Harumi
Post by Aziz, AdM - August 15, 2009 at 4:43 PM
« Tchic, tchic », le bruit du sécateur se répercutait plusieurs fois de façon précise sur un bonsaï. Les quelques branches et bourgeons furent enlevés puis aussitôt ramassés. Une main dépourvue de gant passa alors sur la taille du petit arbrisseau, fine, aux doigts verdis par de longues journées passées à jardiner. La femme se releva, rangeant l’outil dans une trousse accrochée à sa ceinture. Autour du bonsaï, deux Yucca et un parterre de fleurs roses et bleues claires. C’est avec précaution qu’ Harumi s’en alla de ce petit coin de tranquillité, une presqu’île isolée au milieu d’un petit lac, ou se jetait un ruisseau. Cette surface d’eau était entourée, de roseaux et de pierres blanches afin de mettre en valeur le cercle parfait qui avait été édifié.
Les zori prirent places sur un minuscule radeau de bambou, et, à l’aide d’une corde accrochée à l’autre bout, la femme pus atteindre l’autre rive. Cachant son embarcation parmi les plantes, afin de ne pas gâcher le reste du paysage, elle ajusta les plis de son kimono, et reprit sa route sur un chemin de sable doux et fin, mélangé à des petits graviers blancs. S’étendait alors, un magnifique jardin: à chaque pas des senteurs différentes, la taille des plantes variait de manière à en donner le tournis à ceux qui n’étaient pas habitués à voir d’aussi beaux chefs-d’œuvre.
Des pins noirs et tortueux s’élevaient à des mètres de hauteurs, tandis que les cerisiers Hisakura et les érables Ginnala mélangeaient leur couleurs roses et rouges, leurs fleurs respectives commençant à tomber, atterrissant doucement avec le vent sur un parterre entouré de bancs et des lanternes sculptées à la main, incrustés d’ornementations.
Mais la femme ne s’arrêta pas devant ces divers endroits, propices au repos et à la sérénité, continuant d’arpenter ce jardin si tranquille, ou elle pu croiser des fontaines naturelles faites de pierres, ou ricochait l’eau dans un bruit apaisant, ou s’entrechoquaient des nénuphars entourant des Tsukubaï, qui permettaient d’éviter les oiseaux nuisibles. Les parterres de fleurs ne se comptaient plus, ou allaient et venaient des papillons de toutes couleurs et de toutes formes, mais le préféré d’Harumi, était sans nul doute le Moro-Sphinx, papillon ne s’arrêtant jamais de voler et ressemblant étrangement au colibri.
La jardinière, après avoir parcouru une bonne distance du lac, traversa un pont aux dégradés de rouges, entouré de bambous et d’iris. Elle se dirigea vers ce qu’ils appelaient tous au domaine, « le centre du jardin ». Au loin, un bâtiment qui semblait être au centre de tout le paysage, ou les orchidées et les lilas formaient des symboles de longévité au sol, la tortue et la grue. C’était le temple des anciens, lieux de repos ou les âmes ne mourraient jamais et pouvaient voir en tout moment n’importe quelle partie du jardin si grand du domaine. Autour de l’édifice, qui aurait pu accueillir une dizaine de personnes, fait de plusieurs étages et prolongeant ses pièces jusque dans les sous-sols, étant réservé à tous les défunts de la si grande famille, ainsi que les servants les plus fidèles, s’entrecoupaient des buissons taillés de façon esthétiques et des petites statuettes en l’honneur du lieu.
Harumi ne fit que passer encore une fois, arrosant les orchidées, et contournant le bâtiment pour donner rendez-vous à ses yeux avec ce qu’elle pensait être la « Merveille » du jardin. Des petites cascades, faisant bouger un peu plus bas des fleurs de lotus, l’eau un peu plus violente, longeait un chemin en contre bas, ou avait été construit une volière, faite de bambou entrelacés et à côté une serre pour la culture, la bouture et le croisement d’hybrides de fleurs, légumes et fruits.
La jardinière, après avoir donné leur nourriture aux oiseaux tropicaux, rivalisant de couleurs avec toutes les fleurs du jardin, elle dirigea ses zori dans la serre, ou d’autres comme elle venait continuer leur travail.
Harumi travaillait sur de nouvelles espèces de fruits et légumes afin de satisfaire la famille du domaine, ainsi qu’à la volière pour les soins des animaux. Ainsi l’on pouvait voir pousser en hauteur des Goya, ou encore ce que l’on appelait « la main des T’sen », étrange agrume qui faisait la fierté du domaine pour avoir été crée dans cette serre et énormément de nèfles et autre curiosités.
Mais ce beau jour de printemps, tout comme la signification de son prénom, allait être bouleversé par un tout autre évènement. La vieille femme qui lui faisait office de Senseï, avait aujourd’hui entre ses mains un pli, qui était adressé à Harumi. Cela faisait des années qu’aucun mot venant du domaine ne lui avait été adressé, ni même de l’extérieur. De ses doigts fins, elle déplia le message, portant le sceau de la famille. Ses sourcils se plissèrent alors, relevant sa tête de façon sérieuse, elle planta son regard dans celui de la vieille femme, il n’y avait besoin d’aucun mot, d’aucun son, Harumi décrocha simplement une fleur afin de la remettre à Anzu, qu’elle seule compris ce que cela pouvait signifier.
La jardinière quitta alors le fabuleux jardin, enivrant à souhaits, une lueur fermée baignant son visage T’sen, elle s’habilla, dénouant ses longs cheveux avec droiture, puis après avoir dit ses adieux aux autres servants qui travaillaient et qu’elle connaissait, elle passa les grandes portes cuivrées, séparant le jardin du reste du domaine, et pris le premier bateau, rejoignant la ville de Systéria.