Échanges avec Zanther

Échanges avec Zanther

Post by Cyriel S. Selaquii, Adc - January 28, 2012 at 6:56 AM

La demoiselle, au port, guettait l'arrivée d'un navire. Vêtue de tulle écarlate simple, elle ne se détachait pas de la masse des badauds qui attendaient au port, guettant les arrivées et départ des navires, entre les allées et venues des débardeurs.

La demoiselle aurait pu envoyer quelqu'un au port, en son lieu et place. Un colporte de l'Association, un secrétaire, ou encore Monsieur Celebrindal lui-même, qui avait servi sa mère des années durant. La rouquine, cependant, appréciait mener la gestion de ses affaires elle-même, et elle le prouvait une fois encore.

Alors que la nef de bois de chêne d'un brun si foncé qu'elle en paraissait noire accostait, elle détailla les individus qui l'entouraient.

Il y avait ces femmes, vêtues toutes autant qu'elles étaient d'un châle élimé, deux enfants, si ce n'était davantage, pendus à chacun de leurs bras. Sans doute attendaient-elles leur marin de mari, espérant l’attraper avant qu'il ne file boire tout son gain. Il y avait cette jeunesse du bas-peuple, des étoiles dans les yeux, autant de femmes attendant l'être aimé. Car à être éloigné des jeux politiques, il n'y avait pas que du mauvais : ces demoiselles avaient le mérite d'avoir droit à l'amour, et de choisir pour qui elles l'éprouveraient. Il y avait aussi une flopée de gamins, qui se divertissaient de l'arrivée des navires, qui jouaient à se courir et se bousculer, et parfois se saisir de la fortune des insouciants qui pendait trop devant leur nez. Puis, il y avait les débardeurs, qui charriaient, ployés, autant que les chevaux de traits. Cassés en deux sous les caisses qu'ils transportaient, ils transportaient avec eux l'odeur musquée de l'effort, le remugle de sueur rance qui poussa la demoiselle à se saisir d'un mouchoir trempé de parfum de chrysanthème, afin de s'en voiler.

Le navire amarré, les vertes prunelles de la demoiselle sondèrent les silhouettes qui en descendaient. Comme d'autres femmes avant elle, qu'elles fussent épouses ou fiancées, elle se dirigea vers un homme. Mais alors que d'autres empoignaient dans le premier cas, étreignaient dans le second, la rouquine, elle se contenta d'engager la conversation à un homme trapu et sans âge, descendu du navire, avec la froideur et le pragmatisme qu'on lui connaissait.

-Madame ma Mère a bien reçu son courrier?

-Oui.

-Mademoiselle Caterina d'Olanno a-t-elle bien reçu mes amitiés, ainsi que le colis que je fis parvenir au Conservatoire? Vous savez, la collection de toiles systériennes, en provenance de l'Institut.

-Oui. Elle a elle-même envoyé un colis à votre égard. D'autres oeuvres, si je présume avec justesse. Un pli les accompagne, vous en prendrez connaissance.

-Bien. Merci. Ma commande passée auprès du luthier-enchanteur Arpad est-elle à bord?

-Oui. Évidemment.

-Sans quoi. Vous avez été chercher des bijoux runiques chez Pallfy? C'est le meilleur, à Medelia. Dommage qu'il soit si vieillissant. J'ai eu bien peur qu'il soit déjà mort avant que je prenne possession de son ouvrage.

-Vous avez eu de la chance. Il vit encore, et a trouvé l'énergie de s'atteler à la conception de ce que vous avez demandé.

-C'est le seul capable de créer des runes d'énervement si finement ciselées. Ce sera une grande perte, lorsqu'il nous quittera.

-Mh mh.

-Sans quoi, avez-vous bien livré mon courrier à Monsieur Erole? Vit-il encore, lui aussi? Enfin, suis-je bête. Il ne peut que vivre, c'est ce qu'il fait de mieux.

-Mademoiselle, ne soyez pas si caustique. Par ailleurs, il n'est pas prudent de vous épancher si ouvertement. Même ici. Et oui. Il a bien reçu votre courrier.

-A-t-il répondu?

-Pas encore, mademoiselle.

-Bien. Signifiez-lui qu'en l'absence de réponse, je passerai par certaines de mes connaissances, à Exophon. Qui, eux, pourront constater du réel bénéfice que pourrait apporter un partenariat commercial avec Systéria. D'autant que l'échange en serait facilité, par notre commune situation portuaire.

-Le responsable du commerce extérieur risque d'être irrité.

-Aussi intraitable soit-il, il sait reconnaitre les bonnes affaires. J'en sais quelque chose. J'attendrai de ses nouvelles, à l'arrivée de la prochaine nef.

Les deux silhouettes échangèrent des liasses de courrier. Elle, prenant ce paquet de missives provenant de la Ligue. Et, lui, le lot de courrier de la demoiselle qui s'y destinait.

Elle le salua d'une révérence simple et légère. Il s'inclina profondément. À lui seul, ce mouvement trahissait le statut de l'aristocrate, et le statut du serviteur. Ce dernier remonta à bord du navire en bois de chêne, alors que la rouquine faisait volte-face. Les salutations furent aussi brèves à la rencontre qu'à la séparation. Ils n'avaient, dans l'heure, rien de plus à se dire.


Post by Cyriel S. Selaquii, Adc - April 28, 2012 at 8:19 PM

*Outre les correspondances usuelles que la toute rousse demoiselle envoyait sur le territoire de Zanther, s'était jointe une missive qui se devrait d'aboutir au plus haut lieu de la république, au logis du Patricien Bolton et de sa tendre épouse. Le nom de la demoiselle et les réseaux dont elle disposait, s'ils n'égalaient pas ceux de l'ancien surintendant, demeuraient respectables et permettraient au pli, c'était à souhaiter, de se rendre promptement à bon port. *

Monsieur le Patricien Bolton, Madame Recaedre, je vous présente mes respects et vous offre mes salutations,

Je vous écris afin de clarifier un point concernant votre propriété de Systéria, le Manoir Recaedre-Bolton, reconnu comme la propriété de Madame Armika Recaedre. Nous désirons savoir si une procuration a été laissée, pour en disposer -pour vente ou session- à l'un de vos enfants, ou à l'ensemble d'entre eux.

Nous demeurons donc en attente de vos nouvelles à ce propos.

Mademoiselle Cyriel S. Selaquii.


Post by Ex-Lumina - April 28, 2012 at 9:21 PM

Éventuellement, la réponse Zanthérienne vint. L'estropié n'avait visiblement rien perdu de son style habituel, prônant rigueur et austérité, même à l'égard de son propre fils. Et contrairement à bien des souverains, celui-là, semblait-il, s'occupait lui-même de son courrier... quoi que de façon aussi brève qu'il en avait habitué Systéria!

Baronne S. Selaquii,

Ce manoir est la propriété de madame mon épouse, Armika Recaedre.

Après discussion, nous avons décidé de le mettre en vente et que les profits seraient distribués en totalité à des œuvres caritative qui ont pour but de promouvoir l'action citoyenne et l'aide au peuple.

Patricien T. H. Bolton

Suivait la procuration écrite, émise à l'intention de l'Association des commerçants, de la main de la flamboyante Recaedre, qui, même dans la noirceur zanthérienne, était restée aussi pimpante.

À qui de droit,

Je désire mettre en vente mon manoir numéroté E-7, en haute-ville. L'or ainsi obtenu doit servir tel que mon époux le recommande.

Armika Recaedre


Post by Cyriel S. Selaquii, Adc - April 28, 2012 at 9:36 PM

Les remerciements d'usage parvinrent dans des délais tout à fait convenable, par le messager de la demoiselle sur place. Le retour de celui-ci à Systéria s'était ensuite fait par la première nef qui partait pour l'Archipel.

Sitôt qu'il aurait mis pied à terre, il aurait été rejoindre la demoiselle Selaquii.

Tandis que les enchères poursuivaient leurs cours, une copie de la correspondance envoyée par M. Bolton père et son épouse tomberaient entre les mains de Monsieur Bolton fils. Le Manoir ne serait pas vendu, si Mavolio avait toujours en tête de le vendre, sans que ce dernier soit au moins mis au courant de la décision parentale et qu'il ait l'occasion de s'objecter, si il la désapprouvait. Les échanges entre Mavolio et l'autorité parentale, s'il devait y en avoir, demeureraient néanmoins d'un ressort qui dépassait la demoiselle Selaquii.

Dans le cas du couple Bolton, ou du fils, la demoiselle avait pris à coeur les convenances, à priori.