Une poupée qui ne fait pas non
Post by Crystale d'Ambre, AdC - June 6, 2012 at 8:12 PM
Post ouvert à tous
L'astre nocturne mourrait à l’horizon quand la silhouette furtive s’engouffra dans la forêt immobile. Les pas feutrés mais vifs frôlaient à peine le sol, levant un fin voile de poussière qui se mêlait à la brume. Les maigres pattes s'arrêtaient ci et là, le temps d'un battement de cœur, juste assez pour grappiller quelques baies sauvages encore couvertes de rosée. La louvette avait grand faim et les pauvres fruits ne rassasieraient malheureusement pas sa panse allouvie. Elle se pourlécha les babines à l’idée de planter ses crocs dans une cuisse juteuse de gibier saignant.
Afin de dompter les grognements furieux de son estomac, elle avala goulument une poignée de fruits frais. Le suc incarnat dégoulinait sur ses lèvres charnues.
Les bruissements de la forêt en éveil étaient apaisants. Les quelques rayons du soleil qui avaient franchis l'épais feuillage pénétraient la bruine cotonneuse qui couvaient la terre humide. Quand le petit sac fut rempli à ras-bord, les chevilles fines prirent en silence le chemin de la ville. Elles se rendirent au premier marchand de fruits et légumes qu’elles croisèrent. Dans la boutique, on vit rentrer un trimardeuse.
Les habits vieux et souillés étaient trop grands pour le corps qu’on devinait menu. Les pieds étaient nus et terreux, les poignets osseux. Une touffe épaisse de cheveux jaunes surmontait le tout. Ils étaient sales et emmêlés, coupés courts et de manière très inégale. Quand cette loupeuse leva la tête pour présenter sa cueillette, elle dévoila un visage poupard aux yeux d’émeraudes.
Avançant lentement, les épaules accablées et la mine malheureuse, les mimines tendirent le sac regorgeant de fruits vers le comptoir. Elle n’eut qu’à forcer deux ou trois mots d’une gorge serrée pour obtenir le troque qu’elle convoitait. Elle ressortit de la boutique, serrant sa prise contre sa mince poitrine.
Elle s’enfonça dans les rues de la moyenne ville et choisit une place aérée et fréquentée. Elle s’assit stratégiquement et examina son butin : une belle et grosse carotte. Une dague se faufila dans sa main droite. Les longs doigts agiles se hâtèrent d’entailler et d’évider l'épais légume. Il fallut quelques ajustements pour que la tâche soit aboutie. Une fois chose faite, une flûte flamboyante trônait sur des genoux creux.
La petite touffe blonde se releva avec fluidité, un large sourire s’affichant soudainement mais sûrement sur son minois. Les yeux perçants s’imposèrent à la foule. D’une élégance clivant avec son allure, la jeune fille se pencha avec grâce et déposa théâtralement une bourse vide sur le sol poussiéreux. Les passants, qui jusque là avaient bien mieux à faire que de s'occuper d'une pouilleuse au poil dru, eut leur regard attiré par la saltimbanque et son instrument singulier. Les épaules redressées et le regard fier, elle porta la flûte de fortune à ses lèvres encore rougies. La place fut aussitôt touchée par une ritournelle nostalgique en parfaite harmonie avec la triste lumière du jour.
La poupée de chiffon ne paraissait plus si négligée maintenant qu’elle se mettait en joue. Son corps félin ne semblait plus si cassant; avec un effort, ses frusques se laissaient ignorer. L’on ne retenait que l’air malicieusement implorant que ses mires farouches dévoilaient, mis en valeur par de malignes notes bien placées. Loin d’être malhabile, la musicienne accordait son corps à la mélodie, imposant sinueusement ses airs de légère mélancolie aux cœurs qui s'attardaient.
Un peu de fraîcheur dans ce monde de brute, c'est tout ce que cette jeune fille proposait...
...en échange, peut-être, d'une pièce ou deux.
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Post by Cyriel S. Selaquii, Adc - June 6, 2012 at 8:20 PM
*Et il était quelque part une mécène, qui eut vent des prestations de la demoiselle, on ne savait trop comment. Il fallait aussi dire que cette mécène-là avait tendance à bien s'informer, sur l'ensemble des événements même minimes, qui se produisaient à Systéria. Une petite note fraya son chemin, portée par un colporte, ces messagers à la livrée de l'Association, enveloppés de la cape dorée. Il put alors lui délivrer cette note succincte. *
Mademoiselle,
Nous vous invitons, si vous y consentez, au Manoir Selaquii, en Haute-Ville, quand vous y serez disposée.
Nous vous prions d'emporter vos instruments, ainsi que vos partitions au besoin.
J'attends tes disponibilités en mp si ton perso consent, demain il sera sans doute possible et facile de fixer un rendez-vous, aux heures fr. (aprem-soirée fr).
Post by Crystale d'Ambre, AdC - June 7, 2012 at 1:53 PM
La jeune fille se sépara languissamment de sa flûte, les yeux fermés. Elle voulait savourer encore un instant le monde à l’aveugle. Ne pas ouvrir les yeux trop vite sur les obstacles à surmonter. Rester encore un peu dans le noir. Oublier.
Et elle mordit dans sa carotte. Rageusement, presque. Les yeux rouverts, elle scrutait la place qui avait repris le cours de ses activités. Une nouvelle mélodie s’était mise en place, une où marchands, commères et gamins avaient tous un rôle. Le soleil éclairait les probes et les vagabonds avec la même largesse. L’air était truffé d’odeurs alléchantes. Il faisait bon.
Un vif éclat de lumière. En bout de place, un rayon de soleil se percutait à de l’or. Le messager en cape tenait un pas décidé. Le poil hérissé, l’œil aux aguets, elle se pencha avec un calme et une indifférence forcés vers sa petite bourse à ses pieds. Cette dernière ne s’était pas beaucoup engraissée mais une miette de pain suffit bien à une souris. Le messager se tenait devant elle.
La bourse nichée au creux de sa poche, elle croqua sa carotte avec plus d’ardeur que nécessaire. Les yeux verts scrutèrent le messager de haut en bas. Celui-ci déploya sa main et la louvette réprima un sursaut. La paluche s’ouvrit sur un simple pli, le sourcil s’arqua sous l’intrigue. D’une main prudente, elle déplia le message et le lit furtivement.
Le pauvre messager devait bien être perplexe face à tant de méfiance.
Finalement, d’une voix enrobée d’assurance excessive, la jeune fille s’enquit de la provenance dudit mot. Elle voulait savoir le nom, l’adresse, comment s’y rendre et qui l’accueillerait. Au hasard, elle aurait bien demandé ce qui l’attendait là-bas mais grands espoirs de réponse.
L’héritier d’Hermès reprit son chemin et la petite pouilleuse se laissa aller au cours de ses pensées. Elle allait envisager les divers cas de figures que pouvait receler une telle invitation. Enfin...elle savait bien que quelles qu'en soient les conclusions, elle irait sûrement fouiner autour de ce Manoir Selaquii.
Post by Cassandre D'Estré, Cp - June 7, 2012 at 4:34 PM
Plongée dans ses pensées, la Pourpre ne prêta que peu d'attention à la musique s'égrainant dans le brouhaha de la place. Elle observa d'un air désinvolte les badauds contemplant une gamine mal fagotée et d'apparence négligée.
Néanmoins, elle s'attarda dans un coin reculé pour étudier les comportements si éducatifs de la population. Tandis que certains admiratifs se perdaient dans l'admiration du spectacle offert par la jeune artiste. D'autres s'activaient à des actes bien plus lucratifs délestant allégrement les poches des spectateurs des bourses trop pleines d'écus.
La question était de savoir si la petite musicienne faisait partie des voleurs et détournait l'attention des gens pour faciliter la tâches à ses associés, ou simple hasard de circonstance. Mais enquêter sur cela ne relevait pas des fonctions de la magistère, se saisissant d'une rune elle prononça quelques mots sibyllins et disparue du lieu vers un autre.