La plainte de l'oiseau
Post by Azmaïl, Mort - July 24, 2007 at 4:03 AM
Assis sur un banc en haute ville, il regardait l'immensité des créations humaines. Des plus fines pierres, les architectes avaient trié celles qui paraissaient les plus parfaites pour en faire un hymne à la grandeur, la richesse; un chant discordant avec la plainte monotone de la ville, l'agonie des déchets de la basse. Le pavé disposé à mains d'hommes donnait l'impression d'une ère esclavagiste pendant laquelle de riches bourgeois s'étaient déclarés maîtres de souffrance, exploiteur d'une beauté d'un moment qui offrait son sang à une route qui durerait des millénaires. Au-delà des formes géométriques de l'esprit cartésien des aristocrates, quelques arbres, majestueux mais combien disparates se dressaient aux abords des maisons comme si ces témoins des âges s'étaient fait traîtres à à la nature pour y demeurer.alliés à une beauté froide et impure.
À une branche d'un de ces géants, un oiseau pleurait. Différent des roucoulements joyeux des colombes ou des piaillements enjoués d'autres oiseaux, ce dernier était particulièrement triste. D'assis, il passa à debout, curieux de voir quel mal pouvait bien accabler le plaignant. S'en approchant, doucement, le son devint clair et souffrant tant l'émotion, ridiculement réaliste, inspirée était sombre. Le marcheur sortit sa dague, disposé à éliminer la source de ce chagrin. Ce serait, de toute manière, lui abréger une souffrance inutile. À quelque pas de l'arbre, il entendit un bruissement d'ailes de même que le frétillement des feuilles. Levant les yeux au ciel, un oiseau s'envola si rapidement, l'air apeuré, emportant avec lui la triste mélodie.
Demeurant seul, il se posa maintes questions, cherchant tout indice, une trace de sang sur l'herbe immaculée, une plume flottant dans le ciel irradié, une dernière note à la complainte de l'arbre bourgeonnant encore, qui aurait pu indiquer la cause d'une telle tristesse. Or, il n'y trouva rien. Après quelques minutes, il se contenta d'hausser les épaules et continua son chemin. Si, pour l'insensible riche, le cri du coeur d'un affamé ne lui rappelle aucune misère, alors l'aura-t-il dérangé de quelques minutes de sa quiétude.