Erik le magnifique
Post by Rufus Flaron, ind - August 17, 2007 at 11:14 PM
L’aube
Le petit village d’Isenjord était situé dans la portion septentrionale du Bastion Berguenois. Il n’était pas rares que les températures atteignent les -10°C en plein été et les -50°C en hiver. Dans ce hameau roulant grâce à l’industrie de la construction de bateaux vivaient environ 3000 personnes. Cette année-là, il avait fait particulièrement froid (quelques morses étaient morts gelés sur la banquise) et, pour se réchauffer, les charpentiers et les marins se retrouvaient à la traverne Aux Bateaux Ivres. Les discussion étaient agrémentées de la célèbre bière Berguenoise qui ne cessait de descendre dans la gorge de ces hommes en grande quantité.
Cet hiver-là, un soir, en rentrant d’une soirée particulièrement avinée et violente (il avait un œil au beurre noir et le nez en sang suite à une rixe), Erik Eriksen, 15e du nom, trouva sa femme étendue sur le lit conjugal, vêtue très légèrement malgré le froid exceptionnel.
Se hâtant d’aller se débarbouiller, il revint rapidement vers la chambre. Il était écrit dans le ciel qu’au matin suivant, une nouvelle vie commencerait pour Erik Eriksen, 16e du nom, dans le ventre de sa mère. Neuf mois plus tard, le bambin vint au monde. Heureusement, c’était l’automne et le temps n’était pas trop frais. C’était un garçon, et on l’appela Erik, fils d’Erik (Eriksen), 16e du nom, en suivant la tradition de la famille du père qui était de mise depuis 15 générations.
Le matin
Les premières années de sa vie, Erik (le 16e du nom) n’eut pas une vie particulièrement demandante. Son père était presque toujours parti au chantier naval (il était charpentier) et son travail lui demandait toute son attention, même lorsqu’il était à la maison. Il dirigeait en effet les opérations pour la construction d’un énorme navire, le Trans-Enrya, qui aurait pour but de relier tous les continents à intervalles réguliers. Le chantier prendrait plus de 10 ans à se compléter et avait débuté la veille du jour des 2 ans du petit Erik.
Cependant, lorsque le mastodonte marin fut enfin terminé, Erik Eriksen, 15e du nom, passa beaucoup plus de temps avec sa famille. S’il n’avait pas été si pris par son travail les 10 années précédentes, il aurait été un excellent père. Cependant, il buvait un peu trop et avait tendance à dire des grossièretés, ce que détestait sa femme. Erik, 16e du nom, adorait son père. Rapidement, il apprit toutes les injures que son père connaissait (celui-ci en fut véritablement ravi), au grand dam de sa mère. En passant du temps avec son père, il apprenait peu à peu le métier de charpentier. Lorsqu’il y avait un bris à la maison ou un nouveau besoin, c’était lui qui le faisait au lieu d’Erik, 15e du nom. Quand Erik, 14e du nom, les visitait (il habitait dans la capitale, Bergheim, et le voyage représentait pour lui environ dix-huit jours de marche), il repartait inévitablement avec une babiole fabriquée par son petit-fils. Sa mère était à la fois enchantée et désespérée par le talent et le langage de son enfant. Il lui offrait également une aide considérable pour s’occuper de ses deux jeunes frères, nommés à l’encontre de la tradition à la demande de la mère, Ulor et Hassen. Cependant, Erik, 16e du nom, n’avait pas de très forts liens avec ses cadets. En fait, il n’eut jamais vraiment le temps de leur parler, car le plus vieux avait 14 ans de différence avec lui.
Vers ses 20 ans, Erik se lia profondément d’amitié avec un habitant d’une rue voisine, Bjorn Svensen, le fils du tavernier Sven. Les deux jeunes hommes passaient presque tout leur temps libre ensemble. Entre temps, Sven et Erik, 15e du nom, étaient partis à la retraite, laissant le soin à leurs fils respectif de s’occuper de leur travail. Bjorn était donc tavernier, mais il avait un tempérament fort et une envie très prononcée pour le combat (495 rixes à son actif depuis ses 15 ans). Erik était devenu le meilleur charpentier à Isenjord et travaillait au chantier naval.
Il faut savoir que depuis la fleur de l’âge d’Erik, 15e du nom (le père du 16e), un certain Olderik Svarksen dirigeait le village : c’était le chef. À ses débuts, c’était un excellent dirigeant : il orchestrait à merveille les offensives contre les elfes noirs et le village était vraiment bien défendu en plus d’avoir une économie absolument incroyable. Cependant, avec les années, il s’amollit et devint de plus en plus expéditif, ce qui eut pour effet de plonger Isenjord dans une crise économique sans précédent et de causer la mort de plusieurs dizaines d’hommes, femmes et enfants tués par les elfes noirs.
Le midi
À 23 ans, Erik avait les deux pieds dans la crise qui durait désormais depuis cinq hivers.
Bjorn, qui, entre temps, avait délaissé la taverne et était devenu un guerrier, vint un jour le voir. Il avait l’air extrêmement en colère et était accompagné d’une vingtaine d’autres jeunes du village. Erik, interloqué, posa ses outils de travail et s’épongea le front, puis invita tous ces gens dans sa petite demeure près de la maison du chef.
-Qu’est-ce que tu veux, Bjorn? Pourquoi t’as amené tout ç’monde-là?, dit Erik d’un ton nerveux.
-Erik, il est temps de changer les choses. Eux et moi, on a décidé de renverser Olderik., répondit Bjorn.
-QUOI? T’es fou? Il a tous les guerriers du village à ses pieds!, renchérit Erik.
-Avec de la volonté, nous pouvons réussir. Es-tu avec nous?, lui demanda Bjorn.
Jamais Erik ne sut pourquoi il dit oui.
Le zénith
La rébellion s’organisa peut à peu. Le nombre de membres allait en grandissant. Le lendemain des 24 ans d’Erik, ils étaient environ 250. Il fut convenu qu’ils essaieraient de donner l’assaut dix jours plus tard.
Le grand jour arriva. À midi, sous un soleil éclatant et une température idéale (-5°C), les deux cent soixante-dix membres de l’ACLI (Association des Citoyens pour la Libération d’Isenjord) se jetèrent aux portes de la mairie en dévastant tout sur leur passage. Ils ne firent hélas pas le poids face aux guerriers chevronnés qui protégeaient Olderik. Cependant, même si les protecteurs étaient plus que les assaillants, il y eut presque autant de mort d’un bord comme de l’autre. À la fin, il restait Erik, Bjorn et environ 10 autres jeunes. Les cadavres jonchaient la mairie et la population s’était massée autour pour pleurer les morts et observer ce qui allait se passer. Olderik vint à la rencontrer des révolutionnaires enchaînés.
-En ce trente-deuxième jour de l’hiver, moi, Olderik Svarksen, chef d’Isenjord, j’expatrie les treize personnes suivantes, qui seront bannis du Bastion Berguenois et condamnés à l’exil jusqu’à la fin de leurs jours pour avoir tenté de se rebeller contre leur peuple et avoir causé la mort de braves guerriers en jetant la honte sur Isenjord : Alrik Alwinsen, Answald Wilfridsen, Olaf Knudsen, Erik Eriksen -
Quelqu'un leva sa main et gueula pour l'interrompre.
-Lequel?
-Le 16e du nom. Je disais donc, Erik Eriksen, 16e du nom, Björn Svensen, Frederik Manfredsen, Germund Gildwinsen, Lennart Eskilsen, Dirk Edvardsen, Herluf Ingvaldsen, Leif Nordahlsen, Odalrik Ruriksen et Sigvard Turoldsen.
Un tonnerre d’applaudissements provenant de ses partisans vint appuyer la déclaration d’Olderik. Le lendemain matin, les treize jeune partirent sur un bateau en direction de Systéria, une terre qui, espéraient-ils, saurait les accueillir et leur prouver qu’il y avait un peu de justice en ce bas-monde.
L’après-midi
Le bateau fit naufrage et seuls Björn et Erik s’en tirèrent. Alrik, Answald, Olaf, Frederik, Germund, Lennart, Dirk, Herluf, Leif, Oldarik et Sigvard périrent et cela attrista beaucoup Erik, qui était le cousin de Germund.
Björn et lui rencontrèrent un Berguenois à Systéria du nom de Thoralf, mais il fut tué. Björn essaya même de fonder une guilde, la « Ligue Berguenoise », mais le projet échoua et sapa ses dernières forces. Il n’aimait pas Systéria. Un an après le naufrage, il s’en alla vers d’autres contrées.
Quant à lui, Erik devint la référence en matière de charpenterie et eut des affaires florissantes jusqu’à ses 26 ans. Il regrettait Björn, sa famille, son village… ses parents, ses amis lui manquaient.
Mais il aimait Systéria et y resterait.