Bastongle Meringot, Gnome

Bastongle Meringot, Gnome

Post by Bastongle Meringot, Ind. - September 2, 2009 at 8:00 AM

Bastongle Meringot de la Colline de Vert-Mousse

« Alors comme ça le grand bonhomme ne sais pas où se trouve la Colline de Vert-Mousse? Par la barbichette de ma tante Alfrette! Mais tout le monde connaît ce village. Et tu verras, je te le dis, eux ils appellent leur petite plaine bossée une colline, mais ce n’est pas comme les nôtres! Faut pas s’y tromper par contre, ils ont beau être plat, il ne manque pas de quoi bien vivre là bas. Eux au moins ils ne sont pas près de ces grisous d’Elfes à la patte fourchue. Assez de ragots. Tu remontes le Coloré jusqu’à la Maison Verdoyante, prospérité sur notre bon Pilfo, tu t’y arrêtes en prenant soin de dormir à la taverne de la Boîte-à-Talon, celle de mon cousin, la meilleure, je te dis! Ensuite, quand tu auras le ventre plein, tu fais valise et tu remontes encore le Coloré jusqu’à mi-chemin de la Bourse Pleine. Hein? Comment savoir que tu es à mi-chemin? Mais quelle question! À mi-chemin se trouve l’Auberge du Mi-Chemin, grand niait! Ne manque pas leur spécialité aux aubergines, un régal de petit fermier gras! Ensuite, à trois lieux de là, nos petits lieux, pas les interminables tiens, à travers une large route, où peut-être un sentier pour tes grands pieds… en direction d’où se couche le Soleil… l’Est ou l’Ouest… je ne sais plus… m’enfin, pas grave, par là! Et c’est là que tu vas arriver à une clairière. Il y a la ferme de madame Bibine tout près, une brave petite femme veuve, la pauvre, si tu passes la voir, elle qui se sent si seule, elle te donnera peut-être un panier de champignon, les meilleurs de la route! Où en étais-je… Ah! Oui! Vert-Mousse. Bref et blabla, tu continues encore un peu dans le gros chemin jusqu’à ce que tu vois « Bienvenue Vert-Mousse » et c’est là que tu vas savoir que tu es arrivé. Tu vois, pas besoin d’un dessein pour savoir s’y rendre! Et avec tes grandes godasses, ça te prendra que trois jours au lieu de cinq, je paris. Et au fait, je ne voudrais pas paraître d’être celui qui lance mon oreille sur la tête du maire, mais qu’est-ce que fait un pas-du-tout-petit par ici?»

Et c’est ainsi que le village de Gratte-Mer nota dans ses annales le passage d’un Homme, non pas un petit-hommes, voisin des Gnomes, et dont l’on y est habitué d’en voir et d’en revoir, mais un vrai grand Homme, qui d’autant plus n’est pas Berguenois, mais l’un de ces frigides soldats de Zanther. C’est ainsi que Azerath Léopheron, Colonel de la division Tigre Blanc sous les armées de Merodach de Xerdonia fit son chemin jusqu’à la Colline de Vert-Mousse, faisant jaser les habitants sans manquement.

Arrivée à destination, l’on pouvait remarquer le paysage relativement plat des lieux, qui avait par l’orgueil des Gnomes de l’endroit créé une architecture fort singulière, quasi troglodyte. En effet, la plupart des demeures, plutôt que de s’enfoncer au niveau du sol plat dans une colline surélevée, furent creusées à même le sol et remblayée en hauteur de terre où l’on prit soin d’y refaire pousser l’herbe. La différence prend toute sa forme dans l’existence d’un escalier pour « descendre » chez soi. Les gens des villages voisins s’étaient plus à appeler ces demeures cocasses des « Trous-de-Gnomes ». Afin de s’assurer que le paysage ne ressemble point à une série de trous dans des champs au sol irrégulier, et c’était précisément ce qui faisait la célébrité des lieux, les Gnomes de l’endroit était devenus spécialistes pour ériger des tours et bâtiments de hauteur de toute sorte. Ne vous méprenez pas, néanmoins, un Gnome aime avoir les deux pieds sur terre lorsqu’il dort : nul n’habitait ces bâtiments. Nombre de ceux-ci n’étaient qu’une pure décoration, faisant la fierté du tenant des lieux, trônant directement au dessus du « Trou », alors que d’autres étaient des lieux publics : bibliothèques, mairies, musées (ô combien nombreux!), etc.

À chaque année même, l’on ne manquait d’organiser un grand concours, attirant des touristes de partout dans la région, afin d’admirer ces créations et d’en récompenser les créateurs des plus originales. Certains ne pouvant résister à l’envi de faire tenir le leur par quelques artifices surnaturels, ce qui n’était en rien considéré de la triche. L’effet pervers s’en faisait toutefois sentir tôt ou tard, car ces petites additions demandent une alimentation arcanique assidue. Il ne suffisait alors qu’au propriétaire des lieux de tomber malade ou de mourir pour que le tout s’écroule comme un château de carte. Évidemment, ceux dont l’édifice s’écroulait que parce qu’ils avaient oublié l’entretient ponctuel ou pis, par incompétence, ne manquait d’alimenter les moqueries des villageois pendant des semaines!

À tout ceci, le Colonel Leopheron n’y avait aucune sensibilité. Il s’avançait d’une démarche martiale endurcie, le regard rivé vers sa destination, n’ayant cure de ce qui pouvait bien s’y passer. Enfin, il arriva à bon port et se trouvait alors devant une indication de bois où était gravé « Bienvenue chez les Meringot », s’en suivant un petit sentier pavé de pierres inégales, menant à un porte ronde à angle oblique contre le sol d’une colline artificielle. Au sommet de celle-ci, l’on pouvait y voir la tour des Meringot, branlante et d’allure instable, comme si l’on avait amonceler divers matériaux, pierres, bois, fer et cuivre, sans respect pour la gravité. Une grande hélice de moulin à vent trônait à son centre, tournant au rythme du vent, alors que divers ornements sculptés de bois s’ajoutait à la structure. L’on pouvait même y voir un petit balcon, accessible depuis un escalier en spiral au centre de la structure, qui donnait accès à un imposant télescope intégré à même la structure. Bien qu’elle était impressionnante, cette tour était peu ambitieuse comparée à certaines autres de Vert-Mousse dont les voisins s’amusaient sans cesse à parier le moment exact où elle s’effondrerait. Tout autour du bâtiment s’épanouissait un jardin magistral pouvant fournir ne provision constante une bonne douzaine de Gnomes. L’Homme se pencha alors sur le petite trappe et cogna par trois forts coups séparés l’un de l’autre d’un lapse de temps parfaitement égal. Aussitôt, l’on entendit depuis les fenêtres tout en bordure de la butte de terre des échos de trébuchements, de tintements de casseroles et quelques juteux jurons.

C’est à ce moment qu’un curieux personnage ouvrit la porte au mystérieux de Zanther. De lui dirions-nous qu’il avait la singulière particularité d’être plus large que haut et de n’avoir pour seule encrage à sa tête que la mi-chemin de ses épaules, comme si nul cou apparent supportait cette tête ronde. Contrairement à bien des gens de son peuple, ce gnome avait hérité de sa mère un nez des plus crochus, en pointe. D’extravagance manifeste, il portait un manteau en plumes brunâtres, ce qui lui donnait l’allure d’un hibou bien gras. Cette image ne pouvait échapper à personne qui le voyait, car sourcils imposants et touffus, ainsi que calvitie et touffes de cheveux au dessus des oreilles effilées étaient au rendez-vous. Ses courtes jambes de porcins semblaient supporter le poids de l’Univers sur elles-mêmes, mais une telle masse les avait en vérité bien solidifiées. Ses bras, quant à eux, étaient tout juste assez long pour que ses deux mains puissent se joindre l’une et l’autre au niveau de son nombril, même que les soirs de festins la chose devenait ardue. La bête portait à son visage un sourire radieux qui lui donnait au moins l’opportunité de paraître plus humain qu’un crapaud mutant. Quelque peu vieillot, il portait une barbichette brune au menton aux pointes blanchies, ainsi qu’une moustache plutôt épaisse aux pointes allongées et enroulées. Pour couronner le tout, l’être à la fois minuscule et énorme reposait son poids sur une canne en bois d’acajou incrustée de pierres semi-précieuses sans valeur particulièrement importante, s’agençant aux innombrables bagues immenses qu’il portait à ses doigts boudinés.

Les deux individus aux proportions tragiquement inégales se regardèrent en silence pendant un moment. Le Gnome, nommé Bastongle Meringot, fronça les sourcils à un point tel que ses yeux semblèrent disparaître sous leur imminente masse. Le Zanthérois, quant à lui, se tenant immobile et impassible tel le roc. Après un délai qui sembla interminable, l’obèse souffla entre ses dents une injure que je n’oserais répéter et tenta de claquer violemment la porte pour retourner à trou. L’homme fut hélas bien plus vif et d’un pied il entrava la trajectoire de la porte, en bloquant la fermeture.

Le visage du rondelet s’injecta de sang à en devenir rouge telle une tomate et il souffla alors entre sa moustache :

«- Mais qu’est-ce que tu viens faire ici?! Tu vois pas que je suis retraité? Après 15 ans tu viens me chercher? Tu crois que j’ai encore la forme pour un travail? Ma foi de Gnome tu vas retourner chez tes hommes en uniforme et me laisser tranquille une bonne fois pour toute

C’est ainsi que le village fut témoin du départ, dans son essence honteuse, de Bastongle Meringot, le fameux « Globe-Gnome » de Vert-Mousse. À la sortie du village, une calèche les attendait pour les amener au port. Les soldats présents ne pouvaient manquer de se moquer du Gnome qui se renfrognait en silence, la main avide posée sur ses grimoires de voyage. Il n’arrivait toujours pas à croire que ces hommes soient revenus le hanter après 15 ans de calme, 15 années qui furent suffisantes pour oublier cet ignoble et insensé jeu du destin. Il se voyait à nouveau le jouet d’une bande de soldat en manque de guerre. Pour le tourmenter davantage, les soldats lui racontèrent que le Général avait de nouveau songé à lui lorsque qu’il assista à l’exécution d’un nain grassouillet condamné pour avoir tenté de subtiliser du mythril des voûtes de la haute armée.

Ils prirent alors la mer vers Edagor, dans l’accomplissement d’une mission des plus pathétiques. Le Général, pour son anniversaire, avait exigé que le Gnome fasse une reconstitution de l’évènement dans les moindres détails, avec cette fois un cabot similaire qu’il avait acquis à prix fort dans l’unique but de le sacrifier pour son bon plaisir. Il est de ces dictateurs dans le monde qui savent tenir d’une poigne de fer terrifiante leurs armées, mais se trouvent à éprouver un humour tout aussi déroutant et effrayant pour ceux qui subissent l’étendu sans limite de leurs caprices.

Le destin frappe aveuglément les êtres qui le subissent dans l’incohérence la plus totale de leurs espérances. C’est en route vers Edagor que le navire Zanthérois fut assiégé par des pirates de mer. Vaillamment, tous se défendirent contre les envahisseurs s’hissant à bord, alors que le Gnome en profita pour se cacher dans la calle, non pas qu’il était couard, mais il espérait bien que les maîtres de son insipide martyr puisse périr. Ses prières furent tôt réalité, mais les flibustiers ne manquèrent guère de le débucher dans sa tanière, soit tout juste derrière le butin.

Il y a dans ce monde des êtres qui par leur simple nature s’attire à la fois une chance inexplicable et des malheurs ironiques. C’est son physique ingrat, un Gnome si obèse qu’il en devient presque plus large que haut, qui amusa au plus au point les invités dans le navire. Pour eux, comme pour les soldats précédents, il ressemblait davantage à un item de divertissement quelconque plutôt qu’à être vivant. C’est ainsi que la providence se fit cocasse et Meringot fut enfermé dans un baril de bière vide. Ce jeu le sauva de leur sabre, mais ne l’épargna point de la suite. Comme une bouteille à la mer, son baril fut solidement attaché à trois autres, vide et étanche, pouvant flotter, et ils furent balancés à la mer. Lorsqu’il fut abandonné à son sort dans les rires gras et sans classe de la racaille des océans, le navire avait déjà fait bien du trajet, et les quelques jours passé sur le pont enfermé dans un baril lui avait permis de s’éloigner d’Edagor et d’approcher d’une terre bien plus insignifiante : Systéria.

C’est ainsi, que d’une manière de plus inusité et hasardeuse, comme seul un destin étrange saurait prédire, un gnome aux formes particulières, abouti presque entièrement dépouillé dans une nouvelle cité. Alors que les barils erraient non loin de la côte, il fut repêché par une patrouille côtière. Eux aussi ne surent que rire en le voyant, mais le rire à ses avantages, et l’euphorie qu’il amène sure les rendre assez aimable pour les soumettre au processus régulier d’immigration. Le malheureux se trouvait désormais pauvre, au milieu de nulle part et loin de sa terre d’origine, prêt à confronter cette nouvelle vie, inattendue, qui le frappait tel un oiseau de malheur…