Les tourments du loup

Les tourments du loup

Post by Jezan Nazgaroth, Ind - April 7, 2012 at 9:59 PM

Le proie était droit devant, insouciante, elle ne savait pas qu'elle était surveillée. La végétation cachait parfaitement le prédateur, s'alliant avec la noirceur d'une nuit nuageuse, une bien mauvaise nuit pour se promener en forêt, qu'importe la raison. Une jeune femme armée d'un arc, arborant une cape à fourrure, cape que portaient les membres de l'Assemblée Druidique. Si elle avait une certaine expérience en forêt, rien ne pouvait la préparer à ce prédateur surnaturel qui la guettait, salivant, griffes sorties. Elle eu à peine le temps de crier lorsque la créature se jeta sur elle en grognant, ses griffes lacérant la chair. Les cris de terreur se muèrent en gargouillis alors que la victime se noyait dans son propre sang. La créature arrachait la chair, la dévorant avec appétit et elle alla même briser le crâne avec une pierre pour se délecter de la matière grise.

Jezan se réveilla en sursaut, installé sur une couverture placée sur une grosse caisse en bois à moitié pourri. Les cauchemars continuaient, vestiges d'une malédiction qui avait, paraît-il, été éradiquée par une pluie dorée. Le demi-elfe noir se souvenait brièvement de sa rencontre avec une infectée, rencontre qui précéda la douleur, la panique et le sang. Puis, plus rien ... jusqu'à ce qu'il se réveille, trempé jusqu'aux os, dans sa vraie peau. Le cuir chevelu lui démangeait horriblement, ses vêtements étaient en lambeaux. Sa tunique n'avait plus de manches et il était nu pieds. Ces temps-ci, le métis n'arborait plus son éternel rictus narquois, ce rictus qui laissait présager des provocations intelligentes qui pourraient donner envie à n'importe qui de pourchasser ce rat et lui fermer le caquet à coups de poings. Mais ce n'était plus le cas, il avait une mine sombre et s'ajoutait à ça une pâleur provoquée autant par les conditions de vie déplorables de la basse-ville que par le manque de sommeil que provoquaient ces vestiges mnémoniques de la malédiction du loup alpha. Jezan se surprenait même à arrêter devant la boutique du boucher, à saliver en regardant la viande crue et saignante. Il ne mourrait pourtant pas de faim, il arrivait à se sus-tenir d'une façon ou d'une autre ... les instincts sauvages seraient-ils restés? Le Nazgaroth commençait à croire qu'il devenait fou, même une soirée avec des femmes et de l'alcool à la Rose ou chez Khaz'Burn avait perdu de son charme alors qu'il ne pouvait pas passer cinq minutes sans courtiser une traînée. Jezan décida d'acheter deux côtelettes crues, retournant dans sa ruelle. Peut-être qu'un peu de viande saignante le calmerait? C'était fou mais si ça pouvait marcher ...


Post by Jezan Nazgaroth, Ind - April 11, 2012 at 9:10 AM

C'était fou, en effet. Est-ce que ça l'avait aidé? Temporairement, mais c'était comme une drogue: plus il en consommait, plus les quantités nécessaires pour le satisfaire devenaient grandes. Il était conscient du problème, même si la faim se faisant plus grande et envahissante et le manque de sommeil le rendait de très mauvaise humeur. Et si l'alcool pouvait l'éloigner de ces cauchemars et lui permettre de rattraper le sommeil perdu? Il en serait quitte pour une gueule de bois mais au moins il serait reposé. Il tenta de repousser les instincts ancrés en lui en allant au Coin Chaud pour se taper une cuite qui le garderait loin de ses tracas ... mais ça ne suffisait pas. Il était devenu agressifs, il n'essayait plus de gagner les faveurs d'une cliente par de belles paroles et plus de sourire narquois pour orner son visage. Il n'y avait que cette faim dévorante qui dévorait peu à peu sa santé mentale. Et il arriva ce qui devait arriver: la lucidité s'éparpilla en une explosion de folie agressive, tout ça pour une bouchée de chair tendre et chaude, juteuse à souhait. Là était la différence entre Jezan le rat de basse-ville et Jezan le perturbé: même manier une dague était un effort tellement il n'avait plus de concentration. Autrement, il les aurait poignardé un par un, s'échappant ensuite parmi les ombres mais cette fois, il ne pu que plaquer les gens sur le sol de la taverne, cherchant à goûter leur sang. C'est finalement dans une cellule de la caserne de l'Ordre en basse-ville que se termina la soirée pour l'aliéné à tunique violette. Si les dieux veillaient, peut-être retrouverait-il les esprit après son futur transfert à Ste-Élisa ...


Post by Jezan Nazgaroth, Ind - April 14, 2012 at 8:17 AM

Quatre murs blancs, voilà ce qui entourait maintenant le rat à costume de bouffon après un transfert qui ne s'était pas fait sans incident. Mordre un coup dans la chair tendre de la femme à cape blanche était tentant mais les liens et le sort de faiblesse empêchaient le forcené de laisser libre court à sa folie meurtrière. Sa rage reprit momentanément le dessus lorsqu'il sentit une vive douleur au cou alors que l'aiguille de la médecin s'enfonçait pour déverser un calmant, qui garda Jezan dans les vappes pendant un moment. La rage réprimée par le tranquillisant, Jezan eût un bref moment de lucidité ... il voulait manger et boire, revenir à ses anciennes habitudes ... mais une fois que le calmant cesserait de faire effet, il ne penserait qu'à égorger une victime pour la dévorer, comme il l'avait fait durant la crise des infectés.

Les cauchemars ne cessèrent pas, bien que les traitements les faisaient diminuer. Si Jezan voyait toujours des chasses à travers les yeux d'un infectés, il voyait parfois le calme à l'intérieur d'une grotte emplie de morceaux de cadavre à moitié-dévorés et parfois même des bêtes en train de dormir, jouer ou manger. Il voyait aussi, parfois, son museau blottir contre le corps chaud d'un autre individu ... sa langue glissant sur la joue de l'infectée ...

Enfin, il restait les repas. S'il y avait de la viande crue, il y avait également d'autres choses, comprenant des légumes. Il dévorait la viande crue mais repoussait le reste par terre, ce qui menait à un repas sans viandes par après, que Jezan refusait de manger. La guérison allait être longue et douloureuse, comme celle d'un intoxiqué en manque de belladone ...


Post by Evelyn Roseren, AdM - April 19, 2012 at 1:00 AM

De l'autre côté de la médaille,
une médaille à une face unique.

C'était son tout premier cas. Tout premier et non le moindre. Un de ceux dont on se souviendra toute sa vie, et qui changera la notre également. Lorsque la médecin-chef lui avait demandé ce qu'elle ferait dans le cas du Nazgaroth, elle l'avait dit, considérant la question convenable pour connaître à quel point elle s'y connaissait en psychiatrie. Or, c'était relativement aisé. Elle avait été dans la même situation que lui, aussi, ça compliquait sa tâche actuelle. Mais ça irait. Il suffisait de jouer un rôle, chose qu'elle savait faire à merveille. Il suffirait d'enfiler un déguisement et un masque, et de jouer.

Jezan saurait-il, bien contre sa conscience et contre la volonté de demoiselle, briser ce masque ?

Elle avait accepté la demande de la demoiselle Eam'Arylth pour une raison qui lui était totalement inconnue. En temps normaux, n'est-il pas plus adéquat de refuser un cas si près du sien ? Un ancien contaminé qui gérait mal la situation... quel ancien contaminé pouvait-il se targuer de bien la gérer, sa situation ? Surement pas, cauchemars, insomnies autrement, rêves éveillés, intuitions, envies qui ne les connaissaient pas... c'était le lot de tout le monde, elle en était persuadée. Or, elle n'échappait pas au cas.

Et pourtant... cette simple intuition, cette impression, pour être plus exacte, l'avait motivé à accepter. Elle n'arrivait pas à mettre le doigt sur la raison. Elle ne le cherchait pas, elle l'en fuyait. Que pouvait-il expliquer cette impression d'avoir partagé une certaine intimité, auprès de cet demi-elf ? Si elle ne cherchait pas la réponse, elle ne pouvait néanmoins pas se l'extirper du crâne, forcée sans maux à prendre soin et attention de ce dernier.

Il n'aurait pas pu avoir d'infirmière plus dévouée à son cas.

Or, c'est tout ces tourments qui ne cessaient de la harceler, lorsqu'elle avait deux minutes de repos. Elle quittait les cuisines, viande crue ou moins crue à la main, la servait à son patient et filait dans le bureau des infirmiers. Là-bas, le masque tombait et le soupire ponctuait son assise. Elle devait trouver un moyen de dialoguer convenablement. Il était épuisé, n'arrivait pas à dormir et ça n'aidait en rien la conversation. Il était irrité, agacé, colérique, et elle savait très bien ce qui provoquait une telle réaction. Elle devait trouver un télépathe.

Au bout de quelques jours, peut-être une semaine ? l'impatience l'a gagnait. Le télépathe en question ne venait pas. Les elfes avaient-ils vraiment l'impression d'avoir tout leur temps à disposition ? Le bien-être de Jezan passait indubitablement par de bonnes nuits, et ce... télépathe compliquait largement la situation.

- Monsieur Sinclair, vous vous dites aptes à faire un traitement à mon patient pour lui offrir un repos quotidien ? elle papillonnait des cils avec surprise, scrutant le vieil homme devant elle. Il pouvait. Il pouvait ? Il pouvait ! Thaar enfin ! * Chou-ette ! lançait-elle avec un bref manque de professionnalisme, avant de toussoter et de reprendre : ***Donc... Monsieur est un ancien contaminé, je ne vous demande pas de masquer tout ses souvenirs en liens, je ne crois pas que ce soit profitable pour qu'il parvienne à faire la paix avec lui-même. Cacher la source du tourment ne l'amène qu'à plus tard, et c'est maintenant qu'il sera soigné. Je souhaite simplement que ses cauchemars s'estompent dans ses nuits, qu'il puisse avoir le repos dont il a besoin pour s'exprimer et penser clairement. Je ne connais pas vos techniques, mais je fais confiance en les conseils de ma médecin-chef, qui m'a proposé les soins d'un télépathe. Pouvez-vous ? **

- Assurément, disait-il, avec un air confiant. Elle anglait la tête et opinait un peu devant le membre de la Confrérie. Elle ne l'avait pas contacté, peut-être était-ce cet elfe qui avait déléguer ? Peu importe, il avait apporté les références de sa guilde, et était complètement conforme.

Elle lui croquait alors un sourire tout en se redressant, offrant au vieil homme une délicate poignée de main. Sitôt, la toute jeune T'sen arbora son masque habituel, et vint franchir le pas de Ste-Élisa.

Le vieil homme à ses talons, elle se dirigeait vers le jeune Nazgaroth.


Post by Jezan Nazgaroth, Ind - April 19, 2012 at 10:36 AM

Des pas résonnèrent dans le couloir de Ste-Élisa, Jezan les entendait. Le séjour était dur, il avait refusé une bonne partie de ses repas mais s'il laissait ne serait-ce qu'un bout de salade dans son assiette, le repas suivant ne comportait pas le moindre bout de viande pour le rassasier. Le demi-elfe noir s'était forcé à avaler les légumes, avec quelques hauts-le-coeur, simplement pour pouvoir dévorer la viande juteuse promise par la T'sen qui lui rendait visite chaque jour. Bien des fois Jezan avait eu envie de lui sauter à la gorge et la dépecer pour goûter à son sang mais une étrange impression le prenait lorsqu'il y songeait. Peut-être était-ce le principe du "ne mords pas la main qui te nourri" ou bien quelque chose d'autre relié à l'infection, chose sur laquelle il n'arriverait pas à mettre le doigt même si son esprit était resté solide et homogène. Les tranquillisants aidaient beaucoup, Jezan ne pouvait pas s'empêcher d'être agressif, surtout si quelqu'un d'autre qu'Evelyn venait le visiter.

La porte s'ouvrit, c'était encore une fois Evelyn mais il était avec un vieil homme qui ne portait pas une toge de soigneur. Il avait plutôt l'air d'un mage. Malheureusement, la jeune femme n'avait pas entre les mains un plateau garni, Jezan n'arrivait pas à conserver son calme, ses doigts se pliant et se dépliant alors qu'il grognait en fixant ses visiteurs. Le télépathe ne semblait pas trop nerveux ou du moins, ne le laissait pas paraître. Jezan était fatigué, sa peau grise était pâle et ses yeux étaient cernés, ses cornées striées de petites veines rouges. Il avait autant envie d'étriper le vieux que de s'étendre et fermé les yeux mais son esprit troublé refusait d'aller faire un tour dans le monde des rêves. Quelques part dans ce miasme psychologique se trouvait un brin de lucidité, une petite part de Jezan qui ne s'avouait pas vaincue, cherchant à survivre dans ce tourbillon de démence agressive. Tiraillé entre l'agressivité, la fatigue et la crainte de fermer les yeux, Jezan ne s'occupa plus de ses visiteurs. Monsieur Sinclair se concentra, cherchant à atteindre l'esprit troublé.

Un flot d'images, de sons et de sensations envahirent le mage Pourpre, il voyait les allées boueuses de la basses-ville, des catins en tenues indécentes lui souriant, des ivrognes tenant des choppes ... il voyait ce que Jezan voyait tous les jours, la basse-ville, son chez-lui. Le Pourpre erra, gardant son sang-froid, des graffiti formant deux yeux noirs et une bouche rouge souriante ornaient les murs des bâtiments, comme si ça avait été tracés à la peinture par une main peu artistique avec un pinceau de mauvaise qualité. Le télépathe sursauta un brin lorsqu'il vit des silhouettes jeter des dagues en-travers de la rue, les envoyant se planter tantôt dans une cible, tantôt dans un passant, qui s'effondrait en se vidant de son sang. En tant que télépathe, Sinclair avait visité bien des esprits, tant sains que troublés et il tâcha de garder la tête froide. Au détour d'une rue, il voyait plusieurs grosses silhouettes en tabasser une plus petite, qui était recroquevillée au sol et se lamentait sous la douleur. À l'approche de Sinclair, les silhouettes se tournèrent, devenant des spectres informes qui hurlait de centaines de voix en une fois avant de disparaître dans la nuit. Dans une autre rue boueuse, plus loin, de grosses silhouettes ressemblant à des hommes en armures lourdes courraient après une autre silhouette mince, sans doute des mercenaires poursuivant un petit bandit.

Sinclair s'arrêta devant une autre scène. Une silhouette gisait dans une marre rouge, un individu penché sur lui, dague en main. Le meurtrier rangea son arme et se mit à dévêtir sa victime, enfilant les vêtements avant de poser un chapeau à grelots sur sa tête après l'avoir examiné un instant. Le tueur se tourna vers Sinclair avec un rictus, la pleine lune dévoilant son minois gris et elfique.

-T'aime le violet? Héhéhé.

L'illusion disparût comme un fantôme, Sinclair poursuivit son chemin dans les méandres de l'esprit troublé, afin de trouver comment le débarrasser de ses terreurs nocturnes. Sinclair emprunta une autre rue qui menait à une grille, grille qui se releva à son approche. Il marcha dans les bois, éclairé seulement par la lune. Il aperçut d'autres silhouettes et des bruits humides de mastication et des grognements lui parvinrent aux oreilles.

"Trouvé!", pensa le télépathe.

Les silhouettes bestiales se tournèrent vers l'intrus, leur yeux blancs luisant dans la nuit. Ils vinrent encercler le vieil homme, menaçants. Sinclair s'efforça de garder son calme et se concentra. Il décida de s'inspirer de certaines des choses vues dans les rues de la basse-ville et recouvrir les visions monstrueuses avec, cela calmerait Jezan et l'aiderait sans aucun doute à reprendre son humanité. Le vieil homme fît apparaître des apparitions psychologiques, des femmes belles comme des sirènes apparurent, flottant doucement au-dessus du sol. Elles s'approchèrent des infectés, qui couinaient comme si la lumière sainte de Thaar était en train de les brûler. Les femmes, sourire enjôleur aux lèvres, rirent doucement, plongeant des choppes dans des tonneaux, chopes qu'elles tendirent vers les bêtes rendues nerveuses. Les catins arrosèrent les infectés avec le contenu des choppes, les bêtes hurlèrent en s'évaporant peu à peu, comme aspergés d'acide. Les femmes rient de plus belles, comme des coquines dans une chambre à coucher. Des pas légers se firent entendre, accompagnés de bruits de grelots. Au clair de lune, Sinclair reconnut le demi-elfe noir aperçu plutôt, celui qui avait tué un bouffon avant de le délester de son costume. Jezan avait un rictus aux lèvres, celui qu'il avait toujours.

-Bien joué, vieillard, v'là qui va rendre mes nuits plus agréables.

Jezan attrapa une chope que lui tendit l'une des femmes, la vidant d'un trait. Il passa sa main à la taille d'une des catins, l'attirant à lui. La femme ria doucement et Jezan lui roula une pelle en glissant ses mains baladeuses sur le corps féminins. Le demi-elfe noir et l'humaine se tournèrent ensuite vers Sinclair. Le vieil homme écarquilla les yeux, la catin était la médecin T'sen qui s'occupait de Jezan, elle avait un regard bestial et des crocs pointus ornaient sa dentition. Sinclair coupa le lien psychique, revenant à la réalité, la sueur au front. Il s'épongea le front avec un bout de tissu, se relevant de place.

-Voilà qui est fait, il devrait passer des nuits plus paisibles. Je me demande s'il n'avait pas des problèmes avant même d'arriver ici ...

Sinclair n'attendit que d'être guidé à la sortie par Evelyn, alors que Jezan se recroquevilla sur son lit, fermant les yeux. Télépathe était une vocation offrant des possibilités vastes mais parfois, il y avait des choses que l'on ne préférait pas voir lorsque l'on entrait dans l'esprit d'un autre ...