Lettre dans les mains d'une enfant qui arrivait à Systéria

Lettre dans les mains d'une enfant qui arrivait à Systéria

Post by Bel'labress Mel'Viir - April 1, 2009 at 9:43 PM

À vous qui lirez ceci,

Je me présente, Jacques Flambert, matelot du bateau "L'Albatros". La jeune elfe noire qui se tient devant vous et dont j'estime l'âge à 8 ans, est une de mes trouvailles des plus mystérieuses.

Dans la cale du bateau, il y avait des caisses vides où entreposer le poisson. J'allai donc en chercher une, mais en la soulevant, je sentis un poids plume en surplus. C'est en ouvrant la caisse que je vis la fillette recroquevillée au fond. Elle posa ses yeux gris clair sur moi, ne m'offrant aucun sourire, aucune larme, aucun sentiment. Je me contentai de la sortir de la caisse en la prenant dans mes bras pour ensuite l'envelopper dans des draps chauds. Je pus déceler un semblant de curiosité à ce moment dans ses traits faciaux. Le monologue commença alors:

-Qui es-tu?

Aucune réponse.

-D'où viens-tu?

Toujours rien.

-Tu as un nom?

Un mutisme complet, sans même une expression.

J'ignore toujours le comment qu'elle a pu grimper à bord, mais je vous raconte la suite.

Avant notre arrivée sur l'île de Systéria, il restait encore une saison à traverser. Pendant tout ce temps, je m'occupai de celle que j'appelai Mirage. Lorsque je prononce son nom, je crois déchiffrer une lueur dans ses deux perles et ce, malgré son air neutre. J'ai essayé de la stimuler de diverses façons. Je posai une feuille et des pots de teinture de diverses couleurs. Elle restait là, immobile, à fixer les objets. Le capitaine m'interpellait en haut, je la laissai donc seule un moment. À mon retour, ses doigts étaient couverts de rouge et de noir. Sur la feuille, de la teinture fraîchement étendue commençait à sécher. Son barbouillage ressemblait à un cercle parsemé de blessures saignantes. Quand je lui demandai ce que c'était, elle déchira la feuille. J'ai tenté l'expérience à quelques reprises et j'en aboutis au même résultat, un papier déchiré.

Un jour où le capitaine la vit, car il faut dire qu'il ignorait son existence, il fut horrifié d'avoir une elfe noire à bord. Il leva le poing pour l'abattre sur ma protégée et toujours par son regard, je sentais sa détresse. Je bloquai le poing de mon capitaine et l'entraînai plus loin pour lui parler. Je devais me séparer de Mirage à notre prochain arrêt. Je retournai auprès d'elle et pour la première fois, je vis ses lèvres remuer. Je n'y comprenais rien à sa langue d'origine, mais je crois qu'elle voulait dire, ou plutôt murmurer si ce n'était pas souffler : "Merci".

Plus tard, elle rencontra Mistigri, le chat noir du bateau. Elle tendit lentement les bras, sans même se lever et je mis l'animal sur ses cuisses. Avec un semblant d'affection, elle caressa le félin en affichant un air indifférent et inexpressif à mon égard. Nous avions un autre chat sur le bateau, Luna, une femelle au pelage blanc. Je soupçonne Mirage de l'avoir tuée lorsque j'avais le dos tourné. La pauvre chatte avait une fourchette plantée dans le dos et son pelage était maintenant teinté de rouge. Lorsque je revis l'elfe noire après l'incident, elle avait, sur les bras et le visage, de profondes blessures mais toujours elle demeurait stoïque.

Je vous avise, inconnu(e), cette jeune fille vous donnera sans doute froid dans le dos. Cependant, je sens en elle une enfant normale qui ne demande qu'à être aimée. J'ignore tout de son histoire: D'où elle vient, son vrai nom... Mais moi, je n'ai pu la garder. Ne commettez pas la même erreur.

Matelot Jacques Flambert.


Post by Bel'labress Mel'Viir - April 1, 2009 at 9:47 PM

Elle marchait sur le pont du bateau. Ses longs cheveux blancs comme neige volaient au vent. Sa peau noire commençait à gercer au contact du froid, mais elle demeurait apathique, comme si elle avait développé une certaine habituation à la douleur. Sa tête dodelinait d’un côté et de l’autre, ne maintenant aucun tonus musculaire au niveau du cou. C’est alors qu’une ombre claire passait devant son regard. C’était un félin au pelage blanc… Il paraissait si innocent… si niais… si insouciant… Si le matelot avait réussi à attirer son regard, il y aurait lu de la haine, du mépris. De façon sournoise, les traits faciaux déformés par la colère, elle réussit à prendre la fourchette qu’un membre de l’équipage avait laissée sur la table plus tôt dans la journée. Elle y arriva tant bien que mal, se mettant sur la pointe des pieds pour y arriver. Le chat continuait sa balade de l’après-midi. Le ciel commençait déjà à s’assombrir pour laisser la place à une tempête de rage. C’est alors que la première attaque eue lieu. L’elfe noire se jeta furieusement sur le dos de la bête à quatre pattes et y planta sa fourchette. Un cri de douleur, et non un miaulement, retentit dans l’atmosphère pourtant désert. Le chat riposta par un coup de patte au visage, mais Mirage n’avait rien d’un être humain. On aurait plutôt dit un monstre mené par ses pulsions de meurtre. C’est alors qu’elle renfonça la fourchette avec plus de conviction qu’elle n’en avait mis au premier coup. L’être agonisait sur les planches et la gamine regarda le cadavre, sans broncher, sans tristesse, sans haine. Le hurlement du chat avait éveillé le matelot responsable de la gamine. Lorsqu’il comprit ce qui était arrivé, il prit la jeune fille squelettique qui demeurait molle dans ses bras. Il la coucha et frissonna lorsqu’il quitta sa chambre, sous le regard vide et vitreux d’une morte vivante.