[BG] Shineriasta Senger
Post by Shineriasta Senger, Ind. - August 17, 2009 at 6:16 AM
[HRP : L'idée du personnage Sil'ilos Sol a été abandonnée avant création, d'où le nouveau BG]
Journal de Shineriasta Senger
Frigide, cette mer est froide telle ma chère mère, que mes songes rongent sa carcasse fétide. Aujourd’hui j’ai tué. Ce n’était non pas par amour, mais par passion, sauvage, suave. Le sang parcoure encore mes veines à toute allure, les fauche de leur calme, ce pompement si lent et régulier qui m’habite oscille vers les cîmes de l’inimaginable. Ce fut trop rapide, les flammes du moment ont terrassé l’envi de savourer. J’oublirai sans doute un jour les sublimes détails du délice confus, mais l’émotion se fera immortelle en moi. J’écris, certes, je marque ces mots pour ne laisser l’opportunité au temps de faire ce qu’il accomplit avec le plus de perspicacité, dévorer la mémoire.
La Lune paraissait trembler à son zenith, les élévations obsidiennes m’encerlaient et m’étouffaient. Je progressai ainsi pas à pas, plongeant mon âme dans les ombres de lieux. Je m’ameubrevrai d’un désir se manifestant tel un rythme pulsionnel croissant, happant dans ma gorge chacun des soubresauts. Je pensai à ma muse en laissant le poids de mes semelles marteler d’un tintement régulier le pavé trempé par la pluie. J’appréciai la fine mélodie qui en émanait, complétée par mon souffle victime de l’avancée rapide. J’appréhendais le moment prochain, m’aveuglant des passants et témoins qui me virent fouler les marches de sa demeure.
Et une autre que moi se fit roi de mes sens et de ma raison.
La vengeance engendrait dans ses entrailles le doux luxe du plaisir. Le bâtard rentra à la maison pour la dernière fois. La valet lui ouvrit la porte du manoir en silence, d’un geste machinal, un de ceux que l’on répète jusqu’à l’exercer comme un spectre. Les regards ne se croisèrent guère. « Bonne anniversaire, Suliss’urn Shu. 100 ans, te voilà maintenant un homme. Au pied. » prononça une voix féminine et tiède, amusée même, à son entrée. Elle se tenait enfoncé dans un siège magnifique, droite, fière, les nobles doigts effilés reposant sur un globe de jade, incrusté dans une couronne obsidienne. Il ne pouvait cesser de fixer ses mains, parce qu’elles étaient aussi le miroir de les siennes, reines des sons qui ensorcellent les rêves et la pensée. Il obéit et vint s’agenouiller à ses pieds, ne bronchant guère alors qu’elle tirait vers elle sa tête d’une poigne solide encrée dans sa chevelure. Et c’est alors que les cieux cessèrent leur révolution, car d’une main il eut pris la sphère de jade et frappa, frappa, frappa, encore et encore, jusqu’à ce que de la tête au pied il fut couvert de son propre sang. Le temps revint à son cours et il s’enfuit en agrippant à toute hâte une rune de sa mère, disparaissant pour redevenir lui-même.
Je brûlerai tant et encore davantage de recommencer l’évènement, je m’abandonne à la fantaisie, qu’elle m’emporte sur son navire en amont des jours et heures. À avoir eu le temps à mon seuil, je l’aurais dénudée et enchaînée telle une chienne, comme elle fit à moi. Je lui cracherais au visage à chacune des fausses notes, la botterais à la poitrine pour toute bienséance insatisfaite. À avoir possédé la maîtrise de moi-même, je lui jouerais un dernier air de violon ou de piano, quoique l’orgue eut été de circonstance. Je savourerais. Je la ferais bâtarde en la coiffant d’imperutés, comme elle expia les miennes pour faire de moi un aristocrate. Si à une folie plus immense aurais-je succombée, je m’aurais fait un frère, un bâtard comme je le suis, mais j’aurais été clément et achevé sa vie avant qu’il naisse. Avant de la quitter, je l’aurais embrassée une dernière fois, la couvrirais du vin de sa cuve favorite afin qu’elle soit purifiée par les flammes de sa honte, elle et toute sa demeure.
Trois ans se sont écoulées, me voilà à nouveau sur la mer, la berçant de l’air de mon violon et je repense à ma muse. Le sable a enterré la démense et la rage, la passion et le calme renaissent en moi. Mes mains ne tremblent plus, la musique peut de nouveau emplir mes jours et les femmes mes nuits. Les marins et passagers me regardent avec méfiance, auraient-ils enfin des soupçons réels, ou ne serait-ce que la couleur de ma peau? Ma dernière berceuse nuptiale a noyé l’un deux, somnanbulisme ont-ils conclus. La vérité est qu’il avait tâter mon journal. Mère m’eut toujours appris à conserver mes secrets pour survivre, bien que je ne peux m’empêcher de les écrire, sans quoi je ne le peux, survivre.
Que les diables emportent mon baptème et que l’on oublie son épitaphe. Désormais, je ne saurais être nul autre que Shineriasta Senger. Je m’infiltrerai dans les songes et les artères jusqu’à ce que mon sang se fasse Roi. Ma musique et mes sortilègent envoûteront la chair et l’esprit. Systéria est infestée par l’illusion, le masque des apparences et croyances. Il sauront un jour que le monde est hideux, infecté jusqu’à la moelle. Je me ferai parasite de l’arbre blanc dominant ma nouvelle terre... puisque hélas je ne pourrai jamais revenir...