[BG] Prisméa de Gantorant
Post by Cornelius Aigrepont, Ind - July 31, 2007 at 5:10 AM
C’était une nuit chaude d’été. La pluie martelait le pont du navire pendant que les vagues heurtaient violemment ses flancs. Depuis deux jours, le Marsouin d’or était au beau milieu d’une tempête d’une rare intensité. L’équipage s’affairait à réparer une déchirure dans la toile, les gnomes fouettés par les gouttes d’eau. Pour ajouter à leur malheur, la femme du capitaine était en plein accouchement dans la cale et personne ne savait comment l’aider. Wilbert de Gantorant était aux côtés de sa tendre moitié, le front collé contre le sien, les yeux dans les yeux. La respiration d’Asmilda était rauque, forte et irrégulière. Les deux jambes écartées, son visage était crispé par la douleur des contractions. Cela faisait au moins quatre heures qu’elle était dans cette position inconfortable et on voyait à peine les cheveux du nouveau-né. Elle poussait encore et encore au prix de terribles efforts. Wilbert ne savait pas quoi faire, alors il se contentait de lui passer la main dans les cheveux pour tenter de la réconforter. Soudain, la tête de l’enfant fut visible. Un peu plus tard, ce fut son corps en entier, et finalement, l’accouchement se termina. Encore haletante, Asmilda baissa les yeux pour regarder la belle petite fille qu’elle venait de mettre au monde. Toutes ses douleurs furent oubliées et elle sourit. Wilbert était très fier d’être père, mais il aurait préféré que ce moment vienne à leur arrivée au port de Systéria pour avoir l’aide nécessaire. Il coupa le cordon ombilical avec sa dague et épongea le sang avec de vieux vêtements rapiécés. Il apporta un peu d’eau à sa femme, puis posa l’enfant sur son ventre pour qu’elle puisse la contempler. La fierté qui se dégageait d’Asmilda était palpable. Satisfaite de ses efforts, elle ouvrit enfin la bouche pour donner un nom au bébé qui venait de sortir de son ventre après neuf mois d’une cohabitation inconfortable : « Prisméa de Gantorant». Les deux gnomes se souriaient en regardant Prisméa. La minuscule chose aux traits harmonieux pleurait sans s’arrêter.
Le Marsouin d’or eut la chance de ne pas couler durant la terrible tempête à laquelle il fit face. Bientôt, tout l’équipage eut la chance de voir la petite frimousse souriante de Prisméa de Gantorant, la fille du capitaine. On acclama Asmilda pour avoir mis au monde une pareille merveille. Ce qu’on ne sut pas, cependant, c’est que deux nuits après sa naissance, alors qu’elle était enroulée dans plusieurs couches de couvertures, à minuit pile, pendant que ses parents dormaient, Prisméa reçut la visite inattendue d’un étrange homme encapuchonné dans une ample robe noire. L’intrus s’approcha de l’enfant endormi et posa sa main décharnée sur son front.
Tel était le symbole qui était maintenant marquée sur le front de la petite fille.
Au matin, cependant, celui-ci avait disparu, et Wilbert et Asmilda ne surent jamais ce qui s’était passé cette nuit-là.
Environ 45 ans plus tard, Prisméa se tenait sur la proue du Marsouin d’or, désormais un vieux bateau qui avait vu neigé. Ses parents, Wilbert et Asmilda, étaient restés à Maison Verdoyante, capitale des Landes Unies. La jeune gnome avait pris la relève comme capitaine du bateau marchand, à contrecœur, toutefois, car elle aurait préféré faire autre chose de sa vie, ce qui était étrange pour un enfant ayant passé sa jeunesse sur le pont d’une embarcation. Elle regardait droit devant elle, son sourire perpétuel de gnome affiché comme d’habitude sur son visage rond et aux traits joyeux. Soudain, tout devint noir dans sa perception et elle fut envahie d’une peur sans précédent. Un gros symbole orange et lumineux tracé dans les nuages noirs était devant elle, et elle sentit son front piquer. Elle ne vit plus rien, puis s’évanouit.
Prisméa tomba à l’eau et dériva pendant deux jours sans que, par miracle, aucune créature ne l’approche et qu’elle ne soit submergée. Le symbole sur son front était désormais visible.
Quand elle s’éveilla, elle était étendue sur une plage de sable fin et les vagues venaient s’écraser près d’elle. Elle fut secouée par un grand homme vêtu d’une cape verte en armure. Il portait une insigne représentant l’Armée des Mercenaires. Couchée sur cette plage du pays dont elle ne connaissait rien, Prisméa fut prise de panique. Qu’était-il arrivé? Ses parents étaient-ils inquiets? Où était-elle? Elle ne se rappellait de rien.
Rien…