Histoire de taverne, c'est le cas de le dire : à la Rose
Post by Adjakyee, Ind - September 30, 2011 at 12:42 AM
La rumeur voulait que l'établissement comptait un nouveau serveur, embauché par Caprice.
Adjakyee, qui agissait comme videur de l'endroit en échange d'un ancien service rendu par Caprice, dont on ne connaissait pas la teneur, avait promis de garder l'individu à l'oeil.
L'homme était embauché sans salaire, évidemment. Mais vivrait de la bonne grâce des clients et surtout, clientes, qui voudraient bien lui offrir un pourboire contre son service ou... ses charmes.
Le mercenaire Asphaar Méliamne avait, par ailleurs, été mis au fait de la situation et ne manquerait d'informer ses collègues de l'Armée.
Maintenant, il était donc de notoriété publique que...
Elzar, dit le Bel Inconnu. Ou l'Homme en Rouge. Avait pris le titre de serveur, à la Rose Cendrée.
Post by Adjakyee, Ind - September 30, 2011 at 6:50 PM
*Caprice, ainsi que la revêche femme noire qui servait de videur de temps à autre, discutaient. L'échange était serein. Caprice tenait son rhum. Adjakyee, sa gourde d'eau. *
-D'abord... il y a eu Amélia Desbois. La Horde Sanglante et ses courtisanes... l'entente d'approvisionnement avec les gitans. C'était... le bon temps, oui, où on ne manquait de rien. Tu savais qu'il y avait eu une juge qui a bossé comme courtisane? Amathya... machin. Enfin un nom elfique.
-Mh mh.
*Commenta la noire, laissant l'autre poursuivre. *
-Puis, il y a eu le temps d'Heylaine et Morgathyss, au temps du Cercle de Pierre. L'endroit s'est appelé la dame de coeur, à l'époque. Et c'était plutôt fréquenté par un autre juge, souvent. Kundera, je crois qu'il s'appelait. Il y avait quelques coups, quelques types qui se damaient le pion, mais ça restait vivant.
-Mh mh.
-Et... il y a un un grand temps de vague, ensuite. C'est passé d'une main à l'autre, des anonymes, qui ramassaient le pécule sur notre dos. Puis...
-Mh?
-Puis il y a eu Elea. La juge, eh oui une autre. Elle a repris l'affaire, elle voulait améliorer la Basse. Tout ça. Elle a fini par partir, s'en retourner chez les elfes. Et du coup, depuis, tout va à vau-l'eau. On a sans doute un propriétaire. Peut-être l'Association? Ça, ou bien l'Armée. En tout les cas, on garde nos revenus, et on s'en plaint pas. Chacun gagne ce qu'il peut, et on nous demande pas de compte. Le hic, par contre, c'est qu'y'a plus d'salaire. C'est l'embêtant.
-Tu préfèrerais qu'on rappelle notre existence à l'Association, ou pas?
-J'sais pas. Oui si ça donne un salaire. Non si ils piquent nos revenus, déjà qu'on gagne pas grand chose...
-J'en parlerai à Lidenbrock. C'est un Seigneur-Marchand, il saura quoi faire. Lui.
Post by Rakshäsa'Kali - October 10, 2011 at 9:48 AM
Ambiance. Merci à Félix Leclerc
Ah. La Rose. Une ambiance sulfureuse. Enflammée. Endiablée.
Une lanterne rouge, ilot dans une marée de ruelles sombres.
Au fond de cette ruelle, un homme effondré contre un mur soliloquait. Il discutait, gémissait, criait parfois, à des choses qui ne semblaient pas être là. Ses yeux chassieux d'alcoolique, d'homme lié par le serment de fidélité involontaire que faisaient prêter certaines potions de drogues consommées à outrance , se posaient sur une de ses hallucinations ou l'autres.
L'ancien ménestrel protestait, les chassait parfois d'un geste maladroit. Mais elles revenaient sans cesse.
Près de lui, une autre créature de son esprit distordu, peut-être? Un curieux petit démon, un diablotin verdâtre et rigolard, qui s'était affirmé l'Émissaire de sa Majesté. Il s'ajoutait aux autres créatures éthérées et oniriques que les potions avaient instillé en son esprit malade et brisé. Pourtant, le diablotin parlait plus fort que les autres visions réunies.
*-Écoute. On m'envoie, pour te chanter une jolie berceuse. N'oublie pas, ménestrel, de la chanter partout où tu passes. Surtout à la Rose. Et passe mes compliments au tavernier Elzar. *
L'homme crasseux lissa sa barbe sale d'une main, pinça ses lèvres fendillées. Il commenta, en un râle digne d'un colosse vert.
-Mhhgr?
-Tu seras payé... en nature. Tes besoins assouvis. Penses-y.
L'imp fit apparaitre en sa paume une potion de force. Les seules choses qui permettaient au ménestrel déchu de tenir encore debout. Il lui en fallait plus que trois par jour. Il maugréa. Puis il hocha enfin, concédant à la demande de cette curieuse muse. Le marché était conclu. L'homme hagard s'empara de la potion, la déboucha de ses chicots jaunis, et déglutit son contenu d'une traite.
À la Rose, ce soir là, dans la gaieté et l'éclat des verres les uns contre les autres, la voix de basse du ménestrel déchu s'éleva.
Sur les cent mille façons de tuer quelqu'un, voici la plus efficace:
Sur les cent mille façons de tuer quelqu'un
La plus dangereuse c'est par un dragon
La plus onéreuse, le baril explosif
À manipuler, avec attention
Y'a toujours la corde dite de pendaison
Mais pour le noeud coulant, faut avoir le don.
Sûr que la noyade attire les moroses
Mais pas garantie, parce que l'eau réveille
Y'a l'bon vieux poison mais là faut la dose
Pas assez tu dors, un peu trop tu veilles.
Les sorts sont plus propres, pas de commentaires
Mais encore doit-on vous laisser faire
Non, je crois que la façon la plus sûre de tuer un homme
C'est de l'empêcher d'travailler, en lui donnant d'l'argent.
Le rasoir, ma foi, cette saloperie
A ses fanatiques parce que c'est tranchant
La hache le couteau et la scie aussi
Mais c'est un domaine bourré d'accidents
Très peu efficace est la collision
Ça brise une face, laisse des lésions
Pour mourir de soif faut la volonté
Le dégoût de l'eau, surtout la santé
Non vraiment j'y tiens la meilleure façon de tuer un homme
C'est d'le payer à ne rien faire.
Entre mourir d'amour ou bien mourir de rire
La plus achalandée, c'est difficile à dire
Les deux finissent en spasmes, en soubresauts, en transes
Mais les deux sont, je dis
Le rire toujours comique
Et l'autre romantique
L’Ordre a son bucher, c'est très indécent
Et pousser dans le vide, pas toujours prudent
Étrangler quelqu'un, c'est perdre ses sens
Le trancher c'est pire c'est les san(g)s d’ssus d’ssous
Non vraiment je reviens aux sentiments premiers
l'infaillible façon de tuer un homme
C'est de le payer à ne rien faire
Et puis c'est gai dans une ville : ça fait des morts qui maaaarcheeeent.
Les plus ivres acclamèrent. Certains restèrent pantois. Que voulait donc dire l'ivrogne, cet halluciné qui parlait de sa muse? Il semblait pourtant toucher bien des tabous : de la politique à la nécromancie, en passant par les assassinats, des choses que le commun des Systériens ne touchaient pas à mains nues à l'égal des flaques d'acide qui les entouraient.
Parlait-il des Guildes? Et en ce cas, des salaires astronomiques empilés sans qu'un petit doigt ne fut levé trop haut?
De la passivité galopante dans la cité, qui rendaient les hommes égaux d'esclaves, de pions? Égaux des zombies relevés par un nécromant, soumis aux velléités d'un maitre.
De la loi du moindre effort qui semblait régner? De la méritocratie en déroute? Des guildes que leurs membres eux-mêmes critiquaient à mots couverts, sans agir, ou sans pouvoir y faire?
De la cupidité qui animait bien des coeurs? L'Ordre en était lui-même à proposer une somme d'argent facile à qui lui donnerait bien une piste, peu importait de sa véracité. La chanson serait-elle pour se moquer des avides qui avaient voulu briguer cette somme facile, indiquant des pistes à l'Ordre peu importe qu'elles fussent vraies ou fausses.
Une grogne qui demeurait, depuis longtemps à Systéria, exprimée à mots couverts?
Ou était-ce une menace, contre les loquaces qui se prenaient à parler à tort et travers de ce qu'ils croyaient connaitre?
Peut-être même était-ce un peu de tout, par ce pavé dans la mare qu'on avait jeté, et qui projetait bien des éclaboussures, dans plusieurs sens. Si des explications étaient requises du drogué, viendrait cela, un tissu décousu d'où on pourrait tirer ces paroles :
-Ma muse? Un petit être. Ailé. Vert. Une n'arrapi... n'appartissi... N'apparati... Enfin je l'ai vu, comme je te vois.
Post by Noür/S. Eringyas, mortes - November 27, 2011 at 9:41 PM
Toi, voyageur incongru, comme je le suis, tu es sûr de vouloir entendre ce conte, connu seul des nomades d’Allabram?
*La petite chose aux cheveux blancs, aux yeux écarlates, fixait ledit interlocuteur, un homme comme tant d’autres, qui fréquentait la Rose, drapée de ses multiples voiles, de sa vaste toge immaculée qui ne cachait pas ses dehors osseux. *
-Tu as quel âge, petite?
-Moi…
Reprit-elle, de sa voix aux r qui roulaient, remontant une de ses mèches huilées et parfumées derrière son oreille en pointe.
-Moi, j’ai dix ans, quinze ans, j’en ai vingt, j’en ai cent, j’en ai mille, à ta guise, voyageur. Je n’ai pas d’âge : tu le sais, voyageur, que les fantômes n’ont pas d’âge.
*L’homme eut un rire gras, posa sa paluche sur la cuisse osseuse de la demoiselle. *
-Bon bon. Je ne suis pas regardant, je te donne l’âge que tu veux, pourvu que tu me donnes ce que moi, je veux. Divertis-moi, j'ai payé pour ça. D’abord le récit, et ensuite… le reste.
-À ta guise, voyageur.
*Elle inspira. *
-Il est un clan, vois-tu, dans le lointain désert, qui se faisait appeler les Al-Hazred. Ce clan, vois-tu, avais un patriarche, dont le nom est volontairement oublié par les bien pensants d’Allabram, des chefs de clans au dernier des derniers. Il s’appelait Abdul. Ils l’appelaient le fou.
Abdul vivait près de l’oasis, avec ses femmes, ses fils, Omar et Hassam, et ses filles. Pas l’oasis d’Allabram ou se pressent tous les clans. Mais cet oasis où l’on dit voir des djinns, l’oasis qui exauce les rêves, leur permet de prendre forme dans la réalité. Les Al-Hazred en étaient les gardiens, vois-tu.
Abdul, et les siens, y avaient monté leur camp. Mais c’est que, vois-tu, les Al’Hazred étaient mal vus. Abdul avait choisi des femmes différentes, dont une à la peau noir comme les anciens tombeaux, et aux yeux rouges comme les flammes. Certains disaient qu’il l’avait ramené du monde des esprits et des songes. D’autres, que c’était une femme étrangère, qui s’était perdue, et qu’Abdul avait recueillie avant de la prendre pour épouse. Les chefs de clan ont dit que cette femme avait utilisé une force surnaturelle, afin de forcer Abdul à la protéger, le rendant malgré lui amoureux, infiltrant son esprit déjà miné par la folie.
On disait qu’Abdul, qui avait visité les tréfonds de la grande pyramide, et les profondeurs d’Ilrem, la ville aux mille piliers dont les portes sont à l’oasis, était soumis au pouvoir des créatures qui hantaient Ilrem. Albul se rendait parfois au devant des autres chefs de clans, à Allabram, en compagnie de ses fils. Il parlait d’Ilrem, de ses habitants, peu à peu conquis par des forces obscures. Les chefs de clan ne l’ont pas écouté.
De l’un de ces voyages, Abdul n’est pas revenu. Les récits ne sont pas clairs, quant à ce qui lui est arrivé. On dit qu’une des créatures d’Ilrem, invisible, l’a dévoré vivant au cœur d’Allabram alors qu’il réitérait ses avertissements. On raconte aussi qu’il s’agit des djinns, qui ont disgracié ainsi le clan Al-Hazred. D’autres disent qu’un des chefs de clan a utilisé ses pouvoirs pour éliminer le clan.
Peu importe. Depuis lors, à Allabram, le clan Al-Hazred est maudit. Omar et Hassam ont été exécutés le jour-même, leurs esprits rendus au jugement des Djinns. Une troupe est ensuite venue bruler le campement de l’oasis. À cause des habitudes d’Abdul, de sa femme sorcière étrangère, de ses enfants impurs, les sages d’Allabram ont jugé bon de maudire le clan, et de commander à leurs hommes d’armes d’en tuer les membres jusqu’au dernier.
Depuis, le clan Al-Hazred n’est plus. On raconte, voyageur, qu’il n’en reste plus que l’amertume et les cauchemars, la volonté vengeresse des Al-Hazred ayant imprégné l’oasis, et la porte des songes dont ils étaient gardiens.
*La voix de la jeune fille mourut en sa gorge. L’homme, encore, demeurait fendu d’un sourire, amusé à priori par le récit dont il ne saisissait pas le drame et la profondeur, comme tout individu qui n’avait pas été bercé par les légendes du désert et ainsi, qui n’y prêtait pas foi. La jeune fille, placide sous ses voiles, saisit la main de l’homme, l’entraina vers les abimes de la Rose, comme on le lui avait appris. Mélancolique, elle se remémora qu’il était souvent moins douloureux d’offrir son corps qu’une parcelle de son savoir. *
Post by Djinn - November 27, 2011 at 10:14 PM
Rien ne l'aurait discerné d'un autre client. Depuis que la rose cendrée comptait un renouvellement dans le recrutement, cela signifiait une recrudescence des nouvelles, des cancans. Les hommes parlent beaucoup plus dans un environnement clos, entre les mains d'une femme, sous la caresse angélique, sous la violence des ébats. Un endroit riche en information, si l'on payait assez bien. C'était ce pourquoi était présent Djinn, sous le doux nom aujourd'hui de Marciello Del Albani.
Les cheveux roux, épais, détachés et légèrement bouclés. Une barbe taillée rappelant le vénitien. Sa peau était burinée. On accomoderait facilement son teint à son métier, aventurier. De sa démarche noble, dénotant avec le côté sale de l'endroit, il vient prendre place à une table, rejetant sa cape en arrière, pour finalement la décrocher d'autour de son cou.
Lui voyageur incongru, semblait certain de vouloir entendre l'histoire. Interloqué par son si jeune âge, il l'avait invité d'un simple geste à entamer son récit, après lui avoir fait entendre ce qu'il attendait d'elle pour la suite. Toujours mettre mal à l'aise les jeunes filles, elles étaient si instables. Les tripes de l'homme se chargaient d'un sentiment étrange, à la fois maléfique et pur. Et ce fut de ses iris d'obsidienne que Marciello écouta le récit, non sans un demi-sourire sarcastique, qui traduit si bien le caractère de ces nobles, profitant de la bonne chair, aux pensées immondes et déguelasses.
Il lui laisse le choix de lui prendre sa main gantée...
Marciello la laisse l'emmener dans cet endroit ou les hommes se mettaient à parler.
La parcelle du savoir suspendu entre les lèvres sèches de cette gamine, elle qui ne se doutait pas une seule seconde que la main qu'elle tenait n'était autre que celle de celui se faisant appeler le Djinn. Cette parcelle n'ayant eu comme réponse, qu'une invitation à la fornication contre des pièces d'or. Ne valait elle pas plus? Noür aurait pu s'apercevoir du détail, cette chevalière au doigt de l'homme, incrustée d'un A stylisé et oriental. Ce n'est que dans les sous-sols, seuls dans une de ces chambres aux thématiques différentes, que le Djinn daigna à lu adresser la parole.
"Comment est ce que l'on t'appelle? Sais tu pourquoi je ne crois pas à ton histoire?"
Il se tourne vers elle, plantant dans ses yeux un regard noir, emprunt de cette même sensation de maléfice, de pureté, il essaie de l'accrocher. Puis d'une voix plus basse:
"Parce que ceux du peuple d'Allabram, ne se laissent pas abuser, ni ne finissent dans un trou comme celui-ci. Les gens d'Allabram, sont libres."
Il lâcha une bourse au sol, et au même instant il disparu. La parcelle du savoir suspendue, il y avait finalement répondu. Elle termina le moment seule, entourée d'une fumée noire, à se demander sans doute ce qu'elle avait réellement vu.
Post by Noür/S. Eringyas, mortes - November 27, 2011 at 11:26 PM
L'homme disparu, elle ramassa l'or, le visage fermé.
Ils se valaient, les uns les autres. Les roux valaient les blonds. Les burinés par l'âge valaient les jeunes. Les pâlots valaient les basanés. Les hybrides valaient les purs. Les humains valaient les elfes. Tous pareils : ils ne comprenaient rien à rien.
Celui-là, le rouquin. Paré d'une bague visiblement volée à quelqu'un du campement, il y avait fort à parier. Les Systériens, après tout, lançaient parfois des raids, pour se prouver on ne sait quoi, pour le simple plaisir de tuer qui sait. Et voilà qu'il se permettait de parler pour les gens d'Allabram. Il est vrai : pour les Systériens, tuer ou prendre une femme, c'est prendre un peu de l'autre, lui dérober son histoire, prétendre le posséder, le connaitre par coeur. Mais comme ils se trompaient.
L'homme n'avait raison que sur un point, toutefois. Si le peuple du désert était libre, il n'en était rien de ses parias.
Elle chassa ces préoccupations, et soupesa la bourse. La somme la satisfaisait : assez décente pour acheter à manger, et même du tissu, qu'elle pourrait tuer le temps à broder et à coudre, afin de confectionner le peu qu'on lui laissait conserver de son passé : sa tradition.
Post by Noür/S. Eringyas, mortes - December 2, 2011 at 1:14 AM
L'homme était allongé sur le lit, à ses côtés. La petite demoiselle avait tourné son visage, encadré de sa chevelure blanche, vers le plafond pour ne plus souffrir l'haleine avinée de l'homme à ses côtés.
Elle lui avait offert son corps, comme son devoir le lui imposait. Ses prunelles écarlates se perdirent vers une cape de guilde chiffonée par terre. Était-elle verte, jaune, pourpre, ou même immaculée? Difficile à voir, dans la pénombre. La nuit, en particulier à la Rose, tous les chats sont gris, et un homme en vaut un autre.
-Pourquoi tu cousais?
*Parvint-il à articuler, en posant une main sur sa hanche. *
-Je brode. Et, voyageur, je le fais quand je m'ennuie, quand j'ai du temps à tuer.
-Ah.
Répondit-il, insouciant, à sa question posée pour la forme. Il attira contre elle à jeune fille en fleur, le corps adolescent, peu soucieux des palabres énoncées pour la forme, faisant fi de cette question posée tout juste pour vérifier son état de veille. Après tout, on ne la payait pas pour parler, mais pour plaire.
Elle s'offrit sans rechigner. Ceux des clans perdus et bannis n'ont souvent plus rien, même plus d'honneur dans lequel se draper. La nuit dans un lit, pour y dormir, en lieu et place de la pierre froide, un peu d'or pour éponger sa dette : cela lui semblait un marché honnête, quitte à partager son corps avec quelque carcasse avinée.
Dans la pièce à côté, dans le costumier de la Rose, une immense pile de vêtements brodés, symbole du temps qu'on a assassiné à coup d'aiguille.
Post by Noür/S. Eringyas, mortes - December 3, 2011 at 8:04 PM
*La faim. *
-Tu as une monture. Tu peux bien aller nous chercher à manger, à présent.
Souligna Caprice, chassant d'un geste le petit fantôme, qui approchait dangereusement d'un client qu'elle avait déjà en vue. Jouvencelle, à peine femme, surtout enfant, elle respirait une aura de menace pour les anciennes, femmes faites, femmes fleuries, qui pincent les lèvres face à la jeune fille à peine éclose, goutant l'amertume de leur enfance dérobée et de leur jeunesse flétrie. Mais... Là où une autre catin de la Rose y aurait vu une malédiction, la petite demoiselle y vit une bénédiction.
-Le vent qui fouette son visage, c'est la mélodie silencieuse de la liberté. La course d'une monture, l'assurance de la survie dans la vaste étendue du désert, qu'il soit de sable, d'herbe, de terre ou de pierre. Un homme contraint d'aller à pied, c'est un homme infirme, voire un homme mort.
Pour l'entendre, que Gülçicek, dit Fleur de Rose, l'ostard turquoise. Pour réponse, que le tambour de son galop.
Bientôt, elle cueillerait, sous le couvert de la nuit, quelques fleurs et fruits florissants à la lisière du désert, si elle retrouvait l'ancien jardin de ses souvenirs. Elle monterait peut-être le campement près du fleuve, nourrirait Gülçicek de quelques dattes, piquerait sa canne à pêche entre deux racines, l'hameçon couvert d'un appat dans l'eau. Elle allumerait un feu de camp, se nourrirait de dattes et de poissons, comme autrefois.
Elle gouterait, l'espace d'un jour, cette liberté qu'elle n'avait plus.
Avant de revenir le lendemain, le feu et ses rêves éteints, vers la Rose, sa monture chargée de provisions.
La clientèle, ravie, pourrait se repaitre de nouveaux mets, de produits frais, dont on parlait déjà.
Les filles, elles, se contenteraient du reste. Les beaux morceaux restaient, c'était connu, pour ceux qui payaient.
Post by Noür/S. Eringyas, mortes - December 5, 2011 at 10:21 PM
La petite demoiselle avait hésité, avant de rentrer à la Rose. L'homme, surpris par la femme aimée avec une putain, ne réglait jamais la note, c'était connu : à ce moment, il valait mieux filer. Et c'était précisément, au fin fond du désert, ce qui s'était passé. Tout cela, abstraction faite que les élans de mauvaise humeur si près d'une brèche dans la réalité finissait souvent par déchainer des forces, ce n'avait pas raté, avec la venue d'un carnassier. À son retour en ville, elle savait bien qu'on lui demanderait des comptes, et ça ne rata pas, ça non plus.
-Et alors?
Trancha Caprice, au retour du petit spectre blanc.
-Combien il t'a donné, pour ta nuit dehors?
-Rien.
-Rien?
-Rien, je te dis. Sa femme nous a surpris.
Elle la toisa, suspicieuse. Et avec raison, tout n'était pas dit. Si l'adolescente infortunée était bien femme à vendre, le contexte de sa sortie avec un homme, son passage au fin fond du désert, s'expliquait bien mal. Caprice revint à la charge.
-Rien?! Et qu'est-ce que c'est que ce paquet que tu transportes? Comme ça on essaie de rouler la patronne? Donne ça, petite catin, sale voleuse, fieffée menteuse.
Elle lui arracha le paquet des mains. Il contenait quelques provisions, quelques chaudrons, quelques chiffons, un peu de cendre, un peu de cuir.
-Qu'est-ce que c'est que ces conneries? Alors comme ça, tu te vends pour trois bouchées de pain et on devrait en sourire? Tu vas voir la rouste que va te mettre la patronne, toi. En attendant, on avait bien raison : tu ne vaux vraiment pas grand chose, et tu ne rapportes rien. En attendant, saches que ces trucs, ce n'est pas à toi. Et crois bien que ta prochaine paie, on la saisit en entier : tu l'apprendras vite, avec la Meserole, ça ne rigole pas avec les voleurs et les menteurs.
Post by Aziz, AdM - December 6, 2011 at 1:24 AM
Et le mari surpris finit par envoyer un billet d'excuses à Nour sans plus de précision. Des excuses pour quoi? Pour lui avoir donné le temps d'une nuit et d'une matinée le goût de la liberté? Pour ce petit voyage en toute intimité dans un désert afin de retracer leurs origines? Ou encore cette quête de l'oasis avec ce carnassier immense, qui avait valu à Aziz d'être doublement sermonné.
Bientôt la petite Nour saurait... en attendant, elle avait le billet d'excuse, l'affaire ne serais pas lâchée.
Post by Noür/S. Eringyas, mortes - December 21, 2011 at 4:10 AM
Un rire gras.
Le chuintement du tissu déchiré.
Le bruit de verre brisé. Bruits de coups, et toujours le même rire.
"Des coups, portés, du plat de la hache, jusqu'à ce qu'il n'ait plus de souffle, jusqu'à ce qu'il en ait mal. Jusqu'à ce que je ne sente plus rien. Gémissements étouffés par le baillon. Au moins, je n'ai pas crié.
Je n'ai plus ni nom, ni honneur. Je le sais. Mais surtout, satisfait, il le sait. Il boit ma disgrâce, s'en délecte, comme il a voulu m'abreuver de ses déjections.
Sa poigne gantée me force à ployer, emportant avec elle quelques fils d'araignée de ma chevelure. Il me force, devant le miroir fracassé, me force à ouvrir les yeux, à apercevoir ma disgrâce, accentuée par la souillure, par le ravage de mes vêtements et de la pièce, et... "
-Répète après moi. "Sale pute elfe. T'es qu'une pourriture, comme les autres"
"Je répète. Il le faut. Et, par ailleurs, je le crois, car mon infamie, palpable avant ce jour, m'apparait on ne peut plus tangible aujourd'hui.
[...]
Il s'en va, sur un dernier rire. Réparer la chambre et en nettoyer la souillure me prendra toute la journée. Mais rien ne se fera, après un long bain, convaincue que si j'y trempais jusqu'à être exempte de toute souillure, je m'y dissolverais. "
Post by Hippolite Renord, Ind - December 21, 2011 at 4:37 AM
On pouvait aperçevoir un nain aussi crasseux que son tablier poussièreux quitter les lieux de la Rose Cendrée. Ce dernier pouvait être aperçu parfois en Basse-Ville mais pratiquement jamais avec le sourire. C'est avec un grand mystère que certains habitués avaient eu la rarissime expérience de voir le crade nain se ballader entre les ruelles de la Basse avec un énorme sourire au visage.
Il semblait aussi que ce dernier travaillait de plus en plus fort, ayant peu d'heure de repos, malgré son vieil âge. Qui sait pourquoi il s'acharnait tant sur le travail ? Il gagnait déjà bien son pain avec ses ventes de meubles. Le vieillard crasseux semblait avoir trouvé une dépendance bien couteuse...
Post by Aziz, AdM - December 21, 2011 at 1:14 PM
Elle n'a plus de nom, on lui en avait proposé un. Elle n'a plus d'honneur, certains lui avait proposé de le racheter. En fait la demi-elfe n'en faisait surtout qu'à sa tête, peu importe les efforts des autres, elle faisait ce qu'elle voulait de son côté. Pourquoi s'évertuer à aider des personnes préférant se complaire dans la déchéance?
De son coté, un basseux ne mettrait plus les pieds à la Rose. Lassé sans doute de proposer des solutions qui n'étaient pas écoutés. Lassé de voir que cette albinos, malgré les paroles de Meserole, aimait à continuer dans ce travail là. Après tout, Anteia ne l'avait pas obligé à rembourser la dette, ni à faire ce qu'elle faisait dans les tréfonds de cette bâtisse
Mais peut être que finalement Noür aimait se faire frapper, se faire insulter, violenter, peut être que certaines origines remontaient à la surface pour ces raisons là.
M comme Malsain.
C'est ce que devenait toute cette histoire, encore une en basse, sans originalité, si ce n'est qu'un danseur était lassé.
Aziz ne s'en occuperait plus.