Intronisation à la Confrérie
Post by Noür/S. Eringyas, mortes - July 23, 2009 at 7:42 PM
La rencontre désignée avec le sieur Pandora lui avait paru sinistre. Il avait des moeurs d'hommes recrutant à la chaîne. Un ton monocorde. La regardait-il, seulement? Sous son regard, elle ne se sentait guère plus qu'une chose, qu'un fruit qu'une mégère pèse au marché avant de savoir si oui ou non elle le mettrait en son cabas.
Il était un rouage de la grande machine bureaucratique, aux yeux de Surumë il ne semblait guère plus que ça. Et elle ne s'était pas gardé de le lui dire. Il avait posé ses question, d'un ton d'homme las, usé par les mêmes mouvements et les mêmes paroles. Laissant un grand silence entre les réponses, d'une longueur si standard qu'on aurait pu la dire mesurée au même mètre. Puis au terme de cette entrevue, où la damoiselle avait répondu avec animation, sincérité, parlé de son pragmatisme...
-Voilà. Veuillez nous faire parvenir une lettre de motivation. Nous ne prenons que les plus motivés.
-Mais... c'est absurde à la fin? Vous vous gaussez bien de moi, n'est-ce pas? Tout ce que vous aurez donc pu faire ce jour est de faire perdre votre temps et le mien. Je suis une savante qui cherche le terreau propice à ses expériences. En me demandant une lettre que vous auriez pu demander de prime abord, qui ne m'aurait pas fait perdre nos temps, vous me demandez de rogner surm on temps d'écriture de mes études et du développement de mes expériences? Ma motivation, vous l'avez dans la parole et dans l'acte. Devrais-je me faire copiste, et réécrire cette entrevue en entier sur papier? Reprendre les mêmes mots, comme un enfant pris en faute qui devra copier la même ligne cent fois?
-C'est comme ça. Si vous voulez, vous pouvez toujours joindre votre étude à la lettre de motivation. Mais la lettre de motivation est obligatoire.
-Vous ne comprenez pas. Pour développer cette étude j'ai besoin des avis de mes pairs savants, de consulter les ouvrages rares sur l'Onirisme, afin d'en développer la théorie. Des ouvrages sur une magie méconnue, qui n'existent littéralement nulle part. À quel paradoxe vous m'acculez. Vous m'imposeriez de bâcler une étude, une affaire d'années, pour la joindre à une lettre de motivation? Vous me semblez être qu'un simple rouage de la grande machine administrative et bureaucratique, l'amour du savoir ne semble même pas vous animer... C'est sinistre.
-Les choses sont comme ça. Moi je n'y peux rien.
-Ah il suffit qu'un rouage grince pour que la machine s'arrête, et qu'on remette en question son fonctionnement. Mais vous êtes du genre trop bien huilé pour ça, n'est-ce pas?
Un bruit la fit se retourner. Fit en sorte qu'elle n'entendit pas la réponse monocorde, s'il y en eut une. Elle porta son attention par dessus son épaule. Elle arqua un sourcil, apercevant la femme drapée d'une robe violette, maladive, puis hésitante, elle énonça :
-Dame... Vespari? Vous vous portez-bien dame?
La femme vint faire dos au foyer, saluant Surumë de son nom, ne relevant pas la remarque sur son état. Le sieur Pandora en profita pour se retirer. Peut-être l'attendait-il à la confrérie une pile de lettres de motivations où il lirait ce qu'il avait entendu, et dont il avait clairement énoncé sa lâcheté de retranscrire? Ou bien littéralement une pile de recrues potentielles, car il aurait pu être du genre à empiler les gens, si les papiers le lui avaient ordonné.
Les deux dames discutèrent, parlèrent à la fois d'un temps jadis, de la réintronisation de Surumë, de ses projets, cette recherche de la magie Onirique dont elle parla avec passion... et elles parlèrent de la bureaucratie, les lèvres pincées, comme on parle d'un rat mort qu'on ne veut pas effleurer.
-Il est possible par la voix d'un Magistère, d'intégrer la confrérie sans passer par toute cette bureaucratie.
-Mais le sieur Glâneduc est alité, sans que je puisse rien n'y faire hormis envoyer des bons voeux. Et de même il semblait un bureaucrate rigoureux. Et vous... enfin je n'oserais pas, ce n'est pas ce genre de requêtes que la politesse permet de formuler.
-Vous n'avez pas à supplier. Ce serait un déshonneur pour vous, et m'apparaitrait comme une perte de temps inutile dans mon cas.
-En ce cas, ce serait un honneur. Honneur dont je me montrerai digne. Vous savez ce dont je suis capable, ma détermination par le biais de précédents travaux.
-Vous ne craignez pas la pluie, n'est-ce pas?
Et elles s'en furent au dehors, sous l'averse. La dame Vespari uniquement vêtue de sa tenue violette, légère, qu'on lui avait toujours connu. Celle-ci se macula bien vite de la pluie, cependant elle déclina l'offre de Surumë, de se voir prêter une cape.
-Une manière de garder contact avec les éléments, de faire usage de mes sens, vous voyez?
Elles s'en furent à la confrérie. Là-bas elles montèrent jusqu'à une tourelle, où reposait la fameuse pierre de la Confrérie, qui ferait se sceller le serment par magie. C'est son regard carmin plongé dans les yeux d'or de la dame Vespari, la Magistère, qu'elle énonça les dernières lignes du serment, sur lequel elle avait gardé les yeux jusqu'alors, pour ne pas se méprendre.
-Et je lutterai contre la nécromancie, source du mal et pire de toutes les engeances. Je scelle aujourd'hui le serment de fidélité absolue et éternelle, envers la Confrérie.
Et sa main se posa sur la pierre, conjointement avec celle de la dame Vespari. Scellant dans les arcanes, pour de bon, ces voeux. Durant cette manoeuvre, Surumë ne put s'empêcher de sourire.
-Je fais de vous une initiée. Généralement les nouveaux venus à la Confrérie sont apprentis, le temps de se familiariser avec les us, avec l'endroit. Je vous fait grâce de ce stade. Je ne prends jamais d'apprenties, et vous n'avez certainement pas besoin de maitre. Je vous affranchirai définitivement de ma personne lorsque vous aurez mené à bien un ou deux projets.
Surumë approuva. Elle suivi ensuite la dame Vespari à travers le dédale des couloirs, recevant le nécessaire à l'intégration de la confrérie. Tenues, mais le plus important, les clefs. Au terme de quoi, après quelques questions, Surumë vint trouver les dortoirs, et la dame Vespari continua sa promenade, dans l'aube naissante.
Son intronisation était chose faite.