Gunther Hömsbritz, épidémiologue
Post by Gunther Homsbritz - May 14, 2008 at 5:16 AM
Sa vie était intimement liée à ces fléaux portés par le vent de la destruction qui frappaient sans justice ni honneur, s’emparant du petit et du faible en premier. Il avait parcouru les terres les années durant, devançant parfois la propagation de ces infâmies, mais arrivant trop souvent trop tard, trop tard pour ces pauvres âmes qu’il avait dû laisser partir, trop tard pour ces corps affligés qui s’étaient effondrés devant la maladie. *Il avait tant donné, * son corps, son âme même à sa vocation ; malgré tout, encore une fois une veuve se présentait devant lui, en larmes, ayant perdu un proche.
Ce regard larmoyant, teinté d’une faible lueur accusatrice lui faisait mal plus que tout ; c’était sans doute là le plus difficile des aspects de son travail, de devoir faire face à ces gens qui avaient perdu un proche, qui avait remis leur vie dans ses mains. Il comprenait la frustration et la colère des endeuillés et ils ne les en tenaient pas responsable. Plus que toute autre personne, il prenait le blâme sur lui-même, sachant qu’une autre vie placée entre ses mains s’était éteinte.
« Vous avez été tellement bon pour lui… Il m’a dit, quelque temps avant… que vous avez tout fait pour l’aider, que vous êtes restés deux journées entière à son chevet sans dormir pour poursuivre les traitements et que vous avez acquiescé à toutes ses demandes…»
\tGunther releva la tête pour croiser le regard de la jeune veuve, celle-ci tenant dans ses bras tremblants un enfant à peine sorti du berceau.* Il avait fait si peu, en réalité, il aurait pu faire tellement mieux*. Regardant l’enfant qui bien malgré lui semblait déborder de joie, ignorant de toute la souffrance à laquelle il aurait bientôt à faire face, il ne pouvait s’empêcher de constater qu’il aurait dû faire plus, tellement plus.
\tSon patient, un jeune commerçant à l’avenir prometteur s’était enlevé la vie, pendu à une poutre de son écurie. Il comprenait bien cet acte, lui qui avait perdu la foi depuis un long moment, il savait que parfois la souffrance liée à une maladie peut amener des gens à faire l’irréparable pour retrouver la paix. Et il connaissait plus que quiconque les effets que causaient la Peste Grise sur son hôte, pour avoir côtoyer depuis des années des agonisants.
\t« Je suis vraiment, vraiment désolé madame. J’aurais tellement voulu le sauver, malheureusement la Peste Grise… Je vais aller avec quelques aides récupérer le corps et enfumer les lieux pour éliminer les risques de contagion… Je comprends que c’est difficile pour vous, mais votre défunt mari ne pourra avoir un enterrement normal en terre sacrée, nous devrons prendre des mesures de prévention pour nous assurer que son combat contre ce fléau n’aie pas été en vain… »\t
\tGlissant la main dans son sarrau, il retira une bourse rondelette, correspondant à plus d’une semaine de son salaire. Il la glissa dans les mains de la veuve qu’il referma dans les siennes.
\t**« Allez à l’auberge du Canard endormi, c’est un endroit calme où vous pourrez vous reposer et vivre votre deuil en attendant que nous décontaminions votre maison. Je repasserai pour m’assurer de votre état de santé dans deux jours, pour confirmer que vous n’avez pas été exposée à la maladie.. »**
\tLa femme brisée marmonna des remerciements entre deux sanglots et s’en fut avec son bambin.
\tLe médecin était consterné ; à peine quatre jours qu’il était arrivé à Systeria, il n’était pas encore passé à l’hopital St-Élisa pour s’enregistrer officiellement et trouver du travail, mais la détresse du jeune homme et sa condition unique l’avait forcé à prendre des mesures drastiques. Il avait du passer les derniers jours pour des traitements complexes… et encore une fois il se retrouvait avec un cadavre sur les bras. Il glissa sa tête entre ses mains, l’émotion devenue trop forte.
\t**« On ne peut pas tous les sauver, Docteur ». **Diana, la jeune volontaire l’ayant assisté au cours des derniers jours tenta de le rassurer, même si son visage déconfit trahissait sa propre peine.
**« Non, malheureusement, nous ne pouvons pas tous les sauver… »**