Alyssa & Tristan d'Aechmae

Alyssa & Tristan d'Aechmae

Post by Alyssa d'Aechmae, OdS - August 5, 2010 at 11:35 PM

Là où est la musique, il n'y a pas de place pour le mal.
Là où est la justice, il n’y a pas de place pour le bien.

**AN 39 T.E., PREMIER VAROS D'EMBRUS, MATIN **

–\tEs-tu nerveux, Simon ? Avait-elle soufflée dans le creux de son oreille, tout en décorant une chemise de sa main douce, pâle, alors qu'elle venait à détacher calmement les boutons de celle-ci. Appuyée sur le lit à la fois piteux et envouté de tant de souvenirs, la demoiselle aux cheveux si blonds dressa le menton vers son interlocuteur, celui-ci toujours placé dans la même position qu'il y a quelques minutes. Assit contre le cadre de la fenêtre, il observait, un sourire ornant ses lèvres basanées.

–\tAvec de la chance, je croiserai peut être l'homme que nous traquons depuis tant de lunes... Tu le sais bien, Angella, mon absence de parole est bien loin de la nervosité..

Dressé désormais sur ses pattes, le jeune adolescent basané s'approchait avec lenteur de l'armoire fait de bois, cueillant à l'intérieur de celle-ci les pièces d'une armure dont le buste de celle-ci était orné de différentes marques, toutes aussi importantes les unes que les autres. Ou plutôt, toutes symbole de cet empire ou ils vivaient ; Bregunia. Aidé par la femme aux boucles soyeuses, les sangles du garde furent rapidement installées, tirées et attachées. Retenant cette armure sur ce corps qui se détourna de la fourniture, faisant face à la demoiselle tant blanche, tant belle.

–\tJe t'ai promis la lune et un Empire ou tu n'aurais pas à avoir peur d'y vivre. De t'y promener avec les enfants, de t'y marier avec un homme. Moi de préférence.. Héh. Avait-il pincé en parcourant les bras de la demoiselle du plat de ses paumes robustes, rapprochant ainsi celle-ci d'un geste plutôt brusque, mais remplis de bonne attentions. Nous vivrons bien, Angella...

Elle l'en avait appuyée, prête à le suivre aveuglément dans cette démence qui le liait tant à cette femme. Qu'allait dire les membres de la garde en sachant la bonne nouvelle? Har, ils allaient capturer le voyou et célébrer un mariage, c'était parfait pensait-il. C'était dans les règles de l’art, on parlerait de ça encore quelques temps. Tout en glissant les gants contre ses mains, le regard pétillant du jeune adolescent vacillait autour de lui, observant chaque villageois d'un œil protecteur, de l'œil de la justice. Il fallait qu'il se montre, ce chenapan, osait-il espéré, quitte à blesser une personne, la ville serait sûr pendant de longues semaines sans cette ordure. Et qui plus est... Simon avait affirmé à tout le monde qu'il l'attraperait ; il en était certain. Son honneur jouait sur cette crapule...

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-\t**Grand-frère, vite, on va être en retard à mon cours de violon ! ** le pressa Alyssa tout en refermant sa main sur un repli de la chemise de Tristan, tirant légèrement vers elle. **Vite, vite. Dame Abygaelle va être furieuse. **

Le jeune homme se contente, en retour, de secouer la tête avec amusement. Sa main s’égare vers la taille d’Alyssa, quelques pas plus loin, pour la prendre dans ses bras sans crier gare. ** « Hop ! » **s’exclame alors le plus âgé en étirant un large sourire amusé. La fillette s’agite un peu, puis éclate de rire à son tour.

-\t**Meh ! Mais c’est pas juste ! Toi elle te chicane pas parce que, parce que Grand-Frère il est un pro-di-ge ! Moi pas, si tu serais pas là, quand que j’ai mes cours, elle serait méchante, je suis sûre ! **

Tristan replace tranquillement Alyssa dans ses bras, laissant cette dernière l’enlacer au cou alors qu’il continuait tout bonnement la marche, amusé. Il affirma par la suite, au cours du trajet, qu’il était tout autant prodige qu’elle, mais qu’en plus, elle était mille fois plus jolie. Il continua à extrapoler sur le futur mari et les grandes réceptions qu’elle donnerait, qu’il l’accompagnerait au piano et qu’ils joueraient une musique jamais vue. Rêveuse, Alyssa acquiesçait à chaque propos avec un enthousiasme montant. Elle serait habillée comme une princesse et son frère comme un prince. Elle aurait le plus beau violon au monde ; un violon blanc très blanc, et son grand-frère serait aussi beau qu’un ange. Parce que Tristan, c’est le meilleur grand-frère qui soit, elle se marierait avec lui, un jour !

Et sa sœur toujours dans ses bras, Tristan repoussa la porte de la salle de leçon, saluant d’un sourire la dame qui plaçait déjà les chevalets et les instruments.

-\t**Laissez la porte ouverte, damoiseau, damoiselle, la chaleur est accablante pour ce mois d’Embrus… **

**AN 39 T.E., DEUXIÈME MANIL D'EMBRUS, AVANT-MIDI **

- Soldat Merrens, à votre gauche ! Hurla l'un de ses compagnons de parade alors que, d'un geste rapide orné d'un soupçon de bravoure, l'homme basané fit un pas de côté, arrêtant son corps d'un geste brusque alors qu'il le voyait. Il était là, petit, maigre... Jeune. Trop jeune pour sa réputation, bougonnait-il.

Tel les livres des grands mercenaires rencontrant leur proies, Simon Merrens et l'assassin se permit un temps d'arrêt, soutenant tous deux leurs regard semblables... Tous deux pensant la même chose : La réputation, l'honneur. Puis, d'un geste rapide, le rouquin fit volte-place, renfonce son chapeau sur sa tête et s'élança dans une course rapide, suivit par l'homme armuré, le souffle court sous la pesanteur de la plaque qui effleurait sa peau sous chaque pas, brulant celle-ci par moment.

–\tArrête-toi ! Eut-il réussi à crier dans sa course, tout en baissant sa main vers le pommeau de son arme, rendant sa course un peu plus assurée, prêt à dégainer.

L'enfant s'arrêta net, manquant de faire tomber le garde sous un arrêt trop brusque, laissant une fumée de poussière s'élevée du sol, au côté de ses bottes. Un silence de plomb vint prendre place alors que les deux jeunes hommes restaient placés au milieu de la ruelle, observé du coin de l'oeil par les curieux.

Sa main posée sur son épée, Simon sourcilla en fronçant son faciès, tout en observant le dos de l'imposteur. Tue le.. Arrête-le... Bouge, bon dieu ! Pensait-il alors qu'il commençait à trembler lentement, laissant sa main frôler le pommeau de son arme à diverses reprises. Un sourire. Délicat, sournois et gauche étira le visage du jeune homme roux, tournant un peu la tête pour laisser cette dentition apparaître aux iris vertes du soldat figé. Tout en mâchant un juron, le dit soldat vint refermer sa main sur l'arme, tentent de dégainer celle-ci qui, cependant, n'en fit rien. Accrochée à son fourreau, l'épée ne voulait sortir. Et... Il baissa les yeux sur cette arme, tout en enchaînant les gestes brusques pour tenter de la sortir de là.
Il prit la fuite. Sans se retourner, sans jeter une œillade au soldat Merrens.
Il était parti d'un sourire malsain, laissant Merrens dans sa colère noire, toujours à tenter de défaire l'accrochage de son fourreau.

–\tSoldat Merrens ! Hurla l'un des hommes dans son dos d'une voix forte, autoritaire, figeant les muscles de l'interpellé alors qu'il relâcha son épée, se tournant en baissant dignement la tête.
–\t**Je ne sais pas ce qui s'est pass... **

-**Passé ?! Me dites-vous vraiment que vous ne savez pas ce qui vient de se dérouler, alors que le criminel s'est enfui ?! Vous deviez l'arrêter, vous en étiez capable, vous le teniez ! ** L'expression fermée, désespérée de l'attitude de son subordonné, le sergent serra les dents, tirant les reines de sa monture en s'approchant de Simon, contournant celui-ci avec simplicité. Les sabots de la bête claquaient le sol, laissant ce son désagréable monter aux oreilles du dépité. De nouveau, le soldat tenta de s'exprimer, d'expliquer mais cette fois, ce fut le tour de son coéquipier de cracher son venin, tirant sur l'arme de son fourreau facilement. Tous furent surpris, voyant la facilité qu'avait eu le garde à sortir l'épée de l'étui du sergent Merrens alors que lui, quelques minutes plus tôt...
Jurait sur son honneur que son arme avait été bloquée.

-**Je vous l'assure Sergent, je ne suis pas de mèche avec cette crapule.. Elle était bloqu... **

–\t**Était ! Voilà d'autres insultes ! Votre arme était bloquée, Soldat? Vous êtes vraiment le pire, jurer sur son honneur... Vous êtes renvoyé, rendez votre uniforme dans le courant de la journée. Vous autres, en avant, le criminel peut toujours être dans les parages ! **

Un hennissement, des saluts militaires et... La ruelle redevint déserte. Même les villageois avaient repris leurs occupations, laissant l'ex-soldat en pleins milieu, seul, incapable de bouger ni de faire quoi que ce soit.
Que venait-il de se passer...
Avait-il réellement hésité...
L'avait-il laissé partir...?
Pourquoi n'avait-il pas été capable de dégainer...?
Pourquoi... Avait-il été jusqu'à jurer...

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Elle ne croyait pas que son violon pouvait faire un son aussi acerbe. Elle ne pensait pas non plus que le piano pouvait être aussi désaccordé. La chaleur était vraiment étouffante, aussi, et la Dame Abygaelle vraiment irritante. Il y a rien qui allait vraiment, et Alyssa s’en énervait. Pour jouer du violon, savait-elle, il fallait jouer avec son cœur et avec ses émotions. Du coup, jouer en étant aussi de mauvaise humeur ne produisait pas un seul son satisfaisant.

Mais tout de même, quand elle s’autorisait un regard vers son frère, fidèlement assis sur le banc près de la porte à l’attendre, son cœur se détendait. La fillette souriait alors, de toute franchise, et arrivait à lui arracher un sourire similaire à tous les coups. Et à toutes les fois, son malheur se dissipait, parce qu’il était là. Qu’importe si tout va mal, grand-frère restait près d’elle pour lui prendre la main. En échange, pour qu’il soit fier d’elle, elle avait enchaîné un nombre impressionnant de compositions et de gammes, et acquis une dextérité avancée propre aux violonistes. Avec milles efforts, elle arrivait à rayonner et à étinceler.

Mais aucunes mauvaises journées ne pouvaient se solder par un vrai sourire sans lui. Et malheureusement, celle-ci était désastreusement mauvaise. La porte avait été laissée ouverte, pour la chaleur. Abygaelle l’avait retenue par une brique sous les recommandations de Tristan. Pourtant, elle s’était claquée. Claquée brusquement et sans avertissement, avec tant de surprise qu’Alyssa en échappa presque son archet, et qu’Abygaelle enchaîna un mauvais accord. Devant la porte fermée, un homme maigrelet revêtissait un sourire affreusement inquiétant.

« Pourquoi je me suis levée, ce matin? Grand-frère !» songea brusquement Alyssa, tout en laissant tomber son violon et son archet au sol, terrorisée.

** « Pourquoi je donne des cours, aujourd’hui ? Je me fais trop vieille» **, murmura Abygaelle avec amertume, son vieux cœur battant pour une dernière fois.

** « Je devais veiller sur elle… qu’est-ce que j’ai fait?» ** s’inquiéta Tristan en couvant sa sœur d’un regard protecteur. ** « J’ai échoué… Pardonnes-moi, Alyssa » **

Parce que les impressions sont toujours bonnes, l’homme n’avait rien de bon.

**AN 39 T.E., DEUXIÈME MANIL D'EMBRUS, SOIR **

Elle y est encore. Là-bas.

\tLà-bas où le sol de bois est tout différent, maintenant. Là-bas ou les chevalets et les instruments sont emboîtés les uns aux autres. Là-bas, où les archets sont plus porteur de malheur que de bonheur. Elle y est encore, à genoux comme pour prier Thaar, le regard vidé d’expression. Elle ne sait plus vraiment comment penser, ni même comment parler. Elle est juste là, tout simplement, et elle se croit à la fois aveugle, sourde et muette. C’est mieux comme ça, qu’elle se dit peut-être à quelque part. Mais même à ça, sa conscience est beaucoup plus loin, quelque part entre le violon détruit et la tête de son grand-frère. Oui, quelque part par là, sans doute.
\t
Parce qu’il fait très noir, ici. Si avant la musique engloutissait l’endroit de ses vibrations, de ses notes et de ses chants, c’est plus le cas du tout. La lumière que les violons et les harpes échappaient s’est fait manger par le noir et le sang. Ça fait peur un peu. Dehors aussi, il fait noir. Il y a plus beaucoup de gens, et il y a plus du tout de musique, et c’est peut-être mieux comme ça. Elle ne voudrait pas que d’autres musiques soient mangées, ça serait dommage.

\tDe toute façon, le temps s’écoule très rapidement, ou pas du tout. Il passe ou il reste, il s’en va ou il revient. Elle ne sait pas. Elle sait juste que le sang ne bouge pas, que Tristan ne se relève pas et que Madame Abygaelle non plus. Elle croit avoir pensé que Bregunia avait perdu une excellente violoniste, mais elle n’en est plus sûre. Elle n’a pas non plus songé qu’elle allait être en retard pour le souper, et elle se souvient plus à quel heure il est, non plus. À dire, elle ne sait plus quel heure il est. Finalement, elle ne sait rien. Elle sait juste qu’elle ne sait rien, et qu’elle n’a pas envie de savoir. Elle sait aussi qu’elle ne jouera plus jamais de violon, parce que le sien est brisé, et qu’elle a plus envie du tout. En plus, elle a même plus envie d’écouter de la musique et ça elle le sait. Tout-à-coup, elle la déteste. C’est sa faute à elle, après tout, n’est-ce pas ?

La musique rassemble les gens, mais elle a rassemblé quelqu’un qu’il fallait pas. C’est sa faute, elle ne lui pardonnerait pas. Plus jamais, et ça elle le sait, elle sera une de ses fidèles.

Elle sait également qu’elle va devoir réveiller Tristan, parce qu’il dort longtemps, aujourd’hui. Mais elle se dit juste, pour le moment, que ça lui dit pas de penser à quoi que ce soit. Elle a juste le goût de rester assise au sol, de salir sa robe blanche et d’attendre un ange, ou quelque chose.

\tEt puis, un ange, ce n’est pas impossible. Un ange ça vient dans de la lumière, avec de grandes ailes et des yeux lumineux. Un ange, c’est comme ça. Et ça vient aussi avec du réconfort, et tout ça. Ça nous prend dans ses bras, ça nous amène ailleurs et ça nous met au chaud. Un ange, ça nous accroche aussi un sourire aux lèvres.

Et son ange à elle, l’Ange d’Alyssa, c’est un homme qui ne sourit pas, et c’est un homme qui n’illumine pas. Mais c’est un ange, elle en est sur. Un ange qui entre en chancelant un peu, et qui perd ses pieds très vite. Il les perd et le mur le rattrape comme il le peut, même s’il n’a pas de bras. Son ange se prend le visage dans ses mains, et son ange lui parle avec une voix qu’elle n’arrive pas à comprendre. Pourquoi il est triste ?
-\t**Pardon… ** murmura Simon en direction d’Alyssa tout en s’approchant d’elle.

Et l’Ange fait ce que tous les anges font, ils nous amènent au chaud et ils nous amènent ailleurs. « Mère m’a toujours dit de remercier les dieux et leurs anges… parce qu’ils nous sauvent…»

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C'était incompréhensible... Comment autant de choses pouvaient-elles se succédées les une après les autres de façon si rapide et si coordonnées ? Comme les membres de la gardes, elles s'étaient toutes rassemblées, s'étaient mis l'un à côté de l'autre et s'étaient saluées avant de s'éclipser. Sans rien laisser, un vide immense. La vie est bien drôle, osa-t-il souffler d'un ton sarcastique, tout en quérissant une nouvelle gorgée du liquide alcoolisé à même la cruche.

–\t**Connerie... **Bougonna-t-il en envoyant la bouteille s'éclater au sol d'un geste violent du bras, laissant celui-ci pendre dans le vide quelques instants après sa perte de contrôle, le corps chancelant.

Le travail, la femme, la réputation, la honte... Que lui fallait-il de plus ?
Trouver cet homme et tout regagner... Hic. Hic. Hic...
L'adolescent passa sa main dans ses longs cheveux d'ébènes, massant son visage de ses doigts par le fait même, tentent de se débarrasser de cet état saoul qui ne l'arrangeait guère. Malheureusement, il ne pouvait rien y faire, autre que boire, boire, boire encore. Heureusement, il n'avait plus rien, ne laissant que son corps errer dans la ruelle, effleurant parfois les murs lorsqu'il osait chanceler un peu trop d'un côté.

De nouveau, il laissa son épaule se presser contre un mur de brique, tournant légèrement sa tête en laissant celle-ci effleurer la brique en pressant celle-ci du plat de ses paumes, face à face. La nausée le prendrait sûrement, lui qui ne tenait pas du tout l'alcool. Mais pour le moment, il ne se sentait que... Lâche. Angella, poule de luxe vint-il à penser. Belle comme le jour, douce comme un pâle matin d'été, elle l'avait abandonné là. Un ex-soldat rapportait beaucoup moins qu'un soldat promus grâce à un geste héroïque soit ; capturer le meurtrier recherché. Les femmes sont stupides, avides...

Puis, ses iris tombèrent dans la noirceur en cette heure si tardive, coulant son regard à gauche, puis à droite, constatant les bâtiments fermés et cette ruelle si... Familière. Délirant et saoul, bien sûr, il lui avait fallu revenir sur les lieux ou il avait perdu toute crédibilité. Un faible rire passa ses lèvres, pressant douloureusement sa tête contre le mur sur lequel il était adossé, tout en frappant celui-ci d'un coup de poing. C'était injuste. Réparation demandée.

Il vint soupirer au bout d'un moment, demander grâce n'arrangerait rien.
D'un geste lent, toujours si saoul, Merrens se redressa, reprenant sa marche en s'appuyant sur divers objets serviables, comme plus tôt. Lampadaire, mur, caisses, fenêtre.. Bougie..? Clignant calmement des yeux, l'adolescent leva les yeux dans la fenêtre sur laquelle il était appuyé, observant la pièce très petitement éclairée par les bougies. Qui pouvait bien être debout à cette heure et qui plus est... Dans une salle de musique ? Poussant les portes pour passer celles-ci d'un pas lourd, maladroit, le jeune homme s'avançait dans le hall, posant sa main sur le cadrage de la porte, là ou donnait une vue sur la salle de répétition.

Une pièce baignée dans la noirceur, non pas matérielle mais tant mentale. Les iris de l'adolescent s'accrochèrent sur les instruments brisés près du mur, puis du piano délaissé, de la femme tombée près de lui, la tête recouverte de ses propres cheveux. La puanteur régnait dans l'air de l'endroit. Le sol était immaculé d'eau, le bois tantôt si propre n'était plus que poisseux, mouillé. Un regard de plus près, il s'approcha, posant une main sur le sol et il la vit. Cette couleur foncée, cette mixture gluante... Rouge. Un violon près d'un corps mort et puant. Une jeune fille, le regard perdu dans le vide, comme si elle avait vue la mort. Elle l'avait vue, elle était pressée contre les planches de bois.

Le corps lourds de Simon se pressa contre le mur puis se laissa tomber contre le sol, assit.
Le meurtrier avait repris une vie... Une nouvelle. Non, elle en avait arrachée deux. Celle du frère et celle de la sœur...

- Pardon... Souffla-t-il du bout des lèvres en se dressant sur ses pieds pour se relever, tout en s'approchant de la jeune fille terrorisée pour lui tendre les bras, la prendre dans ceux-ci malgré sa faiblesse d'esprit embrouillée par tant d'alcool. Parce qu'il devait le faire, il devait amener cette jeune fille en sûreté. Là était la seule chose qu'il pouvait faire...

**- Merci, Tristan... **Avait-elle dit, tout bas, de sa voix enfantine et rauque. Tristan... Voilà quel était le nom du cadavre. Voilà la raison qui poussait l'enfant à trembler, à être dans son état. L'amener au chaud, en sécurité, voilà ce qu'il devait faire.

...Il lui devait bien ça.


Post by Tristan d'Aechmae, Adm - August 5, 2010 at 11:44 PM

AN 43 T.E., DEUXIÈME LUDIS DE SOLUN, MATIN

L’enfant, désormais âgée de treize ans, était recroquevillée sous les draps de son lit rosé. Son corps tremblait légèrement et ses mains étaient fortement appuyées sur ses oreilles. Du salon, la musique enivrante du piano, des violons et des harpes venaient toquer jusqu’à sa porte. Et ça, elle ne le supportait pas. Chaque note serrait son corps et martelait sa tête, ça n’avait plus rien de délicat, comme avant. Plus rien du tout.

Et bien qu’Alyssa se débattait, sa mère arriva à la traîner jusqu’au salon, de peine et misère, et de l’asseoir sèchement sur une des chaises disposé. La musique était de plus en plus forte, chaque note lui tranchait toujours un petit bout de plus. «Je veux pas… Maman, je veux pas… s’il-te-plaît…» ne cessait-elle pas de murmurer tout bas, toujours plus refermée sur elle-même.

Puis vint le moment où les gens insistèrent. - «Oh, une petite revenante ! Elle va nous jouer un morceau ? Ce qu’on est choyé ! Allez, allez damoiselle Alyssa, je vous prête mon violon. Allez, allez damoiselle Alyssa, que pensez-vous d’une composition T’sen ? Allez, allez damoiselle Alyssa, venez juste là, juste au milieu. Allez, allez damoiselle Alyssa, je vous accompagnerai au piano. Allez, Allez damoiselle Alyssa, jouez.

Jouez.
Jouez.
Jouez.
Jouez.
Allez,
Jouez !»

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Sur son dos, une besace bien gonflée était retenue par sa main, laissant son coude piquer vers le ciel alors qu'un long chapeau plat, fait de paille couvrait son minois rongé par la honte. Par le passé. Son pas lent, trop lent laissait un craquement de bois à mesure qu'il s'avançait sur les quais placés derrière la ville du port. Avec un peu de chance, il n'y aurait personne en cette matinée trop fraiche, trop humide. Mais il ne fallait pas rêver, le beau temps attirait les pêcheurs comme la gamelle attirait les chats. Comparaison stupide et pourtant, voilà à quoi vaquais ses idées alors qu'il déballait calmement ses effets sur le bout d'un quai voisin de celui qu'il avait emprunté.

- Monsieur, est-ce que je peux vous regardez pêcher ? Avait soufflée un jeune homme du haut de ces 12 ans, tout ou plus. Une coupe de cheveux soigneusement organisée, la couleur blonde et sa peau de porcelet ne laissait pas réellement place à l'imagination, peut être trouvait-il la vie à la haute Briganne ennuyante. Ou peu importe la raison, sa place n'était ni là-bas, ni ici.

Un sans abris... Comme ils pouvaient être nombreux, ces temps y...
**- Non... Mais je suppose que tu ne partiras pas même si je te le demande..? **Le ton de voix bas, maussade, le pêcheur assemblait tranquillement les morceaux du tabouret sur lequel il poserait son fessier pendant des heures pour espérer cueillir un poisson de son nid.

Et comme il l'avait dit, le jeune blondinet eut tôt fait de prendre place sur les planches craquées du quai trop fragile, glissant ses pieds dans l'eau après avoir retiré ses mocassins. Peu importe, la compagnie n'est pas toujours ennuyante, surtout lorsque deux inconnus discutent.
La seule chose qui dérangeait ce silence était les bruits du port habituel, et ce, bien que normaux. Des enfants jetaient des roches à l'eau, sitôt chassés par d'autres pêcheurs qui affirmaient perdre ainsi du poisson. Parfois, un bateau partait ou revenait. Une chose toutefois demeurait inhabituelle ; les voyageurs, bien que rare, n'allait que très rarement quémander l'aide des pêcheurs.
Milles bateaux de croisières ou de voyages étaient beaucoup mieux disposé et pourtant, d'où il était assis avec son jeune compagnon d'un jour, les demandes de voyages d'une voix claire s'envolaient jusqu'à lui. Tant pis, se contentait-il de songer avec désintérêt en ramenant son regard contre sa ligne. Les gens font bien ce qu'ils veulent.

**- Comment faites-vous pour attraper vos poissons, sans chaudière ? ** L'interrogea-t-il la première fois que la pêche fut bonne. L'ancien mercenaire ramenait avec de petits coups brusques la bête hors de l'eau, empoignant celle-ci dans sa paume robuste en entamant de défaire l'hameçon de sa lèvre volumineuse.

**- Je ne pêche pas pour manger, ni pour priver les poissons de leurs libertés.. **Une petite pause marqua la moitié de la phrase alors que, toujours avec une certaine aisance, le pêcheur retirait l'hameçon de la gueule du poisson. **Pour se nourrir, bien des personnes, autant animales que créature, qu'humaines, sont prêtes à souffrir pour passer une journée de plus en vie, le ventre pleins... Je permets à plusieurs poissons de se nourrir, voilà tout... **

**- Mais c'est stupide ! ** Rétorqua le gamin aussitôt tout en gonflant légèrement ses joues pour rendre la scène plus... Pathétique encore. **Ils mangeront vos vers et ensuite irons manger ceux des autres pêcheurs en se faisant manger ensuite ! **

D'un geste lent, l'homme délaissa l'étreinte qu'il avait sur le poisson, laissant celui-ci regagner aussitôt la mer. - Peu importe... Je leurs montre le danger, à eux de vivre ensuite...

Le temps passa ensuite, laissant les mots cette fois être coutume. L'enfant parlait calmement en questionnant le pêcheur qui répondait du mieux qu'il le pouvait, quand bien même aimait-il être seul, la compagnie de ce petit pleins d'ambitions ne le laissait pas de marbre.

Ambitions...
Travail...
Vie...
Humiliation...
Humiliation...
Meurtre.

Et la nuit tombait paisiblement. Le garçon était rentré et le jeune homme rangeait calmement ses effets dans sa besace. Celle-ci se retrouva alors comme au début de la journée à se lover contre son dos, retenu par sa main ainsi que le coude qui piquait vers le ciel. Le ciel... Ce ciel devenu encré de noir après tout ce temps. D'une lenteur maussade, toujours, l'air d'un chien battu ; l'homme parti en direction de la taverne, peut être trouverait-il encore une fois, le courage de se refuser aux vices auxquels, il le savait, il n'avait pas le courage de luter..

AN 43 T.E., DEUXIÈME LUDIS DE SOLUN, SOIR
…Avoir perdu sa vie, ses amours, ses passions.

Comment pourrais-je expliquer le vide qui m'oppresse, depuis toutes ces années.
Mon goût pour la vie en elle-même se dégrade de jour en jour, regardez-moi, je ne suis qu'un vulgaire pêcheur. Je vis ou les brigands vivent, je dors là ou les catins s'abandonnent, tout est devenu pourris. Mon amour propre à foutu le camp, lui aussi. Je suis fini, je n'ai plus rien, je n'aurai plus jamais rien...
Je déprime, je crois que je suis devenu amers, comme l'alcool que j'ingurgite à chaque heure.

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Je… je ne croyais pas que ça pouvait faire si mal. Je crois que je me suis arraché le cœur qu’il me restait, ça fait mal, vraiment. Où sont mes anges ? Ou est mon ange ? Tristan est mort, il reviendra plus, han ? Il m’avait sorti de là, mais il reviendra plus le faire… Avant, je me réconfortais au violon, mais j’arrive plus à le voir. Qu’est-ce que je vais faire ? J’ai été assez idiote pour partir, maintenant ils voudront plus de moi, ils me voulaient même plus, d’abord. Si on ne joue pas, on ne sert à rien. C’est stupide.
La musique m’a rendu orpheline.

…Avoir perdu sa vie, ses amours, ses passions.

Pathétique. Ce nombre de gens qui s'amoncellent dans les bars sitôt le soleil couché, pensant améliorer leur sort. Ils n'espèrent probablement plus rien, de toute façon. C'est un rituel, une habitude, d'aller sans cesse au même endroit jour après jour. Et pourtant, ils y sont toujours, très fidèles. Un homme, deux hommes, trois hommes, une bonne vingtaine finalement. Quelques femmes sans trop d'intérêts, à demi dévêtue et complètement ivres. Et au milieu de tout ce bazard de décadence, une fillette aux cheveux ébouriffés qui pousse la porte d'entrée.

Une bonne dizaine de choppe par tables, les une entassées près des autres pour faciliter les contacts humains quadruplés par l'arrivée des femmes de joies. Des hommes à une table, puis un voisin d'eux restait maussade, bien qu'entouré de jolies cuisses qui n'eurent tôt fait de se refermer sur les siennes, désirantes et surtout, ivres. Une œillade en direction de la fillette, les gens ne cessaient pas de boire ni d'insulter malgré l'entrée en scène de cette enfant, jeune et pourtant courageuse au point de franchir la taverne du port, en pleine nuit.

Elle demande de l'aide à des hommes qui ne cherchent que la gloire, la luxure et... Le profit. Les yeux verts d'un bâtard se posent sur la fillette, attachant ses iris à celle-ci, observateur. La fillette suggère alors, avec une fougue impressionnante, sans doute motivée par une quelconque peur, une quelconque nervosité : « Amenez moi loin d'ici ! Amenez-moi où personne ne va ! » Quelques rires gras, des refus, des marchés beaucoup trop malsains pour elle. Les badauds commencent à l'entourer, avide d'on-ne-sait-quoi motivé par trop d'alcool.

La boisson abruti, et fait perdre le sens de la morale, même pour le plus vertueux des hommes.

Des mains se baladent un peu trop, et font un peu trop brusque. L'aventureuse gamine est repoussée sèchement contre le mur, et elle y est tenue par le plus saoul du lot. Les hommes ivres se redressent, s'insultent et se félicitent pour d'autres. Les femmes de joies rient de pleins poumons, tant usées peuvent-elles être alors que d'autres, jalouses de l'intérêt pour la princesse dont la peau rappelait celle des nobles, tiraient avec peine sur les bras des pêcheurs, quémandant leur attentions.
Un saoulons de plus se lève, accompagné par sa choppe et par sa démarche chancelante, laissant ses pieds chaussés de lourdes bottes noires claquer sur le sol alors qu'il s'avance. Il s’envoit une gorgée en trempant ses lèvres dans l'alcool une dernière fois avant de jeter celle-ci sur le mur, éclaboussant ainsi un peu la jeune fille, un peu l'homme qui la retenait.

Le dit porc qui la retenait la lâche brusquement, avant d'exploser de rire. ** « Fait ça ! T'même pas foutu d'faire deux pas ! » ** Il s'écarte, riant toujours à gorge déployé en se désintéressant soudainement de la peau claire. Quelques petites tapes sur sa chemise éclaboussée, un petit grognement suivi d’un autre rire.

L'homme hisse sa main à son visage, pressant fortement ses doigts contre son front alors qu'il tentait, avec peine, de se souvenir des propres mots sortis plus tôt de sa bouche. Ce visage, ces cheveux, cette voix, cette fille... Alyssa ? Il dresse le menton, baissant sa main aveuglément dans le vide, tâtant celui-ci des doigts avant de trouver l'épaule d'Alyssa. Il s'y appuya un peu pour rapprocher son visage du sien, parlant très bas alors que son haleine putride, embellit par l'alcool vint à caresser son visage.

Enchantée, cette dernière agrippe la main tendue avec vigueur, agitant celle-ci de bas en haut avec vivacité. Elle ne semblait pas du tout se soucier de l'état de son bienfaiteur, souriant candidement avec innocence.

Sans même demander la destination, l'homme se contentait de "Là ou personne ne va", pour l'instant. Trop saoul, trop pressé de dormir, il ne désirait qu'en finir au plus vite. Cependant, une faible grimace vint bousculer les rêves d'un bon lit douillet ; la princesse quémandait un lit, son lit. Et… Naturellement...
Il lui donnerait.

- Mmhr... Grogna-t-il tout bas en baissant sa main, la déposant dans le dos de la jeune fille en poussant légèrement celle-ci, dirigeant son corps chancelant vers les marches de cette taverne trop bondée, montant une par une celles-ci avec lenteur, manquant très souvent de perdre le pied. La chambre était à l'étage, sa clef dans sa poche, la serrure à demi-chemin entre le sol et le plafond. Tout devrait bien fonctionner, pensait-il en adossant son coude contre le mur, palpant ses poches en cherchant la clef qui devait y être, qui y était toujours. La forme en elle-même se faisait voir à travers le cuir du doublet à poches, mais, le pêcheur gradé au statut de sauveur de princesse n'y arrivait pas, trop ivre, trop.. Ailleurs.

Or, la princesse sauva son prince. Bien sûr, ce ne fut pas sans un soupire exaspérer. Une petite main se glissa dans la poche de l'homme, fouilla quelques secondes pour extirper la dite clef. Avec prestance, il vit la clef s'agiter sous son nez et s'esquiver jusqu'à la serrure. Celle-ci fut déverrouillée comme un charme. Sitôt la porte ouverte, sa nouvelle protégée s'était jetée sur le lit de la pièce, les bras bien étendu chaque côté d'elle et la tête bien enfouie dans l'oreiller plus ou moins douce.

**- Ça ira, j'imagine...**se résigna la gamine en se redressant d'un petit bond, repoussant ses chaussons pour les faire tomber au sol avant de se glisser entre les draps.

La créature maussade quant à lui, dépité au point tel de se laisser secourir par une jeune fille referma la porte à l'aide du poids de son corps pressé aux planches.

- Pourrais-tu, juste, me dire ou je dois t'amener...? Souffla-t-il avant de diriger son corps qui ne demandait qu'à tomber jusqu'à une chaise près du lit, sans doute avait-elle été l'endroit des vices de la nuit dernière, ornée d'une jolie femme. Mais, ce soir, elle était devenue le lit du crapaud. La position décontractée, lâche, il poussa un soupire exagéré, tout en fermant les yeux.

Et elle lui tourna dos, tout bonnement. Elle tira encore un peu les draps sur elle, à peine, trop rapidement gagnée par l'épuisement de sa journée, de ses ennuis. L'ivresse était sans doute une raison suffisante pour ne pas protester, puisqu’il n'en fit rien. Adossé à sa chaise, les mains glissées de chaque côté de son corps dans le vide, le crapaud hocha faiblement de la tête, tout en poussant un son bas, inaudible.

- C'est rien, Alyssa... Poussa-t-il à son tour, tout juste avant de se fermer à tout contact que ce soit verbal ou physique, il était trop saoul pour ça.