Une dernière fois, une autre fois...

Une dernière fois, une autre fois...

Post by Azmaïl, Mort - June 24, 2007 at 2:30 AM

*Vivre une dernière fois. *

La missive fut achevée à l'aube et signée sous les premiers rayons du soleil. Pliée et déposée sur la table, elle ne fit l'objet d'aucun détour avant que Plume ne franchisse la porte de la demeure. Allongeant la durée de son trajet, il prenait son temps comme si, masochiste, il savourait l'ampleur de la tâche dont Il s'était fait un devoir et un fardeau d'accomplir, mais qui ne l'avait mené, au fond, qu'à un échec de plus, un échec de trop. Il pressa le pas devant les gardes, ces derniers auraient vu la détresse chez le chancelier en déroute et auraient tôt fait de le suivre ne serait-ce que pour sa compagnie.

Jusqu'où marcha-t-il? Jusqu'à s'en essouffler ce qui, dans pareille circonstance, est synonyme d'une centaine de mètres tout au plus. Là, dans la forêt, il s'arrêta au pied de l'arbre qui lui semblait le plus propice à son dessein. Un chêne, sans doute, la flore lui paraissait si futile auparavant. Or, cet arbre, comme lui, avait vécu des années à en juger par la grosseur de son tronc et était à présent fort et fier bien qu'il ne dépassât pas les autres. Ils se ressemblaient à ce moment: malgré leurs élans vers l'excellence, ils avaient été contraints de s'arrêter selon la volonté des faibles. Quelques noms lui venaient en tête et il ne pouvait s'empêcher de les marmonner, baptisant ainsi les frêles arbres environnants.

Il se sentait vivre, ne serait-ce que pour le peu de temps qu'il lui restait. Chaque geste posé lui rappelait un événement passé. Était-ce vraiment cela que la vie? Une suite d'évènements présents qui n'ont que pour seule raison d'être qu'un vague souvenir d'une époque meilleure? Abordant la question en ce sens, ses gestes tandis qu'il trempait sa dague dans un flacon de poison devinrent plus vigoureux, de même quand il l'enfonça au creux de l'arbre qui ne sembla souffrir d'aucune tristesse de voir son existence ainsi déchue. Prenant par la suite un morceau de vêtement qu'il tordit le mieux qu'il put, corde de fortune, il attacha la première extrémité à la plus basse branche de l'arbre qui serait aussi la plus solide à son avis. L'autre extrémité fut serrée contre son coup après qu'il se fut hisser sur ladite branche. Espérant que le saut lui casserait le cou et qu'ainsi ses tourments ne se poursuivraient point, il se laissa tout bonnement glissé de la branche, un sourire aux lèvres.

Alors que le vêtement se tendait, jusqu'à la rupture des fils, il sentit son corps tomber au sol. Comme si lui demeurait pendu dans les airs, tenu par sa volonté d'en finir, mais que l'autre avait décidé de ne point le suivre dans cet acte périlleux. De fait, Azmaïl se releva. Qu'était-il advenu de Plume? Ce nom n'existait plus, il devait s'être greffé à l'arbre qui mourrait tandis que celui-là même qui l'avait mené à son destin était à nouveau vivant. Le simple sourire laissa place au rire d'une personne qui ne semblait pas heureuse, ni malheureuse pour autant. Comme si elle avait été dépourvue de tout sentiment et d'humanité.

Ce projet qu'il avait commencé, de façon fort médiocre et modeste par le biais d'une fausse vertu, il devait le terminer coûte que coûte. Mais avant tout, il devait lui-même se libérer des imperfections laissées par son image, une copie de l'être qui animait ce corps. Sur ce, il quitta la forêt et trouva un lieu propice à son apprentissage, laissant l'arbre périr sous le courroux d'un lent poison.