[BG] Livia DeCaire
Post by Nienna Surìon - May 8, 2008 at 3:03 AM
Bonne lecture!
Livia DeCaire, son histoire.
Je l'observais du coin de l'œil, je devinais ses intentions malsaines. Sa main furtive, qui rôdait tout près de mes pommes de terre, ne tarderait pas à subtiliser le fruit de mes récoltes, le résultat de mes durs labeurs. Il fuyait mon regard et j'étirais mon cou pour mieux percevoir la main de ce malfrat. Je fis le tour de la table lentement, tel un fauve s'approchant de sa proie aveugle, prête à bondir sur lui dès le premier faux pas que je jugerai de trop. En croisant mon regard belliqueux, il se déplaça de quelques pas maladroits puis, il osa me défier en me soutirant une pomme sans s'aviser de me tendre quelques écus. Il repartit d'un pas léger, sifflant un air victorieux avec aisance, comme si de rien n'était et je le poursuivis à la marche, laissant mon frère aîné, Tristan, s'occuper des citoyens de la cité, bourse à la main, qui semblaient désireux de marchander avec notre famille. Je ne le quittais pas des yeux, le petit homme contournait agilement toutes les grandes personnes qu'il trouvait sur son chemin, ne se doutant probablement point de ma présence dans les environs. Le petit voleur quitta la place du marché pour traverser une prairie, il se retourna brusquement, se sentant miré, traqué, puis je m'accroupis de justesse, dissimulée derrière un arbre. Il ne m'avait pas remarquée, car il continua son chemin, traversant tantôt un champ de blé, tantôt un troupeau de bétail. Après un moment, qui me sembla être une éternité, j'avais peine à le suivre, j'ignorais où tout cela me mènerait et la peur m'envahit peu à peu, je détestais ce sentiment, j'avais l'impression de m'égarer en territoire inconnu. Le petit garçon s'arrêta finalement devant des ruines ancestrales, un refuge oublié par le patrimoine, les vestiges d'une histoire. L'endroit devait être un ancien temple dédié à une déesse dont le nom m'échappait. J'observais les lieux et j'ai remarqué qu'il y avait beaucoup de statues à l'effigie d'une femme magnifique. Ces œuvres étaient enlacées de vignes et d'herbes grimpantes, mais, étrangement, je trouvais les sculptures maintes fois plus belles avec cette végétation verdoyante qui les enrobait. Je me suis cachée dans les hautes herbes qui dominaient la place puis je toisais l'enfant maigrichon. Il cria quelque chose dont seulement quelques brides parvinrent à mes oreilles. Lorsque le voyou brandit fièrement sa conquête, une famille entière se découvrit. Je les comptai minutieusement. Six, ils étaient six. La mère des enfants pleurait, elle coupa la pomme en six quartiers égaux avec un poignard rouillé. En voyant cela, je ne pus retenir mon désarroi, cette vue m'offrait un goût amer dans la bouche, bientôt rejoint par le goût salé d'une larme incontrôlable. J'ai agrippé mon sac puis me dévoila doucement, ils sursautèrent tous, le voleur davantage, il m'avait probablement reconnue. Je les ai rassurés puis j'ouvris lentement mon sac pour tendre une seconde pomme à la mère des petits. Sur ses gardes, elle s'approcha timidement puis prit possession du fruit, je lui accordai un aimable sourire puis j'offris le reste du contenu de mon sac à la pauvre famille. Nous avons finalement bavardé un brin, mon cœur fendu conservant cette illusion gravée dans ma tête, à jamais. Le Soleil, déjà teinté de rouge par endroits, voulait céder sa place à la lune, je me suis donc retirée poliment pour aller retrouver mon frère au marché, il devait s'inquiéter. Depuis ce jour, je vins voir la pauvre famille sur une base régulière puis je leur offrais un panier d'osier rempli de fruits frais et de légumes verts, m'assurant qu'ils ne manquent de rien jusqu'au jour où mon père me fit comprendre, sans pour autant me fournir d'explications, que l'on devait partir vivre ailleurs, à l'extrême Sud du contient. Cela faisait à peine une ou deux saisons que nous étions installés dans les contrées avoisinantes de la capital que mon frère, un guerrier prometteur, a été recruté par l'armée royale. Il devait nous quitter. Nous avons festoyé une nuit entière pour lui et quelques autres élus, ensuite virent les déchirants au revoir. J'ignorais si j'allais revoir un jour mon frère aîné, mais je priais chaque jour pour qu'il me revienne vivant de ses combats. Il écrivait à mon vieux père à tous les cycles lunaires. C'était, à chaque fois, de véritables réjouissances de le savoir sain et sauf. Depuis son départ, trois années entières s'écoulèrent...
L'elfe le mira avec son arc tendu. Cet intrus qui avait osé franchir les terres sacrées de sa nation. Cette offense devait être punie. Rares étaient ceux qui eurent la chance de s'émerveiller devant la splendeur unique de ses forêts sans que leurs yeux ne puissent revoir de pareil délice pour l'âme que dans le souvenir de leur trépas. Cet humain ignorant ne serait pas l'exception à la règle. Instinct protecteur mêlé à une impulsion momentanée, il agrippa la corde raide de son arme puis la tira sans faire de bruit. Le jeune homme, devenu proie, semblait insouciant face au danger éminent. Il contemplait les arbres majestueux bornant la forêt mythique, perdu dans ses songes. Qu'à cela ne tienne, il devait périr, c'était son devoir que de mettre un terme à ses jours, que d'écourter son existence. Derrière mille et un feuillages que lui procurait l'arbre sur lequel l'elfe s'était respectueusement perché, il était camouflé. Il ralenti son souffle pour donner la chance à son tir de ne pas manquer sa cible, il attendait simplement qu'il s'immobilise pour laisser filer sa flèche entre ses doigts et la laisser s'abattre dans la gorge de cet étranger. Le moment parfait se présenta lorsque l'homme ciblé cessa ses écrits pour contempler un cerf majestueux qui rôdait non loin de lui. Un fin sifflement se fît entendre parmi les mélodieux chants des oiseaux puis le corps inerte de l'homme tombal brutalement à même le linceul immaculé de blanc de l'hiver glacial qui s'amorçait. L'elfe descendit de l'imposant arbre puis traîna péniblement l'humain, qui possédait un bon gabarit, hors de la précieuse forêt elfique. Une traînée de sang impur se dérobait en suivant les pas de l'elfe. Il remarqua un anneau scintillant qui ornait la main gauche du défunt et le lui soutira pour qu'il serve d'offrande à son Dieu afin de payer son passage au ciel. Ce dernier baisa ses fines lèvres puis apposa ses deux doigts sur le front ruisselant de l'inconnu, lui susurrant, avec un brin de fierté :
- Maintenant que tu es passé outre-tombe, nourrit ces terres de ton corps et abreuve les ruisseaux environnants de ton sang.
Sur le chemin du retour, un craquement brisa le silence et freina la quiétude de l'elfe naturellement serein. Il leva son pied puis ramassa un parchemin à moitié imbibé de sang frais puis entreprit la lecture de son contenu.
Ma mie,
Mon cœur est en peine, car je vous sais loin de mes bras, loin de mes yeux.
Je me suis retiré dans les vallons elfiques pour me ressourcer avant d'entreprendre mon périple en terres hostiles.
Je craignais votre réaction face à cette nouvelle et, comme un lâche, et n'ai osé me résigner à voir des larmes s'échouer sur vos lèvres délicieuses et dont je me languis déjà, hélas.
Jadis je fis le serment de servir le Roy fidèlement et c'est ainsi, que l'âme déchirée, je vous supplie de me pardonner, pour vous quitter à nouveau en vous laissant vivre dans l'angoisse jusqu'au retour des tapis de lys.
Mais, jusqu'à mon dernier souffle, je serai à vos côtés pour vous aider à rester droite et garder votre beauté si sereine et si envoûtante.
Je serai absent de corps, mais chaque battement de mon cœur que Thaar me permettra d'achever sera dirigé vers vous ma douce.
Une bonne partie du message était illisible, le parchemin étant nappé de sang, il ne restait qu'un poème de lisible plus bas, tacheté de rouge par endroits.
Je pars combattre sous la bannière royale
Mon âme est peinée à l'idée de vous quitter
J'attends déjà mon retour dans vos bras chaleureux
Ce n'est qu'un au revoir ma mie
Mais pour l'heure,
Je voulais vous avouer les secrets de mon cœur
Et poser juste un doigt sur vos lèvres.
Je voudrais vous dire aussi que vos gestes malicieux
M’emportent vers les plus doux délices.
Que vos baisers me transportent toujours plus haut
Que ma mémoire conserve
Cette image immortelle
Du jour de notre rencontre
Nos cœurs se sont appelés
Nos lèvres se sont cherchées
Que mon cœur, pour vos yeux si clairs, à jamais battra
Mon amour à votre égard ne vivra jamais le trépas
Jusqu'à la toute fin
Je serai un homme comblé
J'accepte mon destin avec sérénité
Merci de m'avoir éveillé, de m'aimer comme je suis
Que de voir un sourire radieux
Sur votre doux visage.
Fais de moi un homme heureux
Puisque je me crois, chaque fois, victime d'un mirage
Que vous êtes cette flamme qui réchauffe mon âme
Vous êtes cette lumière qui guide mon cœur
Vous êtes la meilleure partie de moi
Dès la première étreinte chaleureuse
Au premier contact de votre peau soyeuse
Qui diantre ne pourrait apprécier le son de votre voix mélodieuse,
vos avances aguicheuses...
Que, par Thaar, je ne serais jamais violent,
Jamais insolent,
Jamais infidèle,
Pour que vous soyez toujours aussi belle.
Que je veux vous offrir ma chaleur
Pour vous réchauffer du froid,
Vous embrasser pour ne pas que vous ayez peur,
Pour ne jamais que vous pleurez, ma mie.
Que votre prénom résonne dans ma tête
Comme une douce mélodie,
Que vos précieux rires ravivent
Mes jours maussades de pluie.
L'elfe recula de quelques pas en terminant sa lecture. Il roula la peau de chèvre séchée qui renfermait le message touchant puis s'empressa d'aller quérir l'un des siens pour apaiser son esprit troublé. Le sage qui l'accueillit lui conseilla de rapporter l'anneau doré et le parchemin à la femme du défunt. Il lui rappela qu'il avait bien agi, car nul impur ne pouvait franchir leur précieuse forêt.
C'est ainsi, par une journée des plus ensoleillées qu'on ait connu cet été là, que ma vie bascula sans préavis. Ce jour-là, le Soleil, qui régnait sur le ciel, ne brillait pas pour moi. Un messager royal était posté devant moi. Je le connaissais bien, il venait souvent à la maison, boire une tisane aux arômes bienfaisante l'hiver, prendre une coupe de cidre pour se rafraîchir après leur quart de service pendant les grandes chaleurs estivales. Il m'offrir un petit coffret en cerisier dans lequel reposait l'anneau de Damien sur un cousin de soie rouge. Il me tendit aussi un parchemin souillé de sang. Je fondis en larmes, je n'avais pas la force de prendre connaissance de son contenu, pas encore. J'étais ébranlée, la nouvelle m'avait détruite, j'avais l'impression qu'on venait d'enfoncer une dizaine de dagues affilées dans ma poitrine. J'en avais le souffle coupé, je cherchais mon air désespérément. Je fus laissée ainsi, à moi-même, étendue sur ma couche en pleurant toutes les larmes que mon corps pouvait produire, sentant l'odeur irremplaçable du fantôme que je chérirai jusqu'au-delà de ma mort. Bien entendu, la nouvelle se répandit à une vitesse fulgurante. Le lendemain du jour fatidique, le village en entier avait appris la mort de Damien. Je reçus à la maison, tous ses comparses militaires, tous les hommes riches avec qui il faisait des affaires, toutes les femmes veuves des environs. En fait, je pense bien que j'ai reçu toutes les femmes de la cité tout court. Je reçus plein de présents dans les jours qui suivirent cette tragédie. Du parfum particulier des bouquets de fleurs immenses à la magnificence d'étoffes somptueuses. Lorsque j'ai quitté ma demeure pour la première fois, je me sentais étrangère aux passants, ils me fixaient tous, les hommes s'inclinaient gentiment, les enfants me lançaient des regards remplis de compassion. Je devais me marier avec Damien à peine dix jours après sa mort.
J'étais faible, mais j'obtins la force d'affronter les regards des citoyens et d'aller rendre visite à un ami forgeron de longue date, Noah, un homme qui avait au moins six années de plus que moi. Je n'eus même pas à frapper à sa porte, Noah m'ouvrit comme s'il avait détecté ma présence. Il m'assied gentiment à sa table, dans une modeste demeure en bois, très charmante. Il versa de l'eau chaude dans une tasse artisanale puis y trempa une poche de thé vert aromatisé au citron, ma saveur préférée. Je le remerciai puis il se mit à parler :
- Ma chère amie, je vous sais dolente depuis la mort injuste de Damien. Soyez assurée que mes plus sincères sentiments vous accompagnent.
Je le remerciai à nouveau juste avant qu'il reprenne la parole:
- Qui aurait cru que vous auriez vécu tous ces périples en si peu de temps? Je me souviens du temps où vous n'étiez encore qu'une apprentie joaillière qui vivait à deux pas de chez moi. Du temps où nous passâmes toutes nos soirées à la taverne d'à côté en compagnie de Justin et de Karel. Des fameuses joutes annuelles où vous avez rencontré Damien le jouteur, et qu'au lieu de se présenter aux Dames du roi en première loge comme le veut le protocole, il s'est avancé à cheval vers la foulée et vous a cordialement baisé la main, votre visage est devenu si rouge lorsqu'il vous a murmuré qu'il combattrait pour vous. Tout le monde avait deviné que vous auriez fini dans les bras l'un de l'autre tôt ou tard, c'était évident. Finalement, je pense que les Dieux ne veulent pas que l'on sache comment il a pu remarquer une femme comme vous Livia, dans une foule aussi dense ce jour-là, une femme si discrète et silencieuse. Vêtue d'un rustre tablier, d'une chemise ordinaire et d'une jupe monotone, les cheveux bouclés virevoltants dans le vent frivole, une femme au sourire envoûtant. Il a dû craquer, et depuis, rêver à vous chaque nuit, vous admirer à chaque matin lors de votre éveil, baiser vos lèvres avec le désir de vous épouser qui grandissait à chaque lever du soleil. Dire qu'il en a fallu de peu.
Livia l'arrêta nette, elle qui avait fondu en larmes en se remémorant les souvenirs dictés par Noah:
- Non, nos âmes sont unies, il le sait de là où il est et je le sais pertinemment moi aussi.
La jeune femme retira sa bague de fiançailles et agrippa le coffre en cerisier qui renfermait l'anneau de Damien, elle ajouta:
- Mon ami, cela fait maintenant dix printemps que nous nous connaissons, dix années où vous avez vécu mes joies et supporté mes peines, où vous vous êtes toujours montré vaillant envers moi, j'ai une requête pour vous. Je voudrais que vous fassiez fondre ces anneaux, faites-les fusionner comme mon âme aurait dû s'unir à celle de Damien. Voici d'autres lingots précieux, je vous demande de me fabriquer une épée qui sera le résultat de l'alliage des anneaux et de mes lingots. Voici pour le travail à exécuter mon cher.
Noah afficha un petit sourire forcé aux coins de ses lèvres, il agrippa la généreuse bourse que lui tendait Livia puis il hocha sa tête doucement. Livia lui dit tout bas:
-
Je veux me remémorer encore ... des souvenirs de mes jours heureux.
-
Il y en aura d'autres Livia, il y en aura d'autres ne vous en faites pas avec cela ...
Après un court instant de silence, il commença à raconter à Livia l'histoire de sa vie comme s'il s’agissait d'un conte, la faisant rire une fois, pleurer une autre fois.
- C'était en des temps heureux, nos terres étaient riches, la végétation prospérait, notre dirigeant sortait glorieux de tous ses combats menés en contrées étrangères. La période des beaux jours d'automnes venait de s'amorcer, nous nous sommes rencontrés lorsque vous aviez environ dix ans, tous les enfants du quartier vous prenaient pour une sorcière parce que vous réussissiez à approcher les écureuils en les attirant avec des noix.
Les deux jeunes gens rirent en chœur.
- Vous étiez l'apprentie du joaillier du village, vous avez réussi votre tout premier alliage une fois le printemps venu!
Noah pouffa de rire, et Livia, faussement contrariée, donna une tappe amicale à celui-ci, cherchant à retenir son fou rire.
- Et ensuite vous avez rencontré Karel et Justin, mes deux frères que vous aimez tant. Vous ne vous lassiez point de leur apporter à boire lorsqu'ils travaillaient dans les champs sous un soleil tapant. Une vraie mère! C'était en des beaux temps certes ... Je vous revois encore lorsque vous étiez toute petite, avec vos cheveux bouclés remontés avec un ruban rose, votre jupe rouge et votre petite chemise bordée de roses, entrain d'avancer vers les prés avec un cabaret chargé de jus fraîchement pressé pour mes frères, vous faisiez des pas de souris pour ne pas trébuché sur le terrain accidenté. Naturellement, vous ne m'apportiez jamais quelque chose à boire, à moi, pauvre forgeron au front ruisselant devant ses véritables fourneaux!
Le visage de Noah trahissait ses paroles, il était clair qu'il n'en tenait pas rancune à Livia, il la taquinait.
- Bref ... mais nous avons tous grandis, vous étiez toujours présente pour nous trois. Que ce soit pour soulager un cœur d'une déception amoureuse, pour nous ramener à la maison quand on avait abusé de la boisson ... Décidément, vous êtes une femme à mariée Livia!
Et il reçu une seconde taloche derrière la tête.
- Oups pardon chère amie ... Où en étais-je? Ah oui! Il est venu le temps pour Karel et Justin de quitter notre village pour aller combattre au nom du Roy en tant que Guerrier et Piquier aguerris.
Noah soupira tristement.
- Et, pour ajouter aux malheurs, il y a eu le décès de votre père. Il était malade, nous devons nous dire qu'il ne souffre plus lui à présent et qu'il est mieux auprès des Dieux là haut. J'ignore combien de nuits vous avez priez Thaar pour le retrouver ... quand, au fond, vous ne l'avez jamais perdu. Il est simplement invisible. Depuis vous vous êtes consacrée corps et âme pour servir les Dieux, vous accomplissez vos tâches d'apprenti à merveille depuis que vous êtes guidée par un maître des plus vétérans.
Il adressa un tendre sourire à son amie.
- Vous avez finalement trouvé l'amour vous aussi! Un jeune et charmant jeune combattant issu d'une famille noble de la région, vous lui avez tout de suite tombée dans l'œil pendant les joutes régionales. Je ne sais plus combien de mois il a dû patienter pour enfin vous séduire, il y a travaillé d'arrache-pied. Il faut dire que ce n'était pas un homme qui se serait joué de vous.
Noah constata, l'air peiné, que Livia se retrouvait avec la larme l'œil à nouveau.
- C'est que vous êtes tout sauf une femme facile!
Livia se redressa puis s'accorda le droit l'interrompre Noah.
-
Très cher ami, je ne veux plus souffrir, je n'ai pas envie de replonger dans mes sombres détresses. Il se fait tard, je reviendrai vous voir dans peu de temps ... Merci, merci d'essayer de me remonter le moral.
-
Vous l'avez fait tant de fois pour moi, je ne peux faire autrement. Votre épée sera prête dans trois lunes Livia. Prenez garde sur le chemin du retour.
Le forgeron baisa le front de Livia puis lui retînt la porte pour permettre la Livia de sortir. Le lendemain, à l'aube, Noah commença à faire fondre les deux anneaux de fiançailles.
Durant la nuit qui suivit la visite de Livia, l'épée forgée par Noah reposait dans son atelier. Une aura lumineuse éclaira toute la pièce mais personne ne fut alerté par l'éclat lumineux. Sur l'épée se grava mystérieusement les mêmes tribaux symboliques que ceux qui sont encoreaujourd'hui fraîchement incrustés sur le dos de Livia. L'aura disparue ensuite, tout comme l'épée, comme s'il s’agissait d'une étoile agonisante, sa luminosité diminuant progressivement jusqu'à ce qu'elle s'éteigne. La lame avait été enchantée par on ne sait qui on ne sait comment. Le matin suivant, une lettre était déposée à l'entrée de la demeure de Livia, et, au même moment, Noah entra dans son atelier puis découvrit que la lame destinée à sa précieuse amie lui avait était fougueusement subtilisée. Livia, le cœur serré, décacheta la lettre, la déroula et entama sa lecture.
Mes Salutations Dame Livia,
J'irai droit au but.
Je suis l'être qui a tué votre fiancé.
Je dois vous avouer que j'ai eu peine à vous retrouver.
Fuyez-vous votre destin?
Je tiens seulement à se que vous sachiez qu'il est mort car il a violé une règle fondamentale érigée par mes ancêtres et que, par conséquent, il devait périr pour se laver de son péché.
Dites-moi, serez-vous seulement intriguée par les marques que je compte infliger à votre corps?
Savez-vous que votre épée ne vous sera point rendue?
Enfin ... pas tout de suite.
Je vous sens insouciante et froide face à ce qui vous arrive.
Mais, en bonne personne que je suis, je vous offre une chance de vous rattraper.
Vous porterez bientôt les mêmes tribaux symboliques que votre épée.
Je vous mande de la retrouver car tant et aussi longtemps que vous ne l'aurai pas reprise, l'esprit de Damien vous hantera pendant vos nuits.
Je sais que vous vous obstinerai à ne pas croire en moi, mais vous finirez par comprendre que vous ne pourrez nier mon existence.
Vous priez le mauvais ange. Je vous laisse mon pendentif en guise de bonne foi, il vous sera utile un jour je vous le promets.
Pour toutes salutations, je vous offre une mise en garde ou plutôt, une charade...
Sachez que je ne suis ni un humain ni un nain, je suis un mort parmi les vivants.
Je suis puissant, mais je ne suis pas un surnaturel.
Vous saurez trouver votre épée là où le Soleil ne se couche jamais, sur un cercle rouge elle sera déposée.
Je vous prouverai mes bonnes intentions sous peu. Je trouble vos pensées j'en suis conscient mais soyez patiente ... je vous éclairerai bientôt comme votre épée l'a été. Je vous apprendrai à ne faire plus qu'un.
*Le message ne portait aucune signature. Il était toutefois scellé d'un sceau représentant un visage triste consommé par de hautes flammes. *
Et comme le mentionnait l'être inconnu, il y avait bel et bien un pendentif doré qui avait glissé dans les mains de Livia lorsqu'elle déroula le parchemin. Au lendos de cet ornement était gravé le mot ''Systéria''
Livia resta plantée devant l'entrée de sa demeure un très long moment, elle était livide, son visage était devenu très pâle.
Devais-je croire cet étranger?
Me narguait-il?
Et s'il disait vrai?
Quelles-sont les marques dont il fait allusion dans cet horrible message?
Pourquoi Systéria? Les réponses à toutes mes questions doivent s'y trouver ...
De vieux souvenirs se ravivaient en en moi cependant. J'ai cru que la meilleure chose à faire à ce moment là c'était d'aller rejoindre Noah pour savoir s'il avait toujours mon épée en sa possession. Je devais traverser une vaste plaine pour gagner ses terres et la nuit tombait.
J'errais dans un boisé entourant la plaine qu'il me fallait traverser pour gagner la demeure de Noah. Je me sentais bouillir de l'intérieur, le désir de vengeance me consommait pleinement. Je serrai si fermement le médaillon que j'eus cru que j'en resterais marquée tellement il s'incrustait dans la paume de ma main. Une larme parcourue ma joue puis mourut sur mes lèvres tremblantes. J'étais damnée, éprise d'un fantôme, mon âme souillée par ma volonté de détruire comme j'ai été anéantie avec tant d'injustice. Je ne me posais plus de questions quand un violent orage éclata sous ma tête, la pluie battante ne me dérangeait pas, je senti mes vêtements trempés se coller à mes courbes, j'étais complètement détrempée mais je ne m'en préoccupais guère. Je ne me lassais point de sentir les coulées d'eau fraîche descendre sur mon visage. La pluie me rafraîchit puis elle apaisa mes sens tourmentés. Je ressentis alors un malaise des plus étranges puis ma vision se brouilla d'un coup sec, j'étais encore plus déstabilisée. Un éclat lumineux m'aveugla à un point où je dû me protéger en posant ma main en visière au dessus de mes yeux plissés. Les arbres et les vallons intérieurs qui m'entouraient furent radiés, en l'espace de quelques secondes, par un fessaux rayonnant si puissant que j'ai senti mes pieds quitter le sol frisquet. Je remarquai une silhouette entourée d'un halo scintillant qui s'approchait de moi. Je m'efforçai de replacer le visage qui m'apparût plus clair lentement mais j'échouai lamentablement. Il m’était impossible de reconnaître cet être si mystérieux. Soudain j'ai cru comprendre. Un ange! J'étais devant un ange descendu tout droit des cieux! Un homme qui semblait si pur et beau. Une beauté inégalable. Même une fleur fragile qui s'épanouie à aurore d'une matinée et qui devient une merveille du monde ne peut rivaliser avec cet ange tout-à-fait sublime. Je fermai mes yeux, m'abandonnant à ce mirage comme une enfant s'abandonne à son père dévoué. J'ai levé ma main pour atteindre cette lueur pour qui je nourrissais une intense admiration. Il tendit ses bras à son tour puis je me sentie réconfortée aussitôt, on aurait dit que j'étais littéralement enrobée dans de la soie, enlacée par la bonté même, une chaleur bienfaisante me prit doucement d'assaut. Une voix douce et rassurante me parlait et je l'écoutai attentivement puis je souris avec innocence, me laissant bercer par la douce mélodie de cette voix. Je me sentie cernée par cet être mirifique. J'eus l'impression qu'il ressentait ma souffrance et ma détresse si profondément lovées autour de moi et qu'en quelques sortes, il compatissait pour la triste personne que je suis devenue. J'ai demandé de l'aide inconsciemment puis l'être entouré de lumière me conseilla d'exaucer sa volonté et de me monter digne de sa bénédiction. Je devais retrouver l'épée et la maîtriser pour ainsi retrouver la paix et ma dignité et laisser Damien s'assoupir définitivement aux côtés des Touts puissants. Il me promit qu'il me guiderait tant que j'aurai la foi et tant que je croirai en lui. J'hochai inlassablement ma tête de haut en bas en guise de toute réponse. Ce fût très rapide, même si je pensais bien qu'une éternité venait de s'écoulée. La chaleur et la lumière abordant des teintes bleutées me quittèrent avec lenteur, la voix apaisante s'éloignait et bientôt je n'entendis que son écho lointain. Lorsque je me décidai à rouvrir mes yeux fatigués, il faisait nuit sombre et j'étais positionnée au beau milieu d'une plaine bornant le marché principal, mes deux pieds touchant la terre à nouveau. La lune régnait merveilleusement bien sur le ciel étoilé, elle était si ronde, si blanche et si parfaite. Je m'attardai à l'admirer simplement, restant immobile et toisant toutes les étoiles en me disant que mon bien-aimé est devenu une étoile qui brille comme il m'aimait, de façon intermittente. Je soupirai longuement puis je suis rentrée chez moi, sans aller voir Noah, je ne voulais pas savoir s'il possédait toujours mon épée ou non car, je donnerais raison à l'inconnu s'il s'avérait que mon épée se soit volatilisée. Une seule chose restait certaine dans ma tête. Cette aura, cette nuit allaient tout changer. Déjà, je me sentais changée, différente de la femme endeuillée que je contemplais dans une glace chaque soirs venus …
Dans quelle sorte de mésaventure m'embarquais-je?
Cette force étrange voulait-elle vraiment que je retrouve un sens à ma vie ou bien elle désirait le salut de mon âme?
Devais-je vraiment croire à tout cela?
Étais-ce la preuve que l'auteur de la missive m'avait promise?
Après tout, je n'avais pas encore ressentie la présence harcelante de Damien comme il l'avait prédit.
Et les marques qu'il mentionnait, je ne les ai toujours pas incrustées sur ma peau ...
S'amusait-il simplement à jouer avec mes nerfs?
Tant de questionnements qui restent sans réponse concrète ...
Je m'étais recueillie dans une contrée entourée de montagnes au Nord-est de Navrame, derrière les montagnes se trouvait les abords de la baie que biens des marchands traversaient pour se rendre à Systéria. Il est certain, qu'en ces temps là, il était préférable d'utiliser la voie des mers pour s'y rendre, car, à mi-chemin entre Nyllsa et Visoola, se trouvait une orde de brigands nomades qui attaquaient toutes les personnes qui avaient le malheur de s'approcher de leur campement. Ces malfrats étaient redoutés par tous les voyageurs, il n’avait guère de pitié, ils tuaient les hommes, cochers, femmes et enfants sans remords et pillaient tous les carrioles des paysans et les carrosses des bourgeois.
Je m'affairai à remplir mes sacs de mes effets personnels les plus précieux lorsqu'Éloïse est venue me faire ses au revoir. Elle était l'une des rares personnes avec qui je me suis liée d'amitié pendant mon séjour entre ses montagnes. Elle me tendit gentiment un bout de parchemin sur lequel était marqué le nom de '' Carius le roux, capitaine du Sabre des mers ''.
En voyant mon regard interrogé, elle me fit savoir qu'il était un bon ami de sa famille depuis fort longtemps, et qu'il m'amènerait en terres voulues sans me défaire du peu d'Or qu'il me restait. Elle précisa qu'elle l'avait avisé de ma venue. Je la remerciai je ne sais combien de fois mais elle me pressa de traverser les montagnes car le Sabre des mers quittait le port dans moins de sept nuits.
Elle m'offrit de choisir un cheval de son écurie, je n'ai pus que m'y résigner. J'apprivoisai rapidement le cheval de race, complètement noir, il était d'une grâce et d'une force propre à ses majestueuses bêtes.
Les deux premiers jours à cheval me donnèrent beaucoup de peines, mon corps en entier me faisait souffrir et j'avais peine à dormir durant mes courtes périodes de repos. Heureusement, le sol montagneux était parsemé de petits ruisselets d'eau pure, où je pouvais me ravitailler en eau et me laver partiellement.
Au cinquième jour, je fus fascinée par des vapeurs fumantes qui s'élevaient au dessus d'une source d'eau. Intriguée, je ne pus m'empêcher de faire une halte, d'attacher ma monture et d'aller voir cette source de fumée légère de plus près. Elle provenait d'une élévation de roche qui faisait jaillir l'eau qui coulait par la suite dans cette source. Je n'avait jamais vu cela de toute ma courte vie, jamais je n'avais lu un quelconque écrit qui mentionnait des roches qui crachaient de l'eau bouillante en pleines terres hostiles des montagnes!
Je suis restée figée devant ce spectacle unique un long moment avant de jeter un coup d'œil aux environs et de poser mon regard sur mon cheval. Il broutait les hautes herbes qui se balançaient autour de lui quand le vent se levait. Je n'ai pus résister à la tentation, je fixai la source d'eau puis me dévêtit sans la quitter des yeux. Cette source m'attirait comme un aimant. Je détachai mes longs cheveux, je laissai ma robe se dérober à mes pieds et je m'approchai de la source. J'ai trempé mes orteilles dans l'eau et tout de suite, j'y trempai le reste de mon corps.
Rendue à cette altitude, de la neige apparaissait à quelques endroits, les températures se faisaient un peu plus fraîches et cette eau chaude raviva toutes mes énergies en quelques instants.
Je me nettoyai en profondeur pour enlever les saletés qu'un petit ruisseau ne peut me permettre de déloger.
Sans m'en rendre compte, un sourire soulagé se dessina sur mon visage, j'étais si bien, si détendue. Le fait de caresser ma peau nue qui se réchauffait me procurait un bien-être indescriptible.
Soudainement, je me redressai d'un coup sec et je fis volte-face pour regarder autour de moi. Je fus alertée par des craquements de branches qui venaient des environs. Lorsque je m'aperçus qu'un jeune homme m'observait, je me cachai dans l'eau immédiatement, mes joues étant rougies par la gêne qui m'envahie à ce moment.
Il était adossé à un arbre, tout près de ma monture. Il me toisait depuis je ne sais combien de temps. Je m'exclamai, fâcheusement:
- Qui êtes-vous? Que faites-vous ici? N'avez-vous donc pas de manières?!
Il me répondit avec amusement:
-
Je suis Louen, le berger des montagnes, je promenais mes bêtes lorsque j'ai aperçu des traces de pas encore fraîches dans le sol boueux, j'ai décidé de les suivre pour savoir à quoi elles me mèneraient ... Et vous? Qui êtes-vous?
-
Ce n'est pas de vos affaires monsieur Louen, dis-je sèchement.
-
Ce n'est pas juste demoiselle, vous connaissez mon identité et moi je sais rien de vous, appart que vos courbes sont, ma foi, très attirantes, osa-t-il me répondre.
-
Je vous interdis de me parler ainsi jeune homme! Compris?! Ce sont vos bêtes qui vous ont élevées ou bien le contraire?!?!
-
Je doute du contraire belle dame, je demande seulement à connaître votre nom, rétorqua-t-il.
-
Livia, dis-je avec hargne. Maintenant, retournez-vous que je puisse regagner mes vêtements.
L'air amusé, Louen venait de voir ma robe sur sa scelle de mon cheval qui était déposée sur un amas de roches. Il la prit et la tînt dans ses bras, immobile, en me fixant.
-
À quoi jouez-vous ainsi?! Donnez-moi ma robe je vous prie.
-
Venez donc la chercher jeune demoiselle, me dit-il sournoisement.
-
Je suis plus pressée que ce que je peux laisser paraître monsieur, j'ai mieux à faire que de laisser un homme impudent, effronté, disgracieux, et si hummm ... impudent que vous, se rincer l'œil pour obtenir mes vêtements.
-
Sans vouloir vous offusquer davantage Demoiselle Livia, vous m'aviez déjà traité d'impudent et humm ... c'est déjà fait cela, je ne veux pas sembler vulgaire ... non je veux seulement savoir si vous en avez ... disons ... le courage.
Je savais que le temps me manquerait si je ne reprenais pas la route sous peu. Je sortie donc de l'eau, fixant le jeune berger droit dans les yeux, et sans quitter son regard, je m'approchai de lui, pleine d'assurance. Un sourire satisfait gagna mon visage car il était évident que je venais de le déstabiliser de par ma réaction face à son ultimatum. Ma peau était fumante et rouge par endroits, alors je tendis la main pour retrouver mes vêtements. Il me les donna et je partis me positionner derrière ma monture afin de me parer de ma robe. Le berger alimenta la discussion en ajoutant, avec curiosité:
-
Où allez-vous comme cela Livia?
-
Je dois gagner le port d'ici deux jours, je quitte cette contrée pour me rendre à Systéria.
Je suppose que l'homme qui vînt rejoindre Louen à ce moment précis était son frère car il lui dit, en baissant le ton de sa voix:
-Louen, cette femme est-elle égarée? Je vais ramener le troupeau de bétail dans nos enclos, prends mon cheval et mène-la à bon port, tu connais le protocole.
Louen acquiesça doucement puis il monta le cheval tacheté de blanc de son frère.
De brèves salutations nous suffirent et je rapatriai mes sacs.
Le reste de la traversée des montagnes, durant ma première journée en compagnie de Louen, se fît en silence. Nous installâmes un campement pour la nuit et je m'endormis rapidement, j'étais fatiguée après cette journée pour le moins, remplie d'imprévus. Une seule chose m'empêcha de dormir à ma volonté, je sentais une étrange sensation de brûlure dans le bas de mon dos. Ce n'est que le lendemain que je compris que c'était une force mystérieuse qui avait gravée ces dessins étranges dans le bas de mon dos, probablement durant ma baignade dans la source étrange.
J'étais perturbée mais je ne pouvais pas m'attarder sur ce fait, je devais rejoindre Carius d'ici la tombée de la nuit sinon j'allais devenir prisonnière de ses imposantes montagnes. Ce n'était pas du tout ma volonté. Louen tînt sa promesse et je parvins aux rives dans le délai prescrit, de justesse. Nous n'avons pus se dire au revoir car Carius s'approcha de moi, il avait probablement deviné mon identité et il me pria de monter abord, ils m'attendaient tous pour lever l'encre.
Je regardai Louen pendant que l'imposant navire commençait lentement son départ en s'éloignant du quai. Lorsque les terres montagneuses n'étaient plus visibles, Je traversai le pont pour aller rejoindre Carius à l'avant du bateau. Il agrippa mes effets personnels et me pria de le suivre. Il me montra ma demeure pour les douze prochains jours. Les marins ont tenté d'agréer la pièce pour mon voyage en y accrochant ses bandes de tissus aux couleurs vives et chaleureuses et en tapissant mon lit de fourrures et de coussins moelleux.
Des bouquets de fleurs agrémentaient ma chambrée d'un parfum printanier particulièrement agréable. Je ne quittai cette pièce que quelques rares fois durant la traversée pour aller me promener sur le pont, tard le soir venu, pour prendre un bol d'air frais, autrement, je restais enfermée dans cette pièce.
Carius m'apportait parfois du thé chaud et il me tenait compagnie en jouant à des jeux de stratégie avec moi. Le douzième jour se leva bien trop tôt pour moi, le ciel était encore parsemé de filaments orangés lorsque l'encre allait être jetée à l'eau.
C'était un matin où les rayons du Soleil qui pénétraient dans ma chambrée me poussèrent à me réveiller plus tôt qu'à mon habitude. Lorsque j'enfilai mon peignoir, j'entendis la vigie s'écriée haut et fort:
- Terre en vue! Droit devant! Terre en vue!
Je murmurai pour moi-même, avec une teinte d'appréhensions bien connues :
- Systéria …
J'eus pris soin d'orner mon cou du pendentif en or avec sérénité puis j'eus une pensée pour le Croisé, Thaar, car au fond de mon être, je pensais que je venais d'obtenir sa bénédiction, grâce à toutes mes prières, il m'avait enfin entendu, cet ange qui, sans conteste, restera le seul pour lequel je souffrirais jusqu'à ma mort.
-Fin-