusez-moi, poussez-vous, pardon, hop la, non, c’est mon pied ça, pardon. Hey, regardez en dessous ! »
Le pauvre diplomate des Landes Unies essayait tant bien que mal de se creuser un passage à travers la foule dense. Arrivé à la tribune, il eut le droit à un regard torve de la part de l’ambassadeur berguenois. Il l’ignora et alla s’installer, ouvrant son panier et sortant une bouteille de vin avec du pain et du jambon. Cette fois, son imposant collègue sembla intéressé. Bonne nature, il eut droit à un morceau, mais surtout à une gorgée.
Ce petit manège aurait pu continuer si les grilles du palais ne s’étaient pas ouvertes en grand pour laisser passer la silhouette sombre de l’Intendant Bolton. Il avançait lentement vers la tribune, d’un pas régulier. Le claquement sec de sa canne contre le dallage faisait l’effet d’un métronome. De chaque côté, on pouvait apercevoir un jeune garçon de dix ans à droite et une jeune fille de huit ans à sa gauche. Sans doute leurs altesses Maemor et Isaleia. Qu’avait-il fait du troisième ? Mystère.
Arrivé devant le pupitre, le ministre balaya la foule d’un regard sévère, comme pour décourager quiconque de lancer quoique ce soit, puis s’éclaircit la voix. Maemor et Isaliea, juste à côté, gardaient un visage digne et mature – assez extraordinaire pour des enfants de leur âge.
« Ambassadeurs des Nations, Peuple de Systéria,
Si vous êtes réunis ici aujourd’hui, c’est pour vous annoncer la mise en place d’une toute nouvelle réforme au sein de l’empire. Le décret qui sera publié ne changera pas seulement la vie des habitants de notre pays, mais aussi celle de tous les individus sur Enrya qui souffrent du poids de leur chaîne.
Comme vous le savez, depuis l’Indépendance, jamais la Couronne n’a toléré l’esclavage sur notre terre. Jamais des femmes et des enfants ne se sont retrouvés les mains liées par de puissantes chaînes. A aucun moment des familles ont été déchiré par ce terrible fléau.
Avec la libération de Systéria de son oppresseur, la dynastie instaurée par Maemor Ier n’a jamais plus voulu opprimer à son tour. Nous nous revendiquons comme étant une société multiculturelle donnant une chance à tous et à toutes. C’est pour le moment inexact. Nous sommes une terre de liberté, nous reconnaissons la souveraineté des peuples qui souhaitent se libérer… »
Thomas tourna doucement la tête pour fixer l’ambassadeur de la République d’Exophon. Systéria avait été la première nation à les reconnaître officiellement, ils ne devraient pas l’oublier. Ce petit instant de répit permis à un citoyen qui s’ennuyait de balancer une tomate en plein sur le ministre… La petite princesse, qui n’avait pas bronché depuis le début du discours, comme son frère, leva soudain la main avec une vigueur étonnante. La tomate retourna à son envoyeur.
La foule explosa de rire. Isaleia resta de marbre. L’arroseur arrosé jurerait néanmoins avoir vu la princesse lui décocher un clin d’œil. Thomas la remercia d’un signe de tête poli et attendit le silence pour poursuivre.
« Nous manquons de cohérence, car si nous abhorrons l’esclavage, nous tolérons que certains officiels étrangers viennent avec leurs esclaves sur notre sol. Nous tolérons que les navires des marchands d’esclaves fassent un arrêt dans notre port pour se ravitailler. C’est pourquoi, dès aujourd’hui, Systéria choisit de s’engager plus avant dans les libertés individuelles.
Aujourd’hui, messieurs les ambassadeurs, aujourd’hui, habitants de l’empire,
Le sol de Systéria affranchit le pied qui s’y pose. »
Tout reposait dans cette dernière phrase. Maintenant, tout esclave qui viendrait sur l’archipel serait libre. Dans la tribune des ambassadeurs étrangers, ça piaillait déjà. Le représentant d’Arnad’Idhren fixait la jeune princesse avec un intérêt tout particulier.
« Sa Majesté Feredìr sera enchantée d’apprendre que sa petite fille possède de tels dons… »
« Oh, lala. Encore des discours progressistes. Déjà que ça autorise les elfes-noirs à crapahuter en toute liberté, maintenant ça affranchit tous les esclaves. Après tout, c’est dans leur nature », énonça le berguenois, haussant ses impressionnantes épaules.
« Ce sont mes collègues des juntes de Medelia et de Xerdonia qui ne seront pas ravis, assurément », murmura l’ambassadeur d’Exophon…
« Et oh, vous savez ce qu’ils vous disent, vos collègues des juntes ? », braillait d’un air menaçant le diplomate de Medelia.
Quant au petit consul des Landes Unies, il n’eut qu’une idée en tête…
« Pas bête. Zut, on aurait dû y penser, nous aussi ! »
Et à la fin du discours, Maemor et Isaleïa saluèrent dignement la foule et rentrèrent ensuite au château avec Thomas. Quelques heures plus tard, un décret officiel parut dans le Journal Officiel…
Post by Sinriia Mel'Viir - February 3, 2009 at 6:57 PM
Presque un an c'était écoulé à présent depuis l'annonce du nouveau décret sur la "terre des affranchis". Systéria avait désormais offert la liberté à quelques centaines de nouveaux individus qui pouvait enfin aspirer à une bien meilleure vie.
Il arrive parfois que lorsque notre souhait le plus cher se réalise, nous ne savons trop comment réagir... Il en était particulièrement vrai en ce qui concerne ces nouveaux hommes. Certains de ces affranchis désiraient parfois voyager en toute liberté et se contenter des petites joies qu'offre la vie. D'autres quant à eux, préféraient se trouver un emploi honnête. Cependant, il était malheureux de constater que pour une autre partie d'entre eux, le temps qu'ils furent réduis en esclavage diminua considérablement leur propre confiance. Ainsi, il n'était pas rare de voir de nouveaux mendiants ou ivrognes errer dans les ruelles de la basse-ville.
L'on raconte que certains de ces itinérants étaient parfois conduis vers la caserne de l'armée par les soldats de la milice après avoir commis certains méfaits. Néanmoins au fil du temps, il était possible d'apercevoir de plus en plus de ces hommes arborer fièrement l'uniforme de la guilde martiale. Étais-ce un moyen de venir en aide à ces hommes qui étaient relâchés au grand jour dans cette jungle immense qu'est la grande Systéria?
Quoi qu'il en soit, des nouvelles affiches étaient placardées un peu partout dans les rues de la citée, alors que certains crieurs publiques récitaient le discours que la Comtesse Mel'Viir avait tenu sur la place publique de la basse-ville il y a quelques jours déjà.
" Affranchis, nouveaux hommes libres du peuple de Systéria!
Bientôt la majorité d'entre-vous célèbrerez votre première année en tant qu'hommes libres! Afin de vous assurer que vous jouissez entièrement de cette nouvelle vie, l'Armée des Mercenaires ouvre ses portes à quiconque sera prêt à prendre sa destiné en main.
En échange de vos loyaux services, la milice s'engage à vous offrir le gît et trois bons repas par jour. Vous aurez bien entendu droit à un salaire qui vous permettra d'acheter une majeure partie des choses dont vous avez toujours rêvé. Mais la chose la plus inestimable dont elle vous offrira, reste de loin et avant tout, votre citoyenneté.
En tant que citoyen de Systéria, vous serez enfin considéré à votre juste valeur comme étant un membre à part entière de notre société qui deviendra aussi vôtre! Relevez-vous, réclamez vos droits, et vivez en tant qu'hommes égaux! "
Post by Thomas Bolton, Emp - February 4, 2009 at 2:54 AM
Un sombre carrosse se tenait un peu en retrait de la place publique où la comtesse Mel’Viir faisait son discours sur les affranchis. Assurément le véhicule personnel de l’Intendant. Sombre, sobre, austère, ça ne pouvait appartenir qu’à un des plus hauts personnages de l’Etat. Quand l’elfe-noire eut terminée, une petite silhouette rebroussa la foule pour grimper dans l’habitacle. Il s’installa sur un des bancs, rendus confortables par des coussins de velours noir.
« Vous avez tout entendu, monseigneur ? »
« Tout, Cressen, absolument tout. », répondit le ministre d’un ton monocorde.
« Madame la Comtesse va faire gagner beaucoup d’influence à la guilde, monseigneur. Est-ce vraiment une bonne chose ? »
L’Intendant se contenta de hausser brièvement les épaules. Ce fut là sa seule réponse. Le fonctionnaire se tut. Alors que le carrosse reprenait sa route vers le palais, le marquis ajouta quelques mots :
« Ces individus à qui elle s’adresse viennent tout juste de regagner leur liberté. Ils sont encore aisément malléables, ils courent vers la liberté. Elle leur offre tout ce dont ils ont rêvé. Ils finiront par devenir exigeants avec le temps. Pour l’instant, elle bénéficie d’un effet de nouveauté. »
« Certes, monseigneur. »
« Nous verrons ce qu’il adviendra des guildes concurrentes. L’Armée profite de la faiblesse de l’Ordre et de dirigeants éclairés. Cette situation ne durera pas éternellement. Ca ne dure jamais éternellement. »
Cressen hocha la tête et se plongea dans de profondes réflexions. Oui, l’Armée était puissante, l’Ordre perdait chaque jour son influence, déjà bien affaiblie. Mais la mécanique impériale connaissait des cycles. Rien ne reste statique…
Post by Xul'zaer Maeldrim, Ind - February 6, 2009 at 6:18 AM
La nuit s'approchait, on pouvait le sentir dans l'air... Outre l'éclairage qui diminuait lentement, le vent qui habituellement soufflait si fortement du large semblait s'essouffler lentement. L'elfe noir était assis sur un rebord de pierre aux pieds de la muraille non loin de la sortie de la cité, et fixait devant lui, l'air vaguement songeur. Devant lui s'étendait le quartier portuaire, qui commençait lentement à s'illuminer de multiples torches. Le brouhaha qui y régnait d'habitude faisait lentement place à une chorale de murmures de moins en moins audible. Les mats des bateaux dépassaient ça et là les toits des masures du port, de grands pics pointant vers un ciel maintenant irisé. De son point de vue, on pouvait voir une colonne de gens qui s'en allait en direction du port et d'autres qui en arrivait. D'un côté et de l'autre de la colonne, des soldats patrouillaient et surveillaient les individus avec un constant regard de suspicion. Après tout, il fallait êtr eun peu idiot pour ne pas suspecter que la porte d'entrée de Systéria servait tout aussi bien les intérêts des gens biens que celles des gens un peu moins bien intentionnés. De ces gens, la vue acérée de l'elfe noir ne permettait pas de déceler une quelconque appartenance à une race ou à une organisation. Mise à part les soldats, qui ressortaient du lot comme fleur au printemps... ces idiots. Son incapacité d'évaluer ainsi la provenance des gens ne faisait qu'attiser la flamme d'une certaine curiosité qu'il éprouvait en lui depuis son arrivée ici. Ces gens, qui étaient-ils ? Qu'est-ce qui les poussaient à venir dans la cité... qu'espéraient-ils y trouver ? Un travail, une épouse, une vie ? Ou était-ce autre chose, comme dans son cas...
Son regard fut attiré vers un petit regroupement de gens. Des soldats et des arrivants, ils l'étaient assurément à leur allure hébétée alors qu'il fixait les impressionnantes murailles qui se dressaient devant eux. Leurs vêtements étaient pauvres, déchirés à plein d'endroit comme si des bêtes sauvages s'était amusée longuement à les lacérer. L'un des gardes sortit un parchemin de son habit et le déroula, semblant discuter avec les nouveaux arrivants.
Sans trop qu'il ne sache pourquoi, cette image fit resurgir en lui une lecture qu'il avait fait récemment dans le papier principal de la cité. Apparemment, tout esclave arrivant dans la cité était maintenant libre de tout ses entraves. Des discussions qu'il avait entendu à ce sujet dans les rues, pour les humains, cette décision semblait aller d'elle-même. Mais pour le forgeron, cela était un non-sens... qu'espérent-ils donc créer en faisant cela ? Que ces esclaves nouvellement affranchis vont d'un jour à l'autre soudainement se mettre soudainement à se prendre un travail honnête, vendre des pâtisseries, en espérant que leur ancien maître va accepter sans broncher leur perte ?
Un léger ricanement, à peine perceptible, souleva sa poitrine.
Il fixa longuement le groupe d'individus, jusqu'à ce qu'ils se dispersent. Les soldats reprirent leur ronde alors que les arrivants sortirent du champs de vision de l'elfe en pénétrant sous la Grande Herse. *Je plains les esclaves elfes noirs qui vont débarquer ici et se retrouver libre... leur maîtres ne prendront pas de temps à les retrouver et ils paieront chèrement de leur vie leur traîtrise. L'Empire aura bientôt un surcroît de crime et du sang sur les mains, beaucoup de sang...*Des idées se bousculaient dans son esprit, la simple pensée de confrères elfiques débarquant d'Udossta fit surgir en lui une certaine nostalgie de son continent natal et de ses mœurs et coutumes. Avec son travail, voilà longtemps qu'il n'était pas passé rendre visite à l'une de ces connaissances elfe noir. Le retour de la comtesse Mel'Viir avait provoqué un étrange arrivage de nouveaux qu'il ne connaissait à peine.
Pas qu'il s'en sentait spécialement mal à l'aise, mais il est toujours de bon augure de conserver de bons contacts avec des elfes noirs. Même si l'on en est un soit-même. Ces pensées et bien d'autres de Udossta lui revinrent en tête, à mesure que les ombres s'étiraient...