Omareth Elamshin : La Loi

Omareth Elamshin : La Loi

Post by Omareth Elamshin - June 5, 2008 at 6:55 PM

Un claquement de fouet.

L'esclave cria et s'affala de tout son long dans la boue. Sa maîtresse hurla une insulte dans la langue des elfes noirs et s'approcha de lui, un sourire cruel aux lèvres. L'homme tenta de se relever mais trop tard. L'elfe noire posa son pied sur son dos et le fit se recoucher dans la fange. Elle y mit tout son poids, le visage triomphant, comme une gamine qui écrase un cafard.

Elle demeura dans cette position un long moment, attendant que quelques bulles remontent à la surface boueuse, puis releva son pied, riant de bon coeur. L'esclave se redressa aussitôt, cherchant son souffle, crachant de la boue. Un cavalier apparut à l'horizon.

Elle rit. L'esclave était maintenant debout, hésitant à reprendre la marche.

"Mrann Yrin..." (Faible mâle)
*Elle le regardait d'un regard dégouté, empli de haine. Lui ne la regardait pas, il fixait le sol et priait qu'elle le laisse en vie. *

Elle claqua son fouet une autre fois. L'esclave fit son possible pour ne pas broncher. Le cavalier s'approchait.

Une autre fois.

Il s'afala dans la boue à nouveau. Elle s'approcha de lui mais tourna la tête au bruit des pas de l'ostard tout près. Le cavalier, un autre elfe noir en armure cloutée, l'ignora complètement. Elle ricana puis cracha au sol, cherchant à le narguer. Effet réussi ou non, l'homme s'arrêta et descendit lentement de cheval. La maîtresse retourna à son esclave qui se relevait péniblement, pour lui donner un coup de pied au derrière qui l'envoya valser dans la fange. Elle prépara son fouet. L'homme était tout près. Elle rit, voyant son regard dur, nullement intimidée, elle l'injuria :

"Vith'os!" (vas te faire f****)

*L'épée du cavalier se planta dans sa poitrine, à la hauteur du coeur. Il avait simplement tendu la lame. Il semblait impassible. Se rapprochant d'elle, il murmura, dans un commun cassé : * "Vesnar'Ell Vez'Eld, vous êtes sous arrêt pour vente d'esclaves en territoire conquis, tentative de meurtre, meurtre, assassinat, vol, contrefaçon, usurpation d'identité..."

*Elle chercha sa dague. Disparue! Elle lui cracha au visage puis, dans un souffle rauque, l'injuria a nouveau. * "Vith'os!!!!"
Il lui répondit simplement, sur un ton narquois : "Ssussun pholor dos..." (Que la lumière t'enveloppe)

Il se rapprocha d'elle, semblant l'enlacer, elle cracha du sang sur son épaule, puis s'inanima. Il la laissa s'écrouler sur le sol boueux comme une poupée de chiffon, posa son pied sur elle et en retira sa lame.

L'esclave le regardait, assis dans la boue, les lèvres tremblantes, effrayé.

"Tu as un nom?"* toujours dans un brégunien fortement accentué. *
"Yssdri'nn!! Yssdri'nn!"

"Tu as de quoi manger? Tu as de l'or?"
*L'esclave sembla comprendre la mention de l'or. *
"Nau."
"Elle en avait, elle?" Il la poussa de son pied et la désigna de sa main. L'esclave comprit et n'attendit pas, se ruant sur le corps de son ancienne maîtresse, cherchant fébrilement sa bourse. Puis, une fois l'objet à sa propre ceinture, frappa le cadavre de coups de pieds.

Le cavalier le giffla d'une main gantée et l'envoya à nouveau dans la boue. Il tira sa lame et lui cria :
"Arrête toi tout de suite! Ou je t'enchaîne pour profanation de cadavre!"

*L'esclave ne sembla pas comprendre les mots de son compatriote, mais ne bougea plus. L'homme lui désigna la corde qu'il avait autour du cou. Il en attacha les pieds de la criminelle et noua l'autre extrémité à sa monture. *

"Fais ce que je te dis, et tu vivras."

L'esclave le regarda, faisant signe qu'il ne comprenait pas. Soupirant, l'homme lui traduit, exaspéré.

"XUN IZIL DOS PHUUL QUARTHEN, LUETH DRO! Tu es en terre impériale! Apprends à parler ou déguerpis d'où tu viens!"

Il mit sa lame au fourreau, monta en selle et partit au trot. Le corps de la criminelle trainait dans la boue derrière lui, se brisant sur chaque pierre et sur chaque bout de bois.

L'esclave ne le suivit pas, jugeant que ça valait mieux, pour lui.


Post by Omareth Elamshin - June 5, 2008 at 10:11 PM

*Sa démission?! Quelle idée idiote. *
L’elfe noir esquissa un mince sourire à cette pensée, roulant les yeux.

« C’est bien la première fois que je vous vois sourire Elamshin. Rompez. »

L’elfe noir stigmatisa le moment, exagérant, selon lui, son sourire au point d’en montrer les crocs.

« Ça en vaut la peine. C’est bien la pire idiotie que j’ai entendu de ma vie. » Répondit-il, dans un commun plus ou moins franc.

« Je n’y peux rien, ordres formels. Il faut dire que ce n’était pas très discret. Rompez!»

Le maréchal Garahan semblait irrité par le refus de son interlocuteur de se détendre en sa présence. Son ton se faisait insistant. Quinquagénaire à la forte barbe et à la forte corpulence, l’humain derrière son bureau était autrefois reconnu comme l’un des gardes impériaux les plus impitoyables de la capitale. Aujourd’hui, il n’était plus que l’ombre de lui-même, un vieillard en devenir, mais toujours aussi droit, et toujours aussi cruel. C’était d’ailleurs les seules choses qu’ils avaient en commun : un amour de la Loi impitoyable et une Loyauté inébranlable envers la couronne.

L’elfe noir demeura immobile. « Des problèmes avec le corps je suppose... »

« Non aucun, pourquoi, je devrais en avoir? F***** Thaar! Elamshin! Vous êtes aveugle ou quoi?!»

L’elfe noir haussa les épaules, impassible.

« Elamshin. Rompez. » Le ton se faisait de plus en plus insistant.

Résigné, Omareth posa ses mains derrière son dos et écarta quelque peu les jambes, toujours aussi stoïque.

« Il y a de plus en plus de nobles et de prétendus sages qui remettent les méthodes de la garde en question. Je vous avais pourtant averti. Il y a des limites à ne pas dépasser, surtout avec les pressions de la cour. Vous savez de quoi je parle pourtant!»

« J’ai pensé que cela enverrait un message clair. J’aime faire évident et facile à comprendre. Ces tarés ont besoin d’aide pour comprendre les lois.»

« Une milice a attaqué une caserne de la garde. Ils ont eu peine a les repousser. Ils sont de mieux en mieux armés. Il y a quelqu’un qui paie plus qu’une poignée d’écus pour armer ces bandits. Ça veut dire que le mouvement fait des petits, et que certains imbéciles y croient vraiment. »

« On ne peut pas empêcher la nature d’engendrer des tarés, maréchal. »

« Non, mais vos méthodes n’ont rien pour aider l’Empire en ce moment. On m’a dit de me débarasser de vous. Je n’aime pas perdre un élément loyal, mais c’est ainsi. Vous apprendrez de cette erreur. Comme moi. »

L’homme fit glisser un parchemin vers le nouveau démis. Celui-ci le prit et le lut, sans broncher.

« Ce n’est pas un ordre, c’est un conseil. Faites vous oublier. Allez chercher fortune ailleurs. Vous êtes une épine dans le pied de la garde. Voila. »

« À vos ordres, maréchal. »

D’un mouvement bref, machinal, il joint les talons, redressa tout son corps et frappa son cœur de sa main gauche. L’homme au bureau lui rendit un salut militaire sommaire, exaspéré. Visiblement, l’elfe noir ne comprenait pas la situation, ou se refusait à entendre raison.


Post by Omareth Elamshin - June 5, 2008 at 11:58 PM

Omareth Elamshin quitta Brégunia le soir même. Embarquant pour Systéria, il repassait dans son esprit les événements der derniers jours.

Il espérait que là-bas, au moins, on saurait reconnaître la nécessité d’une justice ferme. Qu’on trouverait normal de faire des exemples, de marteler les Lois aux moins conciliants et de se débarrasser des problèmes récurrents.

C’était, au fond, un simple espoir.

"Une épine dans le pied de la garde…" Cette phrase lui revenait sans cesse en tête. Il n’était pas l’épine, il était le couteau qui la retire.

L’épine, la verrue, c’était toute cette tempérance, cette tolérance, cette bonté naïve qui animait les foules, les veuves éplorées, les poètes en mal d’amour, les vieillards emplis de regrets « de n’avoir pas pu » et les nobles chevaliers vertueux qui cherchaient soit à s’attirer les cuisses légères des femmes faciles, soit du capital politique. C’était ces cultes religieux de pardon et de partage qui abrutissaient les masses. L’histoire le prouvait : la seule façon de faire respecter La Loi, c’était qu’elle soit crainte. Une loi sans dent est une loi qui ne sert à rien, sinon d’échappatoire au chaos.

Au fond, il savait que la tempérance était une vertu forte au sein de l’Empire Systérien. La présence de l’Ordre ne le réjouissait pas du tout… Il aurait lui-même, ironiquement, à tempérer ses actions. Il devrait mentir et se la jouer noble, pour un temps… Il n’aurait pas le choix.

Soupirant, il jeta un œil vers l’horizon. Rien en vue. Que de l’eau, des nuages et de l’eau. Il aurait le temps de réfléchir pendant son voyage, payé gracieusement par le maréchal.

L’intelligence avait peine à se démarquer au sein des classes dirigeantes.
Il espérait trouver à Systéria un maître digne de son ardeur et de sa volonté.

Il espérait.